Your cart is currently empty!
13 juillet 2023
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
22/01534
13/07/2023
ARRÊT N°2023/329
N° RG 22/01534 – N° Portalis DBVI-V-B7G-OXXU
SB/LT
Décision déférée du 30 Mars 2022 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ALBI ( 21/00076)
L. VILDA
Section commerce
[V] [X]
C/
S.A.S. LES HALLES [Localité 5]
INFIRMATION
Grosse délivrée
le 13 juillet 2023
à Me LAHANA, Me ZARRIN BAKHSH
Ccc à Pôle Emploi
le 13 juillet 2023
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 1
***
ARRÊT DU TREIZE JUILLET DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANT
Monsieur [V] [X]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me Rachel LAHANA, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIM”E
S.A.S. LES HALLES BLACHERE BERNARD
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Me Alexandre JAMMET de la SELARL PASCAL JAMMET DALMET, avocat au barreau de TARASCON
Représentée par Me Atiyeh ZARRIN BAKHSH, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant S. BLUM”, présidente chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
S. BLUM”, présidente
M. DARIES, conseillère
N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Greffier, lors des débats : C. DELVER
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par M. DARIES, conseillère pour S. BLUM”, présidente empêchée et par C. DELVER, greffière de chambre
FAITS – PROCÉDURE – PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [K] [X] a été embauché le 14 novembre 2007 par la société Bladis en qualité d’employé commercial suivant contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.
Le 2 février 2017, le contrat de M. [X] a été transféré à la société Les Halles Blachere Bernard pour l’ouverture d’un magasin à [Localité 5] en qualité de manager de magasin.
Après avoir été convoqué par courrier du 18 septembre 2019 à un entretien préalable au licenciement fixé au 30 septembre 2019 et assorti d’une mise à pied à titre conservatoire, il a été licencié par courrier du 11 octobre 2019 pour faute grave.
Par courrier du 14 janvier 2020, M. [X] contestait son licenciement et sollicitait le paiement d’heures supplémentaires.
Par réponse courrier du 16 janvier 2020, la société Les Halles maintenait sa décision et refusait le paiement demandé.
M. [X] a saisi le conseil de prud’hommes d’Albi le 25 juin 2021 pour contester son licenciement et demander le versement de diverses sommes.
Le conseil de prud’hommes d’Albi, section commerce, par jugement du 30 mars 2022, a :
– débouté M. [X] de toutes ses demandes,
– dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [X] aux dépens.
***
Par déclaration du 20 avril 2022, M. [X] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 2 avril 2022, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.
***
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 12 juillet 2022, M. [V] [X] demande à la cour de :
– constater qu’il a effectué de nombreuses heures supplémentaires qui n’ont pas été rémunérées alors que l’employeur en avait connaissance,
– condamner la société Les Halles Blachere Bernard à lui verser les sommes de :
40 753,48 euros brut en rémunération des heures supplémentaires effectuées et non rémunérées,
4 075.38 euros au titre de l’indemnité de congés payés y afférente.
– constater qu’il n’a pas été en mesure de bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos,
– condamner la société Les Halles Blachere Bernard à lui verser 42 967,10 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos,
– lui allouer la somme de 13 637.88 euros, sur la base du salaire perçu, ou de 22 542.22 euros, sur la base du salaire majoré du paiement des heures supplémentaires, au titre du travail dissimulé,
– lui allouer la somme de 1890.52 euros bruts au titre de la prime annuelle, au prorata du temps de présence,
– juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
En conséquence :
Sur la base de son salaire perçu, condamner la société Les Halles au paiement de :
7 094.44 euros à titre d’indemnité de licenciement,
4 545.84 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre l’indemnité de congés payés correspondante de 454.58 euros,
1 541.69 euros au titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied, outre 154.17 euros au titre de l’indemnité de congés payés y afférente,
25 022.78 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur la base de l’article L.1235-3 du code du travail.
