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5 avril 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
21/03333
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
19e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 05 AVRIL 2023
N° RG 21/03333
N° Portalis DBV3-V-B7F-U2QB
AFFAIRE :
S.A.S.U. HOTELLERIE
C/
[K] [M]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Octobre 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MONTMORENCY
N° Chambre :
N° Section : C
N° RG : 19/00459
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Catherine LEGRANDGERARD
Me Lysa HALIMI
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE CINQ AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A.S.U. HOTELLERIE
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentant : Me Catherine LEGRANDGERARD, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 391
Représentant : Me François-xavier BERNARD de la SELARL CABINET D’AVOCATS PORTALIS ASSOCIES – CAPA, Plaidant, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 45
APPELANTE
****************
Monsieur [K] [M]
né le 07 Septembre 1985 à [Localité 4] (Algérie)
de nationalité Algérienne
[Adresse 1]
[Localité 2]/France
Représentant : Me Lysa HALIMI, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2376
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 08 Février 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Isabelle MONTAGNE, Président,
Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,
Madame Laure TOUTENU, Conseiller,
Greffier lors des débats : Madame Morgane BACHE,
EXPOSE DU LITIGE
M. [K] [M] a été embauché entre le 21 décembre 2013 et le 31 décembre 2016 par le biais de multiples contrats à durée déterminée, entrecoupés pour certains de périodes intercalaires, en qualité de réceptionniste par la société HOTELLERIE SAS, exploitante d’un hôtel à l’enseigne Novotel à [Localité 3].
À compter du 1er janvier 2017, les parties ont conclu un contrat de travail à durée indéterminée pour un emploi de réceptionniste tournant.
Par lettre du 3 novembre 2017, la société HOTELLERIE SAS a notifié un avertissement à M. [M].
Par lettre du 25 janvier 2018, la société HOTELLERIE SAS a notifié une mise à pied disciplinaire de deux jours à M. [M].
Par lettre du 11 avril 2019, la société HOTELLERIE SAS a convoqué M. [M] à un entretien préalable à un éventuel licenciement.
Par lettre du 4 mai 2019, la société HOTELLERIE SAS a notifié à M. [M] son licenciement pour faute grave.
Le 5 août 2019, M. [M] a saisi le conseil de prud’hommes de Montmorency pour demander la requalification des contrats de travail à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, contester le bien-fondé de son licenciement et demander la condamnation de la société HOTELLERIE SAS à lui payer diverses sommes.
Par jugement du 11 octobre 2021, le conseil de prud’hommes (section commerce) a :
– dit que le licenciement de M. [M] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
– condamné la société HOTELLERIE SAS à payer à M. [M] les sommes suivantes :
* 9 100 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* 1 900,46 euros au titre d’indemnité légale de licenciement ;
* 4 561,12 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 456,11 euros au titre des congés payés afférents ;
* 1 250 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– ordonner à la société HOTELLERIE SAS de remettre à M. [M] une attestation pour Pôle emploi et un certificat de travail conformes à la décision, sans astreinte ;
– débouté M. [M] du surplus de ses demandes ;
– débouté la société HOTELLERIE SAS de sa demande reconventionnelle.
Le 10 novembre 2021, la société HOTELLERIE SAS a interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de ses conclusions du 4 janvier 2022 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé des moyens, la société HOTELLERIE SAS demande à la cour d’infirmer le jugement attaqué et statuant à nouveau de :
– dire que le licenciement de M. [M] est fondé sur une faute grave ;
– déclarer M. [M] irrecevable et mal fondé en ses demandes ;
– débouter M. [M] de ses demandes ;
– condamner M. [M] à lui payer une somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. [M] aux dépens de première instance et d’appel.
Aux termes de ses conclusions du 29 mars 2022, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé des moyens, M. [M] demande à la cour de :
1°) confirmer le jugement attaqué sur le licenciement, l’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, la remise de documents sociaux ;
2°) infirmer le jugement sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et l’indemnité légale de licenciement ainsi que sur sa demande de requalification en contrat à durée indéterminée et les demandes d’indemnité de requalification et de rappel de salaire pour les périodes interstitielles outre les congés payés afférents et statuant à nouveau sur les chefs infirmés de :
– requalifier les contrats de travail à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée à compter du 21 décembre 2013 ;
– condamner la société HOTELLERIE SAS à lui payer les sommes suivantes :
* 13 683,36 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* 3 088,25 euros à titre d’indemnité légale de licenciement ou subsidiairement 1 900,46 euros à ce titre ;
* 2 280,56 euros à titre d’indemnité de requalification en contrat à durée indéterminée ;
* 19 764,85 euros à titre de rappel de salaire pour les périodes interstitielles outre 1 976,48 euros au titre des congés payés afférents ;
* 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.
Une ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 31 janvier 2023.
SUR CE :
Sur la recevabilité de la demande de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et de la demande d’indemnité de requalification :
Considérant qu’en application des articles L. 1471-1 et L. 1245-1 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, le délai de prescription biennale d’une action en requalification d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée fondée sur le motif du recours au contrat à durée déterminée énoncé au contrat a pour point de départ le terme du contrat ou, en cas de succession de contrats à durée déterminée, le terme du dernier contrat ; que le délai de prescription d’une action en requalification d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, fondée sur le non-respect du délai de carence entre deux contrats successifs prévu à l’article L. 1244-3 du code du travail, court à compter du premier jour d’exécution du second de ces contrats ;
Qu’en l’espèce, M. [M] invoque, tout d’abord, au soutien de sa demande de requalification le moyen tiré de ce que l’ensemble de ces contrats a été conclu pour pourvoir un emploi lié à l’activité normale et permanente de la société HOTELLERIE SAS ; que le terme du dernier contrat à durée déterminée en cause étant intervenu le 31 décembre 2016 et la saisine du conseil de prud’hommes étant intervenue le 5 août 2019, il y a lieu de déclarer cette action irrecevable par l’effet de la prescription biennale ;
Que M. [M] invoque également au soutien de sa demande de requalification le non-respect des délais de carence à plusieurs reprises dans le courant de l’année 2014 et de l’année 2015 ; que cette action est donc également irrecevable par l’effet de la prescription biennale ;
Que M. [M] invoque enfin le non-respect de la règle prévue par la convention collective interdisant de confier des missions à un même salarié pendant plus de 60 jours dans un trimestre civil ; que cette action est également irrecevable par le biais de la prescription biennale, le dernier trimestre civil en litige s’achevant le 31 décembre 2016 ;
Qu’il résulte de ce qui précède que la demande de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et la demande d’indemnité de requalification à ce titre sont irrecevables comme l’a justement estimé le conseil de prud’hommes dans les motifs de sa décision ; que toutefois, les premiers juges ayant prononcé un débouté au fond à ce titre dans le dispositif de leur décision, il y a lieu d’infirmer le jugement sur ce point ;
Sur la recevabilité de la demande de rappel de salaire et de congés payés afférents pour les périodes interstitielles entre les contrats de travail à durée déterminée :
Considérant en l’espèce que la dernière période interstitielle entre deux contrats de travail à durée déterminée en litige est intervenue entre le 30 septembre 2015 et le 4 janvier 2016 ; que la saisine du conseil de prud’hommes étant intervenue le 5 août 2019, ainsi qu’il a été dit, les demandes de rappel de salaire afférentes à l’ensemble de ces périodes sont donc en toutes hypothèses prescrites par l’effet de la prescription triennale prévue par l’article L. 3245-1 du code du travail ;
Que ces demandes sont donc irrecevables comme l’a justement estimé le conseil de prud’hommes dans les motifs de sa décision ; que toutefois, les premiers juges ayant prononcé un débouté à ce titre dans le dispositif de leur décision, il y a lieu d’infirmer le jugement sur ce point ;
Sur le bien-fondé du licenciement et ses conséquences :
Considérant que la lettre de licenciement pour faute grave notifiée à M. [M], qui fixe les limites du litige, lui reproche en substance d’avoir, dans la nuit du 4 avril 2019, abandonné son poste entre 01h02 et 01H18, ce qui a empêché des clients de rentrer immédiatement dans l’hôtel ; que la lettre mentionne ainsi que ‘le fait d’abandonner votre poste de travail durant la nuit, en l’absence de responsables et en laissant par conséquent l’établissement sans surveillance est d’une extrême gravité pour l’hôtel, principalement dû au fait que plus personne n’est en mesure de garantir la sécurité des biens et des clients, ni l’évacuation de l’hôtel en cas d’incendie, ni même de répondre à une quelconque urgence de la part d’une personne logée’ ;
Considérant que M. [M], qui reconnaît qu’il n’était pas à la réception de l’hôtel aux heures en litige, soutient qu’il s’est momentanément absenté de son poste pour aller sur le parking situé juste devant l’hôtel afin de porter assistance à un chauffeur de bus qui venait de percuter un panneau de signalisation ; qu’il en déduit qu’il avait un motif légitime pour s’absenter ; qu’il ajoute que la surveillance du site était confiée à un gardien employé par une société de sécurité, qu’il avait droit de se déplacer dans l’hôtel étant muni d’un système d’appel à distance pour assurer la réception ; qu’il soutient également que le véritable motif du licenciement réside dans son ancienneté devenue trop importante ; qu’il en déduit que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et qu’il convient de lui allouer des indemnités de rupture ; qu’il soutient qu’en tout état de cause son licenciement ne peut être fondé sur une faute grave, eu égard à l’absence de délai restreint pour l’engagement de la procédure de licenciement ;
