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22 février 2023
Cour d’appel de Lyon
RG n°
19/07880
AFFAIRE PRUD’HOMALE
RAPPORTEUR
N° RG 19/07880 – N° Portalis DBVX-V-B7D-MWIK
Société SANDOZ
C/
[D]
APPEL D’UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de LYON
du 17 Octobre 2019
RG : F17/01749
COUR D’APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 22 FÉVRIER 2023
APPELANTE :
Société SANDOZ
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LAFFLY & ASSOCIES – LEXAVOUE LYON, avocat au barreau de LYON et ayant pour avocat plaidant Me Caroline MO de la SARL SOCOS, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
[K] [D] épouse [T]
née le 24 Décembre 1968 à LYON
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Philippe NOUVELLET de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON
et ayant pour avocat plaidant Me Christine DE ROQUETAILLADE de la SELARL DE ROQUETAILLADE, avocat au barreau de LYON
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 13 Décembre 2022
Présidée par Joëlle DOAT, Présidente magistrat rapporteur, (sans opposition des parties dûment avisées) qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assistée pendant les débats de Morgane GARCES, Greffière.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
– Joëlle DOAT, présidente
– Nathalie ROCCI, conseiller
– Anne BRUNNER, conseiller
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 22 Février 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Joëlle DOAT, Présidente et par Morgane GARCES, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 6 janvier 1997, Mme [K] [D] épouse [T] a été embauchée en qualité d’animateur de ventes par la société GNR Pharma aux droits de laquelle se trouve désormais la société Sandoz.
Mme [T] a été nommée au poste de directeur régional le 1er janvier 1999.
Au dernier état de la relation de travail, elle bénéficiait de la classification 7A, statut cadre de la convention collective nationale des industries pharmaceutiques.
Par lettre recommandée du 30 mars 2017, la société Sandoz a convoqué la salariée à un entretien préalable, fixé au 11 avril 2017.
A la suite de cet entretien, une mise à pied conservatoire lui a été notifiée par lettre recommandée expédiée le 11 avril 2017.
Mme [T] a été licenciée pour faute grave, le 2 mai 2017.
Par requête en date du 12 juin 2017, Mme [T] [D] a saisi le conseil de prud’hommes de Lyon en lui demandant de dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et de condamner la société Sandoz à lui verser diverses sommes, notamment à titre d’indemnités de rupture et de dommages et intérêts consécutifs au licenciement.
Par jugement en date du 17 octobre 2019, le conseil de prud’hommes a :
– dit que le licenciement de Mme [D] épouse [T] est dépourvu de cause réelle et sérieuse
– fixé la moyenne de salaire de Mme [D] épouse [T] à la somme de 6 805,62 euros bruts en fonction de l’attestation pôle emploi fournie
– condamné la société Sandoz à verser à Mme [D] épouse [T] les sommes suivantes :
*18 764,01 euros bruts au titre de l’indemnité de préavis
*1 874,60 euros bruts au titre des congés payés afférents ( conformément à la demande de Mme [D])
*62 434,68 euros bruts au titre de l’indemnité de licenciement
*961,80 euros bruts au titre du complément du 13ème mois
*100 000 euros à titre de dommages et intérêts consécutifs au licenciement
*6 729,24 euros bruts au titre du solde de l’indemnité de non-concurrence
*1 301,25 euros bruts au titre des congés payés sur indemnité de non-concurrence
*671,12 euros à titre de remboursement de note de frais
*500 euros à titre de dommages et intérêts au titre du retard dans le règlement des salaires et accessoires et dans la délivrance des documents de fin de contrat
– débouté Mme [D] épouse [T] de sa demande de dommages et intérêts fondée sur les circonstances vexatoires du licenciement
– condamné la société Sandoz à verser à Mme [D] la somme de1 700 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– dit que les sommes accordées porteront intérêts ‘de droit’ à compter de la saisine du conseil
– dit qu’il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire de la présente décision, outre celle de droit du jugement
– condamné la société Sandoz aux entiers dépens de l’instance.
