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15 février 2023
Cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion
RG n°
20/02256
AFFAIRE : N° RG N° RG 20/02256 – N° Portalis DBWB-V-B7E-FOZM
Code Aff. :
ARRÊT N° YC
ORIGINE :JUGEMENT du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de SAINT-DENIS en date du 17 Novembre 2020, rg n° 19/00408
COUR D’APPEL DE SAINT-DENIS
DE LA RÉUNION
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 15 FEVRIER 2023
APPELANTE :
S.A.S. KDI DAVUM Les activités de la SAS KDI DAVUM sont le commerce et l’importation de produits métallurgiques, matériels, outillages, matériels destinés aux entreprises
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentants : Me Anne VINCENT-IBARRONDO de la SAS VOLTAIRE, barreau de PARIS ET Me François AVRIL, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
INTIMÉ :
Monsieur [K] [U] [X]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Pierre-yves BIGAIGNON, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
Clôture : 05.09.2022
DÉBATS : En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 octobre 2022 en audience publique, devant Yann CATTIN, président de chambre chargé d’instruire l’affaire, assisté de Nadia HANAFI, greffier, les parties ne s’y étant pas opposées.
Ce magistrat a indiqué à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 15 déccembre 2022, mise à disposition prorogée au 15 février 2023 ;
Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Yann CATTIN
Conseiller : Laurent CALBO
Conseiller : Aurélie POLICE
Qui en ont délibéré
ARRÊT : mis à disposition des parties le 15 FEVRIER 2023
* *
*
LA COUR :
Faits et procédure.
M. [X] a été embauché suivant contrat à durée indéterminée par la société KDI Davum le 1er janvier 2008, en qualité de ‘commercial’, puis après avoir occupé les postes de responsable d’agence et de directeur commercial, il a été promu, le 1er septembre 2018, au poste de directeur adjoint de filiale et le 1er décembre 2018, il a été nommé aux fonctions de directeur de filiale.
M. [X] a été licencié pour insuffisance professionnelle par lettre du 10 mai 2019 rédigée dans les termes suivants :
‘Compte tenu de l’expérience et des compétences que vous avez acquises au sein de la société DAVUM, notamment dans le cadre de vos fonctions de Directeur Commercial, nous vous avons promu au poste de Directeur Adjoint de filiale à compter du 1er septembre 2018 et au poste de Directeur de filiale depuis le 1 er décembre 2018.
Nous avons malheureusement rapidement constaté de sérieuses insuffisances dans l’exercice de vos fonctions.
Tout d’abord, alors qu’une mission essentielle du Directeur de filiale consiste à manager les collaborateurs, nous avons déploré de votre part
-une présence insuffisante au bureau (2 heures par jour en moyenne !)
– un manque de communication et de transparence sur les modalités de fonctionnement du système de rémunération variable des commerciaux.
Ces carences dans votre mission de management, qui n’ont d’ailleurs pas manqué d’entrainer des plaintes de certains collaborateurs, sont de nature à impacter négativement l’implication et la motivation des équipes.
En outre, alors qu’il vous appartient de relayer et de mettre en ‘uvre la politique définie par la direction générale, nous avons constaté que la plupart des managers n’étaient pas au courant de la stratégie VC², ce qui démontre que vous n’avez pas su communiquer de manière efficace sur ce sujet pourtant primordial.
Ce manque de communication a nécessairement été préjudiciable à la filiale dès lors que les éléments de la stratégie sont absolument nécessaires au personnel pour la bonne compréhension des transformations qui doivent être mené au sein de DAVUM afin de retrouver des résultats positifs.
De plus, vous n’avez pas respecté les procédures internes concernant les demandes d’achat, vous avez acheté un ordinateur portable d’une valeur supérieure à 3000 € pour vous-même sans avoir rempli préalablement de demande d’achat, ni informé quiconque de vos intentions.
De même, vous avez décidé de la fermeture totale de la société les 9 et 10 mai, afin de permettre à la DUP de proposer un voyage organisé à l’île Maurice. Vous avez pris cette décision sans en informer votre hiérarchie.
Cette décision est lourde de conséquence alors même que les résultats sont en retrait par rapport au budget.
Par ailleurs, alors que vous êtes responsable des résultats commerciaux depuis de nombreuses années en tant que Directeur commercial et de la rentabilité et des résultats de DAVUM, nous avons constaté que les résultats de la filiale étaient nettement insuffisants, au regard des objectifs fixés par la direction générale.
Ainsi, le chiffre d’affaires 2018 est en baisse de 12 % par rapport à 2017 et à -16 % par rapport au budget. Sur le premier trimestre 2019, le chiffre d’affaires recule de 9 % par rapport à 2018 et de 13 % par rapport au budget. Si l’on compare les résultats du premier trimestre 2018 par rapport au premier trimestre 2019, l’EBITDA s’est dégradé en passant de -12K€à -170K€.
De plus, nous constatons également des écarts d’inventaire en 2018, de plus de 160 K€ sur les stocks dont 156 K€ portant sur la fourniture industrielle. Conséquence d’une mauvaise gestion. Ces insuffisances qui préjudicient au bon fonctionnement et à la situation économique de la société DAVUM sont incompatibles avec la poursuite des relations contractuelles.
Dans ces conditions, nous sommes contraints de vous notifier, par la présente, votre licenciement.
Votre préavis, d’une durée de 3 mois commencera à courir à compter de la première présentation de la présente.
Nous avons décidé de vous dispenser de l’exécution de votre préavis qui vous sera toutefois payé […]’
Par courrier du 11 juillet 2019, l’employeur a rompu le préavis en raison de la découverte d’un conflit d’intérêt avec une autre société.
Contestant la rupture du contrat de travail et celle de la période de préavis, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Saint-Denis de La Réunion le 12 septembre 2019 de demandes de condamnation de son employeur à lui payer des sommes à titre indemnitaire.
Par jugement du 17 novembre 2020, le conseil de prud’hommes de Saint-Denis de La Réunion a :
– dit et jugé que le licenciement de M. [X] est sans cause réelle et sérieuse,
– dit et jugé que l’arrêt prématuré de la période de préavis est dépourvu de toute légitimité,
– condamné la société Kdi Davum à payer à M. [X] les sommes suivantes :
65 971 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
789 euros au titre du reliquat restant dû sur l’indemnité conventionnelle de licenciement
6 283 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis
2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– ordonné l’exécution provisoire,
– débouté le demandeur du surplus de ses demandes,
– débouté le défendeur de sa demande reconventionnelle,
– mis les dépens à la charge du défendeur.
Le conseil de prud’hommes a jugé que l’employeur ne pouvait se prononcer objectivement sur les qualités professionnelles du salarié sur la période entre sa nomination en tant que directeur le 1er décembre 2018 et le licenciement le 10 mai 2019, que sa nomination est intervenue dans un contexte difficile et sans transition, que le grief de la présence insuffisante au bureau n’était pas fondée, que l’employeur n’apportait pas la preuve de l’achat de l’ordinateur n’entrant pas dans le budget informatique, que la fermeture de l’entreprise durant deux jours s’inscrivait dans le cadre d’un usage de plusieurs années et qu’enfin la faute invoquée au soutien de la rupture du préavis n’était pas établie.
Par déclaration du 15 décembre 2020, la société Kdi Davum a interjeté appel de ce jugement.
Par ordonnance du 1er mars 2022, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable l’appel incident formé par M. [X] dans ses conclusions notifiées le 2 novembre 2021.
Prétentions des parties.
Par conclusions notifiées et déposées le 31 août 2022 auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, la société Kdi Davum demande à la cour, infirmant le jugement, de :
– la juger fondée et recevable en son appel,
– juger M. [X] irrecevable en ses demandes au titre ‘de l’assiette de calcul des indemnités qui lui sont dues et partant du quantum des dites indemnités, de la réparation du préjudice spécifique souffert, du rappel de salaire au titre de la prime d’ancienneté et du rappel de prime annuelle ‘ faute d’avoir porté à la cour, dans le dispositif de ses conclusions notifiées par RPVA le 11 juin 2021, ses chefs de jugement critiqués et demandes de réformation,
– juger M. [X] irrecevable en son appel incident formé aux termes de ses conclusions notifiées par RPVA le 2 novembre 2021,
– juger que M. [X] sera réputé demander la confirmation du jugement dont appel sur les seules prétentions accueillies en première instance et partant, que la cour d’appel n’est pas saisie des prétentions dont il a été débouté en première instance,
– donner acte à M. [X] de l’abandon, dans ses conclusions notifiées le 27 juin 2022, de ses demandes au titre de la réparation du préjudice spécifique souffert, du rappel de salaire au titre de la prime d’ancienneté et du rappel de prime annuelle,
En conséquence, de :
– dire et juger que le licenciement pour insuffisance professionnelle de M. [X] est fondé,
– dire et juger que la rupture anticipée du préavis est justifiée,
– fixer la moyenne de salaire à la somme de 6 283 euros brut,
– débouter M. [X] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
– condamner M. [X] à régler à la concluante la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [X] aux entiers dépens de l’instance,
– rappeler que l’infirmation du jugement emportera obligation pour M. [X] de rembourser les sommes versées au titre de l’exécution provisoire de droit.
Par conclusions notifiées et déposées le 27 juin 2022 auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens, M. [X] demande à la cour de, au visa des articles L. 1232-1, L. 1332-4 et L. 3221-3 du code du travail, ainsi que les articles 1103, 1104 et 1240 du code civil et de la convention collective du commerce de gros :
À titre principal,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a considéré que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse et que, par ailleurs, l’arrêt prématuré de la période de préavis est dépourvu de toute légitimité.
– l’infirmer pour ce qui concerne la fixation de son salaire mensuel moyen et, partant, pour ce qui est du quantum des indemnités allouées au concluant, soit :
l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
l’indemnité conventionnelle de licenciement et
l’indemnité compensatrice de préavis.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
– fixer, au visa de l’article L. 3221-3 du code du travail, sa rémunération mensuelle moyenne à la somme de 10 476,91 euros,
En conséquence,
– condamner la société KDI DAVUM à lui payer les sommes ci-après :
110 008,50 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
10 477,00 euros au titre du reliquat restant dû sur l’indemnité compensatrice de préavis ;
16 865,13 euros au titre du reliquat restant dû sur l’indemnité conventionnelle de
licenciement ;
A titre subsidiaire,
– confirmer, en toutes ses dispositions, le jugement entrepris d’appel.
En tout état de cause,
– débouter la société KDI Davum de l’ensemble de ses prétentions dirigées contre le concluant.
– la condamner à lui payer la somme de 5 000,00 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux entiers dépens.
Motifs
– Sur la recevabilité des demandes du salarié
L’appel incident du salarié a été déclaré irrecevable par ordonnance du 1er mars 2022.
En vertu de l’article 914 dernier alinéa du code de procédure civile, les ordonnances du conseiller de la mise en état statuant sur la fin de non recevoir tirée de l’irrecevabilité de l’appel, sur la caducité de celui-ci ou sur l’irrecevabilité des conclusions et des actes de procédure en application des articles 909, 910, et 930-1 ont autorité de la chose jugée au principal.
Les nouvelles demandes du salarié tendant à obtenir condamnation de l’employeur à lui payer des sommes supérieures à celles retenues par le conseil de prud’hommes et au titre desquelles il a été déclaré irrecevable seront également déclarées irrecevables devant la cour de par l’autorité de la chose jugée de l’ordonnance susvisée.
– Sur la rupture du contrat de travail
La société soutient que le licenciement pour insuffisance professionnelle est justifié en ce que le salarié :
– a fait preuve d’une incapacité à prendre en charge les missions confiées caractérisées par :
– un manque de communication et de transparence sur les modalités de fonctionnemment du système de rémunération variable des commerciaux,
– l’absence de mise en oeuvre de la politique définie par la direction générale,
– le non-respect des procédures internes en matière de demandes d’achat pour l’acquisition d’un poste informatique,
– la fermeture de la société deux jours consécutifs pour un voyage à l’île Maurice,
– est responsable en tant que directeur commercial de l’insuffisance des résultats en 2018 et du 1er trimestre 2019,
– a fait preuve d’une gestion ce dont il résulte des écarts d’inventaire sur les stocks conséquents,
– était peu assidu sur son lieu de travail en raison d’une présence limitée à son bureau au sein de l’entreprise.
Le salarié réfute les reproches de l’employeur exposant que l’entreprise était désorganisée lorsqu’il a été nommé directeur le 1er décembre 2018 et que la procédure de licenciement a été engagée dès le 24 avril 2019.
Sur la présence au sein de l’entreprise, il explique avoir partagé son temps de travail entre trois sites, qu’il visitait des clients et qu’il était présent dans l’entreprise en dehors de heures de fermeture.
Il explique que les commerciaux de l’entreprise avaient été recrutés préalablement à sa promotion et qu’il n’avait pas compétence pour modifier leur rémunération.
Il précise avoir présenté le projet de la société par projection et remise d’un livret.
Il conteste le caractère excessif de l’achat du poste informatique dont le prix entrait dans l’enveloppe prévisonnelle.
S’agissant du voyage, il se prévaut d’un usage ancien ayant vocation d’insuffler un esprit d’équipe et que cette décision relevait de son autonomie de décision.
Il rejette la responsabilité de l’insuffisance de résultats, n’ayant été nommé au poste de directeur qu’à compter du 1er décembre 2018 et que cette insuffisance s’inscrivait dans un contexte de changement de la direction, de départ de commerciaux, de fermeture de l’entreprise durant 15 jours et d’une économie locale en difficulté.
Enfin, il se prévaut de la prescription des faits relatifs à l’écart d’inventaire, que cet écart qui se situe dans une moyenne constatée depuis 2013 ne lui est pas imputable.
Sur ce,
En application des articles L. 1232-1, L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les termes du litige, le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur et forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute persiste, il profite au salarié. La charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse est partagée.
L’insuffisance professionnelle consiste en l’inaptitude du salarié à exécuter correctement les tâches qui lui sont confiées et qui correspondent à sa qualification professionnelle, sans qu’il soit nécessaire de caractériser l’existence d’une négligence ou d’une mauvaise volonté de sa part.
Pour caractériser une cause de licenciement, l’insuffisance professionnelle alléguée par l’employeur doit reposer sur des éléments concrets et avoir des répercussions négatives sur la bonne marche de l’entreprise. Elle doit être appréciée en fonction d’un ensemble de données, telles que la qualification du salarié lors de l’embauche, les conditions de travail, l’ancienneté dans le poste, la formation professionnelle reçue.
Le salarié qui occupait le poste de directeur commercial a été nommé directeur adjoint de filiale à compter du 1er septembre 2018 puis directeur de filiale le 1er décembre 2018.
1- Le manque de communication et de transparence concernant les modalités de fonctionnement du système de rémunération variable des commerciaux.
L’employeur s’abstient de produire le moindre élément à l’appui de ce grief, alors que le salarié le conteste et produit des échanges de messages électroniques, l’un dont il est expéditeur, en date du 9 janvier 2019, rédigé ainsi :
‘En dehors de l’atteinte des objectifs de marge, nous devons travailler à la refonte du système de rémunération des représentants…’
et dont il a été répondu le 17 janvier 2019 :
‘Suite discussion… nous changeons notre politique sur les bonus…’
Ces échanges permettent de constater que le salarié se préoccupait du système de rémunération des commerciaux.
Ce grief ne peut être retenu.
2- L’absence de mise en oeuvre de la politique définie par la direction générale.
L’employeur soutient que la plupart des collaborateurs n’ont pas été informés de la stratégie et que ce manque de communication a nécessairement été préjudiciable à la filiale.
La stratégie invoquée est nommée ‘VC²’.
Il résulte des pièces versées aux débats que lors de l’entretien préalable, le salarié a répondu :
‘Lors de la première réunion du COMEX le 12 février, celle-ci, a été présentée à l’encadrement sous forme de Powerpoint et de livret que chacun a reçu personnellement et pu consulter et voir’,
que par la suite, le 7 mai 2019, l’employeur a demandé par message électronique au salarié ayant rédigé le compte-rendu d’entretien de modifier celui-ci dans le sens suivant :
‘[K] n’a pas mentionné de livret sur VC² lors de la réunion il a juste précisé qu’il a présenté en Comex les slide les plus importants ou adaptés à Davum et que les manager pouvaient justifier’, requête à laquelle le salarié rédacteur a expressément refusé d’accéder, mais envoyant à chaque participant une copie du compte-rendu commenté et annoté en ces termes :
‘1) Commentaire de M. [B] : [K] n’a pas mentionné de livret sur VC² lors de la réunion il a juste précisé qu’il a présenté en Comex les slides les plus importantes ou adaptés à Davum et que les managers pouvaient justifier.
2) Commentaire de M. [Z] : effectivement c’est moi qui pour plus de précision a inclus que les cadres, dont je fais partie, avaient bien reçu le dossier.’
Ce compte-rendu et ces échanges de messages électroniques permettent de retenir l’effectivité d’une communication de la stratégie par le salarié licencié contrairempent au grief repris dans la lettre de rupture de sorte qu’il ne peut être retenu.
3- le non-respect des procédures internes en matière de demandes d’achat pour l’acquisition d’un poste informatique.
L’employeur reproche au salarié l’achat d’un ordinateur d’une valeur de 3 000 euros en dehors du respect des procédures internes concernant les demandes d’achat.
Le salarié ne conteste pas cet achat mais précise qu’il rentrait dans l’enveloppe globale du parc informatique et qu’il n’avait pas à obtenir un aval pour l’acquisition.
Aucune procédure interne d’achat, telle qu’invoquée par l’employeur dans la lettre de licenciement, n’est justifiée, et l’acquisition de ce matériel par le directeur qui dispose d’une autonomie en la matière, sans dépassement de l’enveloppe budgétaire allouée à ce poste de dépense, et sans qu’il soit autrement justifié du caractère dispendieux de la dépense par rapport aux besoins du salarié dans le cadre de ses fonctions n’est pas de nature à caractériser une insuffisance professionnelle.
4- La fermeture de la société durant deux jours.
L’employeur fait grief au salarié d’avoir pris la décision de fermer la société deux jours, les 9 et 10 mai 2019, afin de permettre à la délégation unique du personnel de proposer un voyage organisé à l’île Maurice, sans en informer la hiérarchie, décision lourde de conséquences dans le cadre de résultats en retrait par rapport au budget.
L’employeur précise, par conclusions, que le salarié a démontré, dans ce cadre, son incapacité à remettre en question les pratiques anciennes. Le salarié, sans être contredit, précise qu’il s’agissait d’un usage existant depuis plusieurs années.
Aucun élément ne permet de constater que l’employeur avait émis la moindre consigne, voire un quelconque voeu ou avis relatif à la remise en cause de cet usage que le salarié à son initiative ne pouvait supprimer.
Le compte-rendu commenté de l’entretien préalable permet de constater que contrairement aux termes de la lettre de licenciement la direction avait été informée, certes de façon tardive, mais ce qui diffère d’une absence d’information.
Enfin l’employeur invoque une décision lourde de conséquences sans en justifier, alors que le salarié précise que cette fermeture devait être compensée par des jours d’ouverture au mois d’août.
Ce grief est en conséquence mal fondé.
5- L’insuffisance de résultats
L’employeur dans la lettre de licenciement reproche au salarié, en tant que directeur commercial, une insuffisance de résultats pour l’année 2018.
L’employeur s’abstient de justifier de quelconques objectifs alloués au salarié dans ses postes occupés de directeur commercial puis de directeur adjoint et directeur de filiale.
Alors que les résultats sont suivis par périodes régulières trimestrielles, et nonobstant l’insuffisance invoquée, le salarié a été promu en qualité de directeur de la filiale, l’employeur n’expliquant pas comment le salarié insuffisant professionnellement en qualité de directeur commercial peut être nommé au poste de directeur pour ensuite être licencié sur ce motif en tant que directeur commercial, alors que, par ailleurs, l’entreprise a été confrontée en 2018 au départ de deux directeurs avant sa nomination en décembre.
Enfin, aucun élément ne permet de connaître les causes intrasèques de l’insuffisance de résultats dès le premier trimestre 2019, ni les perspectives de redressement éventuel ou, à l’inverse, le risque d’agravation ou, à tout le moins, de persistance de cette situation dont le salarié serait responsable, et alors qu’il se prévaut d’une conjoncture sociale et économique effective et non contestable. Ainsi une insuffisance de résultats constatée sur le premier trimestre 2019 n’est pas de nature à justifier la rupture immédiate du contrat de travail du salarié.
Le grief de l’insuffisance de résultats ne sera pas retenu.
6- Les écarts d’inventaire.
L’employeur reproche au salarié des écarts d’inventaire en 2018.
Comme vu supra, le salarié a été nommé directeur en décembre 2018 et il exerçait auparavant en qualité de directeur commercial, de sorte qu’à défaut pour l’employeur de démontrer que cette mission aurait été confiée au salarié dans ses anciennes fonctions, ce grief est inopérant.
7- La présence du salarié.
L’employeur se prévaut ‘d’une présence insuffisante au bureau (2 heures par jour en moyenne)’ du salarié.
L’employeur s’abstient de préciser la période sur laquelle il fonde cette présence insuffisante et la circonscrit physiquement ‘au bureau’.
Or, la société exploite trois sites, le site de [Localité 4], celui de [Localité 6] et celui de [Localité 5] et le salarié explique sans être contredit qu’il est amené à rencontrer divers partenaires, clients et fournisseurs, correspondant à une activité conforme à ses fonctions de directeur commercial, puis de directeur de filiale, de sorte que la présence partielle sur le seul site du siège à [Localité 4] doit être mesurée à l’aune de ces éléments professionnels.
En outre, à défaut de précision quant à la période retenue pour ce constat, le fait de promouvoir le salarié au poste de directeur de filiale en décembre 2018 n’est pas cohérent avec un manque de présence sur un lieu de travail, alors que jamais reproche ou rappel n’avait été émis.
Enfin, M. [X] produit de nombreuses attestations d’anciens salariés et d’une salariée en poste mentionnant sa présence régulière sur le site ainsi qu’une réelle disponibilité, l’employeur, pour sa part, qui fait état dans le courrier de rupture, de plaintes de collaborateurs n’en justifie aucunement.
Aucun des griefs n’étant caractérisé, la rupture du contrat de travail du salarié n’est pas fondée. Le jugement ayant jugé le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse sera confirmé.
– Sur la rupture du préavis
Le salarié licencié pour insuffisance professionnelle, a été dispensé d’exécuter son préavis d’une durée de trois mois.
Convoqué à un entretien préalable fixé au 3 mai 2019, le salarié s’est vu notifier la rupture du préavis suivant lettre recommandée avec avis de réception en date du 11 juillet 2019 ainsi libellée :
‘ […] Suite à votre départ, nous avons découvert que vous participiez à la gestion, de surcroît sur le temps et lieu du travail, d’une société concurrente (la société SOLUBAT, société dont votre père est actionnaire via la société ETOILE 0I aux côtés d’anciens salariés de notre Société).
Au-delà de ce conflit d’intérêts évident – que vous aviez sciemment dissimulé au mépris de toutes nos règles internes et plus généralement du principe de loyauté – les investigations que nous avons mené ont permis de découvrir que vous aviez agi au détriment des intérêts de notre Société.
Ainsi, vous avez refusé de répondre à des demandes de consultation de la part de clients en arguant de prétextes fallacieux et que vous les aviez incité à se rapprocher de la société SOLUBAT afin qu’ils passent commande auprès d’elle.
Des investigations complémentaires ont permis de constater que la société DAVUM avait été largement mise à contribution pour améliorer le bilan de la société SOLUBAT. En particulier, il a été constaté que la société SOLUBAT se fournissait auprès de DAVUM à des prix très inférieurs à ceux que nous pratiquions avec nos autres clients et ce sans qu’aucune explication économiquement crédible ne puisse être apportée.
Nous avons été donc contraints de vous convoquer à un entretien le 8 juillet 2019, afin d’échanger avec vous sur ce sujet.
Les explications que vous nous avez alors fournies, ne nous ont pas permis de modifier notre interprétation des faits.
En effet, en début d’entretien, vous avez déclaré ne jamais avoir travaillé pour la société SOLUBAT et ignoré également qui est le commercial de DAVUM en charge de ce compte. Par la suite, vous avez reconnu, avoir « dépanné » le gérant de la société SOLUBAT pour un problème informatique et lui avait conseillé de prendre un prestataire informatique.
Vous avez reconnu que votre père était actionnaire de la holding ETOILE 0I, qui détient la société SOLUBAT. De même que M [O], commercial en charge de la gestion commerciale de ce compte.
Vous avez déclaré qu’il n’y avait pas de conflit d’intérêt dans la mesure où il n’y avait jamais eu de vente à perte.
Pourtant, malgré les formations « compliances » que vous avez suivi annuellement, vous n’avez pas informé la société mère de cette situation que vous jugez « normale ».
Un tel comportement, d’une particulière gravité, rend totalement impossible la poursuite de votre préavis.
Dans ces conditions, nous vous notifions la rupture de votre préavis, laquelle interviendra à compter de la date d’envoi de la présente […]’
L’employeur se prévalant du bien-fondé des motifs de la rupture du préavis conclut à l’infirmation du jugement en ce qu’il l’a jugé non fondée et en ce qu’il a été condamné au paiement d’une somme à titre de reliquat d’indemnité compensatrice de préavis.
Si la découverte ou la commission au cours du préavis d’une faute grave peut entraîner l’interruption de l’exécution de ce préavis, il en est autrement si le salarié a été dispensé de l’exécuter et en cas de dispense l’indemnisation du préavis lui est acquise.
En conséquence, quel que soit le motif de l’interruption du préavis à l’exécution duquel le salarié a été dispensé, l’indemnisation de cette période lui est due.
Le jugement sera confirmé par substitution de motif.
Les montants des sommes allouées au salarié n’étant pas contestés en leur quantum par l’appelant, le salarié étant irrecevable en son appel incident, le jugement sera en conséquence encore confirmé des chefs de condamnation à leur paiement.
Par ces motifs,
La cour,
Statuant publiquement, contradictoirement,
Déclare irrecevable la demande de M. [X] d’infirmation du jugement sur les sommes allouées,
Confirme le jugement entrepris,
En application de l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société KDI Davum à payer à M. [X] la somme de 1 000 euros,
Condamne la société KDI Davum aux dépens.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Yann CATTIN, président de chambre, et par Mme Nadia HANAFI, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,