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11 mai 2022
Cour d’appel de Montpellier
RG n°
19/01258
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
1re chambre sociale
ARRET DU 11 MAI 2022
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 19/01258 – N° Portalis DBVK-V-B7D-OA7N
Arrêt n° :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 30 JANVIER 2019 du CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION DE DEPARTAGE DE PERPIGNAN – N° RG F 15/00008
APPELANT :
Monsieur [N] [M]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Jean-baptiste LLATI de la SCP PARRAT-LLATI, avocat au barreau de PYRENEES-ORIENTALES, substitué par Me Pauline CROS, avocate au barreau de Montpellier
INTIMEE :
SAS COOPERATION PHARMACEUTIQUE FRANCAISE dite COOPER prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité au siège social
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Alexandre SALVIGNOL de la SARL SALVIGNOL ET ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER (postulant) et par Me HENNINGER, avocat au barreau de Paris (plaidant), substitués par Me Mathilde SEBASTIAN, avocate au barreau de Montpellier
Ordonnance de clôture du 16 Février 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 MARS 2022,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Georges LEROUX, Président de chambre chargé du rapport et Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Georges LEROUX, Président de chambre
Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère
Madame Caroline CHICLET, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Marie BRUNEL
ARRET :
– contradictoire
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Monsieur Georges LEROUX, Président de chambre, et par Mme Marie BRUNEL, Greffière.
*
**
EXPOSÉ DU LITIGE
Selon contrat de travail à durée indéterminée du 12 mai 1999 à effet au 1er mai 1999, M. [N] [M] a été engagé à temps complet par la SAS Coopération pharmaceutique française (dite SAS Cooper) en qualité de Voyageur Représentant Placier (VRP), affecté à la direction commerciale sous la hiérarchie de la direction régionale « Aquitaine », moyennant un salaire fixe mensuel brut de 8.500 Frcs (1.295,82 €) outre une partie variable sous forme de commissions de deux ordres :
– une rémunération variable collective applicable dans la société en fonction des résultats,
– une « commission variant entre 0,5 et 4 % du chiffre d’affaires net hors taxes ‘ prix facturés par Cooper ‘ des ventes directes ou indirectes réalisées auprès de la clientèle » pour une liste de produits.
Sa clientèle était constituée de pharmacies d’officine.
Selon avenant du 23 août 1999, le salarié a été affecté à la direction régionale « Midi-Pyrénées ».
Le salarié a été placé à plusieurs reprises en arrêt de travail pour maladie, notamment 26 jours à compter du 22 janvier 2014.
Par lettre du 23 juin 2014, l’employeur l’a convoqué à un entretien préalable à un licenciement, fixé le 2 juillet 2014, puis reporté au 10 juillet 2014.
Le 9 juillet 2014, le salarié a été victime d’un accident du travail et placé en arrêt de travail pendant 50 jours.
La procédure de licenciement a alors été interrompue.
Le salarié a été déclaré apte à la reprise le 5 septembre 2014.
L’employeur l’a de nouveau convoqué par lettre du 8 septembre 2014 à un entretien préalable fixé le 19 septembre 2014.
Par lettre du 26 septembre 2014, il lui a notifié son licenciement pour insuffisance professionnelle.
Par requête du 2 janvier 2015 reçue le 7 janvier 2015, faisant valoir que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Perpignan.
Par jugement du 30 janvier 2019, le juge départiteur statuant seul après avis des conseillers prud’homaux, a
– condamné la SAS Cooper à payer à M. [N] [M] la somme de 8.799,32 € au titre du solde de l’indemnité spéciale de rupture,
– débouté M. [N] [M] de ses demandes au titre des indemnités pour licenciement prétendument sans cause réelle et sérieuse au titre des commissions prétendument dues pendant son arrêt maladie, y compris les congés payés,
– réservé ses droits sur les commissions sur retour d’échantillonnage,
– condamné la SAS Cooper à lui délivrer ses bulletins de salaire, son certificat de travail et son attestation Pôle Emploi, conformes au jugement, sans astreinte,
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires et de leurs demandes fondées sur l’article 700 du Code de procédure civile,
– dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.