Sur la base du salaire qu’il aurait dû percevoir, condamner la société Les Halles au paiement de:
11 784.70 euros à titre d’indemnité de licenciement,
7 514.08 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis de, outre l’indemnité de congés payés correspondante de 751.40 euros,
2 547.99 euros au titre de la période de mise à pied conservatoire, outre 254.99 euros, au titre de l’indemnité de congés payés y afférente,
39 448.92 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur la base de l’article L.1235-3 du code du travail.
– lui allouer la somme de 10 000 euros au titre du licenciement intervenu dans des conditions vexatoires,
– condamner la société Les Halles Blachere Bernard au paiement de la somme de 3000,00 euros en vertu de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Les Halles aux entiers dépens.
***
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 18 octobre 2022, la société Les Halles Blachere Bernard demande à la cour de :
– confirmer le jugement dont appel dans son intégralité.
Par voie de conséquence :
– débouter M. [X] de sa demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires pour la période de mars 2017 à septembre 2019,
– débouter M. [X] de sa demande au titre du travail dissimulé,
– débouter M. [X] de sa demande de rappel de salaire au titre de la prime 13ème mois,
Sur la rupture :
A titre principal,
– juger que le licenciement de M. [X] est justifié par une faute grave,
– par voie de conséquence, débouter M. [X] de l’intégralité de ses demandes indemnitaires,
Subsidiairement,
– juger que le licenciement de M. [X] est justifié par une cause réelle et sérieuse,
-par voie de conséquence, débouter M. [X] de sa demande de dommages et intérêts,
En tout état de cause,
– condamner M. [X] , en cause d’appel, à payer à la concluante la somme de 4 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date du 12 mai 2023.
Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les heures supplémentaires
Aux termes des dispositions des articles L. 3171-2 alinéa 1er du code du travail et L. 3171-4 du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.
L’article L 3171-4 du code du travail prévoit qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié au soutien de sa demande, le juge forme sa conviction, après avoir ordonné en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.
A l’appui de sa demande tendant à voir reconnaître l’accomplissement d’heures supplémentaires ouvrant droit à un rappel de salaire de 40 753,48 euros, M.[X] fait valoir qu’il travaillait 6 jours sur 7 , à minima de 7h à 16h sans pause, et que l’employeur ne pouvait l’ignorer au regard de l’insuffisance du personnel pour couvrir le temps de réception de la marchandise, de rangement dans les rayons et d’ouverture du magasin et de rangement le soir à la fermeture.
Il verse aux débats:
– deux témoignages d’anciens responsables de magasins: M.[S] [P] ancien responsable du magasin provenc’halles de Castres qui indique avoir effectué environ 15 heures supplémentaires non payées par semaine pendant 3 ans ; Mme [T] [L] évoquant le manque de loyauté de M.[W] , chef de secteur, qui pour expliquer son absence a fait état de son licenciement alors qu’elle était en arrêt de travail depuis un accident du travail .
– une attestation de Mme [H], caissière dans le magasin où travaillait M.[X], qui relate que celui-ci travaillait de 7h à 16h.
– une attestation de M.[U] , adjoint, mentionnant les horaires de travail de son manager de 7h à 16h sans pause, avec description des tâches accomplies.
– un décompte fourni en page 16 de ses écritures sous la forme d’un tableau mentionnant sur la période de mars 2017 à septembre 2019 le nombre d’heures supplémentaires par mois la rémunération correspondante avec les majorations à 25% et 50%
Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à la société Les Halles Blachere de fournir les éléments utiles à la détermination des heures de travail réellement accomplies par le salarié.
Il appartient à l’employeur de contrôler le temps de travail de ses salariés et en cas de litige, d’apporter la preuve du temps travaillé.
