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30 mars 2023
Cour d’appel d’Amiens
RG n°
22/00275
ARRET
N°
[G]
C/
S.A.S.U. MECADIS
copie exécutoire
le 30 mars 2023
à
Me Lecareux
Me Vautrin
CPW/MR/SF
COUR D’APPEL D’AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE
ARRET DU 30 MARS 2023
*************************************************************
N° RG 22/00275 – N° Portalis DBV4-V-B7G-IKKO
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE COMPIEGNE DU 10 JANVIER 2022 (référence dossier N° RG 20/00133)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT
Monsieur [S] [G]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté et concluant par Me Alexandra LECAREUX, avocat au barreau de COMPIEGNE
ET :
INTIMEE
S.A.S.U. MECADIS agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée et concluant par Me Gwenaelle VAUTRIN de la SELARL VAUTRIN AVOCATS, avocat au barreau de COMPIEGNE substituée par Me Nicolas NOURRY, avocat au barreau de COMPIEGNE
DEBATS :
A l’audience publique du 09 février 2023, devant Mme Caroline PACHTER-WALD, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l’affaire a été appelée.
Mme [P] [E] indique que l’arrêt sera prononcé le 30 mars 2023 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Malika RABHI
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme [P] [E] en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :
Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,
Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,
Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,
qui en a délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Le 30 mars 2023, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Caroline PACHTER-WALD, Présidente de Chambre et Mme Malika RABHI, Greffière.
*
* *
DECISION :
Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 5 décembre 2006, M. [S] [G] a été embauché à temps plein par la société Uranie international, avec reprise d’ancienneté au 3 avril 2006, en qualité de magasinier, niveau 1, échelon 3, coefficient 155. A compter du 1er juillet 2016, le salarié a été classé au niveau II, échelon 2, coefficient 180, au service logistique.
Son contrat de travail a fait l’objet d’un transfert à la société Mecadis (ci-après la société ou l’employeur) à compter du 1er avril 2017.
La convention collective applicable à la relation de travail est celle la métallurgie de l’Oise.
L’entreprise emploie un effectif supérieur à 10 salariés.
Le 15 novembre 2019, M. [G] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, prévu le 2 décembre 2019, avec mise à pied à titre conservatoire. Son licenciement pour faute grave lui a été notifié le 16 décembre 2019, par lettre ainsi libellée :
« (…) Suite à l’entretien du 2 décembre dernier, au cours duquel vous étiez assisté par Monsieur [I] [T], conseiller du salarié, nous avons pris la décision de vous licencier pour faute grave, pour les motifs suivants :
– Non-respect réitéré des procédures internes en matière d’identification et d’expédition des produits, préjudiciables aux intérêts de notre entreprise ;
– Manquements professionnels, préjudiciables aux intérêts de notre entreprise.
Pour mémoire, vous êtes embauché depuis le 03/04/2006 et vous occupez un poste de magasinier, niveau II échelon 2 coefficient 180. A ce titre, vous êtes notamment amené à procéder au chargement de lots de marchandises à destination de nos clients.
Nous vous rappelons également que notre société attache une particulière attention à la qualité de ses prestations et à son image de sérieux, dans un contexte où nous intervenons sur un secteurd’activité concurrentiel.
Or, nous devons malheureusement déplorer de votre part des manquements professionnels graves de votre part dans l’exécution de votre travail. Nous vous reprochons en effet les faits fautifs suivants :
‘ Non-respect répété des procédures d’identification et d’expédition des produits ( I 336-02 / I 235-10) ayant entraîné des erreurs de destination et de quantité
‘ Chargement de lots ne figurant pas sur les documents de chargement
Vous n’avez pas respecté la procédure interne vous imposant de prendre lecture du lot avec le PTC avant de procéder au chargement. Ce non-respect des procédures internes de chargement a occasionné des erreurs de votre part ainsi qu’un coût et une mauvaise image de notre société. Vous ne pouvez ignorer cette procédure interne en vigueur depuis de très nombreuses années, celle-ci ayant notamment été mise en place afin d’éviter les erreurs de chargement.