Par déclaration enregistrée au RPVA le 21 février 2019, le salarié a régulièrement interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées au RPVA le 2 février 2022, M.[N] [M] demande à la Cour de
– dire et juger le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ;
– condamner la SAS Cooper à lui payer les sommes suivantes :
* 180.000 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 8.799,32 € au titre du solde d’indemnité spéciale de rupture,
* 2.854,76 € au titre des commissions dues pendant les arrêts maladie,
* 285,47 € au titre des congés afférents,
* 9.379,67 € au titre de la perte de chance d’obtenir les commissions et congés afférents vraisemblablement dus, en raison de la résistance dolosive de l’employeur ;
– condamner la SAS Cooper à délivrer, sous astreinte de 50 € par jour de retard des bulletins de paie, certificat de travail et allocations Pôle emploi conformes à la décision à intervenir ;
– la condamner au paiement d’une somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code procédure civile ;
– « ordonner l’exécution provisoire ».
Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées au RPVA le 7 février 2022, la SAS Cooper demande à la Cour de
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [M] de ses demandes au titre du licenciement prétendument sans cause réelle et sérieuse, des commissions prétendument dues pendant son arrêt maladie et de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– infirmer le jugement en ce qu’il l’a condamnée au titre du solde de l’indemnité spéciale de rupture ;
– dire et juger que le licenciement de M. [N] [M] pour insuffisance professionnelle repose sur une cause réelle et sérieuse ;
– constater qu’il a perçu l’intégralité des indemnités et des commissions qui lui étaient dues ;
– débouter M. [N] [M] de ses demandes au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, au titre du prétendu solde de l’indemnité spéciale de licenciement et au titre des prétendues commissions restant dues ;
– condamner le salarié à lui verser la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Pour l’exposé des prétentions des parties et leurs moyens, il est renvoyé, conformément à l’article 455 du Code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 16 février 2022.
MOTIFS
Sur le licenciement pour insuffisance professionnelle.
L’insuffisance professionnelle, qui se définit comme l’inaptitude du salarié à exécuter correctement les tâches et missions qui lui sont confiées, compte tenu de sa qualification, en vertu du contrat de travail, peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement lorsqu’elle repose sur des éléments précis, objectifs et imputables au salarié.
La charge de la preuve est partagée, le juge formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.
Par ailleurs, l’insuffisance de résultats ne saurait constituer en soi une cause de sanction disciplinaire, elle doit procéder d’une insuffisance professionnelle ou d’une faute du salarié, sous réserve que les objectifs fixés soient réalistes et que le salarié soit responsable de ne pas les avoir atteints.
En l’espèce, dans sa lettre de licenciement, laquelle fixe les limites du litige, reprise dans le jugement auquel il est renvoyé, l’employeur reproche au salarié
– de ne visiter en moyenne que 3,9 à 4,9 clients par jour au lieu de 6 clients par jour,
– de manquer de rigueur et de professionnalisme dans la réalisation de ses missions.
L’affaire se présente dans les mêmes termes et sur la base des mêmes pièces qu’en première instance.
Le premier juge a analysé l’ensemble des pièces produites de part et d’autre ainsi que les moyens développés par chacune des parties et en a, à raison, déduit
– d’une part, que l’employeur établissait que le salarié ne respectait pas le seuil des 6 clients visités par jour malgré les multiples rappels adressés en ce sens de février 2011 à mai 2014, que des pièces produites, il ne pouvait être déduit que ce chiffre était non réalisable, que la prise de rendez-vous ponctuelle par le salarié pour le compte de VRP « volants » ne pouvait expliquer la non-atteinte de cet objectif d’autant que le chiffre d’affaire réalisé par les « volants » était intégré au sien et qu’enfin aucun élément du dossier ne permettait concrètement de retenir que le secteur géographique assigné au salarié aurait été plus difficile qu’un autre, et ce après prise en compte des soucis importants de santé de celui-ci et neutralisation des périodes d’arrêt de travail ainsi que de la période postérieure à sa reprise le 17 février 2014 en raison des possibles séquelles de l’AVC allégué,
– d’autre part, que si le non-respect des procédures internes reproché au titre du manque de rigueur n’était pas étayé et si l’employeur ne produisait pas la liste des 30 clients mécontents mentionnés, en revanche, il établissait que le service-clients avait reçu des relances de la part de clients mécontents et qu’avant l’arrêt de travail du salarié pendant 7 jours en février 2014, il avait adressé au salarié plusieurs courriels démontrant que celui-ci ne répondait pas à ses demandes relatives aux fiches qualité.