Au cas d’espèce l’employeur se prévaut de l’absence de contestation par le salarié du nombre d’heures de travail rémunérées avant la saisine du conseil de prud’hommes et de l’absence d’accord au moins implicite de l’employeur à l’accomplissement d’heures supplémentaires. Il excipe également de bulletins de salaire de mai et juin 2017 mentionnant le paiement d’heures supplémentaires, de plannings signés par les salariés et du récapitulatif du compteur de M.[X], pièces dont il résulte que lorsque les heures supplémentaires étaient effectuées, elles étaient portées ( de la 36e à la 41e) sur un compteur arrêté chaque année au mois de mai et, au choix du salarié, rémunérées ou remplacées par un repos compensateur, conformément à l’accord d’entreprise du 28 juin 1999, et rémunérées au delà de la 41e heure. Il ajoute que le salarié bénéficiait de pauses quotidiennes de 12h à 14h ainsi que le démontrent les plannings signés par M.[X]. S’agissant des effectifs, l’employeur rappelle que M.[X] était manager du magasin et qu’il avait toute latitude pour organiser son temps de travail, d’autant que les effectifs oscillaient entre 4 et 5 salariés de 2017 à 2019. Il remet en cause le caractère probant de témoignages d’anciens responsables de
magasin qui n’ont jamais travaillé dans le magasin de [Localité 5].
Sur ce
Le fait que le salarié n’ait pas formé de réclamations relatives à des heures supplémentaires pendant l’exécution du contrat de travail ne saurait le priver du droit de former une telle demande après la rupture des relations contractuelles. Par ailleurs l’absence de demande de l’employeur au salarié d’effectuer des heures supplémentaires ne peut faire obstacle à la réclamation de ce dernier, en considération des très nombreuses tâches lui incombant au terme de sa fiche de poste, que l’employeur ne pouvait méconnaître (fonctionnement quotidien du magasin, relations avec les partenaires, réception et contrôle de la marchandise, mise en rayons, affichages des prix, maintien de la propreté, de la qualité et de l’approvisionnement des rayons, gestion des commandes, application des plans promotionnels, animation des ventes, management et contrôle de l’équipe, gestion courante (gestion du personnel avec congés plannings, participation au recrutement, sécurité des transports de fonds). L’employeur affirme que l’effectif était suffisant pour assurer les diverses tâches mais s’abstient de justifier de façon précise des effectifs du magasin sur la période concernée par la demande en rappel de salaire. Ainsi les plannings prévisionnels produits aux débats révèlent la présence courant 2017 de 3 salariés aux côtés de M.[X], dont un seul à temps plein, 2 à temps partiel à hauteur de 26h par semaine, effectif insuffisant pour couvrir l’ouverture du magasin et l’ensemble des tâches opérationnelles et administratives susvisées.
Ces éléments ainsi que les indications précises et concordantes fournies par les salariés du magasin sur les horaires de travail quotidiens de M.[X] de 7h à 16h conduisent à retenir l’accomplissement d’heures supplémentaires excédant l’horaire légal de 35h hebdomadaire prévu dans le contrat de travail. Aucune référence n’est faite dans le contrat de travail ou avenant éventuel à l’annualisation du temps du travail à laquelle l’employeur renvoie dans ses écritures.
Le salarié n’ayant pas été informé d’une telle organisation de son temps de travail et de la rémunération des heures excédant l’horaire contractuel, il convient de faire application des dispositions du droit commun sur les heures supplémentaires. La cour relève que les heures mentionnées sur les plannings prévisionnels , que le salarié admet avoir signés pour répondre aux attentes de l’employeur, mentionnent des horaires excédant 35h hebdomadaire , mais dans des proportions très inférieures à celles revendiquées par le salarié sur la base de 9heures de travail par jour pendant 6 jours, soit 54heures hebdomadaires, soit une moyenne de 82 heures supplémentaires.
Compte tenu des pauses dont le salarié a bénéficié sur la période considérée, des heures supplémentaires perçues au vu des bulletins de salaire de mai et juin 2017 , des plannings versés aux débats avec les corrections tenant aux tâches accomplies en qualité de manager, la cour évalue à 1407,25 euros le nombre d’heures supplémentaires accomplies sur la période du1er mars 2017 au 30 septembre 2019 selon le détail suivant:
– en 2017:379,25 HS
– en 2018:595 HS
– en 2019:433 HS
Il est donc dû au salarié un rappel de salaire intégrant les majorations légales de 26 076,35 euros, outre l’indemnité de congés payés correspondante de 2 607,63 euros.
