Non-respect des procédures internes : 19 avril 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/01269
Non-respect des procédures internes : 19 avril 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/01269
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19 avril 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
21/01269

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

17e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 19 AVRIL 2023

N° RG 21/01269

N° Portalis DBV3-V-B7F-UPBR

AFFAIRE :

[W] [G] [O]

C/

Société EASYTEAM

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 février 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de NANTERRE

Section : E

N° RG : F 18/01845

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Cécile SERRANO

Me Patricia MAYOL

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX NEUF AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [W] [G] [O]

né le 14 mai 1990 à [Localité 5] (99)

de nationalité française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Cécile SERRANO, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau d’ESSONNE

APPELANT

****************

Société EASYTEAM

N° SIRET : 480 675 628

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Patricia MAYOL de la SELAS ARISTIDE AVOCATS, Plaidant/ Constitué, avocat au barreau de TOULOUSE, vestiaire : 34

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 17 février 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent BABY, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Aurélie PRACHE, Président,

Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller,

Monsieur Laurent BABY, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

M. [G] [O] a été engagé en qualité de consultant « cloud », par contrat de travail à durée indéterminée écrit à plein temps, à compter du 1er juillet 2015, par la société Easyteam.

Cette société est spécialisée dans le conseil et le service aux entreprises en informatique et l’hébergement d’applications informatiques. L’effectif de la société était, au jour de la rupture, de plus de 50 salariés. Elle applique la convention collective dite Syntec.

Le 1er décembre 2016, le salarié a fait l’objet d’un avertissement pour ne pas avoir communiqué ses notes de frais alors qu’il avait bénéficié d’une avance sur frais de 4 100 euros en août 2016 lors de la mission qu’il devait effectuer à [Localité 6], auprès du client APICIL.

Entre les mois de décembre 2016 et mars 2017, le salarié a bénéficié de plusieurs arrêts de travail pour maladie.

Par lettre du 21 février 2017, le salarié a été convoqué à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement, fixé le 2 mars 2017.

Il a été licencié par lettre du 8 mars 2017 pour cause réelle et sérieuse dans les termes suivants :

« (‘) Nous avons le regret de vous informer de notre décision de procéder à votre licenciement.

Les raisons de ce licenciement sont les suivantes :

. vos absences injustifiées révélées qui désorganisent le service,

. le non-respect des dispositions légales et conventionnelles sur l’information à communiquer à l’employeur dans le cadre d’une absence, ce qui nuit à l’organisation du service,

. le non-respect des procédures internes malgré notre avertissement du 1er décembre 2016.

1/ Vos absences injustifiées répétées qui désorganisent le service

Vous ne tenez aucun compte des contraintes d’organisation de la société et de l’intérêt de nos clients.

Ainsi, vous avez été en absence injustifiée le 2 janvier 2017, sans jamais nous fournir la moindre explication ni justification. En effet, votre arrêt de travail s’achevait le 30 décembre 2016 et vous deviez reprendre vos fonctions le 2 janvier 2017.

Toutefois, vous ne vous êtes présenté à votre poste de travail que le 3 janvier 2017 et étiez donc en absence injustifiée le 2 janvier 2017. Pour tenter de justifier de votre absence du 2 janvier, vous n’avez pas hésité à déposer le 1er janvier 2017 à 23 heures, une demande de congés payés, sans le moindre respect des procédures et délais internes applicables de telles demandes ! Bien évidemment, notre service Ressources Humaines n’a pu valider une telle demande totalement hors délais et qui n’avait que pour seul objectif de masquer vos manquements à vos obligations essentielles.

Un tel comportement de votre part était d’autant moins acceptable que vous aviez déjà reçu une mise en demeure le 30 novembre 2016 pour une absence injustifiée du 23 novembre 2016. Ainsi, notre rappel à l’ordre n’a eu aucun effet sur votre comportement ce qui démontre à l’évidence le désintérêt profond que vous avez pour votre activité au sein de notre entreprise et pour le service rendu à nos clients.