La société Sandoz a interjeté appel de ce jugement, le 14 novembre 2019.
Elle demande à la cour :
– d’infirmer le jugement, sauf en ce qu’il a débouté Mme [T] [D] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice distinct et, statuant à nouveau :
– de dire que le licenciement notifié à Mme [T] [D] est fondé sur une faute grave,
– de débouter Mme [T] [D] de l’intégralité de ses demandes
– de condamner Mme [T] [D] au versement de 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Mme [T] [D] demande à la cour :
– de confirmer le jugement, sauf en ce qui concerne le montant des dommages et intérêts alloués au titre du licenciement et au titre de la remise tardive des documents de rupture et sauf en ce qu’il a rejeté sa demande de dommages et intérêts au titre des circonstances vexatoires du licenciement
– de condamner la société Sandoz à lui payer les sommes suivantes :
*158 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
*10 000 euros en réparation du préjudice causé par les circonstances vexatoires du licenciement
*10 000 euros en réparation du préjudice causé par le retard dans le règlement des salaires et accessoires et dans la délivrance des documents de fin de contrat
– de condamner la société Sandoz à lui verser la somme de 3 000 euros en cause d’appel au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 10 novembre 2022.
SUR CE :
Sur le licenciement
A l’appui de la mesure de licenciement pour faute grave, l’employeur reproche à la salariée un non-respect récurrent des règles de l’entreprise, un non-respect des ‘process’ de l’entreprise en ce qui concerne les réclamations clients et un non-respect des règles de ‘compliance’.
Les termes de la lettre de licenciement sont les suivants :
Nous avons été alertés par l’un de nos clients (pharmacie Tanji par mail adressé au directeur des opérations retail) sur sa situation, celui-ci se plaignant d’engagements que vous avez pris depuis plusieurs années auprès de lui et qui n’auraient pas été honorés. Le client évoque deux litiges en cours depuis 2015, et se plaint de votre absence de réponse depuis votre rendez-vous dans ses locaux le 25 janvier 2017 et ce malgré ses relances. Après investigation, nous découvrons que votre collaborateur en charge de cette pharmacie prend depuis plusieurs années des engagements en complet décalage avec notre politique valeur clients (PVC) annonçant des scores inatteignables par le client au regard de son chiffre d’affaires et de son potentiel de chiffre d’affaires. Cette situation était connue de vous et vous l’avez dissimulée à votre supérieur hiérarchique. Le 25 janvier 2017, vous vous rendez dans cette pharmacie et annoncez aux clients que pour les années 2015 et 2016, son score PVC était de 13 % au lieu des 14 % annoncés. Or, au regard de notre politique PVC, son score aurait dû être de 7 % pour 2015 (versus 14 % et 13 % annoncés), de 12 % pour 2016 (versus 14 % et 13 % annoncés). Vous lui confirmez par ailleurs que son score 2017 sera de 15 %, alors que notre politique PVC prévoit un score de 9 %.
Vous ne pouviez ignorer cette politique PVC et les scores associés. Elle fait partie intégrante du quotidien d’un directeur régional chez Sandoz et vous y avez été formée (…)
C’est donc délibérément que vous avez décidé de ne pas respecter ces règles et cet exemple n’est pas isolé (…)
Le non-respect de cette politique entraîne des conséquences graves pour l’entreprise. Il génère de l’insatisfaction clients et une perte de confiance et a sur le moyen terme un impact direct sur le chiffre d’affaires. Il a aussi un impact financier direct et immédiat car il génère des litiges clients qui font l’objet de réclamations clients.
Concernant ces réclamations clients, nous découvrons aussi récemment, après investigation, que vous ne respectez pas les process de l’entreprise. Le 9 février 2017 à 9 heures 21, vous avez adressé un SMS à ce même client confirmant le règlement d’un montant de 11’000 € pour une prestation à prévoir en mars 2017.
Or, ce montant n’avait pas été validé par le comité PVC à cette date.
En effet, le 7 février 2017, vous aviez reçu un mail de demande d’explication concernant votre demande de règlement de réclamation client par l’intermédiaire de l’assistante administrative en charge notamment du suivi opérationnel de la PVC auquel vous n’avez jamais répondu. Le fichier en pièce jointe ne faisait pas apparaître le message habituel de validation (…) et ne présentait donc aucune ambiguïté sur le statut de votre demande. Malgré cela, vous avez pris l’initiative, et ce à l’encontre de process que vous connaissez parfaitement, de prendre un engagement écrit deux jours plus tard auprès de ce client, engagement que l’entreprise ne pourra pas honorer (…)
Ce non-respect des règles et process de l’entreprise avait fait l’objet de plusieurs rappels à l’ordre par votre responsable hiérarchique sous différentes formes (par mail le 29 octobre 2015 au sujet de la pharmacie Castaner, dans votre entretien de fin d’année 2015 au sujet des règles de PVC, par e-mail le 6 avril 2016 au sujet de la pharmacie du marché, notamment).
Vous avez continué de laisser-faire ou incité des comportements qui ne respectent pas les règles de l’entreprise (e-mail du 30 janvier 2017 envoyé à votre équipe avec des consignes ne correspondant pas à la stratégie de l’entreprise et pour certaines encourageant des écarts de compliance versus la PGI 2017). Cette situation perdure et ce n’est pas acceptable.
Ensuite, nous déplorons un non-respect de nos règles de ‘compliance’.
Dans un mail du 24 mars 2017 adressé à votre manager par la responsable administration clients, il apparaît que vous avez donné à votre équipe pour la période du troisième cycle 2016 la consigne de ne pas réaliser les missions de relevés de publicité sur le lieu de vente (PLV) si le responsable du secteur envisageait le moindre risque de non-conformité. Vous avez justifié cette directive en expliquant que la conformité de la PLV était intégrée au système de primes valeurs et comportements et qu’un mauvais score généré par des relevés non conformes aurait un impact négatif sur le paiement des primes.
Les écarts de taux de couverture et le fort taux de conformité par rapport aux autres régions témoignent de cette consigne qui met en péril le bon fonctionnement des process de contrôle/compliance de notre politique globale d’investissement.
Le fait de contourner un process interne de compliance dans le but de maximiser le potentiel de gain de primes est un comportement inacceptable pour un manager et un défaut d’exemplarité majeur vis-à-vis de ses collaborateurs.
Cette déviance n’est pas isolée : à l’issue d’un nouveau manquement de la part de l’un de vos collaborateurs, [N] [Z], au respect de nos procédures internes et du code de la santé publique, il vous a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception un rappel à l’ordre le 1er juillet 2016 car vous aviez validé une note de frais en dehors de nos procédures internes, sans alerter votre manager, ni la DRH, ni le département compliance et transparency qui a investigué le dossier. Concernant la pharmacie Tanji citée plus haut, nous notons que vous n’avez une fois de plus pas fait remonter les écarts de l’un de vos collaborateurs, les avez dissimulés et légitimés en le soutenant auprès du client.
Le non-respect de la politique de valeur clients (PVC) et des ‘process’ de réclamation clients invoqué par l’employeur s’appuie, au vu des pièces produites par ce dernier, sur un seul exemple, celui de la pharmacie Tanji.
Le 24 février 2017, la pharmacie signale à M. [C] ‘head of retail operations’ que, le 25 janvier 2017, elle a eu un rendez-vous avec la directrice régionale (Mme [T]) ‘suite à plusieurs litiges en cours de 2015 et 2016″, qu’à la suite de ce rendez-vous, elle lui a envoyé plusieurs SMS et laissé des messages téléphoniques sans réponse de sa part à ce jour, si bien qu’elle le sollicite pour ‘solutionner ces deux litiges dans les plus brefs délais’.