‘ Erreur de camion
Le 24/09/2019, vous avez procédé au chargement d’un camion présent sur le parking de l’entreprise, sans avoir contrôlé le numéro d’immatriculation indiqué dans votre dossier. Vous avez ainsi chargé du matériel destiné à un autre client. Ce camion, prévu pour la Turquie, a été chargé avec du matériel destiné à l’Allemagne. Nous avons heureusement été alerté par les services de la douane, qui ont décelé cette grossière erreur de chargement de votre part, non sans conséquence pour notre entreprise. Outre le préjudice en résultant pour notre image, ce manquement de votre part a engendré un coût non négligeable pour notre société, qui a dû procéder au retour du camion pour déchargement.
‘ Chargement de mauvais lots
Vous avez omis de contrôler la cohérence entre le numéro de l’étiquette informatique et le numéro de lot écrit au feutre sur le lot. Le client (THYSSEN France) a ainsi reçu un lot de 8 barres au lieu de 4. Il en a résulté un préjudice financier pour notre société, qui n’a découvert cette erreur de votre part qu’à l’occasion de l’inventaire de l’entreprise, et qui n’a donc pas pu récupérer les 4 barres auprès du client, vu l’impact potentiel d’une telle demande en terme d’image et de sérieux auprès de cet important client.
‘ Confusion de destination
Le 06/11/2019, vous avez procédé à l’expédition d’un lot en Italie au lieu du Brésil. Notre client nous a informé le 12/11/2019 de votre erreur. Une fois encore, vous avez fait preuve de manque de rigueur dans l’accomplissement de vos fonctions, comportement qui a occasionné des coûts supplémentaires pour notre entreprise et une atteinte à son image.
‘ Travail totalement irrégulier
Nous déplorons enfin une totale irrégularité de votre part dans l’accomplissement quotidien de vos fonctions. A titre d’exemple, le 05/11/2019 vous avez procédé au transfert de 18 lots et le lendemain, 06/11/2019, au transfert de 62 lots. Outre les manquements professionnels qualitatifs de votre part ci dessus évoqués, c’est cette fois-ci la quantité de travail fournit et sa régularité qui nous interpellent.
Dans ce contexte, compte tenu de la gravité des faits reprochés et du caractère préjudiciable de votre comportement pour notre société, nous avons pris la décision de vous licencier pour faute grave. Votre licenciement prend donc effet immédiatement, sans préavis ni indemnités. Nous vous précisons par ailleurs que la période de mise à pied conservatoire, nécessaire à l’accomplissement de la procédure de licenciement, ne vous sera pas rémunérée.
(…) Enfin, nous vous rappelons que vous êtes tenu de restituer à la cessation de vos fonctions l’ensemble des biens (clefs placards, vêtements de travail) qui vous ont été remis pour l’exercice de vos fonctions.»
Contestant la légitimité de son licenciement, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Compiègne le 2 septembre 2020 qui, par jugement du 10 janvier 2022, a :
fixé la moyenne des salaires de M. [G] à 2 169,66 euros brut par mois ;
dit le licenciement valide mais dit qu’il ne reposait cependant pas sur une faute grave ;
condamné en conséquence la société à payer à M. [G] les sommes suivantes :
– 8 100,06 euros brut au titre des indemnités de licenciement ;
– 4 339,32 euros brut au titre du préavis, outre 433,93 euros brut au titre des congés payés afférents ;
dit la mise à pied à titre conservatoire sans cause et condamné en conséquence la société à payer à M. [G] la somme de 1 528,80 euros brut au titre de rappel de salaire, outre 152,88 euros brut au titre des congés payés attachés ;
débouté M. [G] de ses autres demandes ;
débouté la société de toutes ses demandes ;
condamné la société à payer à M. [G] 1 300 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamné la société aux entiers dépens.