Sur le repos compensateur obligatoire
En application de l’article L3121-30 du code du travail, les heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel d’heures supplémentaires conventionnelles ouvrent droit à une contrepartie obligatoire en repos laquelle est égale à 100 % pour les entreprises de 20 salariés et plus.
Le contingent annuel d’heures supplémentaires ouvrant droit au repos compensateur obligatoire aux termes de la convention collective du commerce de détail et de gros est fixé à 180 heures.
– pour l’année 2017
379,25HS-180=199,25 x12,95 =2580,28 euros
– pour l’année 2018
595HS-180=415 x12,95=5374,25 euros
– pour l’année 2019
433HS-180=253 x12,95 =3276,35 euros
Il sera alloué au salarié une indemnité de repos compensateur de 11230,88 euros outre 1123 euros de congés payés afférents.
Le jugement est infirmé de ce chef.
Sur le travail dissimulé
La cour estime que le caractère intentionnel de la dissimulation d’emploi ne peut se déduire du seul accomplissement d’heures supplémentaires par M.[X], et que le défaut de contrôle des heures de travail effectivement réalisées ne permet pas de caractériser l’intention frauduleuse nécessaire à l’établissement du travail dissimulé. Le rejet de cette demande sera confirmé
Sur le licenciement
Tout licenciement doit être fondé sur une cause à la fois réelle et sérieuse.
Aux termes de l’article L. 1232-6 du code du travail, l’employeur est tenu d’énoncer dans la lettre de licenciement, le ou les motifs du licenciement. La lettre de licenciement fixe les limites du litige.
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. La charge de la preuve de la faute grave incombe à l’employeur. En cas de doute, celui-ci profite au salarié.
Le courrier de licenciement en date du 11 octobre 2019 est ainsi rédigé :
‘Nous faisons suite à l’entretien préalable du 30 septembre courant au cours duquel vous étiez assisté et vous notifions, par la présente, votre licenciement pour faute grave en raison des faits évoqués lors de cet entretien et sur lesquels vous n’avez fourni aucune explication satisfaisante.
Nous vous rappelons ces faits :
Le 18 septembre courant, lors d’un contrôle du magasin de [Localité 5] dont vous êtes le responsable, vos Managers de secteurs ont constaté de nombreuses anomalies de caisse et nombreux manquements aux procédures internes (notamment la procédure argent).
A titre d’exemple, notre logiciel d’encaissement, KHEOPS, a fait ressortir un nombre très important d’annulation de tickets sur du fruits et légumes (1.400 euros d’annulation sur une période de 14 jours – du 21.06.19 au 24.08.19 – soit près de 100 euros d’annulation par jour), sans que vous soyez en mesure de nous fournir le moindre ticket d’annulation, comme le requiert pourtant la procédure argent.
Ces annulations provenaient essentiellement de votre caisse et concernaient des opérations d’encaissement en espèce. Ces faits sont très graves.
Lors de l’entretien préalable, vous avez tenté de justifier cette situation en indiquant que ces retours avaient, en réalité, été générés pour renseigner les clients du magasin sur de prétendus nouveaux produits reçus en provenance d’autres magasins. De telles explications ne peuvent en rien justifier cette situation.
En effet, non seulement la majeure partie des marchandises reçues étaient déjà présentes dans votre magasin mais, surtout, notre logiciel de caisse dispose d’un mode recherche pour obtenir des informations sur les produits lequel permet une recherche efficace (le socle des gammes et produits étant commun à tous les fichiers Khéops dans tous les magasins).
Vos managers de secteurs ont également constaté un non-respect des procédures de remboursement.
A titre d’exemple, début septembre 2019, vous avez autorisé le remboursement sur une carte bancaire de deux opérations qui correspondaient à des paiements effectués par deux autres cartes bancaires (la carte bleue ayant reçu les remboursements n’étant pas la même que les deux ayant effectué les paiements). Vous n’avez fourni aucun ticket d’annulation ni duplicata mentionnant l’explication de ce remboursement, comme l’exige pourtant la procédure argent.