M. [C] écrit à M. [X] (supérieur hiérarchique de Mme [T]) le 3 mars 2017 : ‘la pharmacie accumule un certain nombre de pratiques ou impacts qui sont à l’opposé de nos pratiques et de ce que nous voulons donner comme image de Sandoz : (…) points qui ont visiblement été validés par la directrice régionale’.
Aucun élément postérieur à ces courriels n’est produit par l’employeur.
Or, Mme [T] verse aux débats des courriels montrant que ses demandes de scores (récapitulatifs ‘PVC’) étaient transmises à M. [X], son responsable, qui les lui retournait après validation des scores et investissements par le comité, si bien qu’il en avait connaissance.
Elle démontre également que, alors qu’il lui est reproché d’avoir promis à la pharmacie Tanji un score de 13/14 % en 2015 , 13/14% en 2016 et 15 % en 2017 (au lieu de 9 % comme indiqué dans le courriel du 3 mars 2017 ci-dessus et la lettre de licenciement), le comité a validé un score de 17 % en 2017.
Par courriel du 27 mars 2017, le salarié chargé de la pharmacie Tanji a annoncé à M. [X] que ‘la ‘RC’ de 10 000 euros venait d’être validée et qu’elle attendait encore 1 000 euros ; score 17 validé par le comité, tu m’as dit qu’elle aurait 15″ .
En ce qui concerne le process de réclamation des clients, Mme [T] a expliqué à M. [C] le 6 mars 2017 qu’elle avait convenu avec la pharmacie Tanji un montant de 11 000 euros pour ‘absorber les litiges 2015 et 2016″ et qu’elle ne lui avait pas annoncé de date de versement, ne sachant pas quand allait être débloqué le ‘RC’.
L’employeur qui ne justifie pas avoir répondu à ce courriel, ni reproché à la salariée d’avoir proposé le versement de la somme de 11 000 euros, n’est dès lors pas fondé à lui faire grief d’avoir promis à la pharmacie ledit montant de 11 000 euros avant d’avoir reçu la validation de la ‘PLV’, selon le message téléphonique écrit suivant du 9 février 2017 à 9 heures 21, dont il a fait constater le contenu par procès-verbal d’huissier de justice du 28 mars 2017 : ‘je vous confirme le montant de 11 000 euros sur expo mars’, étant observé que Mme [T] n’a pas répondu aux messages de la pharmacie ‘ce sera payé quand’ Je suis d’inventaire le 30 mars, est-ce qu’on pourrait avoir le paiement avant”.
L’employeur affirme dans ses conclusions que, le 7 février 2017, Mme [W] a envoyé à Mme [T] un courriel comportant le tableau de suivi de ses réclamations, que, s’agissant de la pharmacie Tanji, il était mentionné ‘en attente du retour du DR sur montant du RC et confirmation du score négocié en 2017″ et que Mme [T] n’a pas répondu à cette demande d’éléments complémentaires.
Or, rien de tel n’apparaît à la lecture dudit courriel du 7 février 2017 qui ne comporte aucun nom ni chiffre et du tableau sur papier libre ainsi renseigné : pharmacie Tanji solution réseau d’achat 8 Rhône Alpes 807 Arriola Grégory 8.
Le courriel du 30 janvier 2017 visé dans la lettre de licenciement n’est pas produit aux débats par l’employeur.