Le 20 janvier 2022, M. [G] a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses dernières écritures notifiées par la voie électronique le 17 mars 2022, il demande à la cour de confirmer le jugement déféré sauf en ce qu’il a dit que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et l’a débouté de sa demande d’indemnité de licenciement pour sans cause réelle et sérieuse, de l’infirmer de ces chefs et statuant à nouveau de :
– condamner la société à lui payer 26 035,92 euros nets à titre d’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– condamner la société à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
Dans ses dernières écritures notifiées par la voie électronique le 14 juin 2022, la société Mecadis demande à la cour:
– à titre principal, d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a dit que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave et l’a condamné à lui verser diverses sommes, et de dire le licenciement fondé sur une faute grave ;
– à titre subsidiaire, de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et a débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts ;
– à titre infiniment subsidiaire, et si le licenciement venait à être jugé sans cause réelle et sérieuse, de limiter le quantum des dommages et intérêts alloués au minimum du barème fixé par l’article L.1235-3 du code du travail ;
– dans tous les cas, de débouter M. [G] de l’intégralité de ses demandes, et le condamner au paiement de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 25 janvier 2023.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions susvisées.
MOTIFS
Sur le licenciement
M. [G] fait valoir en substance qu’il conteste tous les faits lui étant reprochés et ne les a jamais reconnus ; qu’il ne saurait être tenu pour responsable d’une erreur concernant le chargement, alors que la procédure de chargement qui comporte 4 étapes rigoureuses prévoit que l’emplacement donné au camion est déterminé par son chef, qu’il effectue ensuite le chargement sur la base du bon de chargement lui ayant été donné, et que son chef vient en dernier lieu scanner une dernière fois les lots pour vérifier leur conformité, éditer la facture et valider l’opération finale ainsi que le départ du camion, l’intervention en doublon permettant d’éviter toute erreur ; que l’employeur ne rapporte pas la preuve des motifs évoqués dans la lettre de licenciement, le chargement d’un prétendu mauvais lot ne pouvant pas plus être prouvé que la mauvaise destination d’un chargement, tous les motifs étant montés de toute pièce par la société en redressement judiciaire qui se devait d’embellir ses comptes pour honorer les échéances de remboursement de sa dette ; qu’il n’a d’ailleurs pas été remplacé à la suite de la rupture et M. [Z] a ainsi également été licencié pour les mêmes raisons avec des motifs stéréotypés, dans la même période, par la même personne ; que pour retenir qu’il aurait reconnu certains faits le conseil de prud’hommes s’est fondé sur les seules conclusions de première instance de la société ; que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, et ce d’autant que la société lui avait proposé une transaction courant 2020 sans remettre en cause ses contestations des motifs du licenciement ; que la sanction est au demeurant tout à fait disproportionnée alors qu’il avait au moment du licenciement une ancienneté de13 ans qui n’était émaillée d’aucune sanction disciplinaire.
La société Mecadis réplique en substance que la faute grave est parfaitement constituée et qu’elle en rapporte la preuve ; qu’alors que ses exigences de qualité connues lui permettent de se différencier de la concurrence et justifient la mise en place de procédures strictes, M. [G] s’est rendu coupable sur une courte période d’un manque de rigueur manifeste, ses manquements ayant eu pour conséquence d’entacher son image, tout cela ayant eu un coût pour l’entreprise ; que le supérieur hiérarchique de l’intéressé ne vérifie pas systématiquement les chargements alors qu’il occupe un poste en journée et que M. [G] travaille quant à lui sur 16 heures ; que la photographie parlante qu’elle produit a été prise par le service qualité qui s’assure de la conformité technique du chargement et non de son contenu ; que les allégations du salarié quant à une raison économique qui aurait poussé le groupe à le licencier n’ont pas de sens ainsi qu’en attestent les éléments comptables versés au dossier, la masse salariale ayant d’ailleurs peu évolué entre 2019 et 2020, passant même de 21 à 23 malgré la baisse du chiffre d’affaires, l’échéancier de remboursement des créanciers étant par ailleurs respecté ; que les licenciements de M. [G] et de M. [Z] n’ont strictement rien à voir même s’ils sont concomitants ; que c’est M. [G] qui était à l’origine de la tentative d’accord transactionnel ; que malgré l’ancienneté importante de M. [G] et l’absence de sanction antérieure, son licenciement pour faute grave était justifié puisque les derniers mois de la relation ont été marqués par une attitude non professionnelle de ce dernier ; que la sanction est tout à fait proportionnelle au manquement dès lors que le salarié avait déjà verbalement fait l’objet de plusieurs recadrages par ses supérieurs hiérarchiques.
Sur ce,
Il ressort de l’article L.1235-1 du code du travail qu’en cas de litige, le juge à qui il appartient d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties.
La cour rappelle que les faits invoqués comme constitutifs d’une cause réelle et sérieuse de licenciement doivent non seulement être objectivement établis mais encore imputables au salarié, à titre personnel et à raison des fonctions qui lui sont confiées par son contrat individuel de travail.
Quand le licenciement est prononcé pour faute grave, il incombe à l’employeur de prouver la réalité de la faute grave, c’est à dire de prouver non seulement la réalité de la violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail mais aussi que cette faute est telle qu’elle impose le départ immédiat du salarié, le contrat ne pouvant se poursuivre même pour la durée limitée du préavis. Pour apprécier la gravité de la faute, les juges doivent tenir compte des circonstances qui l’ont entourée et qui peuvent atténuer la faute et la transformer en faute légère.
Si un doute subsiste sur la réalité ou la gravité de la faute reprochée, il doit profiter au salarié.
Enfin, la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, lie les parties et le juge qui ne peut examiner d’autres griefs que ceux qu’elle énonce. Si la lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, l’employeur est en droit, en cas de contestation, d’invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier ce motif.
En l’espèce, à titre liminaire, il convient de relever que rien au dossier ne démontre que la cause réelle du licenciement serait autre que les faits évoqués dans la lettre de licenciement, étant souligné que contrairement aux allégations de M. [G], il ne ressort pas des documents produits, en particulier des documents comptables et du jugement du conseil de prud’hommes du 22 janvier 2022 opposant M. [Z] à la société Arcrom manufacturing, que le licenciement concomitant des deux salariés était comparable comme étant fondé sur des motifs stéréotypés, qu’il s’agirait en réalité de licenciement pour motif économique.
S’agissant des griefs allégués à l’encontre de M. [G], il lui est reproché dans la lettre de licenciement :
– le non-respect réitéré des procédures internes en matière d’identification et d’expédition des produits, préjudiciables aux intérêts de notre entreprise ;
– des manquements professionnels préjudiciables aux intérêts de l’entreprise.
La cour observe que, alors même que M. [G] conteste énergiquement tous les faits qui lui sont reprochés et conteste les avoir reconnu, l’employeur se contente d’affirmer sans aucun élément à l’appui autre que ses conclusions, qu’il aurait pourtant reconnu certains des faits lors de l’entretien préalable, ce que pourtant le salarié conteste vivement et a néanmoins été considéré par le conseil de prud’hommes comme acquis sans que ne soit visé le moindre document. Aucun aveu ne pourra donc être retenu.
L’employeur évoque tout d’abord le non-respect répété des procédures d’identification et d’expédition des produits (I 336-02 / I 235-10) ayant entraîné des erreurs de destination et de quantité, sans toutefois produire le moindre élément à l’appui de ces affirmations quant au non respect ou à sa répétition. Le grief ne sera pas retenu.
La société Mecadis évoque ensuite le chargement de lots ne figurant pas sur les documents de chargement, précisant que M. [G] n’a sur ce point pas respecté la procédure interne imposant de prendre lecture du lot avec le PTC avant de procéder au chargement, avec la précision que le salarié ne pouvait ignorer cette procédure interne en vigueur depuis de très nombreuses années. Or, malgré les contestations de l’intéressé qui souligne l’absence d’élément de preuve à ce titre, non seulement l’employeur ne justifie pas que la procédure interne ainsi visée a été portée à la connaissance de M. [G] avant les faits, mais encore et surtout il ne communique pas le moindre élément précis sur les lots concernés et les erreurs ainsi reprochées. Le grief ne sera donc pas retenu.
