Non-respect des procédures internes : 30 mai 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 21/01451
Non-respect des procédures internes : 30 mai 2023 Cour d’appel de Nîmes RG n° 21/01451
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30 mai 2023
Cour d’appel de Nîmes
RG n°
21/01451

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

ARRÊT N°

N° RG 21/01451 – N° Portalis DBVH-V-B7F-IAIV

CRL/JLB

CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’ORANGE

12 février 2021

RG :F 20/00012

[E]

C/

S.A. [10]

Grosse délivrée le 30 MAI 2023 à :

– Me LE DANVIC

– Me VINOT

COUR D’APPEL DE NÎMES

CHAMBRE CIVILE

5ème chambre sociale PH

ARRÊT DU 30 MAI 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ORANGE en date du 12 Février 2021, N°F 20/00012

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président

Madame Evelyne MARTIN, Conseillère

Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère

GREFFIER :

Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et Monsieur Julian LAUNAY BESTOSO, Greffier, lors du prononcé de la décision

DÉBATS :

A l’audience publique du 14 Mars 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 30 Mai 2023.

Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.

APPELANTE :

Madame [N] [E]

née le 21 Janvier 1960 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Karine LE DANVIC de la SELARL AUDEUM, avocat au barreau de TARASCON

INTIMÉE :

S.A. [10]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Vincent VINOT de la SELARL SYNAPSE AVOCATS, avocat au barreau de NIMES

Représentée par Me Sylvie SERGENT de la SELARL DELRAN-BARGETON DYENS-SERGENT- ALCALDE, avocat au barreau de NIMES

ARRÊT :

Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 30 Mai 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.

FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

Mme [N] [E] a été engagée à compter du 28 novembre 2011, suivant contrat à durée indéterminée, en qualité d’attachée de direction par la [8] à [Localité 5], position III niveau C Groupe A coefficient 358, statut cadre, avec une rémunération mensuelle de 2.506 euros brut, dans le cadre d’un forfait en jours de 212 jours de travail effectif par année civile.

La convention collective applicable est celle de l’hospitalisation privée à but lucratif.

Le 9 mai 2016, une convention de mutation à effet au 17 mai 2016 a été conclue entre la [8], la [7] et Mme [N] [E], en raison du transfert des activités de cette dernière du [8] vers la Polyclinique.

Le 12 mai 2016, un ‘avenant au contrat de travail pour un temps partiel’ entre la [8] et Mme [N] [E] a été conclu, avec effet au 17/05/2016, diminuant la durée du forfait jour à 106 jours de travail effectif par année civile ; ainsi qu’un contrat de travail à temps partiel entre [11] et Mme [N] [E], avec effet également au 17/05/2016, sur la base d’un forfait en jours de 106,5 jours par année civile.

Mme [N] [E] a été placée en arrêt de travail à compter du 16 décembre 2016 au 31 janvier 2017.

Par acte du 2 mars 2017, Mme [N] [E] et la SASU [12], anciennement [11], ont signé un accord de rupture conventionnelle, homologué le 14 avril 2017, par la DIRECCTE de [Localité 13].

Mme [N] [E] a continué à compter de cette date son activité pour le compte de la SASU [10], anciennement [8].

Par courrier du 20 octobre 2017, Mme [N] [E] a été convoquée à un entretien préalable, fixé au 6 novembre 2017, par la SASU [10].

Par courrier du 10 novembre 2017, Mme [N] [E] a été licenciée pour cause réelle et sérieuse par la SASU Clinique [10].

Par requête du 5 mars 2018, Mme [N] [E] a saisi le conseil de prud’hommes d’Orange aux fins de contester la rupture de son contrat avec la SASU [12] ; de voir dire et juger que son contrat de travail du 17 mai 2016 est un contrat à temps complet et que la rupture conventionnelle du 2 mars 2017 est nulle pour fraude à la loi ; et condamner la SASU [12] à diverses sommes indemnitaires.

Parallèlement, Mme [N] [E] a également saisi le conseil de prud’hommes d’Avignon, le 16 mars 2018, en contestation de son licenciement et aux fins de requalification de son contrat de travail en contrat de travail à temps complet et de condamnation de la SASU [10] à diverses sommes indemnitaires.

Par jugement du 28 mai 2019, le conseil de prud’hommes d’Avignon a ordonné le sursis à statuer dans l’attente de la décision du conseil de prud’hommes d’Orange en raison du lien de connexité entre les recours.

Par jugement du 14 juin 2019, le conseil de prud’hommes d’Orange a prononcé la connexité des instances pour un renvoi en bureau de jugement de sa juridiction.

Par jugement du 12 décembre 2019, le conseil de prud’hommes d’Avignon a pris acte du lien de connexité entre les deux affaires et s’est dessaisi au profit du conseil de prud’hommes d’Orange.

Par jugement du 12 février 2021, le conseil de prud’hommes d’Orange, dans le litige opposant Mme [N] [E] à la SASU [10] a :

– fixé le salaire moyen de référence des douze derniers mois à la somme de 1.553, 42 euros,

– condamné la SA Clinique [10] à verser à Mme [N] [E] les sommes suivantes :

– 11.428, 15 euros à titre de rappel de salaire sur les astreintes,

– 1.442, 81 euros à titre des congés payés y afférents,

– 9. 318, 00 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

– débouté Mme [N] [E] de toutes les demandes relatives à une ancienneté de 25 ans et 3 mois au 13 février 2018,

– dit et jugé que la convention de forfaits en jours du contrat de travail est licite,

– débouté Mme [N] [E] de toutes les demandes relatives à la qualification du contrat de travail à temps complet,

– débouté Mme [N] [E] de la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires,

– débouté Mme [N] [E] des demandes relatives à l’absence de prévention en matière de harcèlement,

– débouté Mme [N] [E] des demandes relatives à un harcèlement moral et à l’exécution déloyale du contrat de travail ,

– débouté Mme [N] [E] de ses demandes relatives à une violation de l’obligation de sécurité de résultat,

– débouté Mme [N] [E] des demandes relatives à la nullité du licenciement en raison d’un harcèlement moral,

– dit et jugé que le licenciement pour cause réelle et sérieuse de Mme [N] [E] est justifié,

– débouté Mme [N] [E] de la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– rejeté tout remboursement d’indemnité de chômage par la SA Clinique [10] à Pole Emploi,

– débouté Mme [N] [E] sur les demandes de délivrance de documents de tout ordre,

– ordonné la capitalisation des intérêts des sommes dues à Mme [N] [E] à compter du 23 mars 2018,

– débouté Mme [N] [E] de sa demande de voir prononcer l’exécution provisoire de la décision à intervenir,

– condamné la SA Clinique [10] à payer à Mme [N] [E] la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que chaque partie conservera à sa charge ses propres dépens.