Enfin, le courriel suivant du 24 mars 2017 de Mme [E] ‘customer support manager’ :
‘certains RS de la région RA ont contacté [H] en l’informant que leur région avait eu pour consigne de la part d'[K] de ne réaliser les missions Yoobic si et seulement si l’officine était jugée conforme . Donc si le RS envisageait le moindre risque alors il ne réalisait pas la mission, ce qui explique à mon sens le fort taux de conformité mais également le faible taux de couverture sur ce C3. [K] a également confirmé cette directive sur le cycle C3 auprès d'[H] car intégré au système de primes V& B’ répondant à M. [X] qui lui écrit : ‘je souhaiterais comprendre les écarts constatés entre les régions alors que tous les DR (directeurs régionaux) ont la même consigne depuis le départ (…) comment expliquer ces écarts pour la région Rhône Alpes’ (…)’ imprécis, hors de tout contexte et non corroboré par d’autres éléments de preuve, ne permet pas d’établir que Mme [T] a donné à ses collaborateurs une consigne de nature à fausser les résultats de son équipe.
Au demeurant, l’employeur, qui indique dans ses conclusions qu’il aurait été intéressant que la salariée s’explique sur les écarts suivants : taux de conformité en moyenne de 88 % sur les régions et de 94 % pour la région Rhône-Alpes et taux de pourcentage de visite de 29 % pour la région Rhône Alpes et de 35 % sur les régions, à supposer que les écarts ainsi annoncés soient anormaux ou révèlent un dysfonctionnement, ne démontre pas avoir interrogé Mme [T] directement sur ce point après avoir reçu le courriel de Mme [E].
L’employeur se réfère dans la lettre de licenciement à des rappels à l’ordre adressés à la salariée, en citant un courriel du 29 octobre 2015 qu’il ne verse pas aux débats et l’entretien de fin d’année 2015 ‘au sujet des règles de PVC’, alors qu’il ne produit que l’entretien annuel de performance de l’année 2016 approuvé par le manager le 28 février 2017 et reçu par Mme [T] le 6 mars 2017, sur lequel ne figure aucune appréciation relative à la ‘PVC’, de sorte que l’existence de ces rappels à l’ordre n’est pas établie.
L’échange de courriels des 4 et 5 avril 2016 entre M. [X] et Mme [T] à propos de la pharmacie du Marché, antérieur de plus d’un an à l’introduction de la procédure de licenciement, ne démontre pas que la salariée n’a pas respecté les procédures internes en matière de ‘PVC’, tandis que l’employeur ne justifie pas avoir à cette époque reproché à la salariée la décision prise par elle, après avoir reçu les explications qu’il sollicitait.
Le seul rappel à l’ordre dont justifie l’employeur a été décerné par lui le 1er juillet 2016 et concerne un fait sans rapport avec les griefs énoncés dans la lettre de licenciement puisqu’il était reproché à Mme [T] d’avoir validé sans en référer à ses supérieurs la note de frais de l’un de ses collaborateurs, malgré le non-respect des procédures internes et du code de la santé publique par le salarié qui, ayant invité le personnel d’une pharmacie cliente de Sandoz le 24 septembre 2015 et réservé une salle, avait déclaré dans sa demande de prise en charge qu’il s’agissait d’un repas d’opportunité pour 12 personnes, ‘alors que le fait d’avoir une salle réservée à l’avance ne permettait plus la qualification en tant qu’opportunité: il s’agit d’un événement organisé de type RP qui aurait dû suivre le processus SP3 et la déclaration DMOS auprès des instances ordinales avec un programme et une liste d’invités et par ailleurs les procédures prévoient l’invitation de 8 personnes au total’.
Le compte-rendu d’entretien (non daté) versé en pièce 19 ‘au sujet de l’évaluation 2015″, revient sur la ‘dérive constatée concernant les règles internes sur les invitations des professionnels de santé’, à savoir cet unique fait de validation de note de frais et, pour le surplus, est sans rapport avec les griefs énoncés dans la lettre de licenciement puisque le supérieur de la salariée développe des commentaires à propos du plan d’action que lui a remis Mme [T] sur ses axes de progression prioritaires en matière de management individuel et collectif et conclut notamment: ‘ en complément, nous avons convenu que tu allais initier une démarche de co-développement avec [J]. C’est l’occasion pour toi de travailler en profondeur sur tes besoins, avec un pair reconnu pour ses compétences dans le coaching’.
L’employeur ne rapporte dès lors pas la preuve qui lui incombe de ce que le comportement et les prises de décision de la salariée étaient inadaptés par rapport à la politique commerciale de l’entreprise et aux ‘process’ internes et que, malgré son ancienneté et les différents rappels à l’ordre, elle persistait à ne pas respecter les règles de l’entreprise.
Les fautes alléguées n’étant pas établies, c’est à juste titre que le conseil de prud’hommes a dit que le licenciement de Mme [T] était dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Le licenciement a été prononcé le 2 mai 2017, de sorte que les douze derniers mois à retenir pour le calcul de la moyenne des salaires sont ceux de mai 2016 à avril 2017 comme il est mentionné sur l’attestation Pôle emploi et non ceux d’avril 2016 à mars 2017 tels que repris par la salariée.
La moyenne obtenue est de 6026,58 euros. Si l’on ajoute les sommes versées au titre du treizième mois en juin 2016 et en novembre 2016 qui n’ont pas été intégrées dans les salaires des douze derniers mois repris dans l’attestation Pôle emploi, on obtient un salaire mensuel moyen de 6 343,98 euros.
Le montant de la condamnation prononcée au titre de l’indemnité de licenciement doit en conséquence être modifié et fixé à la somme de 60 267,81 euros selon la méthode de calcul présentée par la salariée, non remise en cause par l’employeur :
– 5 x 9/30 x 6 343,98 = 9 515,97
+ 5 x 12/30 x 6 343,98 = 12 687,96
+ 5x 14/30 x 6 343,98 = 14 802,62
+ 5 x 16/30 x 6 343,98 = 16 917,28
+ 6 343,98.
Ni l’employeur, ni la salariée n’en demandant l’infirmation, il y a lieu de confirmer le montant des condamnations au paiement de l’indemnité compensatrice de préavis, de l’indemnité de congés payés afférents et du complément de treizième mois.
Au regard de l’ancienneté de la salariée dans l’entreprise (20 ans et 4 mois), de son âge à la date du licenciement (48 ans), des circonstances de la rupture, des conséquences psychologiques qui en sont résultées, au vu du certificat médical du 12 avril 2017, l’entretien préalable s’étant tenu le 11 avril 2017, et de la situation professionnelle postérieure de Mme [T], le conseil de prud’hommes a fait une exacte évaluation du préjudice causé à cette dernière par la perte injustifiée de son emploi.
Mme [T] sollicite l’allocation de dommages et intérêts au motif qu’elle a été licenciée de manière abusive et brutale après plus de vingt ans d’investissement dans l’entreprise et a été abusivement privée de ses indemnités de rupture, que la lettre de rupture visait à porter le discrédit sur elle et que le licenciement s’inscrit dans le prolongement des brimades et des humiliations qu’elle a subies depuis l’entrée en fonction de M. [X].
Toutefois, elle ne justifie pas de l’existence de circonstances vexatoires dans la conduite de la procédure de licenciement, mesure dont le caractère injustifié est déjà réparé par les dommages et intérêts ci-dessus alloués.
Il y a lieu de confirmer le jugement qui a rejeté la demande de dommages et intérêts formée de ce chef.
Sur l’indemnité de non-concurrence
La contrepartie financière l’obligation de non-concurrence est au moins égale à 33 pour 100 des appointements mensuels ainsi qu’il est prévu à l’article 14 paragraphe 3 de l’annexe cadres de la convention collective des industries pharmaceutiques, désormais abrogée, qui était applicable à la relation de travail.
Selon l’employeur la notion d’appointements mensuels doit être interprétée, au regard des autres dispositions conventionnelles, comme faisant référence au seul salaire fixe, à l’exclusion des autres éléments de rémunération.