Que la société HOTELLERIE SAS soutient que les faits reprochés sont établis, que M. [M] ne justifie en rien de l’existence du motif d’absence invoqué ; que le licenciement repose ainsi sur une faute grave eu égard de surcroît au passé disciplinaire de M. [M] ; qu’elle conclut donc au débouté de l’ensemble des demandes formées à ce titre ;
Considérant que la faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise; que la charge de la preuve de cette faute incombe à l’employeur qui l’invoque ;
Qu’en l’espèce, il ressort des débats et des pièces versées que M. [M] s’est absenté de la réception de l’hôtel entre 01h02 et 01h18 pour aller à l’extérieur de l’établissement ;
Que contrairement à ce le salarié prétend aucun élément ne démontre que cette sortie de l’hôtel était destinée à porter assistance à un chauffeur de bus ; qu’en effet, M. [M] verse aux débats sur ce point une photographie d’un panneau légèrement abîmé situé devant l’hôtel qui ne porte aucune date et ne fait montre en toutes hypothèses d’aucun choc important ; qu’il verse également une attestation d’un réceptionniste d’un autre hôtel prétendant être lui aussi intervenu à ce moment, qui n’est corroborée par aucun autre élément et qui en tout état de cause ne mentionne pas une quelconque assistance à un chauffeur de bus ayant nécessité une absence de près de 16 minutes ;
Que dans ces conditions, l’absence de M. [M] à son poste et sa sortie de l’hôtel pendant cette durée ne sont pas justifiées ;
Qu’il s’agit là d’un manquement à son obligation essentielle d’assurer, comme le rappelle la fiche de poste, le bon accueil des clients ainsi que la responsabilité de l’hôtel après le départ des responsables de jour, ce qui recouvre notamment des obligations en matière de sécurité de la clientèle ;
Que ce manquement a d’ailleurs entraîné un temps d’attente de près de 10 minutes pour un groupe de clients arrivés par le parking de l’hôtel, l’un d’eux étant ainsi obligé de partir à la recherche de M. [M] aux fins d’ouverture de la porte d’entrée ainsi que le montre la pièce n°17 versée par la société HOTELLERIE SAS ;
Que ce manquement est de surcroît intervenu après un avertissement pour non-respect des procédures internes et une mise à pied disciplinaire de deux jours pour avoir hébergé dans l’hôtel pendant une nuit une personne sans l’enregistrer et sans la faire payer, ce qui constitue un passé disciplinaire significatif ;
Qu’en outre, la société HOTELLERIE SAS a engagé la procédure de licenciement sept jours après la commission des faits, ce qui constitue un délai restreint contrairement à ce que soutient le salarié ;
Qu’enfin, aucun élément ne vient démontrer que le licenciement est en réalité fondé sur l’ancienneté de M. [M] ;
Qu’il résulte de ce qui précède que les faits reprochés à M. [M] constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise ;
Que le licenciement repose ainsi sur une faute grave contrairement à ce qu’ont estimé les premiers juges ;
Qu’il convient donc de débouter M. [M] de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de ses demandes d’indemnités de rupture ;
Que le jugement sera infirmé sur ces chefs ;
Sur la remise de documents sociaux sous astreinte :
Considérant qu’eu égard à la solution du litige, il y a lieu de débouter M. [M] de sa demande de remise de documents sociaux de fin de contrat rectifiés ; que le jugement sera infirmé sur ce point ;
Que le débouté de la demande d’astreinte sera confirmé ;
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :
Considérant qu’eu égard à la solution du litige, il y a lieu d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il statue sur ces deux points ; que M. [M] sera condamné aux dépens de première instance et d’appel ainsi qu’à payer à la société HOTELLERIE SAS une somme de 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel ;
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement attaqué, sauf sur le débouté de la demande d’astreinte,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Déclare irrecevables les demandes de requalification des contrats de travail à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, d’indemnité de requalification afférente, de rappel de salaire pour les périodes interstitielles entre les contrats de travail à durée déterminée,
Dit que le licenciement de M. [K] [M] est fondé sur une faute grave,
Déboute M. [K] [M] du surplus de ses demandes,
Condamne M. [K] [M] à payer à la société HOTELLERIE SAS une somme de 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure suivie en première instance et en appel,
Condamne M. [K] [M] aux dépens de première instance et d’appel,
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Isabelle MONTAGNE, Président, et par Madame Dévi POUNIANDY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,