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10 juin 2022
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
18/11916
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-6
ARRÊT AU FOND
DU 10 JUIN 2022
N° 2022/ 196
Rôle N° RG 18/11916 – N° Portalis DBVB-V-B7C-BCZFQ
S.A.R.L. DATACOL FRANCE
C/
[D] [F]
Copie exécutoire délivrée
le :10/06/2022
à :
Me Philippe-Laurent SIDER, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
Me Jean-didier CLEMENT, avocat au barreau de DRAGUIGNAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULON en date du 20 Juin 2018 enregistré au répertoire général sous le n° F17/00372.
APPELANTE
S.A.R.L. DATACOL FRANCE, [Adresse 2]
représentée par Me Philippe-Laurent SIDER, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
INTIME
Monsieur [D] [F]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2018/009572 du 08/11/2018 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE), demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Jean-Didier CLEMENT, avocat au barreau de DRAGUIGNAN substitué par Me Alexandra PIGNÉ, avocat au barreau de TOULON
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 22 Mars 2022 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, M. Philippe SILVAN, Président de Chambre est en charge du rapport.
La Cour était composée de :
M. Philippe SILVAN, Président de chambre
Monsieur Thierry CABALE, Conseiller
M. Ange FIORITO, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Caroline POTTIER.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Juin 2022.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Juin 2022,
Signé par M. Philippe SILVAN, Président de chambre et Mme Suzie BRETER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Le 21 avril 2008, M. [F] a été recruté en qualité de VRP par la SARL Datacol. Le 20 mars 2017, il a été licencié pour faute grave.
Le 29 mai 2017, M. [F] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulon d’une contestation de son licenciement.
Par jugement du 20 juin 2018, le conseil de prud’hommes de Toulon a’:
”requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse et a condamné la SARL Datacol au paiement des sommes suivantes à M. [F]’:
– 600’€ pour non-respect de la procédure’;
– 2.540’€ bruts au titre du préavis’;
– 3.314,95’€ au titre de l’indemnité de licenciement’;
– 993,90’€ au titre du salaire pendant la mise à pied’;
– 5.000’€ au titre de l’indemnité de clientèle’;
– 700’€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;
”Ordonné la délivrance du bulletin de paie lié au jugement’;
”Débouté M. [F] de ses autres demandes’;
”Débouté la SARL Datacol de sa demande reconventionnelle’;
”Dit la SARL Datacol supportera les dépens de l’instance.
La SARL Datacol a fait appel de ce jugement le 17 juillet 2018.
Au terme de ses conclusions du 29 mars 2019 auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, la SARL Datacol demande de’:
”La dire et juger recevable et bien fondée dans son appel’;
de réformer le jugement et de juger que’:
”aucun fait invoqué à l’appui du licenciement de M. [F] n’est prescrit’;
”le licenciement pour faute grave de M. [F] est justifié’;
”M. [F] ne peut prétendre ni revendiquer et ne justifie que lui soit versée une indemnité de clientèle pas plus qu’une indemnité pour défaut d’affiliation à une mutuelle de santé’;
En conséquence’:
”réformer le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamnée à verser M. [F]’:
”600’€ pour non-respect de la procédure de licenciement’;
”2’540’€ brut au titre du préavis’;
”3’314,95’€ au titre de l’indemnité de licenciement’;
”5’000’€ au titre de l’indemnité de clientèle’;
”700’€ au titre de l’article 700 code de procédure civile’;
”l’a déboutée de sa demande de condamnation de M. [F] à lui verser la somme de 3’000’€ au titre de l’article 700 code de procédure civile’;
”dit qu’elle supportera les dépens de l’instance’;
et statuant à nouveau’:
”débouter M. [F] de toutes ses demandes, fins et conclusions’;
”condamner M. [F] à lui verser la somme de 5.000’€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens.
A l’issue de ses conclusions du’8 mars 2021, auxquelles il est expressément référé pour un plus ample exposé des prétentions, M. [F] demande de’:
”Débouter la SARL Datacol de son appel, et faire droit à son appel incident’;
”Déclarer M. [F] recevable en ses demandes et infirmer en conséquence le jugement dont appel’;
”Constater l’irrégularité de la procédure de licenciement’;
”En conséquence, condamner la SARL Datacol à lui payer la somme de 1.270’€ à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de procédure de licenciement’;
”Dire et juger que les griefs invoqués dans la lettre de licenciement sont prescrits et déjà sanctionnés, et les déclarer infondés,’:
”Dire et juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse et condamner la SARL Datacol à lui payer les sommes suivantes’:
– 30.480,00’€ à titre d’indemnités de clientèle (24 mois de salaires)’;
– 3.314,95’€ au titre de l’indemnité légale de licenciement’;
– 2.540’€ au titre de l’indemnité compensatrice de préavis (2 mois de salaires)’;
– 7.620’€ au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,’;
– 993,90’€ au titre du salaire pendant la mise à pied’;
– 300’€ de dommages et intérêts pour envoi tardif des documents sociaux et règlement tardif du solde dû’;
– 30.480,00’€ à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi par M. [F]’;
”Condamner la SARL Datacol au paiement de la somme de 509,98’€ à titre de rappel de salaires correspondant aux notes de frais non payés’;
”Condamner la SARL Datacol au paiement des sommes suivantes’:
– 1’180,12’€ à titre de défaut d’affiliation mutuelle santé obligatoire année 2016′;
– 1’180,12’€ à titre de défaut d’affiliation mutuelle santé obligatoire année 2017′;
”Dire et juger que les condamnations prononcées porteront intérêts de droit à compter de la demande prud’homale’;
”Ordonner la rectification du bulletin de paie du mois de mars 2017 et de l’attestation Pôle Emploi et du reçu pour solde de tout compte et du certificat de travail sous astreinte de 100’€ par jour de retard’;
”Condamner la SARL Datacol au paiement de la somme de 3’000’€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 4 mars 2022. Pour un plus ample exposé de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère expressément à la décision déférée et aux dernières conclusions déposées par les parties.
SUR CE’:
Sur le licenciement de M. [F]’:
moyens des parties’:
La SARL Datacol soutient que M. [F] ne peut contester son licenciement aux motifs qu’il ne peut invoquer la prescription des faits puisque ce n’est que le 24 février 2017 qu’elle s’est aperçue que M. [F] avait procédé à de fausses commandes, qu’elle était en droit, dans la lettre de licenciement, de se référer à ses antécédents disciplinaires, que son licenciement pour faute grave est justifié par une multiplication d’insuffisances professionnelles, telles que le défaut de réalisation d’objectifs réalisables et les insuffisances dans le suivi des clients et des impayés, que M. [F] a émis de fausses commandes et qu’il ne peut justifier de ces faits par une erreur commise par une autre salariée de l’entreprise,
M. [F] expose que la SARL Datacol, en violation de l’interdiction de sanctionner deux fois les mêmes faits, invoque dans sa lettre de licenciement de prétendues fautes qui ont déjà été sanctionnées par des avertissements prononcés les 10 et 19 janvier 2017 et 7 février 2017.
Il soutient en outre que la SARL Datacol, à l’appui de la lettre de licenciement, invoque des faits prescrits puisqu’antérieurs de plus de deux mois à l’engagement de la procédure. Il affirme par ailleurs que ces faits étaient connus de l’employeur avant le prononcé des trois avertissements précités et que la SARL Datacol, en omettant de les sanctionner, à épuiser son pouvoir disciplinaire de ce chef.
Il expose que la SARL Datacol ne peut lui reprocher une insuffisance professionnelle aux motifs que l’insuffisance professionnelle ne peut jamais être qualifiée de faute, encore moins de faute grave car elle ne résulte pas d’une attitude volontaire et que le défaut de réalisation des objectifs en 2015 et 2016 étaient prescrits lors de l’engagement de la procédure de licenciement.
Il allègue, sur le fond, que les reproches formulés par son employeur ne sont ni réels ni sérieux aux motifs qu’il n’est pas établi que la baisse des objectifs lui est imputable, la SARL Datacol avait consenti à la réduction de ses objectifs compte tenu de la conjoncture, que la SARL Datacol ne justifie pas que les objectifs étaient réalisables et indique encore moins les bases de ces objectifs, qu’elle se contente de mentionner une insuffisance professionnelle sans indiquer quels étaient réellement les objectifs à atteindre en nombre de clients, commandes, chiffres d’affaires’, que la SARL Datacol ne rapporte pas la réalité des griefs tirés de plaintes formées par les clients Pratic Auto Services et Cristal Assainissement, que concernant les doléances de la société Haut Var Manutention, la SARL Datacol en avait connaissance depuis 11 mois et que concernant, la société Loxam, la SARL Datacol avait connaissance de ces faits depuis le 30 novembre 2016, que cette difficulté est imputable à l’assistante commerciale de la SARL Datacol qui a commis une erreur lors de l’ouverture d’un compte au nom de ce client, qu’il a ensuite rectifié cette erreur et que les bonnes commandes ont été adressées à la bonne société.
Il en déduit que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et s’estime en conséquence fondé à réclamer la condamnation de la SARL Datacol à lui payer diverses sommes au titre de l’indemnité légale de licenciement, de l’indemnité compensatrice de préavis et du rappel de salaire sur mise à pied conservatoire. Il sollicite en outre la condamnation de la SARL Datacol à lui payer un rappel de salaire sur note de frais.
Réponse de la cour’:
L’article L. 1332-4 du code du travail édicte qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.
Il est de jurisprudence constante que, par application du principe ‘non bis in idem’, dès lors que le salarié a déjà été sanctionné pour des faits considérés comme fautifs par l’employeur, les mêmes faits ne peuvent fonder un licenciement. Cependant, ces dispositions ne font pas obstacle à ce que l’employeur évoque dans la lettre de licenciement des sanctions disciplinaires antérieures, peu important que celles-ci aient sanctionné des faits de nature différente.
Il résulte de l’article L. 1331-1 du code du travail que l’employeur qui, ayant connaissance de divers faits commis par le salarié, considérés par lui comme fautifs, choisit de n’en sanctionner que certains, ne peut plus ultérieurement prononcer une nouvelle mesure disciplinaire pour sanctionner les autres faits antérieurs à la première sanction. L’employeur, au sens de ce texte, s’entend non seulement du titulaire du pouvoir disciplinaire mais également du supérieur hiérarchique du salarié, même non titulaire de ce pouvoir.
Il est de jurisprudence constante que la faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien de l’intéressé dans l’entreprise. Il est de principe que la charge de la preuve incombe à l’employeur, le salarié n’ayant rien à prouver.
L’insuffisance professionnelle se définit comme l’incapacité objective et durable d’un salarié à exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification. Elle se caractérise par une mauvaise qualité du travail due soit à une incompétence professionnelle, soit à une inadaptation à l’emploi. Elle ne peut donc, en principe, présenter un caractère fautif. Néanmoins, lorsqu’elle procède d’une abstention volontaire ou d’une mauvaise volonté délibérée, l’insuffisance professionnelle est constitutive d’une faute disciplinaire.
En l’espèce, M.[F] a fait l’objet d’avertissements prononcés par l’employeur les 10 janvier et 19 janvier 2017 en raison du non-respect des procédures internes et 7 février 2017 en raison d’une absence de suivi des litiges de son secteur et du non-respect de ses obligations contractuelles.
Le 1er mars 2017, M.[F] a fait l’objet d’une mise à pied conservatoire et a été convoqué à un entretien préalable pouvant aller jusqu’à son licenciement.
Au terme de la lettre de licenciement pour faute grave qui lui a été adressée le 20 mars 2017, la SARL Datacol lui reproche’:
– l’absence de réalisation de ses objectifs pour l’année 2016 ainsi que la perte de clients,
– l’absence de réaction aux courriels qui lui ont été adressés en novembre 2016 concernant des clients en impayé,
– les plaintes de clients relatives à la fourniture de matériel non conforme et à l’absence de délivrance d’avoir en contrepartie (société Pratic Auto Service et Cristal Assainissement),
– la clôture par un client mécontent de sa prestation de son compte dans l’entreprise (société Haut Var Manutention),
– la plainte d’un client concernant la réception de matériel qu’il n’avait pas commandé (société Loxam).
Concernant le défaut de réalisation par M.[F] de ses objectifs, il ressort des différents courriels versés aux débats par l’employeur qu’il a régulièrement invité M.[F] à prospecter divers clients nominativement désignés lesquels n’avaient pas passé de commandes auprès de la société. Cependant, il apparaît clairement que la SARL Datacol, qui assurait régulièrement le suivi de ses commandes, connaissait plus de deux mois avant l’engagement de la procédure disciplinaire l’existence de ce grief. Dès lors, la faute reprochée à ce titre est prescrite. Par ailleurs, la SARL Datacol n’a pas invoqué ce grief à l’appui des avertissements prononcés à l’égard de M.[F] les 10 et 19 janvier 2017 ainsi que le 6 février 2017. La SARL Datacol a en conséquence épuisé son pouvoir disciplinaire concernant ce grief.
La SARL Datacol n’a pas invoqué à l’appui des avertissements des 10’et 19 janvier 2017 ainsi que du 6 février 2017 le grief tiré de l’absence par M.[F] de réaction aux courriels qui lui ont été adressés en novembre 2016 concernant des clients en impayé. Elle a ainsi épuisé son pouvoir disciplinaire concernant ces faits et ne peut en conséquence l’invoquer à l’appui du licenciement de M.[F].
Les griefs concernant les clients Pratic Auto Service, Cristal Assainissement et Haut Var Manutention ont respectivement été sanctionnés par les avertissements des 10 et 19 janvier 2017 ainsi que du 6 février 2017. Conformément au principe «’non bis in idem’», ils ne peuvent donc être invoqués pour fonder le licenciement de M.[F].
Il ressort des courriels produits aux débats que le 24 février 2017, la société Loxam s’est plainte auprès de la SARL Datacol de la réception d’une facture d’un montant de 60’€ concernant deux produits qu’elle n’avait pas commandés l’un d’entre eux ayant été repris par M.[F] le 1er mars 2017. En l’état des explications fournies par la SARL Datacol et des pièces qu’elle produit aux débats, il n’apparaît pas clairement que cette erreur de livraison est imputable à la faute de M.[F]. Il existe en conséquence un doute au profit de ce dernier qui devra lui profiter.
Il résulte de ce qui précède que les griefs invoqués par l’employeur pour procéder au licenciement de M.[F] étaient prescrits lors de l’engagement de la procédure de licenciement, ou que la SARL Datacol avait épuisé son pouvoir disciplinaire concernant ces faits, ou qu’ils avaient déjà été sanctionnés ou, enfin, que leur imputabilité ne peut être reprochée au salarié. Dès lors, le licenciement pour faute grave de M.[F] s’avère dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Compte tenu de l’ancienneté de M.[F] et d’un salaire mensuel moyen de 1’340,49’€ bruts au cours des 12 derniers mois, le préjudice subi par M.[F] à raison de la rupture de son contrat de travail sera indemnisé en lui allouant la somme de 15’000’€ à titre de dommages et intérêts.
sur la régularité de la procédure de licenciement’:
moyens des parties’:
La SARL Datacol expose que la procédure de licenciement qu’elle a suivie est régulière aux motifs qu’elle justifie de la présentation de la lettre de convocation à entretien préalable à l’adresse de M. [F], que d’autres courriers, envoyés à la même adresse, ont bien été reçu par M. [F] qui opère une sélection des courriers qu’il reçoit, que M. [F] ne justifie pas avoir tenté de solliciter un collègue pour l’assister et n’a pas demandé le report de l’entretien et qu’il ne peut donc réclamer une indemnité au titre du non-respect de la procédure de licenciement.
M. [F] conteste la régularité de la procédure de licenciement diligentée à son encontre aux motifs que le courrier du 1er mars 2017 entraînant sa mise à pied conservatoire et le convoquant à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement pour le 14 mars 2017 lui a été adressé à une adresse incomplète, qu’il n’en a pas été destinataire, qu’il n’a été avisé de ce rendez-vous que le 9 mars 2017, qu’il s’est donc présenté en urgence au siège de la SARL Datacol sans avoir pu se faire assister, que la SARL Datacol, à qui il incombe d’assurer la régularité de la procédure de licenciement, ne peut lui reprocher de ne pas avoir demandé le report de l’entretien préalable, qu’elle aurait dû d’office, dès lors qu’elle avait eu connaissance que M. [F] n’avait pas été convoqué, proposer le report de cet entretien et qu’il est donc fondé en application de l’article L.’1235-2 du code du travail a réclamé la condamnation de la SARL Datacol à lui payer une indemnité de ce chef.
Réponse de la cour’:
Il résulte des dispositions de l’article L.’1235-2 du code du travail, dans leur version en vigueur à l’époque du licenciement, que le salarié licencié sans cause réelle et sérieuse ne peut prétendre au paiement d’une indemnité pour violation de la procédure requise. M.[F] sera par conséquent débouté de sa demande de ce chef.
Sur le défaut d’affiliation à la mutuelle’:
moyens des parties’:
La SARL Datacol conteste la demande en dommages-intérêts formés par M. [F] au titre du défaut d’affiliation à la mutuelle aux motifs qu’il n’étaye pas cette demande qui apparaît totalement injustifiée, que sa fiche de paye mentionne qu’il cotise à la mutuelle et qu’il ne peut donc prétendre ne pas en avoir été informé.
M. [F] indique qu’il n’a jamais été informé par la SARL Datacol qu’il cotisait auprès de la compagnie Axa, avec laquelle la SARL Datacol avait contracté, qu’il cotisait de son côté auprès d’une autre mutuelle, que la SARL Datacol ne l’avaient pas informé de ses droits et qu’il est donc fondé à réclamer la somme de 2.360,24’€ pour défaut d’affiliation à la mutuelle santé.
Réponse de la cour’:
Les bulletins de paie de M.[F] mentionnent clairement La déduction de cotisations au titre de son affiliation à une mutuelle. Il ne peut donc en conséquence prétendre qu’il ignorait l’existence d’une mutuelle d’entreprise et qu’il a été ainsi contraint de cotiser à une mutuelle. Il sera par conséquent débouté de sa demande de ce chef.
Sur l’indemnité de clientèle’:
moyens des parties’:
La SARL Datacol s’oppose au paiement d’une indemnité de clientèle au profit de M. [F] aux motifs que son licenciement reposant sur une faute grave, il ne peut prétendre à une indemnité de clientèle, que l’article 13 de la convention collective des VRP et la jurisprudence décident que l’indemnité de clientèle ne se cumule pas avec l’indemnité légale de licenciement, que M. [F] ne justifie pas qu’il pourrait prétendre à une telle indemnité dans la mesure où la clientèle qui lui a été apportée n’a pas été suffisamment suivie et développée, qu’il ressort des bulletins de paie de M. [F] qu’il a perçu de faibles commissions en 2016, démontrant ainsi qu’il n’a pas développé la clientèle qui lui a été remise en 2008 et que M. [F] ne peut prétendre à une indemnité de clientèle sur un secteur appauvri de son fait et qu’il n’a pas su faire prospérer en 2016.
M. [F] expose que lors de son entrée dans l’entreprise en 2008, il n’existait aucune clientèle sur son secteur d’activité, que durant la relation de travail il a apporté une clientèle de plus de 276 clients à la SARL Datacol et que, conformément à l’article L.’7313-13 du code du travail, il est fondé à solliciter la somme de 30.480’€, soit deux ans de salaire, au titre de l’indemnité de clientèle.
Réponse de la cour’:
L’article L.’7313-13 du code du travail prévoit que, en cas de rupture du contrat de travail à durée indéterminée par l’employeur, en l’absence de faute grave, le voyageur, représentant ou placier a droit à une indemnité pour la part qui lui revient personnellement dans l’importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui et que le montant de cette indemnité de clientèle tient compte des rémunérations spéciales accordées en cours de contrat pour le même objet ainsi que des diminutions constatées dans la clientèle préexistante et imputables au salarié.
Il est de jurisprudence constante que c’est au VRP de rapporter la preuve de la création, du développement ou de l’apport de clientèle, s’il souhaite bénéficier d’une indemnité.
En l’espèce, au terme de son contrat de travail du 21 avril 2008 et des avenants à ce dernier, M.[F] s’est vu confier la représentation de la SARL Datacol sur le département du Var des produits de cette société dans les branches d’activité relatives aux véhicules légers et aux poids-lourds. En revanche, bien que le contrat précise que M.[F] serait amené à prospecter la clientèle qui lui serait nominativement désignée par avenant, il n’est pas justifié par la SARL Datacol de la remise à son salarié, lors de la conclusion du contrat de travail, d’une liste de clients à prospecter. Par ailleurs, elle ne produit aux débats aucun élément de preuve de nature à caractériser l’existence d’une clientèle déjà existante lors de la prise de fonctions de M.[F]. De son côté, ce dernier produit les listings de ses clients pour les années 2013, 2014, 2015 et 2016 rapportant ainsi la preuve suffisante de la création et du développement par ses soins d’une clientèle au bénéfice de la SARL Datacol.
Il est indifférent que la SARL Datacol ait fait preuve de loyauté envers M.[F] en le nommant chef de secteur puis, accédant sa demande, le désignant comme vendeur sur le département du Var de telles décisions, qui ressortent de l’exécution du contrat de travail, étant étrangères quant au droit à paiement au profit de M.[F] de l’indemnité de clientèle précitée.
Enfin, si la lettre de licenciement adressée à lui reproche, au cours de l’année 2016, le défaut de prospection de certains clients, il ne ressort pas des pièces produites aux débats qu’à raison de la carence reprochée à M.[F] pour cette période, cette clientèle était définitivement appauvrie privant ainsi M.[F] de son droit à l’indemnité de clientèle.
En l’état des éléments soumis à l’appréciation de la cour, le préjudice subi par M.[F] sera fixé à deux années de commissions, soit, sur la base des commissions perçues au cours de l’année 2016, une somme de 5’826,66’€.
sur le surplus des demandes’:
Il est de jurisprudence constante que les frais qu’un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur doivent lui être remboursés sans qu’ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due.
La SARL Datacol ne rapporte pas la preuve du paiement au profit de M.[F] des frais qu’il a engagés pour les besoins de son activité professionnelle à compter du mois de septembre 2016 jusqu’à son licenciement. Il sera en conséquence fait droit à la demande en paiement formée de ce chef.
M.[F] ne justifie pas de l’existence du préjudice qu’il aurait subi en raison de l’envoi tardif des documents sociaux et du règlement tardif du solde dû. Il sera débouté de sa demande en dommages et intérêts de ce chef.
Les condamnations de nature salariales prononcées au profit de M.[F] devront porter intérêts à compter de la convocation de la SARL Datacol devant le conseil de prud’hommes, soit le’29 mai 2017.
Le licenciement ne résultant pas d’une cause réelle et sérieuse. Il conviendra en conséquence de faire application des dispositions de l’article L.’1235-4 du code du travail et d’ordonner le remboursement par l’employeur des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour de la présente décision et ce dans la limite de trois mois d’indemnités de chômage.
Enfin la SARL Datacol, partie perdante qui sera condamnée aux dépens et déboutée de sa demande au titre de ses frais irrépétibles, devra payer 2’000’€ à M.[F] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, Statuant publiquement et contradictoirement,
DECLARE’la SARL Datacol recevable en son appel,
INFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Toulon du 20 juin 2018 en ce qu’il a’:
”requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse,
”condamné la SARL Datacol au paiement des sommes suivantes à M. [F]’:
– 600’€ pour non-respect de la procédure’;
– 5.000’€ au titre de l’indemnité de clientèle’;
”débouté M. [F] de sa demande en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse’;
”débouté M. [F] de sa demande en dommages et intérêts en remboursement de ses frais professionnels’;
LE CONFIRME pour le surplus’;
STATUANT à nouveau et y ajoutant’;
DIT que le licenciement pour faute grave de M.[F] est dépourvu de cause réelle et sérieuse’;
CONDAMNE la SARL Datacol à payer à M.[F] les sommes suivantes’:
– 5’826,66’€ au titre de l’indemnité de clientèle, outre intérêts au taux légal à compter du’29 mai 2017′;
– 15’000’€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse’;
– 509,98’€ à titre de rappel de salaires correspondant aux notes de frais non payés, outre intérêts au taux légal à compter du 29 mai 2017;
– 2’000’€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile’;
ORDONNE le remboursement par la SARL Datacol des indemnités de chômage versées à M.[F], du jour de son licenciement au jour de la présente décision et ce dans la limite de trois mois d’indemnités de chômage’;
CONDAMNE la SARL Datacol à remettre à M.[F], dans un délai de deux mois à compter de la signification du présent arrêt, sous peine d’une astreinte de 100’€ par jour de retard, une attestation Pôle Emploi, un bulletin de salaire, un reçu pour solde de tout compte et un certificat de travail conformes aux condamnations qui précède’;
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,
CONDAMNE la SARL Datacol aux dépens.
Le GreffierLe Président