L’employeur se réfère à cet égard à la notion de rémunération effective totale mensuelle gagnée par le salarié licencié déterminant le calcul de l’indemnité conventionnelle de licenciement, laquelle comprend, outre les appointements de base, les majorations, avantages en nature, primes etc… et à l’article 9 de l’annexe cadres qui se réfère aux appointements ainsi que tous autres éléments de la rémunération à l’exception de la prime de rendement.
Il estime en conséquence que la contrepartie pécuniaire doit être déterminée par référence à la rémunération fixe mensuelle de la salariée, soit 3 808,60 euros bruts, de sorte qu’elle s’élève à la somme de 1 253,83 euros bruts par mois et que la salariée a été remplie de ses droits par le premier versement d’une contrepartie financière correspondant à cinq mois de salaire, complétée par un second versement du 26 avril 2018.
Mme [T] prend pour base de calcul sa rémunération mensuelle moyenne et sollicite le paiement d’une contrepartie financière mensuelle de 2 168,76 euros ( 6 572 x 33 %).
La clause conventionnelle relative à la contrepartie financière de l’obligation de non-concurrence doit être interprétée selon son sens littéral. Or, la notion d’appointements sans autre précision ne signifie pas qu’il s’agit des appointements de base et que ne doivent pas être pris en compte les autres éléments de rémunération.
Dans ces conditions, sur la base du salaire moyen ci-dessus retenu, il convient de fixer le montant de la contrepartie mensuelle litigieuse à la somme de 2 093,51 euros, soit pour six mois un total de 12 561,08 euros.
Déduction faite de la somme déjà versée à ce titre, il y a lieu de condamner la société Sandoz à payer à la salariée la somme de 6 277,46 euros, outre l’indemnité de congés payés afférents d’un montant de 1 256,10 euros, le jugement étant infirmé en ce qui concerne le montant de la condamnation prononcée de ce chef.
Sur la demande au titre du remboursement de frais
La société Sandoz s’oppose à la demande au motif que Mme [T] n’a pas respecté la procédure de remboursement de frais.
La salariée démontre cependant que la société a bien reçu les justificatifs de sa demande de remboursement de frais.
Le jugement doit être confirmé sur ce point.
Sur la demande de dommages et intérêts au motif de la remise tardive des documents de fin de contrat et du non règlement de la totalité de l’indemnité de non concurrence
En ce qui concerne le non versement de la totalité de la contrepartie financière, l’employeur ayant pu de bonne foi considérer qu’il s’était acquitté de son obligation, sa faute n’est pas établie.
Mais au vu des éléments versées aux débats, la remise tardive des documents de fin de contrat par l’employeur constitue un manquement ayant causé un préjudice à la salariée, lequel doit être indemnisé par l’allocation d’une somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts.
La condamnation prononcée par le conseil de prud’hommes doit être confirmée.
En application de l’article L 1235-4 du code du travail, il convient de condamner d’office la société Sandoz à rembourser à Pôle emploi les allocations de chômage qui ont été versées à la salariée dans la limite de six mois d’indemnités.
Le recours de la société Sandoz étant rejeté pour l’essentiel, il convient de condamner celle-ci aux dépens d’appel et à payer à la salariée la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement :
CONFIRME le jugement, sauf en ce qui concerne le montant des condamnations prononcées au titre de l’indemnité de licenciement, de la contrepartie financière à l’obligation de non-concurrence et de l’indemnité de congés payés afférents
STATUANT à nouveau sur ces points,
CONDAMNE la société Sandoz à payer à Mme [T] [D] les sommes suivantes :
– 60 267,81 euros au titre de l’indemnité de licenciement
– 6 277,46 euros à titre de solde de contrepartie financière à l’obligation de non-concurrence
– 1 256,10 euros à titre d’indemnité de congés payés afférents
CONDAMNE d’office la société Sandoz à rembourser à Pôle emploi les allocations de chômage qui ont été versées à la salariée dans la limite de six mois d’indemnités
CONDAMNE la société Sandoz aux dépens d’appel
CONDAMNE la société Sandoz à payer à Mme [T] [D] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE