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4 décembre 2019
Cour de cassation
Pourvoi n°
16-25.787
SOC.
JT
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 4 décembre 2019
Rejet non spécialement motivé
Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président
Décision n° 11251 F
Pourvoi n° K 16-25.787
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. F… S…, domicilié […] ,
contre l’arrêt rendu le 14 septembre 2016 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 10), dans le litige l’opposant à la société Trimast Holding, venant aux droits de la société Insert centre ville affichage et promotion (ICVAP), dont le siège est […] (Iles caïmans),
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 5 novembre 2019, où étaient présents : Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Silhol, conseiller référendaire rapporteur, M. Ricour, conseiller, Mme Jouanneau, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. S… ;
Sur le rapport de M. Silhol, conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l’article 1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu’il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. S… aux dépens ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre décembre deux mille dix-neuf. MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. S…
Le moyen reproche à l’arrêt attaqué d’AVOIR dit le licenciement justifié par une cause réelle et sérieuse, et d’AVOIR débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
AUX MOTIFS QUE la lettre de licenciement pour faute grave en date du 8 juin 2007, énonce deux griefs dont le premier comprend deux motifs : – un comportement inacceptable de la part du salarié, membre du comité de direction, constaté directement et indirectement au cours des mois d’avril et mai 2007, consistant d’une part en des propos injurieux vis à vis de collaborateurs et de la direction, tenus devant d’autres collaborateurs qui ont été choqués de la violence de langage, d’autre part en des pressions psychologiques à l’encontre de salariés (surcharge de travail, propos blessants, insinuation concernant la vie privée et sentimentale), l’employeur estimant que ceci remet en cause la capacité du salarié à encadrer une équipe, et précisant que le changement de comportement du salarié a débuté en novembre 2006 avec son changement de fonction, – le non-respect des procédures internes et des décisions de la direction générale concernant l’engagement des dépenses à plusieurs reprises mais particulièrement en avril et mai 2007 ; la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; en présence d’un licenciement pour faute grave, il appartient à l’employeur d’apporter la preuve des faits reprochés, de leur gravité et leur imputabilité au salarié, les faits étant contestés par Monsieur S… ; l’employeur rappelle que le salarié était placé sous la subordination directe du président Monsieur U… et encadrait cinq services, explique que, très rapidement après sa nomination en qualité de directeur produits en novembre 2006, Monsieur L… vice-président et directeur administratif et financier, qui avait appuyé sa candidature auprès des actionnaires, constatait que Monsieur S… était devenu incontrôlable et adoptait une attitude autoritaire, agressive et insultante à l’encontre des membres de la direction, qu’il ne respectait pas les procédures internes ni les décisions prises par le directoire en engageant la société sans validation, et plus grave, la direction découvrait qu’il exerçait des pressions psychologiques sur ses collaborateurs ; l’employeur produit aux débats des pièces et attestations pour justifier ces griefs ; Monsieur S… conteste fermement les griefs qui lui sont reprochés et soutient que certains propos qui lui sont attribués ont été prononcés par Monsieur L… notamment ceux concernant Madame V… ; il relève que certaines déclarations concernant d’autres collaborateurs, notamment M. T…, n’ont pas été faites publiquement ; il confirme que ses relations avec Monsieur L… étaient mauvaises, celui-ci ne cachant pas ses ambitions et ayant exercé sur les équipes une emprise déstabilisante ; il soutient que le véritable motif de son licenciement tient au fait qu’il a refusé de reprendre son ancien poste de directeur Insert public lors de la nomination de Monsieur L… comme vice-président du comité de direction en mars 2007 ; il évoque aussi les difficultés de trésorerie en 2007 et la nécessité de réaliser des économies ; il fait encore observer qu’il n’a pas été mis à pied à titre conservatoire ; enfin, concernant le non-respect des procédures internes, il s’insurge contre ce reproche inexact et non corroboré par des documents ; concernant ce dernier grief, plusieurs dossiers sont visés, dont deux ne sont pas contestés par Monsieur S… : – l’opération d’affichage gracieux au profit de l’association des aveugles I… O…, mais cette opération avait reçu l’aval de M. L… et le montant en était minime, – l’appel d’offre de la ville d’Orléans ; une incompréhension est née à propos de ce dossier, le salarié soutenant avoir communiqué une plaquette d’information de la société afin qu’elle ne soit pas oubliée en cas d’appel d’offre ; à cet égard, l’employeur ne justifie pas que Monsieur S… a répondu à une campagne d’affichage et appel d’offre auprès de la Mairie d’Orléans de nature à engager la société ; que pour les autres dossiers, le salarié soutient que les reproches sont inexacts ou ne lui sont pas imputables ; il résulte de l’examen des pièces produites que si un réel désaccord sur les méthodes de travail existait ainsi que cela est établi par le courriel que Monsieur A… a adressé le 22 mars 2007 à Monsieur S…, il existe un doute, qui doit profiter au salarié, sur le non-respect par le salarié des procédures et des décisions de la direction ; que concernant le grief tenant au comportement de Monsieur S…, l’employeur indique que le changement s’est révélé à partir de novembre 2006 lors du changement de poste, comportement inacceptable de la part d’un membre du comité de direction tant au regard de ses écarts de langage que de son attitude avec certains collaborateurs ; Monsieur S… produit de son côté de nombreuses attestations qui ne contredisent pas utilement celles produites par l’employeur ; elles correspondent à des témoignages de moralité, dans la mesure où elles émanent de personnes totalement extérieures à l’entreprise Insert Centre Ville Affichage et Promotion, comme Monsieur R…, gérant de société et ancien juge au tribunal de commerce de Bayonne, ou de personnes ayant travaillé avec lui dans d’autres sociétés (Havas-Avenir) de 1984 à 2001 et qui louent son professionnalisme, comme Monsieur W…, ou de salariés qui ont quitté la société avant cette période comme Madame H…, ou de personnes de la société qui ne travaillaient pas directement et quotidiennement avec lui comme Monsieur P…, Madame D… et Madame G… ; que la cour relève que l’examen du compte rendu d’entretien préalable produit par le salarié montre que Monsieur S… ne conteste pas réellement les faits reprochés tenant à son comportement envers Mme V…, mais qu’il tente de les minimiser ; il cherche à en rejeter la responsabilité sur d’autres collaborateurs tels que Monsieur A… ou Monsieur L… ; il en est de même des griefs relatifs aux propos tenus sur Monsieur L… et Monsieur T… ; malgré les dénégations du salarié, qui soutient que le directeur financier M. L… était responsable de la dégradation de la situation, il ressort des attestations produites par l’employeur que son comportement à l’égard de la direction et de ses collaborateurs était inadapté ; ainsi, Monsieur B… indique-t-il qu’il a prévenu son supérieur hiérarchique Monsieur L…, début mars 2007, soit moins de deux mois avant l’engagement de la procédure de licenciement, du comportement de Monsieur S… à l’encontre de Madame V… en lui précisant que les méthodes de Monsieur S… constituaient selon lui un véritable harcèlement moral, attitude corroborée par plusieurs attestations précises et circonstanciées (Mlle K…, M. E…) ; il est aussi établi que Madame M… a fait l’objet de propos irrespectueux et sexistes, que certains salariés ne voulaient pas être rattachés à Monsieur S… comme Monsieur B… ; quant aux injures, Monsieur T… a été traité de la manière ouverte « ce n’est pas à ton petit comptable de merde de fixer sa loi » ; bien qu’il n’ait pas été proféré publiquement, ce propos nécessairement exprimé au cours des premiers mois de l’année 2007 compte tenu de la date à laquelle la demande de bonus a été présentée par le salarié était déplacé ; il est aussi avéré que Monsieur L…, vice-président, a été traité par le salarié de « connard », le 16 février 2007 en présence de collaborateurs, l’allégation de Monsieur S… selon laquelle aucune réunion n’aurait pu être tenue dans le bureau trop petit de Monsieur A… étant inopérante dans ce débat ; ces deux derniers faits ne sont pas intervenus dans le délai de deux mois avant l’engagement de la procédure de licenciement mais peuvent être utilement invoqués, l’employeur ayant appris dans ce délai les comportements inadaptés du salarié à l’égard de Mme V… ; néanmoins, la procédure de licenciement a été engagée par lettre du 23 mai 2007 alors que l’employeur indique que le comportement du salarié s’était modifié à partir de novembre 2006, au moment de son changement de poste, qu’il s’en déduit qu’il avait connaissance de certaines situations depuis plusieurs mois ; dans ces conditions, le licenciement est justifié par une cause réelle et sérieuse mais non par une faute grave ; la cour note que les arguments de Monsieur S… sur les difficultés économiques de l’entreprise, comme le souhait de Monsieur L… de l’évincer de la société sont inopérants au regard des reproches justifiés et tenant au comportement du salarié.
1° ALORS QU’il incombe au juge de rechercher, au-delà des énonciations de la lettre de licenciement, la véritable cause du licenciement ; que le salarié a soutenu que l’employeur avait décidé de l’évincer suite à la nomination de M. L… en qualité de vice-président du directoire, qu’il avait voulu lui imposer un déclassement et qu’il avait été licencié d’une part, à titre de rétorsion après avoir refusé ce déclassement et, d’autre part, pour un motif économique ; qu’en s’abstenant de rechercher si la véritable cause du licenciement n’était pas autre que celle énoncée dans la lettre de licenciement, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard des articles L 1232-1, L 1232-6, L 1235-1 et L 1235-3 du code du travail (dans leur rédaction applicable au litige).
2° ALORS subsidiairement QUE la contradiction de motifs équivaut à leur absence ; qu’en affirmant que M. B… avait prévenu son supérieur hiérarchique moins de deux mois avant l’engagement de la procédure de licenciement, quand il résultait de ses constatations, d’une part, que M. B… indiquait l’avoir prévenu début mars 2007 et, d’autre part, que la procédure de licenciement avait été engagée par courrier du 23 mai 2007, ce dont il résultait nécessairement que le délai de deux mois était expiré lorsque la procédure de licenciement avait été engagée, la cour d’appel a entaché sa décision d’une contradiction de motifs en méconnaissance de l’article 455 du code de procédure civile.
3° ALORS, surtout, QU’en matière disciplinaire, le délai de prescription des faits fautifs est de deux mois ; qu’après avoir constaté que les faits reprochés au salarié concernant MM. L… et T… dataient de plus de deux mois avant l’engagement de la procédure de licenciement, la cour d’appel a retenu que l’employeur pouvait les évoquer, aux motifs qu’il avait appris dans ce délai le comportement inadaptés du salarié à l’égard de Mme V… ; qu’en statuant de la sorte, quand il résultait de ses constatations, d’une part, que l’employeur avait connaissance du comportement du salarié depuis plusieurs mois et, d’autre part, que le vice-président du directoire avait été informé des faits concernant Mme V… début mars 2007, et enfin que la procédure de licenciement avait été engagée par courrier du 23 mai 2007, ce dont il résultait que le délai de deux mois était expiré lorsque la procédure de licenciement avait été engagée, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences de ses constatations, a violé l’article L1332-4 du code du travail.
4° ALORS à titre encore plus subsidiaire QUE les juges ont l’obligation de ne pas dénaturer les documents qui leur sont soumis ; que la cour d’appel a affirmé que « l’examen du compte rendu d’entretien préalable montre que [l’exposant] ne conteste pas réellement les faits reprochés tenant à son comportement envers Mme V…, mais qu’il tente de les minimiser ; il cherche à en rejeter la responsabilité sur d’autres collaborateurs tels que M. A… ou M. L… » ; qu’en statuant de la sorte, quand il résulte du compte-rendu de l’entretien préalable, d’une part, qu’en réponse aux reproches concernant les pressions qu’il aurait exercées à l’encontre de Mme V…, le salarié a répondu qu’il « conteste cette version de pression » et, d’autre part, qu’il n’a pas cherché à en rejeter la responsabilité sur d’autres collaborateurs tels que M. A… ou M. L…, la cour d’appel a dénaturé ledit compte rendu d’entretien préalable.
5° ALORS QU’il résulte des constatations de la cour d’appel que, devant la juridiction prud’homale, le salarié a fermement contesté les griefs formulés à son encontre ; que la cour d’appel a retenu que, lors de l’entretien préalable, il ne les avait pas « réellement contestés » ; qu’en se déterminant par des motifs inopérants tenant à l’absence de « contestation réelle » lors de l’entretien préalable, quand elle constatait que, devant elle, le salarié contestait fermement les griefs formulés à son encontre, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile.
6° ALORS en tout état de cause QUE lorsque l’employeur fonde le licenciement sur une faute grave, la charge de la preuve lui incombe exclusivement ; que lorsqu’une partie a la charge de la preuve, celle-ci ne peut se déduire du silence opposé à sa demande par la partie adverse et l’absence de contestation par un salarié des faits qui lui sont reprochés par l’employeur n’implique pas l’existence d’une faute ; qu’en se fondant sur le fait que le salarié n’aurait pas « réellement contesté les faits reprochés » lors de l’entretien préalable, la cour d’appel a violé l’article 1315 du code civil (dans sa rédaction applicable au litige, devenu l’article 1353).
7° Et ALORS QUE les juges doivent motiver leur décision concernant les faits reprochés au salarié au soutien du licenciement ; que s’ils considèrent que le licenciement est fondé, il doit résulter de leur décision que les faits sont établis et fautifs ; qu’alors que l’exposant contestait vivement avoir commis le moindre fait fautif à l’encontre de Mme V…, la cour d’appel a retenu que « M. B… indique qu’il a prévenu son supérieur hiérarchique M. L…, début mars 2007, soit moins de deux mois avant l’engagement de la procédure de licenciement, du comportement de [l’exposant] à l’encontre de Mme V… en lui précisant que les méthodes de [l’exposant] constituaient selon lui un véritable harcèlement moral, attitude corroborée par plusieurs attestations précises et circonstanciées (Mlle K…, M. E…) » ; qu’en statuant comme elle l’a fait, sans motiver sa décision concernant la réalité, la nature et le caractère fautif des faits reprochés au salarié, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1232-1, L 1232-6, L 1235-1 et L 1235-3 du code du travail (dans leur rédaction applicable au litige).
8° ALORS en outre QUE la lettre de licenciement fixe les limites du litige ; que pour considérer justifié le licenciement, la cour d’appel a retenu qu’il « est aussi établi que Mme M… a fait l’objet de propos irrespectueux et sexistes, que certains salariés ne voulaient pas être rattachés à [l’exposant] comme M. B… » ; qu’en retenant ces faits et griefs qui ne figurent pas dans la lettre de licenciement, la cour d’appel a violé les articles L1232-1, L 1232-6, L 1235-1 et L 1235-3 du code du travail (dans leur rédaction applicable au litige).
9° Et ALORS QUE les juges doivent motiver leur décision et ne peuvent statuer par affirmations ; qu’alors que le salarié contestait vivement les propos qui lui étaient reprochés à l’encontre de MM L… et T…, la cour d’appel a affirmé d’une part, qu’ « il est aussi avéré que M. L…, vice-président, a été traité par le salarié de « connard », le 16 février 2007 en présence de collaborateurs » et, d’autre part, que « M. T… a été traité de la manière ouverte « ce n’est pas à ton petit comptable de merde de fixer sa loi » ; qu’en statuant comme elle l’a fait, en procédant par affirmations, sans préciser sur quels éléments de preuve elle s’est fondée pour considérer que le salarié avait effectivement tenu les propos qui lui étaient reprochés et qu’il contestait, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1315 du code civil (devenu l’article 1353), L1232-1, L 1232-6, L 1235-1 et L 1235-3 du code du travail (dans leur rédaction applicable au litige).
10° Et ALORS enfin QUE sauf abus, le salarié jouit, dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression et, pour apprécier la gravité des propos tenus par un salarié, il faut tenir compte du contexte dans lequel ces propos ont été tenus ; que le salarié a soutenu qu’il n’avait pas insulté M. T…, mais uniquement manifesté son désaccord en ayant connaissance du recours à un procédé illégal ; qu’en statuant comme elle l’a fait, sans rechercher, comme elle y était invitée, si ces propos, qui n’avaient pas été tenus publiquement, ne s’inscrivaient pas dans un contexte particulier, ce dont il résultait qu’ils n’étaient pas fautifs, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard des articles 1121-1, L 1232-1, L 1232-6, L 1235-1 et L 1235-3 du code du travail (dans leur rédaction applicable au litige).