L’employeur se prévaut encore d’une erreur de camion le 24 septembre 2019, précisant que M. [G] a à cette date procédé au chargement d’un camion prévu pour la Turquie présent sur le parking de l’entreprise avec du matériel destiné à l’Allemagne, sans avoir contrôlé le numéro d’immatriculation indiqué dans son dossier. La société Mecadis produit à l’appui de ses allégations trois photographies en se contentant d’affirmer qu’il s’agirait de photographies prises par le service qualité le jour des faits, qui sont dépourvues de caractère probant dès lors qu’elles ne sont pas datées ni contextualisées et que rien ne permet à la cour de déterminer avec certitude leur auteur. L’employeur produit également une demande de rectification adressée le 26 septembre 2019 par la société Uranie aux douanes pour souligner l’existence d’une erreur du fait du chargement de 58 lots de marchandises au lieu des 57 facturés et déclarés, avec une mention manuscrite mentionnant «PTC chargement M. [G]» sans qu’aucun élément produit ne permette d’identifier l’auteur de cette mention, ainsi qu’un document dactylographié interne à la société Uranie International du 26 septembre 2019 mentionnant que le chargement litigieux a été réalisé à 12h05 et que M. [R] était en «pause déjeuner- pas de contrôle» sans cependant là encore aucun élément permettant à la cour d’identifier l’auteur de ce document qui n’est au demeurant complété par aucun élément corroborant tant le fait que le chargement a été opéré par M. [G] que les affirmations quant à une absence de contrôle. La société produit en outre un document en langue étrangère sans sa traduction en langue française, ce qui lui ôte tout caractère probant dès lors que la cour n’est pas en mesure d’en comprendre le contenu. Enfin, il sera relevé que, malgré les vives contestations de M. [G] qui souligne l’absence de tout document comptable pour étayer la thèse d’un préjudice financier, la société Mecadis ne produit pas pour autant le moindre élément comptable à l’appui de ses allégations. Dans ces conditions, il subsiste un sérieux doute quant à la réalité d’un manquement de M. [G] mais aussi, même à le considérer établi, quant à l’existence d’un préjudice de la société, qui doit profiter au salarié. Le grief ne sera pas retenu.
La société fait également état du chargement par M. [G] de mauvais lots, du fait d’une absence de contrôle par ses soins de la cohérence entre le numéro de l’étiquette informatique et le numéro de lot écrit au feutre sur le lot, ce qui a conduit le client Thyssen France à recevoir un lot de 8 barres au lieu de 4. Elle produit pour le prouver un courriel du 5 novembre 2019 de M. [F] adressé à M. [K] dépourvu de force probante dès lors que l’on ignore tout des fonctions exercées par ces deux hommes, de l’entreprise dans laquelle elles sont exercées et de leur lien avec le travail de M. [G]. En outre, s’il ressort de ce courriel que M. [F] a reçu double de métrage soit 52,41 mètres par rapport à sa commande de 25,89 mètres, rien ne permet de rattacher cette erreur au travail du salarié. Même en rapprochant ce courriel du bon de chargement produit, il demeure que rien ne permet faire un lien certain avec le travail de M. [G] qui conteste pourtant les faits reprochés, l’employeur se contentant sur ce point d’affirmations. Il s’ajoute que le bon de commande ne peut en tout état de cause être considéré comme étant un élément probant alors que notamment la date n’est pas complète (il porte mention du 31 octobre l’année étant coupée après le «2») et qu’il n’est pas signé par l’intéressé dont le nom n’y figure d’ailleurs pas. Le grief ne sera pas retenu.
L’employeur se prévaut aussi de la confusion de destinations le 6 novembre 2019, reprochant à M. [G] d’avoir procédé à l’expédition d’un lot en Italie au lieu du Brésil, ce dont il aurait été informé le 12 novembre suivant par le client. Pour autant, la société ne produit pas le moindre élément à l’appui de ses affirmations permettant d’établir la réalité d’un manquement quelconque de M. [G], la seule communication de la procédure I336-2 de l’entreprise dont rien ne prouve au demeurant qu’elle aurait été portée à la connaissance de l’intéressé avant le 6 novembre 2019, ne pouvant sur ce point suffire. En l’absence de faits matériellement établis, le grief ne sera pas retenu.
Enfin, la société Mecadis invoque en dernier lieu un travail totalement irrégulier sans prouver une mauvaise volonté délibérée du salarié sur ce point, ce dont il se déduit que même à retenir l’insuffisance professionnelle ainsi reprochée, qui au demeurant ne ressort pas des éléments produits, celle-ci ne présente pas un caractère fautif. Le grief ne sera pas retenu.
En définitive, aucun des griefs n’est établi relatif au comportement reproché à M. [G]. Dès lors, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
Surabondamment, la cour tient à souligner que même si elle avait considéré les faits allégués comme étant suffisamment prouvés, ils auraient alors justifié une sanction disciplinaire mais n’étaient toutefois pas suffisamment sérieux pour justifier le licenciement d’un salarié bénéficiant d’une ancienneté de 13 ans et d’un dossier disciplinaire ne faisant état d’aucune sanction ni d’aucun rappel à l’ordre, étant souligné que la société se contente d’affirmer sans le moindre commencement de preuve malgré les contestations, que M. [G] aurait préalablement verbalement fait l’objet de recadrages.
Dans ces conditions, le jugement doit être réformé et le licenciement jugé sans cause réelle et sérieuse.
Le licenciement étant injustifié, le salarié peut prétendre, non seulement aux indemnités de rupture mais également à des dommages et intérêts à raison de l’absence de cause réelle et sérieuse de licenciement.
En conséquence, M. [G] est fondé à réclamer un rappel de salaire au titre de la mise à pied à titre conservatoire outre les congés payés afférents, l’indemnité légale de licenciement, l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, qui ont été exactement calculés par les premiers juges et ne sont pas spécifiquement contestés par l’employeur à hauteur de cour. La décision déférée sera de ces chefs confirmée.
L’entreprise occupant habituellement au moins onze salariés, M. [G] peut prétendre à une indemnisation de l’absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement sur le fondement de l’article L.1235-3 du code du travail, dans sa version issue de l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017, d’un montant compris entre 3 et 11,5 mois de salaire.
Compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge (pour être né le 31 juillet 1962), de son ancienneté dans l’entreprise (plus de 13 ans) et de l’effectif de celle-ci, de sa situation postérieure à la rupture, le salarié ayant effectué de janvier à juin 2020 des prestations de jardinage chez des particuliers dans le cadre de titres service nettement moins bien rémunéré que son ancien poste de travail(bulletins de salaire CESU) avant de se retrouver à nouveau sans emploi, la cour dispose des éléments nécessaires pour fixer la réparation qui lui est due au titre de la perte de l’emploi à la somme mentionnée au dispositif.
Sur le remboursement des indemnités à Pôle emploi :
Conformément aux dispositions de l’article L.1235-4 du code du travail, la société sera condamnée à rembourser au Pôle emploi les indemnités de chômage versées à M. [G] dans la proportion de six mois.
Sur les autres demandes
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer la décision déférée en ses dispositions sur les dépens et les frais irrépétibles.
La société Mecadis, qui succombe, sera condamnée aux dépens d’appel, et sera également condamnée à payer à M. [G] 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré en ses dispositions sur le rappel de salaire au titre de la mise à pied à titre conservatoire outre les congés payés afférents, l’indemnité légale de licenciement, l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, les dépens et les frais irrépétibles ;
L’infirme sur le surplus des dispositions soumises à la cour ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la société Mecadis à payer à M. [G] la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la société Mecadis à rembourser au Pôle emploi les allocations de chômage versées à M. [G] dans la proportion de six mois ;
Condamne la société Mecadis à payer la somme de 1 200 euros à M. [G] au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;
Condamne la société Mecadis aux dépens d’appel.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.