2/ Le non-respect des dispositions légales et conventionnelles sur l’information à communiquer à l’employeur dans le cadre d’un arrêt maladie, ce qui nuit à l’organisation du service :

Par deux courriers recommandés des 30 novembre 2016 et 19 janvier 2017, nous vous avons alerté sur la nécessité d’informer votre responsable et le service RH du motif de votre absence et de la durée possible de celle-ci, le plus tôt possible afin de ne pas perturber l’organisation du service et la gestion des dossiers clients.

En dépit de ces deux rappels à l’ordre, vous n’informez jamais votre manager et le service RH de votre absence et communiquez en outre vos arrêts maladie en dehors des délais légaux et conventionnels impartis, laissant notre société dans l’ignorance la plus totale, sur les motifs et la durée de vos absences, ce qui perturbe gravement le service et la qualité des prestations que nous nous devons de fournir à nos clients.

Ayant parfaitement conscience des perturbations générées par le manque d’information concernant vos absences répétées, votre comportement démontre une fois encore le désintérêt profond que vous avez pour votre travail, notre entreprise et nos clients.

Ainsi, sans informer préalablement la société de votre absence, vous avez attendu le 18 janvier 2017 à 18 heures pour déposer à la Poste votre arrêt maladie qui débutait le 16 janvier 2017, ce courrier n’étant parti que le 19 janvier, ce qui a contraint notre service Ressources Humaines à vous adresser une mise en demeure de justifier de votre absence depuis le 16 janvier, par lettre recommandée avec accusé réception du 19 janvier 2017.

De même, vous n’avez déposé à la Poste que le 6 février 2017, votre prolongation d’arrêt du 3 février 2017 jusqu’au 13 février 2017, n’informant personne sur votre retour ou votre prolongation d’arrêt.

En outre, sans informer qui que soit concernant votre reprise ou prolongation d’absence à compter du 13 février 2017, vous vous êtes contenté de nous adresser un simple mail le 16 février à 1 heure du matin pour communiquer copie d’une absence pour enfant malade pour le 13 et le 14 février 2017, précision faite que nous n’avons toujours pas reçu l’original de ce document à ce jour.

Enfin, alors que vous étiez censé revenir le 15 février 2017, vous n’avez fourni aucune information à la société concernant votre situation pendant une semaine et ce jusqu’au 22 février 2017, date à laquelle nous avons enfin reçu un arrêt de travail daté du 15 février jusqu’au 28 février. Cette situation est d’autant moins acceptable que vous avez adressé un courrier électronique à notre Directrice des Ressources Humaines, Madame [B], le 20 février 2017 sans l’informer du motif de votre absence depuis le 15 février ni de la durée probable de celle-ci. Vous n’avez déposé votre arrêt de travail que le 20 février 2017′

En dernier lieu et comme à votre habitude, alors que votre arrêt s’achevait le 28 février 2017, au jour des présentes, nous n’avons toujours pas ni la moindre information, ni le moindre justificatif d’absence depuis le 1er mars 2017. Nous vous mettons par conséquent, par la présente, en demeure de justifier de votre absence ou de reprendre immédiatement vos fonctions. A défaut de justification, votre absence depuis le 1er mars 2017 constituerait une absence injustifiée.

En tout état de cause, votre comportement constitue un manquement inadmissible à vos obligations.

3/ Non-respect des procédures internes malgré l’avertissement du 1° décembre 2016

Enfin, vous ne respectez pas les procédures internes malgré notre avertissement du 1er décembre 2016 concernant la nécessité de respecter nos procédures.

Ainsi, alors que nous vous alertions le 1er décembre 2016, dans le cadre de cet avertissement disciplinaire sur la nécessité de transmettre vos notes de frais le plus tôt possible, ce d’autant que l’entreprise vous [avait] avancé 4.100 euros de frais au mois d’août 2016, vous n’avez daigné nous remettre ces notes de frais, qu’au début du mois de janvier 2017 soit plus d’un mois après notre avertissement !

Ce n’est que pour éviter de vous causer un préjudice financier important que nous avons pris en compte, à titre tout à fait exceptionnel, ces notes de frais alors même que nous aurions pu, eu égard au délai de transmission, refuser d’en tenir compte.

En outre, vous ne respectez pas les procédures internes de demande de congés, n’hésitant pas à remplir, le 1er janvier 2017 à 23 heures, une demande de congé pour tenter de palier à votre absence injustifiée du 2 janvier 2017, alors que toutes les demandes de congés doivent être formalisées au minimum un mois avant la date souhaitée !

L’ensemble de ces faits [démontre] à l’évidence votre dilettantisme à l’égard de notre société et le manque total manque d’implication pour votre travail et l’intérêt de nos clients.

Cette situation nous contraint à vous notifier par la présente votre licenciement qui deviendra effectif à l’issue d’un préavis de 3 mois. »

Le 12 juillet 2018, M. [G] [O] a saisi le conseil de prud’hommes de Nanterre aux fins de requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse, d’annulation de l’avertissement du 1er décembre 2016, en paiement d’un rappel de salaire du mois de mai 2017 et d’heures supplémentaires, ainsi que diverses sommes de nature indemnitaire.

Par jugement du 12 février 2021, le conseil de prud’hommes de Nanterre (section encadrement) a :

– débouté M. [G] [O] de l’intégralité de ses demandes,

– débouté la société Easyteam de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [G] [O] aux éventuels dépens.

Par déclaration adressée au greffe le 28 avril 2021, M. [G] [O] a interjeté appel de ce jugement.

Une ordonnance de clôture a été prononcée le 17 janvier 2023.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 22 juillet 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la M. [G] [O] demande à la cour de :

– dire et juger que le licenciement est sans cause réelle ni sérieuse,

– annuler l’avertissement du 1er décembre 2016,

– lui allouer :

. 16 722,52 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

. 4 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonner la remise de l’attestation pôle emploi et le bulletin de paie conformes aux demandes,

– dire et juger en application des dispositions du code civil, que les condamnations ayant un caractère indemnitaire porteront intérêts légaux à compter du lendemain suivant la notification de la décision à intervenir,

– dire et juger en application des dispositions du code civil, que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt,

– débouter la société Easyteam de toute demande reconventionnelle,

– condamner la société Easyteam aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions transmises par voie électronique le 15 octobre 2021, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l’article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Easyteam demande à la cour de :

– confirmer en tous points le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Nanterre le 12 février 2021

par conséquent,

– constater que l’avertissement du 1er décembre 2016 notifié à M. [G] [O] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

– constater que le licenciement notifié à M. [G] [O] le 8 avril 2017 est fondé sur une cause réelle et sérieuse,

par conséquent,

– débouter M. [G] [O] de l’intégralité de ses demandes,

– condamner M. [G] [O] à verser à la société Easyteam la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [G] [O] aux entiers dépens.

MOTIFS

Sur l’avertissement du 1er décembre 2016

Le salarié expose que dans le cadre de sa mission chez APICIL, il a dû faire l’avance, en août et en septembre 2016, de dépenses pour un montant de 4 100 euros ; qu’il n’a pu immédiatement remplir le logiciel de justification des notes de frais car il ne disposait pas du code d’accès (« code projet ») dont il n’est pas justifié qu’il lui aurait été transmis ; que par la suite, il a été en congés puis en arrêt maladie du 24 novembre au 30 décembre 2016 et qu’à son retour, il a justifié de ses frais. Il ajoute, à propos de comptes rendus d’activité hebdomadaire (CRAH), qu’il ne disposait pas du code projet et que dès qu’il a disposé de ce code, il a saisi, chaque jour, un compte rendu d’activité via le logiciel Clarizen.

En réplique, l’employeur objecte que l’avertissement litigieux était justifié par le comportement du salarié caractérisé par une absence de transmission de ses notes de frais et par le fait qu’il était systématiquement nécessaire de relancer le salarié pour qu’il transmette ses CRAH. Plus précisément, sur les notes de frais, l’employeur explique que le salarié n’avait pas besoin du « code projet » avant le 4 septembre 2016 car elles devaient être renseignées sur un fichier Excel ne nécessitant pas un tel code. Il ajoute qu’à partir du 4 septembre 2016, le code projet a été adressé au salarié et qu’il pouvait alors les renseigner sur le logiciel interne à l’entreprise. En ce qui concerne les CRAH, la société expose que les retards de transmission du salarié, qui ne concernent pas que la période durant laquelle il a travaillé chez le client APICIL, étaient récurrents, ce dont il est justifié.

***

L’article L. 1333-1 du code du travail dispose qu’en cas de litige, le conseil de prud’hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L’employeur fournit au conseil de prud’hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le conseil de prud’hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

L’article L. 1333-2 poursuit en précisant que le conseil de prud’hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

Enfin, l’article L. 1333-3 prévoit que lorsque la sanction contestée est un licenciement les dispositions du présent chapitre ne sont pas applicables. Dans ce cas, le conseil de prud’hommes applique les dispositions relatives à la contestation des irrégularités de licenciement prévues par le chapitre V du titre III du livre II.

Il ressort de ces textes que le juge du contrat de travail, saisi de la contestation du bien-fondé d’une sanction disciplinaire, comme c’est le cas en l’espèce d’un avertissement, peut l’annuler si elle apparaît irrégulière dans la forme, injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

En l’espèce, le salarié a été sanctionné par un avertissement le 1er décembre 2016 :

. pour ne pas avoir transmis ses notes de frais au comptable qui les lui avait réclamées à plusieurs reprises,

. pour attendre systématiquement des relances pour transmettre ses CRAH alors qu’il devrait le faire spontanément chaque semaine.

S’agissant des notes de frais, il ressort des débats que le salarié a été affecté chez le client APICIL établi à [Localité 6] et que sa mission s’y est déroulée du 22 août 2016 au 30 septembre 2016. Il n’est pas discuté qu’au début de sa mission, l’employeur lui a versé une somme de 4 100 euros à titre d’avance sur notes de frais.

En lui adressant cette avance, le service de la comptabilité insistait sur la nécessité, pour le salarié d’adresser les justificatifs relatifs à ses notes de frais au plus tôt : par un courriel du 30 août 2016, l’assistante comptable de la société lui écrivait en effet : « Par contre, tu dois nous faire parvenir tes notes de frais au plus tôt, au tout début du mois qui suit les dépenses ».

Ce à quoi le salarié répondait le même jour : « C’est noté, je vous les ferai parvenir ». Le 26 septembre 2016, le service comptabilité relançait le salarié : « Tu as reçu au total une avance sur note de frais de 4100 euros mais à ce jour, tu nous a adressé aucune note de frais. Peux-tu les faire parvenir asap à [M] pour contrôle elles devront au préalable être signés par [Y] ». Ce à quoi le salarié répondait le même jour ‘ sans invoquer une quelconque difficulté relativement au « code projet » : « Je transmettrai celui du mois d’août et de septembre à [M] Vendredi prochain ». Le mardi 22 novembre 2016, le service comptable relançait à nouveau le salarié : « Nous t’avons établi une avance sur frais de déplacement de 4100 euros, à ce jour nous n’avons toujours pas reçu les notes de frais correspondantes à ces déplacements c’est urgent ! ». Et le salarié répondait encore, le même jour : « J’étais en congés. Je viens de reprendre ce lundi. Je donnerai les documents à [M] de suite ». Il ressort d’un courriel interne du 24 novembre 2016 qu’à cette date, les notes de frais demandées et promises n’avaient toujours pas été remises par le salarié. A aucun moment au cours de ces échanges, le salarié n’a invoqué quelque difficulté que ce soit en lien avec un « code projet ». Au contraire, il promettait toujours de remettre les documents litigieux. Le salarié n’établissant pas la réalité des difficultés de transmission qu’il invoque, le grief est établi.

S’agissant des CRAH, par sa pièce 12 (courriels internes d’avril 2016 à novembre 2016), l’employeur établit la réalité de nombreuses relances pour obtenir du salarié qu’il les transmette. Si effectivement, la réalisation des comptes rendus en question nécessitait que soit communiqué au salarié un « code projet » il demeure qu’il ressort de l’attestation précise et circonstanciée de M. [V] (alors supérieur hiérarchique du salarié) que le salarié a eu, le 4 septembre 2016, le « code projet » relatif à la mission APICIL à laquelle il avait été affecté le 22 août 2016. La cour relève en outre que le grief contenu dans l’avertissement ne concerne pas uniquement les CRAH relatifs à la mission APICIL. Or, c’est sans offre de preuve que le salarié expose qu’il ne disposait pas, pour les autres missions, du « code projet » afférent. Le grief est donc matériellement établi.

Les griefs ayant déterminé l’employeur à avertir son salarié sont établis. Ils sont de nature à justifier la sanction prise, laquelle était modérée et, en tout cas, proportionnelle aux fautes commises.

Il en résulte que le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande d’annulation de l’avertissement.

Sur la rupture du contrat de travail

Le salarié conteste le caractère injustifié de ses absences. Il affirme en avoir justifié après avoir averti téléphoniquement son employeur et, s’agissant spécialement de l’absence du 16 janvier 2017, précise qu’il a déjà été sanctionné pour cette absence et qu’il ne peut en conséquence plus être sanctionné pour ce fait. Il expose que dès lors que ses bulletins de paie mentionnent bien ses absences pour maladie, la société admettait nécessairement qu’il avait bien justifié de ces arrêts de sort qu’elle ne peut le sanctionner pour des absences prétendument injustifiées ; qu’au surplus, la désorganisation alléguée n’est pas établie. S’agissant du grief relatif au non-respect des procédures internes malgré l’avertissement du 1er décembre 2016, il renvoie à ses explications relatives à cet avertissement et expose que puisque son avertissement du 1er décembre 2016 n’était pas justifié, ceux retenus dans la lettre de licenciement ne le sont pas davantage.

En réplique, l’employeur estime caractérisés les manquements qu’il impute au salarié dans la lettre de licenciement, rappelant qu’il avait été alerté à plusieurs reprises sur la nécessité d’avertir la société de ses absences puis d’en justifier.

***

En application de l’article L. 1232-6 du code du travail, dans sa version en vigueur lors des faits, la lettre de licenciement fixe les limites du litige « en ce qui concerne les motifs de licenciement » et lie les parties et le juge, qui ne peut rechercher d’autres faits pour justifier le licenciement.

L’article L. 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Les faits invoqués comme constitutifs d’une cause réelle et sérieuse de licenciement doivent non seulement être objectivement établis mais encore imputables au salarié, à titre personnel et à raison des fonctions qui lui sont confiées par son contrat individuel de travail.

Il résulte de l’article L. 1235-1 du code du travail que la charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse du licenciement n’incombe pas spécialement à aucune des parties mais que le doute doit profiter au salarié.

Enfin aucun salarié ne peut être sanctionné deux fois à raison des mêmes faits.

En l’espèce, le salarié a été licencié le 8 mars 2017 en raison :

. de ses absences injustifiées qui désorganisent le service,

. du non-respect des dispositions légales et conventionnelles sur l’information à communiquer à l’employeur dans le cadre d’une absence,

. du non-respect des procédures internes malgré l’avertissement du 1er décembre 2016.

Le salarié expose avoir déjà été sanctionné pour son absence du 16 janvier 2017, se fondant en cela sur la lettre que lui a adressée l’employeur le 19 janvier 2017. Cette lettre (pièce 20 E) a pour objet « mise en demeure justification absence injustifiée depuis le 16/01/2017 ». Cette lettre ne s’analyse cependant pas en une sanction mais en une demande de l’employeur de lui « fournir le document justifiant de [ses] absences depuis le 16 janvier 2017 dans les plus brefs délais ». L’employeur pouvait donc sanctionner une absence injustifiée depuis le 16 janvier 2017 par lettre de licenciement du 8 mars 2017.

Sur les absences injustifiées, il ressort des débats que le salarié bénéficiait d’un arrêt de travail jusqu’au 30 décembre 2016. Le 1er janvier 2017 étant férié, il devait donc reprendre le travail le 2 janvier 2017. Sans en apporter la preuve, le salarié expose qu’il souffrait, ce 2 janvier, d’une indigestion, raison pour laquelle il a, selon ses explications, posé un jour de congé le 1er janvier pour le lendemain. Cette demande de congés posée le 1er janvier à 23h23 n’a pas été accordée et le salarié n’a pas justifié de l’arrêt de travail pour la journée du 2 janvier.

L’absence injustifiée du 2 janvier 2017 est donc établie.

Sur le non-respect des dispositions légales et conventionnelles sur l’information à communiquer à l’employeur dans le cadre d’une absence, l’article 7 du contrat de travail stipule que le salarié, « en cas d’absence imprévisible, notamment pour une maladie ou un accident, doit prévenir son employeur dans les 48 heures et lui fournir dans le même délai la justification de l’absence par l’envoi d’un arrêt maladie ou d’un avis de prolongation éventuelle, précisant la durée probable de l’absence. ».

L’article 42 de la convention collective prescrit quant à lui que « dès que possible, et au plus tard dans les 24 heures, le salarié doit avertir son employeur du motif de la durée probable de son absence. Cet avis est confirmé dans le délai maximal de 48 heures à compter du premier jour de l’indisponibilité, prévu par la législation de la sécurité sociale, au moyen d’un certificat médical délivré par le médecin traitant du salarié. (‘) ».

Il n’est pas discuté que le salarié a été placé en arrêt de travail le lundi 16 janvier 2017. Ce jour là, à 0h21, il a écrit à son employeur (copie à M. [V]) pour lui indiquer « Comme vu avec toi vendredi, je ne serais pas présent pour des raisons de santé. »

Par courriel du 17 janvier 2017, M. [V] a écrit au salarié pour lui indiquer qu’il était sans nouvelles de sa part, qu’il avait tenté vainement de le joindre par téléphone à plusieurs reprises et qu’il était inquiet. M. [V] lui a adressé un courriel de relance le 18 janvier. En réponse, le salarié a écrit à M. [V] le samedi 21 janvier 2017 : « Je suis actuellement en arrêt maladie. Je serai de retour dès la fin de ma période d’arrêt ».

Sans préciser quels faits sont de nature à le laisser supposer ou en faire présumer l’existence, et sans présenter de demande à ce titre, le salarié expose en page 9 de ses écritures qu’il a subi un harcèlement moral et souffert d’une dépression depuis début décembre. Sans débat sur cette question, le harcèlement moral allégué ne peut être retenu par la cour. En tout état de cause, alors qu’il lui était possible de répondre aux demandes formées par M. [V] dès le 17 janvier, le salarié n’a apporté de réponse que le 21 janvier 2017. Il s’agit cependant d’une réponse tardive et peu informative dès lors que son avis d’arrêt de travail en avait nécessairement fixé la date de fin ; information que le salarié n’a pas donnée.

Sans être contredit sur ce point, l’employeur relève que le salarié n’a adressé à l’employeur son arrêt pour maladie que le 18 janvier 2017 à 18 heures et que son courrier n’est parti que le 19 janvier ‘ raison pour laquelle, d’ailleurs, l’employeur avait adressé une mise en demeure au salarié le même jour, les courriers s’étant manifestement croisés.

Le grief tenant en une information tardive de l’employeur est donc établi même si le salarié justifie que sa compagne a été admise à l’hôpital le 17 janvier pour son accouchement du 18 janvier, dont il devait informer sans délai l’employeur aux fins d’autorisation d’absence.

Il n’est par ailleurs pas discuté que l’arrêt de travail du salarié prenait fin le 2 février de sorte qu’en l’état de l’arrêt de travail en question, le salarié devait reprendre le 3 février 2017. Il n’est pas non plus contesté que le salarié n’a pas repris le travail ce jour-là et qu’il bénéficiait d’un arrêt de travail de prolongation couvrant la période comprise entre le 3 février et le 13 février 2017. L’employeur allègue que le salarié n’a adressé son arrêt de prolongation que le 6 février. Le salarié, qui le conteste, n’apporte cependant aux débats aucun élément propre à établir qu’il l’aurait envoyé avant. De même, c’est sans offre de preuve qu’il allègue avoir téléphoné à son employeur pour l’aviser de cet arrêt de prolongation.

Le grief est établi.

S’agissant de l’absence des 13 et 14 février 2017, il est établi que le salarié a adressé le 15 février 2017 à 0h55, par courriel, un justificatif montrant qu’il était absent pour « enfant malade ». A son courriel est joint le certificat médical de M. [J], médecin au service des urgences pédiatriques, qui indique que l’état de santé de l’enfant « [X] [G] [O] » nécessite le repos au domicile du 13 février au 14 février 2017 inclus et « justifie la présence de son père près d’elle au domicile ». Si cette pièce est suffisante pour montrer que le salarié a justifié de son absence, il demeure que le salarié n’explique pas pourquoi il n’aurait pas pu prévenir son employeur plus tôt, c’est-à-dire avant le 15 février 2017 à 0h55 alors qu’il convient de rappeler que selon la convention collective, le salarié est tenu d’avertir son employeur des motifs de son absence et de sa durée probable « dès que possible et au plus tard dans les 24 heures ».

Le grief est établi.

Le salarié était supposé reprendre le travail le 15 février 2017. Il a cependant bénéficié ce jour-là d’un nouvel avis d’arrêt de travail comme le montre la pièce 22 de l’employeur. Cet avis d’arrêt de travail du 15 février 2017 prescrivait un arrêt de travail jusqu’au 28 février 2017. Ainsi que le montre la pièce 22 de l’employeur, cet avis n’a été posté que le 20 février 2017 soit cinq jours après qu’il a été prescrit et donc au-delà du délai de 48 heures prescrit par la convention collective et le contrat de travail. En outre, au-delà du 28 février 2017, il n’est justifié d’aucun avis d’arrêt de travail même si, dans le cadre d’une visite de pré-reprise, le médecin du travail a estimé que la reprise du travail du salarié était « totalement déconseillée » et qu’il convenait de le réadresser à son médecin pour « prolongation de l’arrêt de travail et poursuite des soins » (pièce 23 S).

Le grief est établi.

Sur le non-respect des procédures internes malgré l’avertissement du 1er décembre 2016, il ressort de l’attestation précise de Mme [D], responsable des ressources humaines de la société, corroborée sur ce point par celle de M. [V], que le salarié n’a justifié de ses notes de frais, pour lesquelles il avait reçu une avance de 4 100 euros, que dans le courant du mois de janvier 2017. Le salarié admet d’ailleurs n’avoir justifié de ces notes de frais que postérieurement à son retour au sein de l’entreprise, après le 30 décembre 2016. Dans la mesure où le salarié a, malgré l’avertissement justifié qui lui avait été adressé le 1er décembre 2016, persisté à ne pas transmettre les notes de frais qui lui étaient demandées, le grief est établi.

Compte tenu de ce que les griefs invoqués par l’employeur sont tous établis, que l’existence d’un harcèlement moral à l’origine de ses arrêts de travail a été écartée, il conviendra de confirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a dit justifié par une cause réelle et sérieuse le licenciement du salarié et en ce qu’il l’a débouté de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Succombant, le salarié sera condamné aux dépens de la procédure d’appel.

Il conviendra de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté l’employeur de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile s’agissant des frais exposés en première instance et de condamner le salarié à payer à l’employeur une indemnité de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en appel.

PAR CES MOTIFS:

Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, la cour :

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples, ou contraires,

CONDAMNE M. [G] [O] à payer à la société Easyteam la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais d’appel,

CONDAMNE M. [G] [O] aux dépens.

. prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

. signé par Madame Aurélie Prache, Président et par Madame Marcinek, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

 


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