Par acte du 8 avril 2021, Mme [N] [E] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance en date du 30 novembre 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 28 février 2023 à 16 heures et fixé l’examen de l’affaire à l’audience du 15 mars 2023. Par avis de déplacement du 8 décembre 2022, l’examen de l’affaire a été fixé à l’audience du 14 mars 2023.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 24 janvier 2023, Mme [N] [E] demande à la cour de :

– la recevoir en son appel limité et l’en déclarer bien fondée,

– en conséquence, confirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Orange en ce qu’il a :

– condamné la SA Clinique [10] à régler à Mme [N] [E] la somme de 11.428,15 euros à titre de rappel de salaires sur les heures d’astreintes et 1.142,82 euros d’indemnité congés payés y afférentes,

– condamné la SA Clinique [10] à payer à Mme [N] [E] la somme de 9.318 euros au titre de l’indemnité pour travail dissimulé,

– et par conséquent débouter la SA Clinique [10] de son appel incident,

– réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions déférées et statuant à nouveau,

– fixer son ancienneté au 13 février 2018 à 25 ans et trois mois et en conséquence,

– condamner la SA Clinique [10] à lui régler un complément d’indemnité de licenciement de 37.281,19 euros,

– condamner également la SA Clinique [10] à lui payer:

* une somme de 15.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l’absence de prévention en matière de harcèlement,

* une somme de 20.000 euros en réparation du préjudice subi pour harcèlement moral et à défaut d’une telle qualification, pour exécution déloyale du contrat de travail,

A titre principal :

– prononcer la nullité du licenciement en raison du harcèlement moral,

– condamner la SA Clinique [10] au paiement de dommages et intérêts

pour licenciement nul de 64.080 euros,

A titre subsidiaire :

– dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamner la SA Clinique [10] au paiement de 18 mois de salaire à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle sérieuse soit la somme de 57.708 euros,

En tout état de cause,

– ordonner le remboursement par la SA Clinique [10] à Pole Emploi à 6 mois d’indemnité de chômage en application de l’article L1235-4 du code du travail,

– condamner la SA Clinique [10] à lui délivrer chaque bulletin de salaire rectifié de la rémunération correspondante conformément à la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de ladite décision,

– ordonner la remise d’un certificat et d’une attestation Pole Emploi conforme à la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de ladite décision,

– ordonner la capitalisation des intérêts,

– condamner la SA Clinique [10] aux entiers dépens ainsi qu’au paiement d’une somme de 4.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses demandes, Mme [N] [E] fait valoir que :

– lors de son embauche en 2011, il avait été convenu d’une reprise d’ancienneté, qui était mentionnée sur ses bulletins de salaire jusqu’en octobre 2016 et qui a disparu ensuite sans raison,

– outre les mentions sur ses bulletins de salaire, cette ancienneté figure également sur sa fiche de personnel,

– contrairement à ce que soutient l’employeur il ne s’agit pas d’une application de la convention collective qui prévoit un maintien d’ancienneté à 50%, ce qui ne correspond pas à sa situation,

– en raison de cette ancienneté, elle est fondée à solliciter un complément d’indemnité de licenciement à hauteur de 37.281,19 euros,

– sa demande de paiement des astreintes effectuées, dans les conditions fixées par l’accord d’entreprise est fondée pour la période collective, les cadres ne pouvant, contrairement à ce que soutient l’employeur, renoncer à l’application d’un accord d’entreprise par simple mail,

– par suite, la SA Clinique [10] avait été régulièrement informée par les salariés de l’impossibilité d’indemniser forfaitairement les astreintes, et de l’obligation qu’il avait d’appliquer l’accord collectif, sa persistance à ne pas le faire démontre l’élément intentionnel qui caractérise par suite le travail dissimulé,

– la SA Clinique [10] n’a mis aucune mesure en place pour lui éviter de subir des faits de harcèlement, la direction a été informée à plusieurs reprises des risques psycho-sociaux existant au sein de l’établissement sans y apporter de réponse, seule l’intervention de l’inspection du travail l’ayant fait réagir, ce qui justifie de faire droit à sa demande de dommages et intérêts de ce chef,

– elle a subi un harcèlement moral en raison de la dégradation de ses conditions de travail, sous forme de méthodes de management par la peur, d’une modification de son poste de travail sans son accord, d’une surcharge de travail inacceptable et d’une absence de définition de poste, et d’une impossibilité de travailler,

– ces agissements ont eu des répercussions sur sa santé ainsi qu’en attestent les comptes rendus de la médecine du travail et de son psychiatre,

– subsidiairement ces éléments caractérisent une exécution déloyale du contrat de travail qui lui ouvre droit à des dommages et intérêts,

– en raison du harcèlement moral ainsi subi, son licenciement est nul et doit être indemnisé par une somme équivalente à 20 mois de salaires,

– en tout état de cause, son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, le motif invoqué relatif aux livrets d’accueil est ‘ fallacieux’, puisque la faute qui lui est reprochée ne relevait plus de ses fonctions depuis décembre 2016, et qu’auparavant elle avait informé le directeur du risque de rupture de stock et n’a jamais été destinataire de sa réponse, et celui relatif au non respect des procédures d’envoi des dossiers médicaux n’est pas démontré, le motif du licenciement n’est par ailleurs pas sérieux puisque le directeur était parfaitement informé de la situation et connaissait la problématique de rupture de stock des livrets,

– l’indemnisation de son licenciement doit se faire en tenant compte de la reprise d’ancienneté, et il devra également être fait application des dispositions de l’article L 1235-4 du code du travail.

En l’état de ses dernières écritures en date du 4 octobre 2021, la SASU [10] demande à la cour de :

A titre liminaire, et en application de l’article 101 du code de procédure civile,

– dire recevable et bien fondée l’exception de connexité soulevée,

– la confirmer

En tout état de cause,

– infirmer la décision de première instance en ce qu’elle l’a condamné à :

– 11.428,02 euros bruts à titre de rappel de salaire sur les astreintes,

– 1.442,81 euros bruts à titre de congés payés y afférents,

– 9.318 euros à titre de dommages intérêts pour travail dissimulé,

– 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– la confirmer pour le surplus,

En conséquence,

– débouter Mme [N] [E] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

– condamner Mme [N] [E] à lui payer une indemnité de 3.000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’à supporter les entiers dépens d’instance.

La SAS [10] fait valoir que :

– la reprise d’ancienneté revendiquée par Mme [N] [E] n’est pas mentionnée au contrat de travail, les fiches de salaire mentionnent la date du 28 novembre 2011 comme date d’embauche, de début de poste, d’entrée dans l’établissement et d’entrée dans la profession, la référence à la date dite d’ancienneté dans la ‘Société’ le 1er novembre 1992 s’interprète au sens structurel, soit l’entrée dans le secteur d’activité sans qu’il soit question d’une reprise d’ancienneté,

– cette mention répond à l’exigence de l’article 90-5 de la convention collective qui pour la détermination du coefficient d’emploi oblige à prendre en compte les emplois occupés dans les divers établissements hospitalier ou accueillant des personnes âgées,

– s’agissant des demandes présentées au titre des astreintes, une partie des demandes initiales se heurtait à la prescription,

– Mme [N] [E] a participé aux négociations sur le paiement des astreintes et en a accepté le principe, elle ne saurait désormais venir le remettre en cause,

– Mme [N] [E] ayant abandonné ses demandes au titre de la remise en cause de sa convention de forfait et de sa demande au titre des heures supplémentaires, elle doit d’autant plus être déboutée de sa demande au titre du travail dissimulé que les astreintes ont été rémunérées conformément à l’accord trouvé avec tous les cadres,

– l’argumentation relative au harcèlement moral n’est soutenue par aucun élément objectif, et repose sur des allégations totalement superficielles et infondées,

– elle a accepté le principe d’une activité en bi-site et n’a jamais formulé aucune observation sur la nouvelle organisation, alors qu’à la même période elle était capable de s’opposer et exprimer son désaccord sur la nouvelle procédure de transmission des dossiers médicaux,

– elle ne peut pas cumulativement soutenir qu’elle était surchargée de travail et que son employeur lui retirait des taches,

– le fait de réorganiser un service, et de changer les habitudes de fonctionnement ne peut être considéré comme un harcèlement,

– les documents médicaux présentés par Mme [N] [E] ne font jamais référence, et ne laissent pas supposer un quelconque fait de harcèlement moral,

– contrairement à ce que soutient Mme [N] [E], elle a mis en place une réponse à l’alerte du CHSCT en date du 5 septembre 2016 puisque les mesures immédiatement prises dans l’attente du résultat de l’enquête menée suite à cette alerte étaient présentées lors de sa réunion extraordinaire du 15 septembre 2016,

– aucun élément venant caractériser un quelconque manquement de l’employeur n’est caractérisé et Mme [N] [E] doit être déboutée de ses demandes indemnitaires,

– en l’absence de caractérisation du harcèlement moral, la demande de nullité du licenciement ne peut prospérer,

– le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse clairement exposée dans la lettre de licenciement par rapport à laquelle Mme [N] [E] n’a pas pris la peine de s’expliquer en première instance et qui donne désormais lieu à des explications qui ne sauraient emporter la conviction de la cour,

– contrairement à ce qu’elle soutient , Mme [N] [E] était investie de la gestion du stock des livrets d’accueil, et de surcroît s’était vue confier cette tâche qu’elle n’a pas remplie, ce qui caractérise son insubordination,

– il entrait également dans son champ de compétence de modifier la procédure de communication des dossiers médicaux, ce qu’elle n’a pas fait, et de plus, elle s’est obstinée à continuer d’appliquer l’ancienne, et à critiquer la nouvelle,

– le lendemain de l’entretien préalable, elle a décidé de quitter l’entreprise en prenant ses affaires, sans préavis, et sans consigne sur les dossiers en cours, mettant son employeur dans l’embarras,

– au soutien de sa demande indemnitaire, Mme [N] [E] soutient qu’elle n’a pas été en capacité de retrouver un emploi et invoque un préjudice de retraite, sans pour autant justifier de la réalité de son préjudice et de ses recherches sérieuses d’emploi,

– s’agissant de l’application des dispositions de l’article L 1235-4 du code du travail, elle sera rejetée en raison du bien fondé du licenciement et subsidiairement, les 6 mois d’indemnités chômage constituent non un seuil mais le plafond du remboursement pouvant être ordonné.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l’audience.

MOTIFS

Sur l’exception de connexité

Par jugement définitif en date du 14 juin 2019, le conseil de prud’hommes d’Orange a jugé qu’il existait un lien de connexité entre les instances introduites par Mme [N] [E] à l’encontre de la SASU [12] et de la SASU [10].

Demandes relatives à l’exécution du contrat de travail

* reprise d’ancienneté

La date d’ancienneté figurant dans le bulletin de paie vaut présomption de reprise d’ancienneté sauf à l’employeur à rapporter la preuve contraire.

Les juges du fond doivent ainsi examiner les éléments produits par l’employeur pour rapporter la preuve contraire. Cette preuve n’est pas rapportée par l’absence de mention de reprise d’ancienneté au contrat de travail. En outre, lorsque l’employeur invoque une erreur, il lui appartient d’en justifier.

En l’espèce Mme [N] [E] soutient qu’il avait été convenu lors de son embauche d’une reprise de son ancienneté depuis le 1er novembre 1992, date figurant comme telle sur ses bulletins de salaire jusqu’en octobre 2016, et sur sa fiche de personnel. Elle verse en ce sens :

– ses bulletins de salaire de novembre 2011 qui mentionne ‘ Ancienneté : 19 an(s) et 1 mois’ et ‘ déb contr 28/11/2011″, décembre 2011 qui mentionne ‘ Ancienneté : 19 an(s) et 2 mois’ , décembre 2012 qui mentionne ‘ Ancienneté : 20 an(s) et 2 mois’ , décembre 2013 qui mentionne ‘ Ancienneté : 21 an(s) et 2 mois’ , décembre 2014 qui mentionne ‘ Ancienneté : 225 an(s) et 2 mois’ ,

– des échanges de courriels en date du 3 novembre 2016 par lesquels Mme [N] [E] interroge la responsable ‘ ressources humaines’ sur sa reprise d’ancienneté dans le cadre du contrat bi-site, laquelle renvoie à l’accord d’entreprise qui ‘ précise que la date d’ancienneté est celle acquise dans l’entreprise’,

– un document intitulé ‘ impression des fiches de personnel’ éditée le 12 mai 2016 au nom de Mme [N] [E] qui mentionne sous la rubrique ‘Ancienneté’ :

En mois

En années

ancienneté dans la société

282,000

23,500

ancienneté dans l’établissement

54,000

4,500

ancienneté dans le poste

54,000

4,500

ancienneté dans la profession

54,000

4,500

Pour remettre en cause cette présomption de reprise d’ancienneté, la SA Clinique [10] soutient que la notion de ‘société’ ainsi mentionnée doit se comprendre comme visant le secteur d’activité et renvoie à la convention collective qui prévoit en son article 90.5. que pour la détermination du coefficient d’emploi, l’ancienneté acquise antérieurement sera prise en compte et en son article 90.5.1 que lorsqu’un salarié, à l’exception des personnels soignants, est nouvellement recruté, il conservera 50% de l’ancienneté qu’il aura acquise dans les emplois occupés dans les divers établissements hospitaliers ou dans les établissements accueillant des personnes âgées, publics ou privés (dont PSPH).

Il résulte du contrat de travail que Mme [N] [E] a été recrutée à compter du 28 novembre 2011,en qualité d’attachée de direction, position III niveau C Groupe A coefficient 358, statut cadre.

Selon la grille de salaire des cadres (position III) annexée à la convention collective, le coefficient 358 dont bénéficie Mme [N] [E] correspond à une ancienneté comprise entre 26 et 30 ans alors qu’une ancienneté comprise entre 0 et 2 ans correspond à des coefficients compris entre 300 et 303.

Ainsi, la mention maladroitement formulée de ‘ l’ancienneté dans la société’ est-elle nécessaire sur la fiche de personnel ou le bulletin de salaire pour déterminer, conformément à la convention collective, le niveau de rémunération de la salariée, étant observé que celle-ci ne prévoit pas de reprise de l’ancienneté par le nouvel employeur mais le fait qu’il conservera 50% de l’ancienneté acquise dans les emplois occupés précédemment pour la détermination de son coefficient d’emploi. Le fait que la SA Clinique [10] ait choisi de lui appliquer un coefficient d’emploi plus avantageux n’est pas générateur de droit.

Enfin, il n’est produit aucun élément qui permette de considérer qu’il était convenu entre les parties d’une reprise d’ancienneté, qu’il s’agisse du contrat de travail ou d’avantages dont Mme [N] [E] aurait bénéficié jusqu’en octobre 2016 et dont elle aurait été privée ensuite, tels qu’une prime d’ancienneté.

Au surplus, dans le cadre de la convention de mutation du 9 mai 2016, la seule reprise d’ancienneté prise en charge par la [7] est celle acquise au sein de la [8].

En conséquence, c’est juste titre que les premiers juges ont débouté Mme [N] [E] de la demande présentée de ce chef et de la demande indemnitaire subséquente, leur décision sera confirmée sur ce point.

* rappel de salaire au titre des astreintes

L’article L 3121-5 du code du travail dans sa version applicable du 1er mai 2008 au 9 août 2016, puis L 3121-9 du code du travail dans sa version applicable à compter du 10 août 2016 disposent qu’une période d’astreinte s’entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, doit être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise.

La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif.

Le second article précise que la période d’astreinte fait l’objet d’une contrepartie, soit sous forme financière, soit sous forme de repos et que les salariés concernés par des périodes d’astreinte sont informés de leur programmation individuelle dans un délai raisonnable.

L’article L 3121-7 du code du travail dans sa version applicable jusqu’au 9 août 2016 disposait que les astreintes sont mises en place par convention ou accord collectif de travail étendu ou par accord d’entreprise ou d’établissement, qui en fixe le mode d’organisation ainsi que la compensation financière ou sous forme de repos à laquelle elles donnent lieu. A défaut de conclusion d’une convention ou d’un accord, les conditions dans lesquelles les astreintes sont organisées et les compensations financières ou en repos auxquelles elles donnent lieu sont fixées par l’employeur après information et consultation du comité d’entreprise ou, en l’absence de comité d’entreprise, des délégués du personnel s’il en existe, et après information de l’inspecteur du travail.

L’article L 3121-11 du code du travail dans sa version applicable à compter du 10 août 2016 dispose qu’une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut mettre en place les astreintes. Cette convention ou cet accord fixe le mode d’organisation des astreintes, les modalités d’information et les délais de prévenance des salariés concernés ainsi que la compensation sous forme financière ou sous forme de repos à laquelle elles donnent lieu. Et l’article L 3121-12 du code du travail dans sa version applicable à compter du 10 août 2016 précise qu’une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut mettre en place les astreintes. Cette convention ou cet accord fixe le mode d’organisation des astreintes, les modalités d’information et les délais de prévenance des salariés concernés ainsi que la compensation sous forme financière ou sous forme de repos à laquelle elles donnent lieu.

L’article 4.1.5 de l’accord d’entreprise du 10 avril 2009 sur l’aménagement du temps de travail dispose que les personnels d’encadrement susceptibles de répondre à l’urgence peuvent être soumis à des astreintes et que ‘ en compensation, les astreintes peuvent donner lieu à une indemnisation égale au 1/3 du salaire horaire correspondant au coefficient d’emploi du salarié, dans la limite du coefficient 395 pour les cadres A, B et C. Si au cours d’une astreinte, un salarié est appelé à assurer un temps de travail effectif celui-ci sera rémunéré au double du salaire horaire correspondant au coefficient d’emploi du salarié ( dans la limite des coefficients énoncés ci avant pour les cadres ) sans autre majoration supplémentaire, y compris pour heures supplémentaires.’

Mme [N] [E] sollicite la condamnation de la SA Clinique [10] à lui verser la somme de 11.428,15 euros outre l’indemnité de congés payés afférente au motif que l’employeur n’a pas appliqué pour la rémunération de ses astreintes l’accord d’entreprise auquel les cadres ne pouvaient renoncer.

Elle verse en ce sens les échanges de courriels entre octobre et juin 2017 entre une cadre, Mme [V] [H] intervenant au nom des cadres concernés par les astreintes et M. [X] [R], directeur de l’établissement, au terme desquels la direction accepte de revaloriser les primes d’astreinte de 180 à 230 euros bruts, ainsi qu’un décompte sous forme de tableau des astreintes effectuées entre le 24 novembre 2014 et le 6 novembre 2017.

La SA Clinique [10] observe que les demandes doivent respecter les règles de prescription des salaires et ne peuvent porter que sur des périodes antérieures au 10 novembre 2014 puisque le contrat de travail a été rompu le 10 novembre 2017.

Sur le fond de la demande, elle rappelle que Mme [N] [E] faisait partie des cadres qui avaient accepté la rémunération forfaitaire de 180 puis 230 euros et qu’elle ne saurait revenir sur cet accord dans le cadre de la présente instance.

Il n’est pas contesté que les modalités de rémunération des astreintes sur la période du 24 novembre 2014 et le 6 novembre 2017, non prescrite, ne sont pas conformes aux dispositions de l’accord d’entreprise et qu’elles ont été rémunérées selon les modalités qui ne répondent pas aux exigences légales puisque déterminées en dehors de tout accord d’entreprise.

Les décomptes horaires et le chiffrage du temps d’astreinte et d’intervention, présentés par Mme [N] [E], qui respectent les règles de prescription, ne sont pas contestés dans leur quantum par la SA Clinique [10].

La décision déférée qui a fait droit à la demande ainsi présentée sera par suite confirmée.

* Sur l’existence d’un travail dissimulé

Aux termes de l’article L 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

La dissimulation d’emploi salarié prévue par le dernier alinéa de l’article L. 8221-5 du code du travail n’est caractérisée que si l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement effectué.

Pour allouer au salarié cette indemnité pour travail dissimulé équivalente à 6 mois de salaires, les juges du fond doivent rechercher le caractère intentionnel de la dissimulation. Mais ce caractère intentionnel ne peut résulter du seul défaut de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.

L’élément moral de l’infraction peut résulter de ce que l’employeur n’a pu ignorer l’amplitude du travail des salariés en raison des moyens de contrôle du temps de travail existant dans l’entreprise.

En l’espèce, Mme [N] [E] expose que la SA Clinique [10] a été alertée à plusieurs reprises sur le caractère illicite du paiement forfaitaire des astreintes, en méconnaissance des dispositions de l’accord d’entreprise. Elle verse en ce sens les différents échanges de courriels soit collectifs, soit à titre personnel en mai 2017 avec sa direction pour rappeler cette méconnaissance.

Si les modalités de rémunération des astreintes définies par l’accord d’entreprise étaient connues de l’employeur qui ne les a pas appliquées, force est de constater que les astreintes sont mentionnées sur les bulletins de salaire, et rémunérées au forfait mis en place par l’employeur.

Le fait qu’elles aient été prises en compte dans la rémunération, et qu’elles apparaissent sur les bulletin de salaire, à un taux certes non conforme à l’accord d’entreprise, ne permet pas de caractériser une volonté de dissimulation de l’employeur.

Mme [N] [E] sera en conséquence déboutée de sa demande indemnitaire au titre du travail dissimulé.

La décision déférée sera infirmée en ce sens.

* harcèlement moral

Aux termes de l’article L. 1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En vertu de l’article L. 1154-1 du Code du travail, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du Code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Sous réserve d’exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et si l’employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

Au soutien de sa demande, Mme [N] [E] invoque la dégradation de ses conditions de travail, sous forme de méthodes de management par la peur, une modification de son poste de travail sans son accord, une surcharge de travail inacceptable avec une absence de définition de son poste, et une impossibilité de travailler en l’absence de communication avec le directeur.

Elle verse aux débats les éléments suivants :

– un courrier daté du 11 mai 2016 adressé à la ‘Clinique [9]’ par lequel elle accepte la proposition d’un nouveau poste ‘ attachée de direction des deux établissements à temps partagé à compter du 17 mai 2016. Je confirme mon adhésion à cette proposition dans l’attente d’une nouvelle définition de mes tâches qui sera élaboré dans les prochaines semaines. Je demande donc la réduction de mon temps de travail à la clinique [9] à [Localité 5]’,

– l’avenant à son contrat de travail avec la clinique [9] en date du 12 mai 2017 la nommant aux fonctions d’attachée de direction bi-site et ramenant son forfait en jours à 106 jours par année civile,

– un document intitulé ‘pv de la réunion du comité d’entreprise du 28 août 2016″ dans lequel sont évoqués les difficultés rencontrées par certains personnels, des récrimination par rapport à Mme [M] DRH, des problèmes rencontrés au cours du mois d’août en raison de l’absence pour congés de personnels non remplacés, un malaise des salariés en raison de nombreux changements de plannings, Mme [D] élue du collège cadre indiquant ‘ le personnel subit des discours contradictoires, des modifications de contrat de travail ( bi-site) sont signées sous la pression et les fiches de poste doivent être réalisées par les salariés eux-mêmes, on ne les informe pas sur leur proche avenir, les ordres manquent de clarté, le partage des tâches et les missions de communication sont inexistantes’,

– une attestation de Mme [N] [T], aide soignante et représentante du personnel qui dénonce le management imposé par les deux managers de transition en place en 2016 dans des termes identiques à ceux du compte-rendu de réunion du comité d’entreprise du 28 août 2016, ainsi que les pressions subies par les cadres pour accepter de travailler en bi-site, et la poursuite de cette méthode de management par le nouveau directeur, M. [R] qui a eu pour ‘stratégie’ de ‘se séparer des cadres de santé en leurs infligeant des conditions de travail déplorables et en les accablant par des réflexions désobligeantes’,

– une attestation de Mme [J] [I], comptable qui explique avoir travaillé en 2016 dans le service et sous l’autorité hiérarchique de Mme [N] [E] dont elle vante les qualités professionnelles, dénonce les méthodes des deux managers de transition, et précise que Mme [N] [E] qui n’était destinataire d’aucune information de sa direction, a dû accepter de travailler sur les deux sites, sans voir diminuer sa charge de travail sur la clinique et que ces conditions de travail ont eu des répercussions sur son état de santé,

– un courriel daté du jeudi 15 septembre 2016 qu’elle a adressé à M. [X] [R] ayant pour objet ‘mon indiscrétion’ dans lequel elle indique ‘ Venue vous apporter le courrier attendu, j’ai trouvé sur votre bureau une lettre de Maître [F], concernant l’affaire [W], arrivée durant mon absence. Je vous laisse en prendre connaissance et je dois traiter au plus vite la réponse. A ce propos, nous n’en avons pas discuté, mais puis-je entrer dans votre bureau pendant votre absence’ Je dispose en effet des clés. Mais, je ne serai pas offusquée si vous ne préférez pas. Sur le principe, je préfère vous dire non ( pour tout le monde). Merci de votre compréhension’,

– un courriel adressé à M. [X] [R] le 10 mars 2017 dans lequel elle lui indique ‘être surprise du tour de notre conversation cet après-midi dans mon bureau. Si je me décidais à entamer un recours, après avoir demandé de faire un pas de chaque côté pour sortir de cette situation, c’est uniquement pour défendre les droits que j’estime légitimes à ce jour, comme je l’ai déjà exprimé le 2 mars lors de l’entretien préalable; (…) Nos positions juridiques sont aujourd’hui éloignées et une juridiction compétente tranchera objectivement. Cela ne nous empêche pas de bien faire le travail pour lequel nous sommes rémunérés, comme cela s’est toujours d’ailleurs fait. Aussi, il m’apparaît mal venu de me signifier que si j’exerce ce recours, mes jours sont comptés dans mon entreprise (…)’ et la réponse du directeur à ce courriel ‘ j’ai estimé nécessaire de vous donner ma vision des choses sur un large spectre : travail , relationnel, équipes. Je vous précise que vos termes vous appartiennent : je ne vous ai jamais parlé de jours ‘qui seraient comptés’ mais de positionnement à prendre, dans le contexte actuel de la clinique qui plus est. Et à partir de quoi j’en tirerai bien évidemment les conséquences appropriées’,

– un courrier en date du 13 juillet 2017 adressé par M. [X] [R] à son conseil, dans lequel le directeur répond aux demandes indemnitaires de Mme [N] [E] sur son ancienneté et la rémunération de ses astreintes, et indique en fin de courrier après avoir répondu par la négative aux demandes en raison des difficultés conjoncturelles auxquelles la clinique doit faire face , ‘ au vu des demandes de votre cliente et de sa volonté de potentiellement saisir la juridiction, je m’interroge sur la volonté de Madame [E] de rester dans notre Clinique. Je vous indique donc être ouvert à une négociation globale incluant notamment la rupture du contrat de travail de Madame [N] [E] dans le cadre de la mise en oeuvre d’une rupture conventionnelle de son contrat de travail’,

– un courriel adressé à M [X] [R] daté du mercredi 18 octobre 2017 ayant pour objet ‘ notre entretien de ce jour’ dans lequel elle ‘ confirme les termes de l’entretien’ et indique ‘vous me proposez soit un licenciement pour faute grave relié à la rupture de stock des livrets d’accueil dont je ne suis plus responsable depuis le 9 novembre 2016(…) La non infirmation des praticiens concernant la demande des dossiers médicaux par les patients (…). Vous me proposez aussi le choix d’une rupture conventionnelle pour éviter une procédure. Vous me demandez de vous communiquez impérativement mon choix pour le lundi 23 octobre 2017. Je comprends que depuis votre prise de fonction dans nos deux établissements, mon poste n’apparaît plus essentiel pour vous (…)’,

– une fiche de fonction ‘ attaché(e) de direction’ datée du 01/09/2014 qui indique ‘mission principale : est chargé de la coordination des services et du secrétariat général de l’établissement. Prépare et suit les dossiers en lien avec le directeur. Par délégation, représente la direction en interne et en externe’ et liste les différentes tâches,

– un courriel daté du 9 novembre 2016 par lequel M. [X] [R] informe une vingtaine de services de la nomination de M. [A] [C] en qualité de ‘responsable opérationnel du service Accueil – admissions’,

– plusieurs courriel émis entre mai et octobre 2017 par Mme [K] [S], assistante de direction, adressé une vingtaine de services concernant l’annulation de réunion, l’absence du directeur, …,

– un échange de courriels avec le directeur en mars 2017 sur une mission de communication qu’elle conteste au motif de son absence de compétence dans ce domaine et de sa charge de travail, auquel le directeur répond par un rappel du fait qu’il s’agit d’un ‘travail d’équipe’ et de l’absence de réponse de sa part à la demande de lui faire une proposition de fiche de poste,

– un courrier daté du 8 juillet 2016 adressé à son employeur, portant la mention d’un envoi par lettre recommandée avec avis de réception, dans lequel elle dénonce ses conditions de travail depuis qu’elle intervient en ‘bi-site’ au motif qu’elle a conservé ses attributions à [Localité 5] et qu’elles se ‘dupliquent même à [Localité 4] (…) Je ne peux donc accepter ses conditions d’exécution de mes contrats de travail (…) Je vous propose donc de redéfinir les missions que vous entendez me confier de façon plus réaliste 5 (….)’

– deux échanges de courriels avec M. [X] [R] en septembre et octobre 2016 dans lesquels elle dénonce la charge de travail que représente le traitement des demandes de dossiers par les patients, et la nécessité de la décharger ou de l’assister dans cette tâche et la réponse du directeur qui indique ne rien pouvoir faire, ne parvenant pas lui même à faire face à toutes ses tâches.

– un document indiqué ‘compte-rendu de visite médicale’ établi par le service de santé au travail qui fait état en novembre 2016 d’une souffrance au travail, et mentionne les dénonciations de Mme [N] [E] sur sa surcharge de travail et l’absence de définition de ses missions, ainsi qu’un compte-rendu de ‘consultation psy du 05/12/2016″ dans lequel sont rapportés les propos de Mme [N] [E] qui indique ne plus savoir où se situer depuis la restructuration des deux établissements, et le fait que ‘le nouveau directeur ne semble pas vouloir utiliser mes compétences de directrice adjointe mais plutôt comme simple secrétaire’.

Ces éléments pris dans leur ensemble établissent une présomption de harcèlement moral.

L’employeur rétorque que :

– s’agissant des méthodes de management, Mme [N] [E] a signifié le 11 mai 2016 qu’elle adhérait à la proposition de travailler sur deux sites, sans exprimer de réserves ou de désaccord alors qu’elle a su à plusieurs reprises exprimer ses réserves ou désaccords, elle ne présente aucun élément venant caractériser des pressions qu’elle aurait subies pour accepter cette réorganisation,

– Mme [N] [E] interprète et détourne les propos de son ancien employeur concernant la réponse faite à ses demandes relatives à son ancienneté et à ses astreintes,

– contrairement à ce que soutient Mme [N] [E] ce n’est pas le directeur qui lui a interdit l’accès à son bureau, mais Mme [N] [E] qui suite à une indiscrétion de sa part lui demande si elle peut y accéder en son absence et lui indique qu’elle préférait ne pas le faire, ce qui correspond à la teneur des propos de l’appelante dans le courriel concerné,

– de manière contradictoire Mme [N] [E] reproche une surcharge de travail dont elle ne justifie pas et le fait d’avoir été déchargée d’une partie de ses attributions, outre l’embauche d’une seconde attachée de direction,

– Mme [N] [E] travaillait dans le cadre d’un forfait en jours et était totalement autonome pour organiser ses journées de travail,

– Mme [N] [E] reproche de la même manière une modification de son contrat de travail venant lui ôter des tâches alors qu’elle reproche également une surcharge de travail,

– les modifications des conditions de travail dénoncées par les salariés s’inscrivent dans une réorganisation des activités entre les deux sites de Ventoux et Luberon, lesquelles ont forcément eu des répercussions sur leurs missions et la répartition de leur temps de travail,

– les difficultés à travailler avec le nouveau directeur dénoncées par Mme [N] [E] appellent les mêmes réponses que celles relatives aux méthodes de management que la salariée dénonce,

– les documents médicaux produits sont établis sur les seules déclarations de Mme [N] [E] et ne peuvent établir la matérialité des faits de harcèlement moral dénoncés.

Il en résulte que l’employeur établit que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un harcèlement moral et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs, pour l’essentiel en lien avec la restructuration des deux sites de [Localité 4] et [Localité 5], lesquels sont étrangers à tout harcèlement.

La décision déférée ayant débouté Mme [N] [E] de sa demande indemnitaire au titre d’un harcèlement moral sera par suite confirmée sur ce point.

* sur l’absence de mesures de prévention du harcèlement moral

Dès lors que les faits de harcèlement moral dénoncés par Mme [N] [E] ne sont pas caractérisés, il ne peut être reproché à l’employeur de ne pas avoir mis en place des mesures de prévention pour l’en prémunir.

La décision déférée ayant statué en ce sens sera confirmée sur ce point.

* sur l’exécution déloyale du contrat de travail

Subsidiairement, Mme [N] [E] invoque à défaut de voir reconnu le harcèlement moral qu’elle dénonce, une exécution déloyale de son contrat de travail, et sollicite 20.000 euros de dommages et intérêts.

En l’absence de caractérisation d’une exécution déloyale de son contrat de travail autrement que par les allégations de la salariée, les difficultés organisationnelles et les imprécisions sur les tâches confiées s’expliquant par la réorganisation importante entre les deux sites de [Localité 4] et [Localité 5], Mme [N] [E] sera déboutée de sa demande indemnitaire.

La décision déférée ayant statué en ce sens sera confirmée.

Demandes relatives à la rupture du contrat de travail

Mme [N] [E] a été licenciée pour cause réelle et sérieuse par courrier en date du 10 novembre 2017 rédigé dans les termes suivants :

‘Madame,

Par courrier remis en main propre contre décharge du 20 octobre 2017, nous vous avons convoquée à un entretien préalable en vue d’un éventuel licenciement pour cause réelle et sérieuse devant se dérouler le 6 novembre 2017.

Au cours de cet entretien, vous étiez assistée de Madame [T], déléguée [6], membre du comité d’entreprise et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Vos explications lors de cet entretien ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation quant à la gravité des faits reprochés.

Nous vous notifions donc votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.

La date de première présentation de la présente fixera donc le point de départ de votre préavis de 3 mois au terme duquel votre contrat de travail sera définitivement rompu.

Au terme de ce préavis, nous vous adresserons par pli séparé le solde de votre compte, votre certificat de travail et l’attestation destinée au Pôle emploi.

En application de l’article L 911-8 du code de la sécurité sociale, vous bénéficierez à compter de la date de cessation de votre contrat de travail du maintien à titre gratuit des garanties liées aux risques portant atteinte à l’intégrité physique de la personne ou liés à la maternité ainsi que des garanties liées au risque décès ou aux risques d’incapacité de travail ou d’invalidité, et ce, pour une période égale au maximum à la durée d’indemnisation du chômage et dans la limite du dernier contrat de travail, sans pouvoir excéder 12 mois.

Les garanties maintenues seront identiques à celles en vigueur dans l’entreprise et seront applicables dans les mêmes conditions aux ayants droit du salarié qui en bénéficiaient effectivement à la date de cessation du contrat.

Nous vous adresserons, dans les jours à venir, les notices explicatives correspondantes que nous vous invitons à lire avec attention.

Les motifs nous conduisant au prononcé de ce licenciement sont ceux que nous avons évoquées lors de l’entretien préalable précité du 6 novembre dernier, à savoir :

Vous exercez les fonctions d’Attachée de Direction, Position III, Niveau A, Indice 361, statut cadre au sein de la clinique depuis le 28 novembre 2011.

Conformément à vos obligations contractuelles les plus élémentaires, vous devez impérativement et scrupuleusement suivre les procédures internes de la clinique, dont le respect est la seule garantie de son bon fonctionnement.

Aussi, témoignage de l’importance de ces procédures, dans le cadre notamment des réunions d’encadrement, nous évoquons certaines de ces procédures mise en place au sein de la clinique ainsi que leurs éventuelles modifications pour amélioration. Vous êtes présentes à ces réunions et, le cas échéant, il vous est adressé un compte rendu de celles-ci, vous permettant d’être informée des modifications désirées et donc de vous familiariser avec les nouvelles procédures et, de fait, de les appliquer lors de l’exécution de vos fonctions.

Plus encore, en votre qualité il vous appartient de rédiger les procédures mais également, en cas de besoin de modifier celles qui existent déjà.

Or malgré les divers rappels à l’ordre verbaux en ce sens, nous constatons que vous ne respectez pas les procédures de bases applicables, ce qui nuit gravement au bon déroulement de l’activité de la clinique.

En premier nous constatons que vous n’observez pas la procédure d’approvisionnement des livres d’accueil destinés aux patients de la clinique et dont la remise constitue une obligation légale. Plus précisément, par courriel, vous nous avez subitement informés de la rupture de stock des livrets d’accueil dans les termes suivants: « nos services ne délivreraient plus de livret d’accueil depuis avril. »

Aussi, ce même jour, à l’occasion de la réunion régulière de certains cadres à laquelle vous participez, cet incident a été évoqué. De même, nous vous avions alors demandé, avec l’aide de Monsieur [C], comptable de la clinique en charge du personnel du service d’accueil, de régler cette difficulté le plus rapidement possible et donc de commander les livrets d’accueil.

Néanmoins, à l’issue de cette réunion, et en dépit des directives claires et précises délivrées en ce sens, vous n’avez daigné effectuer la commande de ces fameux livrets, pourtant en rupture de stock depuis plus de 6 mois !

Finalement, le 3 octobre 2017, c’est Monsieur [C], comptable qui est affecté à la commande des livrets !

Lors de l’entretien, et pour seule explication, vous nous avez expliqué que la commande des livrets d’accueil ne relevait pas de votre responsabilité.

D’évidence, vous comprendrez aisément que nous ne pouvons nous satisfaire de telles explications par lesquelles vous tentez, en vain, d’échapper à toute responsabilité, niant des missions qui relèvent de vos fonctions.

Nous déplorons de telles justifications, d’autant plus qu’après vérifications en ce sens, Monsieur [C] a découvert que vous étiez la personne responsable de l’approvisionnement des livrets d’accueil. En effet, il s’avère que vous êtes la dernière personne de la clinique à avoir accompli une telle commande.

En outre, l’imprimeur [O] a expressément confirmé à Monsieur [C] que vous étiez son interlocutrice.

D’ailleurs, pour preuve supplémentaire que cette mission fait partie intégrante de vos fonctions, le 9 octobre 2017, le bon à tirer a été adressé par l’imprimeur sur votre adresse mail !

En conséquence, vous ne pouvez désormais user d’une telle justification pour vous dédouaner de vos propres fautes.

Pire encore, et de manière totalement délibérée, vous ne respectez pas la nouvelle procédure d’envoi des dossiers aux patients de la clinique, continuant d’appliquer l’ancienne.

Pour mémoire, suite à un incident relevé par un médecin concerné par une demande de dossier médical, nous avons décidé d’améliorer la procédure en y ajoutant une vérification de contrôle par les praticiens concernés et ce, avant l’envoi du dossier médical.

Dans ce contexte, le 3 août 2017, lors de la réunion bimestrielle du personnel cadre, les cadres de la clinique ont été informés de notre souhait de mettre en place cette nouvelle procédure. Aussi, ces derniers l’ont tous validée.

Comme vous n’avez pas pu assister à cette réunion du fait de sa coïncidence avec votre jour de repos, le 4 août 2017, par mail, Madame [B], responsable qualité et gestion des risques vous a informé de la décision prise, et, dans la mesure où vous êtes la rédactrice initiale de la procédure d’envoi des dossiers médicaux aux patients, elle vous a demandé de la mettre à jour.

Néanmoins, et à notre plus grand étonnement, vous n’avez donné aucune suite à ce courriel.

Sans retour de votre part depuis plus de 2 mois après, par courriel du 17 octobre 2017, Madame [B] vous a transmis en pièce jointe la procédure de gestion des demandes de dossiers patient actualisée, vous sollicitant pour validation le lendemain matin et ce, afin de pouvoir la diffuser au plus tôt.

Comble de l’absurde, ce même jour alors que vous connaissiez parfaitement la nouvelle procédure d’envoi des dossiers médicaux aux patients, les Docteurs [Y] et [G], nous ont alerté sur le fait que vous vous apprêtiez à transmettre un dossier médical à un patient sans l’avoir préalablement fait relire par le chirurgien et l’anesthésiste concernés.

De fait, soit le 18 octobre 2017, nous vous avons convoqué à un entretien informel au cours duquel nous vous avons annoncé que, faute de redressement de votre part, nous allions être conduits à convoquer un entretien préalable afin de vous entendre sur décès nous amenant à envisager votre licenciement.

Cependant, entêtée, vous avez simplement confirmé votre hostilité quant à la modification de la procédure.

Au-delà, par retour de courriel du 18 octobre 2017, vous avez longuement expliqué à Madame [B] les raisons de votre opposition à cette nouvelle procédure, prenant le soin de préciser que vous restiez ‘dubitative quant à la réalité et à la légitimité de cette procédure’.

Face à votre obstination sans limite, nous avons dû finaliser la modification de la procédure sans votre aide’

Lors de l’entretien préalable du 6 novembre dernier, vous avez expliqué ne pas souhaiter endosser une quelconque responsabilité’

Votre insubordination est flagrante et est inacceptable au sein de la clinique. En effet, vous refusez sciemment de respecter les procédures internes de la clinique et ce, malgré les différentes informations et de nombreux rappels à l’ordre en ce sens.

Pour votre parfaite information, si la relecture du dossier médical a été restaurée c’est seulement dans le but que les praticiens concernés vérifient qu’il ne manque pas de pièce ou que les pièces envoyées correspondent parfaitement au cadre légal.

En aucun cas, et contrairement à ce que vous prétendez, il ne s’agit de ‘modifier illégalement les dossiers des patients’ !

Votre mauvaise foi est manifeste et vos tentatives d’explications attestent sans aucun doute de votre intention de causer du tort à la clinique, surtout depuis l’embauche de Madame [S], seconde attachée de direction.

Vous ne pouvez ignorer que de telles fautes professionnelles récurrentes sont particulièrement graves dans la mesure où vous ne déniez pas respecté nos obligations contractuelles plus essentielles.

D’ailleurs, preuve tacite de la reconnaissance de vos fautes, le 7 novembre 2017 soit deux jours après l’entretien préalable du 6 novembre dernier, aucune décision n’étant encore prise concernant la poursuite de nos relations contractuelles, vous avez quitté la société en enlevant la plaque nominative de la porte de votre bureau est en emportant par mégarde une lampe de bureau appartenant la société.

Aussi à ce jour, nous ne savons pas où sont les clefs de votre bureau. Dans le cas où ces dernières seraient en votre possession tout comme la lampe de bureau, nous vous demandons de nous les remettre dans les plus brefs délais.

Plus encore, alors même que vous avez informé plusieurs de vos collègues de travail qu’il s’agissait de votre dernier jour de travail et que vous ne reviendriez plus, vous n’avez laissé aucune consigne sur les dossiers en cours’

Nous déplorons un tel comportement qui contrevient à vos obligations contractuelles le plus élémentaires et démontre le peu d’intérêt que vous portez à la clinique.

Nous ne pouvons en effet accepter une telle insubordination dans l’exercice de votre activité, qui nuit gravement au bon fonctionnement de la société ce dont s’est d’ailleurs plaint le docteur [Y], médecin de la clinique.

Il est évident que dans l’accomplissement de vos fonctions, il vous appartenait d’être d’une particulière rigueur afin de respecter l’ensemble des procédures internes applicables que vous connaissez parfaitement.

À plusieurs reprises nous vous avons rappelé la nécessité de respecter ses règles, vous rappelant les conséquences pour la clinique.

Manifestement, vous n’avez pas décidé de vous conformer à ses règles fondamentales.

Nous vous notifions donc votre licenciement pour cause réelle sérieuse.

Recevez, Madame, l’expression de nos salutations distinguées.’

Selon l’article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La cause réelle du licenciement est celle qui présente un caractère d’objectivité. Elle doit être existante et exacte. La cause sérieuse concerne une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite des relations contractuelles. La lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables. La datation dans cette lettre des faits invoqués n’est pas nécessaire.

Le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige doit être apprécié au vu des éléments fournis par les parties, étant précisé que, si un doute subsiste, il profite au salarié, conformément aux dispositions de l’article L. 1235-1 du code du travail dans sa version applicable à l’espèce.

Si la lettre de licenciement doit énoncer des motifs précis et matériellement vérifiables, l’employeur est en droit, en cas de contestation, d’invoquer toutes les circonstances de fait qui permettent de justifier ce motif.

* Sur la nullité du licenciement en raison de harcèlement moral

Si par application des dispositions de l’article L 1152-3 du code du travail toute rupture du contrat de travail qui résulte d’un harcèlement moral est nulle de plein droit, Mme [N] [E] sera déboutée de la demande aux fins de nullité de son licenciement présentée au visa de ce texte, dès lors que les faits de harcèlement moral ne sont pas établis, et de sa demande pécuniaire subséquente d’indemnité pour licenciement nul .

* Sur l’existence d’une cause réelle et sérieuse

En l’espèce, la SA Clinique [10] retient quatre griefs à l’encontre de Mme [N] [E] : le non-respect des procédures internes entraînant une rupture de stock dans les livrets d’accueil remis aux patients, l’absence de modification de la procédure de communication des dossiers médicaux, le non-respect du protocole de communication des dossiers médicaux, le fait d’avoir quitté l’entreprise en emportant ses affaires et une lampe de bureau le lendemain de l’entretien préalable.

– sur le non-respect des procédures internes entraînant une rupture de stock dans les livrets d’accueil remis aux patients :

Pour démontrer la réalité de ce grief développé dans la lettre de licenciement, la SA Clinique [10] expose que Mme [N] [E] a toujours été en charge de l’approvisionnement des livrets d’accueil remis aux patients, et que la clinique s’est retrouvée en rupture de stock pendant plusieurs mois, la salariée informait la direction le 2 octobre 2017 du fait que ‘ nos services ne délivreraient plus de livrets d’accueil’ alors que dans les faits, les livrets d’accueil des patients n’étaient plus délivrés depuis plusieurs mois.

La SA Clinique [10] indique que contrairement à ce que soutient Mme [N] [E], M. [C] nommé en qualité de responsable opérationnel accueil-administration fin 2016 n’était pas en charge de cet approvisionnement, ainsi qu’en atteste l’envoi du bon à tirer par l’imprimeur sur l’adresse courriel de Mme [N] [E], seule adresse connue de ce fournisseur.

Au surplus, la SA Clinique [10] considère que dès lors que M. [R] lui avait donné l’ordre de passer la commande, elle ne pouvait s’en dédouaner, son abstention étant une insubordination. Quand finalement elle s’exécutait, Mme [N] [E] ne se contentait pas de commander un renouvellement des anciens livrets mais sollicitait de sa propre initiative de nouveaux livrets avec une nouvelle infographie.

Pour contester ce grief, Mme [N] [E] affirme qu’elle n’était plus en charge de cette tâche depuis la nomination de M. [C], et produit en ce sens un courriel de M. [R] en date du 18 avril 2017 décrivant ses tâches parmi lesquelles ne figure pas la commande des livrets d’accueil.

Si cette tâche ne figure effectivement pas explicitement dans le courriel invoqué, il est toutefois indiqué qu’elle est en charge de la ‘ reprographie des documents en nombre pour les services’. Par ailleurs, Mme [N] [E], qui en sa qualité d’attachée de direction a comme mission principale ‘ la coordination des services et du secrétariat général de l’établissement’, ne conteste pas avoir été en charge de cette mission antérieurement et ne produit aucun élément permettant de considérer qu’elle en aurait été déchargée, la seule nomination d’un responsable opérationnel accueil-administration sans fournir d’éléments sur sa fiche de poste étant insuffisante à remettre en cause ces éléments.

Ce grief est donc caractérisé.

– sur l’absence de formalisation de la nouvelle procédure de communication des dossiers médicaux aux patients :

La SA Clinique [10] reproche à Mme [N] [E] de ne pas avoir, suite à l’envoi d’un compte-rendu de réunion à laquelle elle n’avait pas assisté, de ne pas avoir modifié la procédure de communication des dossiers médicaux aux patients afin d’intégrer une nouvelle norme.

Elle verse en ce sens :

– le compte rendu de la réunion d’encadrement du 3 août 2017 qui mentionne en page 2 ‘ M. [Y] a soulevé un problème sur la procédure d’envoi des dossiers aux patients’, la suite à donner étant ‘ procédure à mettre en place indiquant que le dossier doit, avant transmission au patient, avoir été visé par l’anesthésiste, le chirurgien, le cadre de soins et l’infirmière hygiéniste pour contrôle avant envoi’ et les personnes concernées ‘ SM JT MF TIM’, les initiales MF correspondant à Mme [N] [E],

– un courriel en date du 4 août 2017 adressé à Mme [N] [E] par Mme [U] [B], responsable qualité et gestion des risques, ayant pour objet ‘ demandes de dossiers et vérifications’ qui lui indique ‘ suite à la réunion d’hier, il a été convenu de mettre en place la vérification systématique par le médecin et le responsable d’unité de soins ayant pris en charge le patient. On pourra ajouter ceci en mettant à jour cette procédure. On peut en reparler la semaine prochaine’, avec en pièce jointe un document intitulé ‘ accès au dossier médical’,

– un courriel en date du 17 octobre 2017 adressé à Mme [N] [E] par Mme [U] [B], responsable qualité et gestion des risques, ayant pour objet ‘ accès au dossier patient ‘ qui lui indique ‘ vous trouverez en pièce jointe la procédure de gestion des demandes de dossier patient actualisée ( en jaune les modifications). Pouvez-vous svp relire celle-ci et me faire un retour demain matin afin de pouvoir la diffuser. En pièce jointe je vous propose aussi de remplir cette fiche de traçabilité après vérification des personnes concernées ( signatures). Cette modification fait suite à l’action décidée en réunion de direction le 03.08.2017.’,

– la version initiale de la procédure prévoyant sa validation par Mme [N] [E] et la version signée où Mme [N] [E] est remplacée par M. [X] [R],

– un courriel en réponse de Mme [N] [E] daté du 18 octobre 2017 qui indique être perplexe quant à la mise en oeuvre de la nouvelle procédure sur le terrain et qui considère notamment qu’il appartient aux praticiens en amont de vérifier le contenu du dossier médical lors de l’intervention, avant de conclure ‘ si je participe volontiers à l’amélioration de nos pratiques professionnelles, vous comprendrez que je reste dubitative quant à la réalité et à la légitimité de cette procédure. Je reste naturellement ouverte sur le sujet’,

Pour remettre en cause ce grief, Mme [N] [E] conteste avoir été en charge de la rédaction de la procédure et affirme n’avoir été que destinataire d’une demande d’avis qu’elle a donné sous forme d’observations dans son courriel en réponse.

Il ressort du courriel en date du 18 avril 2017 par lequel M. [X] [R] définit ses nouvelles tâches que Mme [N] [E] traite les demandes externes de dossiers médicaux.

Il ressort du compte-rendu de réunion que Mme [N] [E] faisait partie des personnes concernées par la nouvelle procédure à mettre en place et qu’elle a été sollicitée par la responsable qualité également en charge de cette actualisation pour y procéder, sans apporter de réponse avant le courriel critique du 17 octobre 2017.

Il s’en déduit qu’elle n’a pas participé à cette action, qui la concernait directement puisqu’étant en charge de traiter les demandes externes de dossiers médicaux, autrement que par une relecture finale de la nouvelle procédure en remettant en cause son bien fondé et sa faisabilité.

Ce grief est par suite constitué.

– sur le non-respect de la procédure de communication du dossier médical aux patients

Concernant ce grief, la SA Clinique [10] indique que ‘ les Docteurs [Y] et [G], nous ont alerté sur le fait que vous [Mme [N] [E]] vous apprêtiez à transmettre un dossier médical à un patient sans l’avoir préalablement fait relire par le chirurgien et l’anesthésiste concernés’ et verse en ce sens un courriel du Dr [Y] en date du 17 octobre 2017 qui déplore dans le cadre d’une instance en responsabilité médicale devant la CRCI le 13 octobre 2017 de ne pas avoir été informé de la transmission d’un dossier à un patient sans qu’il ait pu le vérifier au préalable, ce qui ne lui a pas permis de corriger une coquille informatique, et rappelle qu’un de ses collègues a par chance été informé par un anesthésiste, dans une situation similaire, de la transmission du dossier dont il a ainsi pu vérifier préalablement le contenu.

Ce fait hypothétique concerne une période antérieure à la validation de la procédure de contrôle préalable à la communication des dossiers médicaux. Le grief est à ce double titre non caractérisé.

Il résulte de l’ensemble de ces développements que la réalité de deux premiers griefs énoncés par la SA Clinique [10] dans la lettre de licenciement est caractérisée, lesquels eu égard aux fonctions de responsabilité exercées par Mme [N] [E] sont d’une gravité suffisante pour rendre impossible la poursuite des relations contractuelles.

En conséquence, c’est à juste titre que les premiers juges ont considéré que le licenciement de Mme [N] [E] était fondé sur une cause réelle et sérieuse et l’ont déboutée de ses demandes indemnitaires. Leur décision sera confirmée.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;

Confirme le jugement rendu le 12 février 2021 par le conseil de prud’hommes d’Orange, sauf en ce qu’il a condamné la SA Clinique [10] à verser à Mme [N] [E] la somme de 9. 318, 00 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

Et statuant à nouveau sur l’élément infirmé,

Déboute Mme [N] [E] de sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

Condamne Mme [N] [E] à verser à la SA Clinique [10] la somme de 800 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette les demandes plus amples ou contraires,

Rappelle en tant que de besoin que le présent arrêt partiellement infirmatif tient lieu de titre afin d’obtenir le remboursement des sommes versées en vertu de la décision de première instance assortie de l’exécution provisoire,

Condamne Mme [N] [E] aux dépens de la procédure d’appel.

Arrêt signé par le président et par le greffier.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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