Lors de l’entretien préalable, vous avez prétexté le changement de logiciel de caisse pour justifier ces anomalies. Là encore, vos explications ne permettent pas de justifier cette situation dans la mesure où, notamment, vous avez reçu une formation de 4 jours sur ce nouveau logiciel.
Vos managers de secteurs ont aussi constaté de graves manquements dans la gestion des réserves de monnaie et des fonds de caisse.
S’agissant des réserves, vous savez que leur montant est rigoureusement défini par la procédure argent, en l’occurrence 2.000 euros pour la réserve manager et 500 euros pour la réserve manager adjoint.
Or, lors du contrôle, votre réserve manager était à 2.177,10 euros et constituée d’argent ‘en vrac’ (pas de distinction entre les pièces, les billets et les rouleaux). Le jour du contrôle, vous n’avez eu aucune explication sur cet écart. Lors de l’entretien préalable, vous avez expliqué que votre réserve englobait un fonds de caisse de 151 euros ainsi qu’un acompte client pour une commande de betterave crue. Nous n’avons trouvé aucun justificatif de cette commande (nous n’avons pas de betterave crue en catalogue) ni raison de conserver un fonds de caisse dans votre réserve (d’autant plus que celui-ci était mentionné dans les T10 fin de mois).
La réserve adjoint était, elle, en négatif (479,30 euros au lieu de 500 euros) résultant, de l’aveu même de votre adjoint, d’une erreur de caisse de celui-ci. Contrairement à la procédure argent qui impose de signaler tout écart de caisse (fichier hebdomadaire des erreurs de caisse), vous n’avez pas signalé celle-ci alors que vous en aviez connaissance.
Il a également été constaté que votre adjoint et vous-même tourniez sur le même fonds de caisse alors qu’il est formellement interdit de le partager, la procédure argent indiquant «le fonds de caisse est strictement personnel et ne peut être en aucun cas prêté ou utilisé par une tierce personne ».
Enfin, vous ne respectez pas la politique d’affichage promotionnel des sites Mangeons Frais puisque, à titre d’exemple, lors du contrôle du 18 septembre courant, aucune promotion n’était affichée pour les poires Alexandrine et les pommes de terre filet 5 kg, ce que vous avez reconnu lors de l’entretien préalable.
Ces manquements graves à nos règles de procédure sont inacceptables.
En qualité de responsable de magasin, il vous appartient de respecter et faire respecter les procédures internes. Au mois de mars 2017, lors de votre affectation au poste de manager de magasin, vous avez reçu une formation de deux semaines sur vos nouvelles fonctions au cours de laquelle vous avez été sensibilisé sur l’impérieuse nécessité de respecter nos procédures internes.
S’agissant de la procédure argent, votre manager de secteur vous a d’ailleurs adressé, courant 2019, deux rappels.
Vos explications lors de l’entretien préalable n’ont pas permis de justifier ces anomalies et ont, au contraire, révélé un manquement récurrent et délibéré à nos procédures, sans volonté de rectification. Vous avez nié tout détournement mais force est de constater que vous n’avez apporté aucune explication satisfaisante.
Compte tenu de la nature de vos fonctions et des responsabilités qui vous sont confiées, la poursuite de votre contrat de travail au sein de la société est devenue impossible…’
Ainsi sont reprochés au salarié:
– des anomalies de caisse
– un non-respect des procédures internes: lors d’opérations de remboursement, dans la gestion des réserves de monnaie,
– un défaut d’affichage
Le premier grief tient à des annulations de tickets représentant une somme globale de 1 400 euros sur 14 jours au cours de la période du 21 juin 2019 et du 24 août 2019. L’employeur produit un listing d’opérations de caisse sans indication claire de nature à imputer avec certitude à M.[X] les opérations concernées au regard des horaires de travail et dates de congés du salarié au cours de la période contrôlée. Les explications fournies par le salarié selon lesquelles certains produits régionaux reçus de trois autres magasins n’étaient pas référencés et ne passaient pas en caisse et que pour remédier à cette difficulté des étiquettes habituellement utilisées pour d’autres produits avaient été adoptées, sont confortées par les témoignages de deux salariés du magasin. Un doute existe donc sur l’imputabilité de ce grief au salarié.
Le second grief est relatif à un remboursement effectué en septembre 2019 sur deux cartes bancaires de deux paiements effectués à l’aide d’une autre carte bancaire , sans production du ticket d’annulation, en méconnaissance de la procédure ‘argent’en vigueur. La méconnaissance de la procédure porte sur deux remboursements d’un montant respectif de 11,77 et 5,29 euros le 9 septembre 2019 . Si la réalité de cette anomalie n’est pas contestée, le salarié excipe d’un changement récent de logiciel équipant les caisses du magasin et d’une maîtrise insuffisante de ces nouveaux outils. La mise en place de deux nouveaux logiciels de caisse (‘visualstore’ et ‘Rapports’) résulte des attestations de salariés et responsables de magasin produites par l’employeur (pièces 17,18) et s’il est constant que M.[X] a bien bénéficié d’une formation de 4 jours sur ces logiciels du 28 au 31 août 2019, le courriel adressé en fin de stage au manager de secteur signalait les mauvaises conditions dans lesquelles s’était déroulé le stage et son contenu peu formateur. Il s’en déduit que M.[X] ne maîtrisait pas totalement ces nouveaux logiciels de caisse sur la période contrôlée le 18 septembre 2019.
Ce reproche est donc inopérant.
Le troisième reproche a trait au non respect des règles propres aux réserves de monnaie et fonds de caisse dont le rappel était effectué de façon régulière par l’employeur, notamment par courriels des 4 février et 19 juillet 2019 . Le contrôle opéré le 18 septembre 2019 a relevé une ‘réserve manager’ de 2117,10 euros au lieu de 2000 euros, et une réserve de son adjoint de 479,30 euros au lieu de 500 euros. Cette irrégularité relative à la réserve de l’adjoint est imputée par le salarié à une erreur de l’adjoint. Si la réalité de cet écart, en positif de 117,20 euros pour M.[X] et en négatif à hauteur de 20,70 euros pour la réserve de l’adjoint n’est pas contestée, il demeure que ces irrégularités sont sans conséquence pénalisante pour l’employeur s’agissant du montant de la réserve du manager. Le grief fait au salarié d’avoir partagé le même fonds de caisse avec son adjoint est contesté par l’appelant n’est pas démontré par les pièces produites aux débats par l’employeur.
Ce reproche ne présente donc pas un caractère sérieux.
Le défaut d’affichage promotionnel de deux fruits et légumes relevé le 18 septembre 2019 est contesté par le salarié qui invoque la chute de l’affichette , confirmée par l’attestation de deux salariés du magasin (M.[U] et Mme [H]). Ce manquement est en tout état de cause d’une importante mineure au regard du nombre d’articles en vente promotionnelle dans ce magasin et ne saurait caractériser un motif réel et sérieux de rupture.
Au vu des considérations qui précèdent, les griefs articulés à l’encontre du salarié, partiellement objectivés, ne sauraient caractériser une cause réelle et sérieuse de licenciement d’un salarié décrit dans le compte rendu d’évaluation annuelle versé aux débats comme un très bon professionnel impliqué dans son travail, et qui n’a fait l’objet d’aucune sanction pendant ses 12 années d’ancienneté.
Le jugement est donc infirmé.
Sur les conséquences financières
Le salarié est en droit de prétendre aux indemnités de rupture , sur la base d’un salaire de référence de 3 087,72 euros intégrant les heures supplémentaires accomplies en 2019.
Eu égard à l’ancienneté de 11 ans et 11 mois du salarié il lui sera alloué une indemnité de licenciement de 9692,13 euros sur la base du salaire de référence selon le détail suivant:
pour 10 ans: 3087,72 euros/4×10=7719,45
pour un an: 3087,72 euros/3=1029,24
pour 11 mois:11 mois 3087,72 euros/3/12×11 =943,47
Il est également dû au salarié une indemnité compensatrice de préavis de 6 175,44 euros. Outre l’indemnité de congés payés correspondante de 617,54 euros.
Un rappel de salaire afférent à la période de mise pied conservatoire injustifiée est également dû sur la période du 18 septembre au 11 octobre 2019, soit la somme de 2 367,16 euros outre 236,70 euros d’indemnité de congés payés .
En application de l’article L1235-3 du code du travail le salarié bénéficiant d’une ancienneté de 12 ans, en ce compris la période de préavis, dans une entreprise employant plus de 11 salariés peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse entre 3 et 11 mois de salaire. La situation économique et professionnelle actuelle du salarié est ignorée.
Il est justifié d’allouer à M.[X] la somme de 27 800 euros titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le caractère vexatoire et brutal de la rupture qui tient, d’une part, à la précipitation avec laquelle la procédure de licenciement a été engagée le jour même du contrôle opéré dans le magasin le 18 septembre 2019, par la remise en main propre d’une convocation à entretien préalable comportant une mise à pied conservatoire, d’autre part, au recrutement du remplaçant du salarié avant même l’entretien préalable et à l’annonce aux salariés du licenciement de M.[X] pour détournement de fonds.
Il sera alloué au salarié en réparation subi de ce fait la somme de 800 euros à titre de dommages et intérêts.
Le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse, il y a lieu, en application des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail , d’ordonner d’office à l’employeur de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées au salarié, dans la limite de quatre mois d’indemnités.
Sur la demande de 13e mois
En application de la convention collective précitée, le salarié qui le contrat n’est plus en vigueur au moment du versement, ne peut prétendre au versement de la prime annuelle.
Au cas d’espèce le salarié ne peut prétendre à un paiement prorata temporis de la prime annuelle versée en décembre en l’état du licenciement intervenu le 11 octobre 2019.
Sur les frais et dépens
La SAS Les Halles Blachere Bernard , partie perdante, supportera les entiers dépens de première instance et d’appel. M.[X] est en droit de réclamer l’indemnisation des frais non compris dans les dépens qu’il a dû exposer à l’occasion de cette procédure. La SAS Les Halles Blachere Bernard sera donc tenue de lui payer la somme complémentaire de 2000 euros en application des dispositions de l’article 700 al.1er 1° du code de procédure civile.
Le jugement entrepris est infirmé en ses dispositions concernant les frais et dépens de première instance.
La SAS Les Halles Blachere Bernard est déboutée de sa demande formée au titre des frais et dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort
Infirme le jugement déféré
Statuant à nouveau
Condamne la SAS Les Halles Blachere Bernard à payer à M.[X] [V] les sommes suivantes:
– 26 076,35 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires
– 2 607,63 euros d’indemnité de congés payés correspondante
– 11230,88 euros au titre du repos compensateur obligatoire
– 1123 euros d’indemnité de congés payés correspondante
– 9 692,13 euros à titre d’indemnité de licenciement
– 6 175,44 euros d’indemnité compensatrice de préavis
– 617,54 euros d’indemnité de congés payés correspondante
– 27 800 euros titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
– 800 euros à titre de dommages et intérêts pour circonstances vexatoires du licenciement
-2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Ordonne à la SAS Les Halles Blachere Bernard le remboursement à Pôle emploi des indemnités de chômage versées au salarié, dans la limite de quatre mois d’indemnités
Rejette le surplus des demandes
Condamne la SAS Les Halles Blachere Bernard aux entiers dépens de première instance et d’appel
Le présent arrêt a été signé par M. DARIES, conseillère, pour S. BLUM”, présidente empêchée et C. DELVER, greffière.
La Greffière, P/La Présidente empêchée,
La Conseillère
C. DELVER M. DARIES.