Le premier juge a ainsi justement apprécié les éléments du débat pour retenir que le licenciement pour insuffisance professionnelle était justifié.
En conséquence, il conviendra de confirmer le jugement en ce qu’il a dit le licenciement fondé et en ce qu’il a rejeté les demandes liées à la rupture abusive.
Sur l’indemnité spéciale de rupture.
Les parties s’accordent sur le droit du salarié d’obtenir l’indemnité spéciale de rupture mais s’opposent sur le montant de celle-ci en raison de la période à prendre en compte pour calculer le salaire de référence sur les douze derniers mois.
Le premier juge a, à juste raison, rappelé que la période de référence correspondait aux douze derniers mois précédant l’arrêt de travail de janvier 2014 et qu’au vu des bulletins de salaire et des montants correspondant à la partie variable seule concernée, il y avait lieu de retenir la moyenne proposée par le salarié, soit 3.589€ par mois, et de condamner l’employeur à lui payer, sur le fondement de l’article 14 de l’accord national interprofessionnel des VRP, le reliquat de 8.799,32 €.
Sur les rappels au titre des commissions de retour sur échantillonnages.
L’article L 7313-11 du Code du travail dispose que quelles que soient la cause et la date de rupture du contrat de travail, le voyageur, représentant ou placier a droit, à titre de salaire, aux commissions et remises sur les ordres non encore transmis à la date de son départ, mais qui sont la suite directe des remises d’échantillon et des prix faits antérieurs à l’expiration du contrat.
S’agissant des ordres transmis après la rupture résultant de sa prospection antérieure.
Après avoir rappelé que s’il appartient au représentant, demandeur au paiement, de prouver l’existence de sa créance de commissions, l’employeur qui détient les justificatifs relatifs aux ordres passés et au chiffre d’affaires en résultant et permettant le calcul des droits du représentant, doit fournir ceux-ci, le premier juge a à raison
– constaté que le salarié produisait un courriel (du 11 juillet 2014) adressé par son supérieur hiérarchique selon lequel son portefeuille de commandes était de 121.814 € au troisième cycle de l’année 2014,
– relevé que l’employeur ne produisait pas la liste des commandes livrées entre le 30 septembre 2014 et le 31 décembre 2014 ni les bons de commandes correspondant et se limitait à verser aux débats les bulletins de salaire, alors que le VRP lui avait demandé de produire ces éléments indispensables.
En cause d’appel, le salarié sollicite l’indemnisation de la perte de chance d’être payé à ce titre en raison de la résistance abusive de l’employeur.
Il verse aux débats des documents émanant de l’entreprise, datés du 11 avril 2014, dont il résulte que le taux de commissions sur cycles 1 et 2 de l’année 2014 est fixé à 1 % de commissions sur le chiffre d’affaires facturé de 0 € au seuil et à 7 % de commissions au-delà
du seuil. Toutefois, il n’explique pas le calcul le conduisant à solliciter à ce titre la somme de 9.379,67 €.
L’employeur ne produit aucun des documents indispensables au calcul des commissions dues.
Dès lors, il y aura lieu d’indemniser la perte de chance du salarié à hauteur de 2.000 €.
S’agissant des déductions des indemnités journalières complémentaires pendant l’arrêt de travail.
Le VRP bénéficie comme tout salarié des dispositions de l’article L 1226-1 du Code du travail en matière d’indemnisation au cours de son arrêt de travail, soit une indemnisation complémentaire s’il justifie notamment d’un an d’ancienneté. Il lui est par conséquent garanti une rémunération brute, indemnité journalière comprise, de 90% pendant 30 jours d’absence et de 2/3 pendant les 30 jours suivants (D 1226-1 à D 1226-8 du même Code). L’employeur doit déduire de ces montants garantis les indemnités journalières versées par la Sécurité sociale ainsi que les prestations complémentaires versées par un régime de prévoyance.
Toutefois, l’article 8 de l’ANI du 3 octobre 1973 (repris dans le jugement) prévoit qu’après deux ans d’ancienneté, si le VRP est placé en arrêt de travail pris en charge par la Sécurité sociale et que cet arrêt de travail dure plus de 30 jours, une indemnité journalière complémentaire à celle servie par la Sécurité sociale, prenant effet rétroactivement à partir du 11ème jour de suspension, lui est due. Cette indemnité complémentaire est égale, par jour d’absence indemnisable, à un pourcentage de la rémunération moyenne mensuelle du VRP perçue au cours des 12 derniers mois d’activité après déduction des frais professionnels.
L’employeur doit déduire du montant du complément de salaire les indemnités versées par les régimes complémentaires de prévoyance mais également les sommes éventuellement perçues par le VRP sur des ordres passés depuis le premier jour d’absence indemnisé. En revanche, les sommes perçues au titre d’ordres passés antérieurement à cette absence lui restent acquises.
Pour le calcul des indemnités dues au titre d’une période de paie, il est tenu compte des indemnités déjà perçues durant les 12 mois précédents en sorte que la durée totale d’indemnisation ne peut dépasser la durée maximale prévue.
En l’espèce, le salarié sollicite la condamnation de l’employeur à lui payer un rappel de commissions d’un montant total de 2.854,76 € correspondant au montant des commissions de janvier et février 2014 (respectivement 1.357,76 € et 1.597,81 €).
Il verse aux débats deux courriers des 20 février et 21 mars 2014 de l’employeur l’informant de ce que les commissions ont généré un droit variable mais que, dans la mesure où il se trouvait en arrêt de travail pour maladie du 22 janvier au 31 janvier 2014 puis du 1er au 16 février 2014, il ne lui était dû respectivement que 161 € et 0€
après déduction des indemnités journalières perçues à hauteur de 1.357,76 € et de 1.597,81 €.
Il appartient à l’employeur de rapporter la preuve de ce que ces sommes ne procèderaient pas de commandes passées par le VRP avant son arrêt de travail. Or, aucun justificatif, aucune explication ne sont produits à ce titre, en sorte qu’en application de l’article 8 de l’accord sus-visé, il n’y a pas lieu de déduire ces sommes des indemnités journalières complémentaires.
Le jugement sera infirmé ce qu’il a débouté le salarié de sa demande à ce titre et l’employeur sera condamné à payer à ce-dernier la somme totale de 2.854,76 € outre la somme de 285,47 € au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés y afférents.
Sur les demandes accessoires.
L’employeur devra délivrer au salarié un bulletin de salaire rectificatif conformément aux dispositions du jugement sans qu’une astreinte soit nécessaire.
Il sera tenu aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Il est équitable en revanche de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré, par arrêt mis à disposition au greffe ;
CONFIRME le jugement du 30 janvier 2019 du conseil de prud’hommes de Perpignan sauf en ce qu’il a débouté M. [N] [M] de sa demande en rappel de commissions et accessoires du fait de la déduction des indemnités journalières complémentaires et en ce qu’il a laissé la charge de ses propres dépens à chaque partie :
Statuant à nouveau sur ces chefs infirmés et y ajoutant,
CONDAMNE la SAS Coopération pharmaceutique française dite SAS Cooper à payer à M. [N] [M] les sommes de
– 2.854,76 € au titre du rappel de commissions et de 285,47 € au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés y afférents,
– 2.000 € à titre d’indemnisation de sa perte de chance d’obtenir les commissions et congés afférents dus ;
ORDONNE à la SAS Cooper de délivrer à M. [N] [M] un bulletin de salaire rectifié conforme aux dispositions du présent arrêt :
DIT n’y avoir lieu de prononcer une astreinte ;
DIT n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE la SAS Cooper aux entiers dépens de première instance et d’appel ;
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT