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21 septembre 2023
Cour d’appel d’Amiens
RG n°
21/05007
ARRET
N°
[G]
C/
S.E.L.A.R.L.
C [B]
CGEA ILE DE FRANCE EST
[M]
S.A.S.U. JFM CONSEILS
copie exécutoire
le 21 septembre 2023
à
Me Daimé
Me Benkechida
CPW/MR/BG
COUR D’APPEL D’AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE
ARRET DU 21 SEPTEMBRE 2023
*************************************************************
N° RG 21/05007 – N° Portalis DBV4-V-B7F-IH4O
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE COMPIEGNE DU 30 SEPTEMBRE 2021 (référence dossier N° RG 19/00290)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT
Monsieur [W] [G]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Concluant par Me Aurelien DAIME, avocat au barreau de COMPIEGNE
ET :
INTIMES
S.E.L.A.R.L. C [B] prise en la personne de Me [V] [B] ès qualités de liquidateur de la société JFM Conseils
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 7]
représentée, concluant et plaidant par Me Aldjia BENKECHIDA, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Alexis DAVID, avocat au barreau D’AMIENS
Maître Maître [A] [M] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société JFM Conseils
[Adresse 3]
[Localité 4]
représenté par Me Aldjia BENKECHIDA, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Alexis DAVID, avocat au barreau D’AMIENS
CGEA ILE DE FRANCE EST agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :
[Adresse 2]
[Localité 6]
non constituée
DEBATS :
A l’audience publique du 01 juin 2023, devant Mme Caroline PACHTER-WALD, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l’affaire a été appelée.
Mme Caroline PACHTER-WALD indique que l’arrêt sera prononcé le 21 septembre 2023 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Malika RABHI
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Caroline PACHTER-WALD en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :
Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,
Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,
Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,
qui en a délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Le 21 septembre 2023, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Caroline PACHTER-WALD, Présidente de Chambre et Mme Malika RABHI, Greffière.
*
* *
DECISION :
Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 4 janvier 2016, M. [G] a été embauché par la société JFM Conseils en qualité de chargé d’affaires dans le Nord de la France, statut cadre, position 3.1 de la convention collective des bureaux d’études techniques, cabinets d’ingénieurs conseils et sociétés de conseil applicable (SYNTEC).
Dans le cadre d’un transfert d’activités à effet du 1er septembre de la société JFM Conseils à l’une de ses filiales, la société JFM Nopi, le contrat de travail de M. [G] a fait l’objet d’un transfert à la société JFM Nopi suivant avenant du 1er septembre 2016. Il lui a alors été attribué le poste de chef d’agence secteur Nord de la France, le transfert n’emportant aucune modification de son statut, de ses conditions de travail et de l’ancienneté acquise à la date du transfert.
Le 15 janvier 2019, M. [G] a été convoqué par son employeur la société JFM Nopi à un entretien préalable à un éventuel licenciement avec mise à pied à titre conservatoire, prévu le 24 janvier 2019. Son licenciement pour faute grave lui a été notifié le 1er février 2019, par lettre motivée par :
– l’insuffisance professionnelle du salarié du fait de son incapacité à répondre aux attentes de l’entreprise et des carences managériales, le dénigrement et dévalorisation systématique de son équipe, les problèmes relationnels avec la direction et les équipes, et le fait d’avoir menacé la pérennité de la société en raison de cette insuffisance professionnelle, en pointant les résultats désastreux de la société, outre son désintérêt manifeste pour ses fonctions et responsabilités ;
– des manquements graves dans l’exécution de son contrat de travail, à savoir d’avoir opposé un refus réitéré de se soumettre aux instructions de ses supérieurs hiérarchiques, d’avoir eu un comportement hostile et de défiance à l’égard de ses interlocuteurs, d’avoir émis des critiques de la direction auprès du personnel de l’entreprise et son absence au repas de Noël organisé par l’entreprise.
Contestant la légitimité de son licenciement et ne s’estimant pas rempli de ses droits au titre de l’exécution du contrat de travail, M. [G] a saisi le conseil de prud’hommes de Compiègne le 13 novembre 2019 qui, par jugement du 30 septembre 2021, a :
dit que le salaire brut mensuel est fixé à 7 661,11 euros ;
dit le licenciement pour faute grave fondé et débouté le salarié de l’ensemble de ses demandes formées à ce titre ;
dit la clause de forfaits jours inopposable à M. [G] et en conséquence, condamné la société JFM Nopi à lui payer :
18 885,89 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires à 50%, outre 1 888,58 euros au titre des congés payés afférents,
37 703,18 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires à 25%, outre 3 270,31 euros au titre des congés payés afférents,
36 836,61 euros de repos compensateur outre 3 683,66 euros au titre des congés payés afférents,
5 321,39 euros de jours de dépassement du forfait jours outre 532,13 euros de congés payés afférents ;
débouté M. [G] de ses autres demandes formées au titre de rappels de salaire ;
débouté les parties de leurs autres demandes ;
condamné la société JFM Nopi à verser à M. [G] 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Entre temps, une transmission universelle de patrimoine de la société JFM Nopi au profit de la société JFM Conseils était intervenue le 1er avril 2021.
Le 14 octobre 2021, M. [G] a interjeté appel partiel de ce jugement en ce qu’il :
– a dit et jugé que le licenciement reposait sur une faute grave, et l’a débouté de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité de licenciement, indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents et remboursement de la mise à pied conservatoire et congés payés y afférents ;
– l’a débouté de ses demandes de rappels de minima conventionnels et congés payés afférents, rappels de temps de trajet excédentaires domicile-lieu de travail et congés payés afférents, rappels d’heures non majorées et congés payés afférents, indemnité de travail dissimulé, dommages et intérêts pour dépassement des durées maximales du travail et irrespect du droit au repos, dommages et intérêts pour exécution déloyale de la convention de forfait, dommages et intérêts pour remise d’une attestation Pôle emploi erronée, dommages et intérêts pour non-paiement du salaire intégral ;
– conteste en outre le quantum des heures supplémentaires et congés payés afférents, les contreparties obligatoires en repos (et non repos compensateurs) et congés payés afférents, les jours de dépassement du forfait et congés payés afférents.
L’employeur a formé appel incident en sollicitant l’infirmation de la décision déférée en ce qu’elle a déclaré la convention de forfait inopposable au salarié et l’a condamnée à payer au salarié diverses sommes à ce titre.
Par jugement en date du 5 mai 2022, le tribunal de commerce de Chalon en Champagne a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société JFM Conseils, converti en liquidation judiciaire le 25 juillet 2022, la SELARL [B] et Maître [M] étant nommés co-liquidateurs judiciaires.
Dans ses dernières écritures notifiées par la voie électronique le 15 février 2023, M. [G] demande à la cour le dire recevable et bien fondé en toutes ses demandes, de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a jugé la convention de forfait inopposable, de l’infirmer des chefs critiqués dans sa déclaration d’appel, et statuant à nouveau de :
I – dire son licenciement sans cause réelle et sérieuse,
II – dire que la convention de forfait en jours lui est inopposable en ce qu’elle est nulle et à tout le moins privée d’effet,
III – fixer sa créance au passif de la société JFM conseils aux sommes suivantes :
A – A titre principal, sur la base d’un coefficient 3.2 avec intégration des temps de trajet dans le temps de travail effectif :
rappels d’heures supplémentaires à 25 % : 44 067,51 euros (brut) outre les congés payés afférents : 4 406,75 euros (brut)
rappels d’heures supplémentaires à 50 % :74 852,17 euros (brut) outre les congés payés afférents :7 485,22 euros (brut)
rappels d’heures non majorées :4 836,72 euros (brut) outre les congés payés afférents :483,67 euros (brut)
contreparties obligatoires en repos : 76 290,21 euros (brut) outre les congés payés afférents : 7 629,02 euros (brut)
rappel de salaire minimum conventionnel : 30 361,92 euros (brut) outre les congés payés afférents 3 036,19 euros (brut)
rappel de jours de dépassement du forfait : 21 125,55 euros (brut) outre les congés payés afférents : 2 112,56 euros (brut)
rappel d’heures de trajet excédentaires domicile-lieu de travail : 4 085,78 euros (brut) outre les congés payés afférents : 408,58 euros (brut)
dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (4 mois) : 35 654,46 euros (net)
indemnité compensatrice de préavis (3 mois) : 16 516,86 euros (brut) outre les congés payés afférents : 1 651,68 euros (brut)
remboursement de la mise à pied à titre conservatoire : 4 250,94 euros (brut) outre les congés payés afférents : 425,09 euros (brut)
indemnité de licenciement : 9 894,13 euros (net)
indemnité de travail dissimulé (six mois) : 53 481,81 euros (net)
dommages et intérêts pour violation des durées maximales du travail et irrespect du droit au repos : 20 000 euros (net)
Fixer la moyenne des douze derniers mois de salaires à la somme de 8 913,64 euros bruts ;
B – A titre subsidiaire, sur la base d’un coefficient 3.2 sans intégration des temps de trajet dans le temps de travail effectif :
rappels d’heures supplémentaires à 25 % : 42 991,39 euros (brut) outre les congés payés afférents : 4 299,14 euros (brut)
rappels d’heures supplémentaires à 50 % : 54 682,80 euros (brut) outre les congés payés afférents : 5 468,28 euros (brut)
rappels d’heures non majorées : 4 963,60 euros (brut) outre les congés payés afférents : 496,36 euros (brut)
contreparties obligatoires en repos : 61 627,34 euros (brut) outre les congés payés afférents : 6 162,74 euros (brut)
rappel de salaire minimum conventionnel : 30 361,92 euros (brut) outre les congés payés afférents 3 036,19 euros (brut)
rappel de temps de trajets excédentaires : 9 633,37 euros (brut) outre les congés payés afférents : 963,34 euros (brut)
rappel de jours de dépassement du forfait : 21 125,55 euros (brut) outre les congés payés afférents : 2 112,56 euros (brut)
rappel d’heures de trajet excédentaires domicile-lieu de travail : 4 085,78 euros (brut) outre les congés payés afférents 408,58 euros (brut)
dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (4 mois) : 34 839,40 euros (net)
indemnité compensatrice de préavis (3 mois) : 16 516,86 euros (brut) outre les congés payés afférents : 1 651,68 euros (brut)
remboursement de la mise à pied à titre conservatoire : 4 250,94 euros (brut) outre les congés payés afférents : 425,09 euros (brut)
indemnité de licenciement : 9.667,93 euros (net)
indemnité de travail dissimulé (six mois) : 52 259,11 euros (net)
dommages et intérêts pour violation des durées maximales du travail et irrespect du droit au repos : 15 000 euros (net)
Fixer la moyenne des douze derniers mois de salaires à la somme de 8.709,85 euros bruts ;
C – A titre très subsidiaire, sur la base d’un coefficient 3.1 avec intégration des temps de trajet dans le temps de travail effectif :
rappels d’heures supplémentaires à 25 % : 36 955,27 euros (brut) outre les congés payés afférents : 3 695,53 euros (brut)
rappels d’heures supplémentaires à 50 % : 62 731,16 euros (brut) outre les congés payés afférents : 6 273,12 euros (brut)
rappels d’heures non majorées : 4 005,49 euros (brut) outre les congés payés afférents : 400,55 euros (brut)
contreparties obligatoires en repos : 64 931,29 euros (brut) outre les congés payés afférents : 6 493,13 euros (brut)
rappel de jours de dépassement du forfait : 17 650,15 euros (brut) outre les congés payés afférents : 1 765,02 euros (brut)
rappel d’heures de trajet excédentaires domicile-lieu de travail : 3 571,24 euros (brut) outre les congés payés afférents : 357,12 euros (brut)
dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (4 mois) : 31 356,92 euros (net)
indemnité compensatrice de préavis (3 mois) : 14 571,78 euros (brut) outre les congés payés afférents : 1 457,18 euros (brut)
remboursement de la mise à pied à titre conservatoire : 3 715,60 euros (brut) outre les congés payés afférents : 371,56 euros (brut)
indemnité de licenciement : 8 701,55 euros (net)
indemnité de travail dissimulé (six mois) : 47 035,41 euros (net)
dommages et intérêts pour violation des durées maximales du travail et irrespect du droit au repos : 20 000 euros (net)
Fixer la moyenne des douze derniers mois de salaires à la somme de 7 839,23 euros bruts ;
D – A titre infiniment subsidiaire, sur la base d’un coefficient 3.1 sans intégration des temps de trajet dans le temps de travail effectif :
rappels d’heures supplémentaires à 25 % : 36 058,92 euros (brut) outre les congés payés afférents : 3 605,89 euros (brut)
rappels d’heures supplémentaires à 50 % : 45 983,12 euros (brut) outre les congés payés afférents : 4 598,31 euros (brut)
rappels d’heures non majorées : 4 110,85 euros (brut) outre les congés payés afférents 411,09 euros (brut)
contreparties obligatoires en repos 52.838,22 euros (brut) outre les congés payés afférents : 5 283,82 euros (brut)
rappel de temps de trajets excédentaires : 8 046,63euros (brut) outre les congés payés afférents : 804,66 euros (brut)
rappel de jours de dépassement du forfait : 17.650,15 euros (brut) outre les congés payés afférents : 1 765,02 euros (brut)
rappel d’heures de trajet excédentaires domicile-lieu de travail : 3 571,24 euros (brut) outre les congés payés afférents : 357,12 euros (brut)
dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (4 mois) : 30 644,44 euros (net)
indemnité compensatrice de préavis (3 mois) : 14 571,78 euros (brut) outre les congés payés afférents 1 457,18 euros (brut)
remboursement de la mise à pied à titre conservatoire : 3 715,60 euros (brut) outre les congés payés afférents : 371,56 euros (brut)
indemnité de licenciement : 8 503,84 euros (net)
indemnité de travail dissimulé (six mois) : 45 966,68 euros (net)
dommages et intérêts pour violation des durées maximales du travail et irrespect du droit au repos 15 000 euros (net)
Fixer la moyenne des douze derniers mois de salaires à la somme de 7 661,11 euros bruts ;
E – Dans tous les cas :
dommages et intérêts pour exécution déloyale de la convention de forfait : 5 000 euros (net)
dommages et intérêts pour remise d’une attestation Pôle Emploi erronée : 3 000 euros (net)
dommages et intérêts pour non-paiement du salaire intégral : 5 000 euros (net) ;
ordonner la remise des documents de fin de contrat conformes, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document ;
condamner la société JFM Conseils aux entiers dépens y compris les éventuels frais d’exécution du jugement à intervenir ;
ordonner le paiement des intérêts légaux de droit à compter de la mise en demeure du 11 mars 2019 ;
ordonner l’anatocisme ;
ordonner l’exécution provisoire ;
dire le jugement commun à l’AGS-CGEA d’IDF EST.
Dans leurs dernières écritures notifiées par la voie électronique le 5 décembre 2022, les co-liquidateurs judiciaires de la société JFM Conseils, assignés en intervention forcée par M. [G], demandent, ès-qualités à la cour de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu’il a jugé la convention de forfait inopposable à M. [G], l’a condamnée à lui verser différentes sommes, et a fixé le salaire brut mensuel à 7 661,11 euros, et de :
– dire que la convention de forfait jour est opposable à M. [G] et le débouter de l’intégralité de ses demandes de rappel de salaires au titre des heures supplémentaires, congés payés afférents, repos compensateur, congés payés afférents, et jour de dépassement de forfait ainsi que les congés payés afférents ;
– débouter M. [G] de l’intégralité de ses demandes ;
– en tout état de cause, condamner M. [G] aux dépens et à payer 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
A titre subsidiaire, ils demandent, ès-qualités, à la cour d’inscrire la créance au passif de la liquidation judiciaire de la société JFM Conseils, de juger la décision à intervenir opposable à l’AGS au titre de sa garantie, et d’employer les dépens en frais privilégiés.
La délégation UNEDIC AGS CGEA, assignée par M. [G] en intervention forcée, a écrit à la cour, par courrier réceptionné le 12 septembre 2022, dans lequel elle indique qu’elle ne se fera pas représenter compte tenu de l’objet du litige relatif à la contestation du licenciement, dans la mesure où elle ne dispose à ce titre d’aucun élément.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 17 mai 2023.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions susvisées.
MOTIFS :
A titre liminaire, il convient de préciser que, les arrêts rendus par la cour d’appel étant exécutoires de droit, la demande d’exécution provisoire formulée par M. [G] est sans objet.
I – Sur l’exécution du contrat de travail
1. Sur la classification conventionnelle
Le salarié soutient en substance que, classé position 3.1 de la convention collective, il aurait dû, selon les tâches réellement exercées, bénéficier de la classification 3.2 de ladite convention ; que l’emploi occupé correspond en effet à la position 3.2 compte tenu de sa capacité d’initiative, d’orientation et de contrôle du travail, de commande des subordonnés alors qu’il a en outre un pouvoir pour effectuer des démarches administratives ; que le fait qu’il ait signé son contrat de travail et un avenant à celui-ci stipulant une position défavorable ne peut le priver de ses droits conventionnels ; que de plus, la convention de forfait suppose d’être cadre autonome, ce qui renforce encore son argumentaire en faveur de la position revendiquée ; que son ancienneté dans la fonction ne peut être un argument valable alors qu’il convient de prendre également en compte son expérience passée.
L’employeur le conteste en répliquant en synthèse que les fonctions réellement exercées par le salarié et son peu d’ancienneté dans la fonction dès lors que rien ne justifie de l’expérience passée dans la fonction alléguée, correspondent parfaitement à la position 3.1 qui lui a été attribuée contractuellement.
Sur ce,
Hors le cas de la reconnaissance volontaire par l’employeur d’une qualification, la classification se détermine par les fonctions réellement exercées par le salarié au regard des critères de la convention collective.
En cas de contestation sur la catégorie professionnelle dont relève le salarié, il appartient au salarié qui revendique une position différente de celle qui lui était attribuée d’en rapporter la preuve, les juges du fond appréciant souverainement les éléments qui leur sont soumis en recherchant la nature de l’emploi effectivement occupé par ce dernier et la qualification qu’il requiert. Les fonctions réellement exercées, qui sont prises en compte pour déterminer la qualification d’un salarié, sont celles qui correspondent à son activité principale, et non celles qui sont exercées à titre accessoire ou occasionnel.
La convention nationale des Bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils prévoit que la classification des cadres sera effectuée en tenant compte des responsabilités assumées et des connaissances mises en application. La fonction remplie par l’ingénieur ou cadre est seule prise en considération pour son classement dans les emplois prévus par la classification en cause. L’ingénieur ou cadre dont les fonctions relèvent de façon continue de diverses catégories est considéré comme appartenant à la catégorie la plus élevée parmi celles-ci.
La position 3.1 est ainsi définie à l’annexe II de la convention collective : «Ingénieurs ou cadres placés généralement sous les ordres d’un chef de service et qui exercent des fonctions dans lesquelles ils mettent en oeuvre non seulement des connaissances équivalant à celles sanctionnées par un diplôme, mais aussi des connaissances pratiques étendues sans assurer, toutefois, dans leurs fonctions, une responsabilité complète et permanente qui revient en fait à leur chef.»
La position 3.2 est ainsi définie : « Ingénieurs ou cadres ayant à prendre, dans l’accomplissement de leurs fonctions, les initiatives et les responsabilités qui en découlent, en suscitant, orientant et contrôlant le travail de leurs subordonnés. Cette position implique un commandement sur des collaborateurs et cadres de toute nature.»
En l’espèce, M. [G] revendique la position 3.2 de l’annexe II de la convention collective depuis son embauche. Engagé le 4 janvier 2016 en qualité de «chargé d’affaires», statut cadre, position 3.1, il est devenu «chef d’agence» par avenant du 1er septembre 2016, sans changement de classification ni des conditions de travail.
Le seul intitulé du poste occupé ne saurait définir la fonction. Or, les documents produits ne permettent pas d’établir que l’appelant remplissait les tâches et missions de la position qu’il revendique.
M. [G], qui conteste avoir eu connaissance de la fiche de poste produite par la société, qui n’est pas datée ni signée, ne produit quant à lui pas la moindre fiche de poste, et ne liste pas même ses tâches, ni ne produit le moindre document pour justifier des tâches réellement accomplies sur la période couverte par sa demande lui permettant de prétendre à une autre classification que celle contractuellement prévue par les parties.
Pourtant, il lui appartient de prouver, en premier lieu, que son poste de chargé d’affaires transformé en poste de chef d’agence à la suite du transfert de son contrat de travail, impliquait qu’il avait à prendre, dans l’accomplissement de ses fonctions, les initiatives et responsabilités qui découlent, en suscitant, orientant et contrôlant le travail de ses subordonnés. A ce titre, la cour observe que malgré les dénégations étayées de l’employeur, le salarié se contente de produire un pouvoir du 11 août 2016 de M. [N], président de la société, lui permettant uniquement d’effectuer en son nom les seules démarches administratives nécessaires au fonctionnement de l’agence telles que «l’ouverture d’une boîte postale au nom de JFM NOPI» ou «la réception des courriers recommandés avec AR», alors par ailleurs qu’il ressort des pièces produites par l’employeur qu’il procédait à une surveillance renforcée de ses subordonnés par leur géolocalisation, et de la lettre de licenciement qu’il manageait une petite équipe pour laquelle il prévoyait les plannings, ce qui ne suffit cependant pas à démontrer qu’il assurait dans ses fonctions, une responsabilité complète et permanente.
Au contraire, l’employeur produit en particulier des échanges de courriels des 3 novembre au 2 décembre 2017, du 14 au 18 décembre 2017, des 18 et 26 octobre 2018, du 28 novembre au 3 décembre 2018 dont il ressort que M. [G] a toujours exercé ses fonctions sous la supervision d’un supérieur hiérarchique, d’abord sous la direction et le contrôle de M. [N], président de la société, dont il recevait des instructions, puis sous le contrôle et la direction du directeur administratif et financier à compter du 3 décembre 2018. Le salarié ne contredit pas utilement ces éléments de l’employeur, faute de tout document contraire.
Par ailleurs, l’article 4.1 de l’accord du 22 juin 1999 dispose que peuvent être soumis à l’article 4 relatif au forfait annuel en jours les personnels exerçant des responsabilités de management élargi ou des missions commerciales, de consultant ou accomplissant des tâches de conception ou de création, de conduite et de supervision de travaux, disposant d’une large autonomie, de liberté et d’indépendance dans l’organisation et la gestion de leur temps de travail pour exécuter les missions qui leur sont confiées, que les salariés ainsi concernés doivent bénéficier de dispositions adaptées en matière de durée du travail ; qu’ils sont autorisés, en raison de l’autonomie dont ils disposent, à dépasser ou à réduire la durée conventionnelle de travail dans le cadre du respect de la législation en vigueur, que la rémunération mensuelle du salarié n’est pas affectée par ces variations, que, pour pouvoir relever de ces modalités, les salariés concernés doivent obligatoirement disposer de la plus large autonomie d’initiative et assumer la responsabilité pleine et entière du temps qu’ils consacrent à l’accomplissement de leur mission caractérisant la mesure réelle de leur contribution à l’entreprise, qu’ils doivent donc disposer d’une grande latitude dans leur organisation de travail et la gestion de leur temps, et ainsi qu’ils relèvent au minimum de la position 3 de la grille de classification des cadres de la convention collective nationale. Le fait que M. [G] ait bénéficié d’une convention de forfait légitime donc à l’évidence son classement en position 3 de la grille tel que contractuellement défini, mais aucunement un passage à la position 3.2 de la convention collective. Contrairement aux affirmations du salarié, l’employeur ne se contredit pas en soulignant son absence d’autonomie dans le cadre décisionnel alors qu’il lui a fait signer une convention de forfait, puisque l’autonomie exigée pour permettre le bénéfice d’une convention de forfait est uniquement une autonomie dans l’organisation du temps de travail.
En tout état de cause, en second lieu, la position 3.2 implique un commandement sur des collaborateurs et cadres de toute nature. Or, s’il ressort des éléments de la procédure que M. [G] dirigeait et surveillait (notamment par la géolocalisation) des collaborateurs, il ne produit pas en revanche le moindre commencement de preuve que cette équipe était notamment composée de salariés ayant le statut de cadres, et qu’il exerçait ainsi de manière habituelle un commandement sur des cadres de toute nature comme exigé.
En conséquence, sur la période considérée, M. [G] a exercé des fonctions relevant, notamment au regard des fonctions d’encadrement d’une équipe de plusieurs personnes dont aucune n’était cadre, de celles décrites dans la convention collective applicable d’un cadre placé sous les ordres d’un chef de service et qui exerce des fonctions sans assurer, toutefois, une responsabilité complète et permanente qui revenait en fait à son chef, ce qui correspond très exactement à la position 3.1 des cadres ci-dessus définie et justifie l’attribution d’un coefficient hiérarchique 170 en application de la convention collective.
Dès lors qu’il n’est pas démontré que le poste de M. [G] remplissait les conditions voulues par la convention collective pour impliquer le classement revendiqué, sa demande de reclassification est rejetée. Enfin, l’intéressé, qui sur la période considérée ne justifie pas avoir été rémunéré en deçà du revenu minimum conventionnel correspondant à sa classification.
Le jugement, qui a rejeté les demandes de reclassification et de rappels de salaires subséquentes, sera confirmé.
2. Sur la convention de forfait-jours
M. [G] fait valoir en substance que la convention de forfait figure à son contrat de travail et à son avenant, mais est nulle ou à tout le moins privée d’effet, puisqu’aucun document contractuel ne prévoit notamment le nombre de jours de travail, ce qui est contraire à l’accord sur la durée du travail ; que le fait d’être une petite société mais filiale d’un groupe ne peut justifier de ne pas respecter le droit et la bonne exécution du contrat de travail ; que la convention de forfait n’a pas non plus respecté les conditions fixées par la convention collective puisqu’il n’y a eu aucune modalités de suivi pourtant prévues par la convention collective avec le contrôle du décompte des jours de travail, et de même l’article 4.8 sur la garantie des temps de repos, la charge de travail, l’amplitude des journées de travail n’a pas été respecté, alors qu’en outre il n’y a pas eu non plus l’entretien de suivi spécifique prévu deux fois par an par la convention collective.
L’employeur réplique en synthèse que la convention collective n’est pas nulle et qu’elle est opposable à M. [G] dès lors que si elle admet avoir omis d’insérer au contrat de travail certaines mentions prévues par la convention collective, cela résulte uniquement du fait qu’elle n’est pas une grande structure et qu’elle n’a pas toujours été accompagnée par un juriste ou un avocat pour la rédaction des contrats de travail de ses salariés ; que ses erreurs sont exemptes de mauvaise foi ; que M. [G] occupait un poste pour lequel la convention de forfait-jours est parfaitement adaptée, puisqu’il était totalement autonome dans l’organisation de son temps de travail et que la position 3.1 permettait le recours à cette convention ; qu’elle a assuré un suivi mensuel des jours travaillés du salarié qu’elle a pour ce fait interrogé, en assurant en outre un suivi précis de ses temps de repos, et en vérifiant ainsi le respect entre vie privée et vie professionnelle de l’intéressé ; que de plus, elle organisait chaque année un entretien permettant au salarié d’évoquer sa charge de travail, dont il ne s’est jamais plaint ; qu’alors que le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi, les pièces démontrent que dès son embauche le salarié était parfaitement conscient des failles formelles de la convention de forfait et qu’il demande désormais des rappels de salaire au titre des heures supplémentaires de façon opportuniste et de mauvaise foi alors qu’il n’a jamais fait état d’une quelconque surcharge de travail ou difficulté à concilier sa vie privée et sa vie professionnelle durant la relation de travail.
Sur ce,
La durée légale du travail effectif est fixée à 35 heures par semaine civile.
Toutefois, le législateur a prévu la possibilité de conclure des conventions de forfait pour fixer des durées de travail notamment en jours sur l’année, l’article L.3121-58 du code du travail prévoyant cette possibilité notamment pour les cadres. Cette organisation et ces modalités de décompte du temps de travail ont comme conséquence d’exonérer l’entreprise des dispositions relatives aux heures supplémentaires, celles concernant le repos demeurant applicables.
Les conventions de forfait sont néanmoins soumises à des conditions de validité et doivent être déclarées nulles si elles ne s’appuient pas sur un accord collectif dont les stipulations conformes aux dispositions de l’article L.3121-64 du code du travail doivent assurer la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que les repos journaliers et hebdomadaires.
La convention collective SYNTEC prévoit que le forfait annuel en jours s’accompagne d’un décompte des journées travaillées au moyen d’un suivi objectif, fiable et contradictoire mis en place par l’employeur. L’employeur est tenu d’établir un document qui doit faire apparaître le nombre et la date des journées travaillées ainsi que le positionnement et la qualification des jours non travaillés en repos hebdomadaire, congés payés, congés conventionnels ou jours de repos au titre du respect du plafond de 218 jours. Ce suivi est établi par le salarié sous le contrôle de l’employeur et il a pour objectif de concourir à préserver la santé du salarié. L’employeur veille à mettre en place un outil de suivi pour assurer le respect des temps de repos quotidien et hebdomadaire du salarié. Afin de se conformer aux dispositions légales et de veiller à la santé et à la sécurité des salariés, l’employeur convoque au minimum deux fois par an le salarié, ainsi qu’en cas de difficulté inhabituelle, à un entretien individuel spécifique. Au cours de ces entretiens sont évoquées la charge individuelle de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie privée et, enfin, la rémunération du salarié. Lors de ces entretiens, le salarié et son employeur font le bilan sur les modalités d’organisation du travail du salarié, la durée des trajets professionnels, sa charge individuelle de travail, l’amplitude des journées de travail, l’état des jours non travaillés pris et non pris à la date des entretiens et l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle.
En l’espèce, il n’est pas contesté que les dispositions de la convention collective applicable encadrant le recours au forfait jours n’ont pas été respectées dès lors qu’aucun des documents contractuels ne mentionne, en particulier, le nombre de jours de travail de la convention individuelle de forfait en jours.
En outre, la société ne justifie pas de la mise en oeuvre effective des dispositions de la convention collective, à savoir la mise en place d’un outil de suivi des journées travaillées et des temps de repos, et la réalisation de deux entretiens annuels individuels relatifs notamment à la charge de travail de M. [G].
La convention de forfait en jours est donc privée d’effet. La décision déférée est de ce chef confirmée.
3. Sur les conséquences de la convention de forfait privée d’effet
La convention de forfait en jours étant privée d’effet, le paiement d’heures supplémentaires doit s’effectuer selon le droit commun.
3.1 Sur les heures supplémentaires
M. [G] fait valoir en substance qu’il a effectué de nombreuses heures supplémentaires qui doivent lui être payées ; qu’il avait le statut de travailleur itinérant du fait de son contrat de travail et de ses nombreux déplacements dans les chantiers, et que le temps de déplacement vers et depuis son lieu de travail doit donc être considéré comme étant du temps de travail effectif puisqu’il était à la disposition permanente de l’employeur conformément à la jurisprudence de la cour de justice de l’Union européenne ; que durant ses temps de pause et de déjeuner, il restait également disponible pour l’employeur et il lui arrivait même d’intervenir, ce qui relève également de la qualification du temps de travail effectif ; que l’employeur ne prouvant pas que pendant ces différents temps il n’était pas à disposition ni qu’il n’est jamais intervenu, ils doivent nécessairement être intégrés au calcul des heures supplémentaires ; qu’au rappel d’heures supplémentaires s’ajoutent des rappels d’heures non majorées puisque «lors des semaines où il y a une ou plusieurs absences, il peut y avoir des heures qui doivent être payées mais qui ne font pas l’objet de la majoration pour heures supplémentaires» et que «les jours fériés chômés ou les congés payés sont notamment assimilés à du temps de travail effectif pour le calcul de la rémunération du salarié mais n’entrent pas en compte dans le calcul des heures supplémentaires».
L’employeur réplique en synthèse que la demande de M. [G] est très surévaluée et comporte de nombreuses erreurs relatives au temps de trajet entre le domicile et le lieu de travail qui ne peut qu’être exclu puisqu’il n’est pas anormal depuis son rattachement à la société JFM Nopi et qu’il ne peut pas en tout état de cause entré dans le calcul des heures supplémentaires puisqu’il ne s’agit pas d’un temps de travail effectif ; que M. [G] n’est aucunement un salarié itinérant ; que la demande comporte aussi des erreurs quant aux temps de repas et de pauses que le salarié a bien évidemment pris et qui ne sont pourtant pas décomptés, alors qu’il était soumis au forfait et disposait donc d’une grande autonomie d’organisation sans aucunement être dans l’obligation durant ces temps de rester à la disposition de l’employeur comme il le prétend.
Sur ce,
A titre liminaire, il convient de rappeler que le salarié itinérant ne dispose pas de lieu de travail habituel. Or, en l’espèce, le contrat de travail du 4 janvier 2016 liant M. [G] à la société JFM Conseils précise qu’il est rattaché au siège des Ulis (91) puis sera affecté à l’agence «Nord de la France» dont la localisation sera définie en fonction des opportunités. Dans ses écritures, M. [G] reconnait avoir été rattaché à l’établissement de [Localité 8] dès juin 2016, et par avenant du 1er septembre 2016, son contrat de travail a fait l’objet d’un transfert à la société JFM Nopi, autre société du groupe, dans le cadre du transfert d’activités relatives au secteur Nord sans modification de ses conditions de travail. Il ressort en outre des éléments de la procédure que même s’il pouvait avoir à se déplacer dans le cadre de ses missions, il a réalisé l’essentiel de son temps de travail sur son lieu d’affectation, ce que les relevés de géolocalisation ne contredisent pas. Ainsi, M. [G] disposant d’un lieu de travail habituel depuis l’embauche, et inchangé depuis juin 2016, ne saurait être considéré comme étant un salarié itinérant comme il le prétend sans en justifier aucunement.
En cas de transfert du contrat de travail du salarié, le nouvel employeur est tenu envers le salarié aux obligations et au paiement des créances résultant de la poursuite du contrat de travail après le transfert.
La durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à trente-cinq heures par semaine. Selon l’article L.3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l’employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. Il sera précisé que le temps habituel du trajet entre le domicile et le lieu du travail ne constitue pas en soi un temps de travail effectif. Toutefois, l’article L.3121-4 du code du travail précise que le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif. Toutefois, s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l’objet d’une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l’horaire de travail n’entraîne aucune perte de salaire.
Selon l’article L.3121-28 du code du travail, toute heure accomplie au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente est une heure supplémentaire qui ouvre droit à une majoration salariale ou, le cas échéant, à un repos compensateur équivalent. L’article L.3121-36 du même code dispose qu’à défaut d’accord, les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire ou de la durée considérée comme équivalente donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires. Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 %.
Aux termes de l’article L.3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l’employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l’article L. 3171-3 du même code, l’employeur tient à la disposition des membres compétents de l’inspection du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.
Enfin, selon l’article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
En l’espèce, M. [G] verse à l’appui de sa demande de rappel d’heures supplémentaires :
– un tableau très détaillé de ses horaires de travail du 4 janvier 2016 au 23 décembre 2018, en tenant compte des journées d’absence (congés, jours fériés etc.) et en précisant pour chaque jour travaillé les heures de début et de fin d’activité ;
– le relevé du GPS de son téléphone portable permettant de vérifier ses déplacements entre le 25 janvier 2016 et le 23 décembre 2018 sans toutefois (pour exemple cependant pour janvier et février 2016, il produit les relevés du 25 au 28 janvier 2016, puis des 18 et 19 février 2016, puis des 22 au 26 février 2016 et enfin 29 février 2016, s’agissant du mois de novembre 2016, il produit ses relevés à l’exception de la journée du 20 novembre),
– ses bulletins de salaire de janvier 2016 à février 2019 dont il ressort que l’employeur n’a pas réglé d’heures supplémentaires.
La prétention du salarié étant étayée, il appartient donc à l’employeur de se conformer à son obligation de fournir les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.
La société ne produit pas d’éléments permettant d’établir la réalité des horaires effectivement travaillés par M. [G], en l’absence d’un décompte de ses horaires de travail, notamment par un système d’enregistrement automatique.
Elle produit cependant des tableaux correctifs des heures supplémentaires et le tableau de calculs de M. [G] annoté, montrant des erreurs et incohérences dans les demandes du salarié. La cour rappelle à ce titre que le temps de travail effectif ne peut en effet être assimilé à l’amplitude de la journée de travail et que les temps de restauration et de pause ne constituent pas en principe un temps de travail. En outre les dispositions applicables de l’article L.3121-4 du code du travail disposent que le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas non plus un temps de travail effectif.
Or, M. [G] n’a pas déduit les temps de restauration et de pause alors qu’il est établi qu’il appliquait durant la relation de travail la convention de forfait lui laissant une grande liberté d’organisation, sans qu’aucun document contractuel ou note de l’employeur ne lui impose de rester joignable pendant ses pauses et repas et sans aucune consigne reçue à ce titre, le fait le cas échéant de manger et de passer son temps de pause en dehors du lieu habituel de travail, éventuellement sur un chantier, ne signifiant pas en soi que le salarié était tenu pendant ces temps de répondre à un travail. Il sera également souligné que les pauses et repas ne sont pas exclusifs de toute contrainte, et que même à retenir que M. [G], cadre autonome dans son organisation du temps de travail, devait rester joignable (sans plus de précision et même préciser par qui) durant ces temps comme il l’indique, il n’en demeure pas moins qu’il était alors placé dans un lien ténu avec l’employeur et n’était pas soumis à des contraintes d’une intensité telle qu’elles avaient affecté, objectivement et très significativement, sa faculté de gérer librement, au cours de ces périodes, le temps pendant lequel ses services professionnels n’étaient pas sollicités et de vaquer à des occupations personnelles. Il ressort d’ailleurs des éléments de la procédure que l’intéressé n’a pas eu à intervenir durant ces temps et qu’il prenait même régulièrement de longues pauses pour déjeuner. Aucun des éléments de la procédure ne permet ainsi de retenir les temps de pause et de repas comme étant du temps de travail effectif.
L’appelant base également ses calculs sur une amplitude horaire sans déduire les temps de trajets quotidiens entre son domicile et son lieu de travail qui ne constitue pourtant pas du temps de travail effectif, étant rappelé qu’il n’y avait pas plusieurs lieux de travail puisque le salarié était affecté à un lieu précis et que ses déplacements sur les chantiers n’étaient que secondaires et irréguliers comme cela ressort des éléments produits. Surabondamment, en tout état de cause, il ressort du dossier qu’il n’était pas, durant ces temps, à la disposition de l’employeur.
Il convient en conséquence, au vu du décompte produit intégrant les rappels d’heures non majorés, auquel il ne peut être fait droit intégralement dans la mesure où il convient d’imputer des temps de pause méridienne que le salarié a pris au cours de ces journées de travail, et de déduire les temps de déplacement entre son domicile et son lieu de travail, d’allouer à M. [G], les sommes exactement fixées par les premiers juges à 18 885,89 euros à titre de rappel de salaires pour heures supplémentaires à 50% et 32 703,18 euros à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires à 25% sur la base de la position 3.1, outre les congés payés afférents exactement calculés par les premiers juges.
La décision déférée sera confirmée, sauf à préciser que la créance de M. [G] sera inscrite au passif de la procédure collective de la société JFM Conseils.
3.2 Sur la contrepartie obligatoire en repos
M. [G] sollicite la condamnation de son employeur à lui verser la somme de 52 838,22 euros brut outre les congés payés afférents, en soutenant qu’il n’a jamais bénéficié de cette contrepartie obligatoire en repos qui doit donc lui être payée puisque le contrat de travail est désormais rompu.
L’employeur ne conteste pas que le salarié n’a pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos mais soutient que la somme allouée doit être ramenée à de plus justes proportions, et demande ainsi la confirmation de la décision déférée.
Sur ce
Aux termes de l’article L.3121-30 du code du travail, les heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent d’heures supplémentaires ouvrent droit à une contrepartie obligatoire.
Aucun contingent n’étant ainsi fixé pour les cadres, le contingent qui leur est applicable est en conséquence celui fixé par l’article D.3121-14-1 du code du travail dans sa rédaction issue du décret n° 2008-1132 du 4 novembre 2008, soit 220 heures par salarié.
Selon l’article D.3121-14 du code du travail, le «salarié dont le contrat de travail prend fin avant qu’il ait pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos à laquelle il a droit ou avant qu’il ait acquis des droits suffisants pour pouvoir prendre ce repos reçoit une indemnité en espèces dont le montant correspond à ses droits acquis. (…) Cette indemnité a le caractère de salaire.»
En l’espèce, M. [G] ne justifie d’aucun accord collectif dérogatoire pour retenir un contingent annuel de 90 heures pour les cadres.
La cour ne peut aggraver la situation du salarié par rapport au jugement déféré, et au vu de ce qui a été jugé précédemment, de l’examen des bulletins de paie et de la demande de confirmation sollicitée par l’employeur, il sera alloué à M. [G], sur la base de la position 3.1, la somme de 36 836,61 euros au titre de la contrepartie obligatoire et celle de 3 683,66 euros au titre des congés payés afférents. Il convient de confirmer le jugement déféré sur ce point conformément à la demande de l’employeur, sauf à préciser qu’il s’agit non pas de repos compensateurs mais de la contrepartie obligatoire en repos, et que la créance de M. [G] sera inscrite au passif de la procédure collective de la société JFM Conseils.
3.3 Sur le dépassement de la durée maximale du travail et la violation du droit au repos
M. [G] soutient qu’il a régulièrement dépassé les durées maximales du travail, une semaine habituelle de travail représentant au moins 50 heures alors qu’il n’était pas rare qu’il travaille plus de 60 heures par semaine et régulièrement plus de 10 heures par jour, même en n’incluant pas ses déplacements dans le temps de travail effectif et même en déduisant ses temps de repas, ce qui lui crée un préjudice considérable ; qu’outre son état d’épuisement induit par ces durées du travail, c’est sa vie privée qui en a été bouleversée.
L’employeur s’oppose à la demande en estimant qu’il ne peut être allégué un dépassement des durées maximales de travail.
Sur ce,
La preuve du respect des seuils et plafonds prévus par le droit de l’Union européenne et des durées maximales de travail fixées par le droit interne incombe à l’employeur.
En l’espèce, la société échoue à démontrer qu’elle a respecté les durées maximales du travail et que le salarié a bénéficié du repos auquel il pouvait prétendre. Au contraire, il est établi par les éléments du dossier et les développements qui précèdent que l’amplitude horaire a à plusieurs reprises dépassé la durée maximale quotidienne et hebdomadaire du travail sur la période considérée, même si cela n’est pas dans les proportions alléguées, et que s’il a bénéficié des repos prévus dans le cadre de la convention de forfait alors appliquée par les parties, M. [G] n’a cependant pu bénéficier de la contrepartie obligatoire en repos à laquelle il avait droit du fait des heures supplémentaires accomplies.
Eu égard au déséquilibre ainsi engendré au détriment de la vie personnelle et familiale du salarié et de son droit au repos, étant souligné que le certificat médical non daté de son médecin traitant évoquant un épisode dépressif en octobre 2017 puis en décembre 2018 ne permet pas d’établir un lien quelconque avec les conditions de travail, il convient d’évaluer la réparation due à ce dernier pour réparer intégralement son préjudice à la somme de 150 euros.
Le jugement sera infirmé en ce qu’il a intégralement débouté M. [G] de cette demande.
4 Sur l’exécution déloyale de la convention de forfait
M. [G] sollicite pour la première fois en cause d’appel l’indemnisation du préjudice né de l’exécution déloyale de la convention de forfait jours car l’employeur n’a pas organisé d’entretien annuel sur la charge de travail et l’adéquation entre vie privée-vie professionnelle et que l’ensemble des modalités de suivi de la convention de forfait n’a pas été respecté. Il estime que si l’employeur avait respecté les entretiens, il aurait peut-être pu être remédié à sa surcharge de travail.
L’intimée s’y oppose en soutenant qu’elle a respecté l’ensemble de ses obligations, qu’un entretien annuel a bien eu lieu et qu’il n’est pas établi de préjudice particulier.
Sur ce,
L’employeur ne conteste pas la recevabilité de cette demande nouvelle en cause d’appel.
L’article L.1222-1 du code du travail édicte que le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
En l’espèce, la demande indemnitaire au titre d’une exécution déloyale de la convention de forfait, basée sur une convention de forfait-jours privée d’effet, sans preuve ni d’une déloyauté de l’employeur ni d’un quelconque préjudice, ne peut prospérer.
L’employeur justifie avoir effectué un entretien avec le salarié les 20 janvier 2017 et 5 mars 2018 au cours duquel a été abordé l’organisation du travail et le volume du travail. M. [G] n’a alors pas évoqué de surcharge. S’il n’est pas établi qu’un autre entretien ait eu lieu ces années là ni aucun entretien en 2016 et 2019, il convient de rappeler qu’un entretien est intervenu dès janvier 2017 et que le salarié a été licencié en février 2019. M. [G], qui ne justifie pas de la surcharge de travail alléguée, et qui surtout ne justifie pas avoir alerté l’employeur d’une difficulté quelconque au titre de sa charge de travail et de la compatibilité entre son emploi et sa vie privée du temps de la relation de travail, ne démontre pas, autrement que par affirmation, l’existence du préjudice qu’il prétend subir du fait du manquement allégué de l’employeur dans le cadre de l’exécution de la convention de forfait-jours.
Dès lors, la cour déboutera M. [G] de sa demande de condamnation de l’employeur pour exécution déloyale de la convention de forfait jours.
5. Sur le travail dissimulé
M. [G] fait valoir en substance que ses bulletins de paie ne mentionnent pas l’intégralité des heures effectuées et que l’élément matériel du travail dissimulé est ainsi établi, alors que l’élément intentionnel est quant à lui manifeste du fait de l’absence de ses entretiens annuels, l’employeur ne respectant aucune des dispositions de la convention de forfait manifestement conclue pour pouvoir lui faire effectuer le plus d’heures supplémentaires possible sans considération des conséquences sur sa santé et son droit à une vie privée et familiale ; que la convention a donc été conclue dans une intention frauduleuse ; que par ailleurs, l’employeur ne conteste pas que des heures supplémentaires ont été réalisées mais ne les a pas régularisées pour autant ; qu’ensuite il a travaillé au-delà de la durée maximale du forfait sans que ses jours de travail de dépassement ne soient rémunérés ni mentionnés sur les bulletins de paie alors que l’employeur reconnait que des jours de dépassement doivent être réglés même s’il conteste le quantum réclamé, sans pour autant régulariser la situation.
La société réplique en synthèse que la seule invalidation d’une convention de forfait-jours ne constitue pas en soi la preuve d’une intention frauduleuse, et que M. [G] ne démontre pas une quelconque intention frauduleuse de l’employeur de se soustraire à ses obligations déclaratives en matière de temps de travail.
Sur ce,
En application de l’article L.8221-5 du code du travail est réputé travail dissimulé le fait pour un employeur de se soustraire intentionnellement :
– à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L.1221-10 du code du travail relatif à la déclaration préalable à l’embauche,
– ou à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L.3243-2 du code du travail relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail,
– ou encore aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.
Ainsi, la dissimulation d’emploi salarié n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur a agi de manière intentionnelle.
En l’espèce, la cour a privé d’effet la convention de forfait en jours liant la société JFM Nopi et M. [G] et a, en conséquence de cette inopposabilité, a posteriori, retenu un nombre d’heures supplémentaires au profit du salarié néanmoins très inférieur à celui invoqué. Cette circonstance de l’absence d’heures supplémentaires mentionnées sur les bulletins de paie ne suffit pas à établir la dissimulation d’emploi salarié intentionnelle de la part de la société dont la volonté délibérée de dissimuler l’emploi du salarié n’est aucunement établie. Sa déloyauté dans l’exécution de cette convention du temps de la relation de travail n’a par ailleurs pas été retenue, et aucune intention frauduleuse de dissimulation durant la relation contractuelle n’est établie en l’état des moyens débattus et des pièces versées aux débats.
Le salarié est défaillant dans la caractérisation de l’élément intentionnel nécessaire et il convient donc, par confirmation du jugement, de le débouter de ce chef de prétention.
6. Sur la demande de contrepartie financière des temps de trajet
M. [G] fait valoir en substance que ses temps de déplacements professionnels pour se rendre sur son lieu de travail et en repartir doivent faire l’objet d’une indemnisation dès lors qu’ils ne sont pas assimilés à un temps de travail effectif dès lors qu’ils sont anormaux ; qu’il a d’abord été rattaché au siège, à 2h06 de route de son domicile, puis à compter du mois de juin 2016 à l’établissement de [Localité 8], pour un temps de trajet réduit à 25 minutes, et que tous ses temps de déplacement dépassant ce dernier temps de trajet doivent donc faire l’objet d’une contrepartie selon le calcul qu’il présente ; que ni la convention ni un accord collectif, ni aucun engagement unilatéral de l’employeur ne venant fixer cette contrepartie de ses temps de trajet excédentaires, il appartient au juge de la fixer en la calquant sur ses taux horaires.
La société s’oppose à la demande en soulignant que ce n’est qu’à compter du 1er septembre 2016 que M. [G] a été rattaché à la société JFM Nopi et que le temps de trajet de M. [G] pour se rendre aux Ulis avant le 1er septembre 2016 n’a donc pas à être indemnisé quelle que soit la durée de trajet depuis son domicile.
Sur ce,
En cas de transfert du contrat de travail du salarié, le nouvel employeur est tenu envers le salarié aux obligations et au paiement des créances résultant de la poursuite du contrat de travail après le transfert.
L’article L.3121-4 du code du travail énonce que si le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif, il fait toutefois l’objet d’une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail. Cette contrepartie est déterminée par convention ou accord collectif de travail ou à défaut par décision unilatérale de l’employeur prise après consultation du comité d’entreprise ou des délégués du personnel s’il en existe.
En l’espèce, il apparaît qu’il n’existe pas de dispositions conventionnelles ou d’accord collectif ni d’engagement unilatéral de l’employeur portant spécifiquement sur les contreparties des temps de trajet inhabituels entre le domicile et le lieu de travail.
Le contrat de travail prévoit que le lieu de travail était fixé en un lieu déterminé, d’abord au siège social du premier employeur, situé au site des Ulis. Il n’est pas contesté que le temps de trajet quotidien aller et retour entre le domicile de M. [G] et ce site était de près de 2 heures de janvier à mai 2016 inclus, ce qui ne relève pas de la normalité et doit donc faire l’objet d’une contrepartie financière à 100 % du taux horaire dès lors que ces trajets avaient un motif professionnel. Il ressort des explications de M. [G] non remises en cause par l’employeur qu’il a comptabilisé au titre de sa demande l’ensemble des temps de déplacement pour se rendre sur les chantiers dépassant le temps de trajet de 25 minutes. Le calcul ainsi opéré par le salarié n’est pas discuté à titre subsidiaire par l’employeur, qui ne conteste pas non plus à titre subsidiaire le montant en résultant.
En revanche, à compter de juin 2016, M. [G] a été affecté au site de [Localité 8] qu’il reconnaît être à un temps normal de trajet. Il ressort du dossier que durant l’exécution du contrat de travail, M. [G] s’est par ailleurs ponctuellement rendu sur des chantiers sans que rien ne démontre que les temps de trajet pour se rendre sur ces chantiers soient inhabituels.
Il peut donc prétendre, après vérification de ses calculs pour la période considérée de janvier à juin 2016 non inclus, à la somme indiquée au dispositif de l’arrêt qui correspond à celle réclamée sur la base de la position 3.1.
La décision déférée qui a rejeté la demande, sera infirmée.
7. Sur le dépassement du forfait en jours
L’employeur sollicite l’infirmation de la décision déférée et le débouté de M. [G] de sa demande au titre du dépassement du forfait jours et demande à tout le moins de confirmer le jugement du 30 septembre 2021 en ce qu’il a ramené la demande de rappel de salaire de M. [G] au titre du dépassement du forfait-jour à de plus justes proportions.
M. [G] sollicite également l’infirmation de la décision et demande la condamnation de l’employeur à lui payer à ce titre 17 650,15 euros outre les congés payés afférents en précisant néanmoins expressément dans le corps de ses conclusions que cette demande est formée à titre subsidiaire, si la cour retenait la validité de la convention de forfait et/ou qu’elle évinçait toute heures supplémentaires, puisqu’il aurait alors droit au paiement de ce qui était convenu au titre de la convention de forfait.
Sur ce,
La convention de forfait étant, au vu des développements qui précèdent, privée d’effet, il ne peut en être demandé l’application ni par l’employeur, ni par le salarié, et la décision sera donc infirmée en ce qu’elle a alloué à ce dernier une somme au titre du dépassement du forfait.
8. Sur la demande de dommages-intérêts pour non paiement intégral du salaire
M. [G] relie cette demande au fait que ses heures supplémentaires et ses temps de déplacement ne lui ont pas été rémunérés et qu’il a ainsi vécu pendant de nombreuses années avec un salaire très largement amputé.
Sur ce,
Il appartient au salarié qui demande réparation d’un préjudice d’en démontrer la réalité comme l’ampleur.
En l’espèce la cour constate que M. [G] est sur ce point défaillant. A supposer même un manquement de l’employeur caractérisé, le salarié, qui a été débouté de ses demandes de rappel de salaire en lien avec sa classification, n’a pas évoqué une quelconque difficulté quant à l’application de la convention de forfait et le paiement de son salaire durant la relation de travail. Il s’ajoute que les heures supplémentaires ont été retenues ci-dessus dans des proportions bien moins importantes que celles réclamées, et que M. [G] ne prouve pas non plus l’existence d’un préjudice distinct de celui qui résulte du simple retard dans le paiement de ces heures déjà indemnisé par les intérêts moratoires. Par ailleurs, s’agissant du paiement des temps de déplacement, de la même manière, M. [G] ne justifie pas d’un préjudice distinct de celui qui résulte du simple retard dans son paiement déjà indemnisé par les intérêts moratoires. En outre, il a perçu durant l’ensemble de la relation contractuelle un salaire élevé déterminé par le fait que les parties avaient convenu d’appliquer une convention de forfait, et il ne prouve ni même n’allègue que son salaire de base serait demeuré le même si aucune convention de forfait n’avait dès l’origine trouvée à s’appliquer.
Il convient par conséquent de rejeter la demande. La décision déférée sera confirmée.
II – Sur la demande indemnitaire au titre de l’attestation Pôle emploi
M. [G] fait valoir qu’il s’est vu remettre une attestation Pôle emploi erronée puisqu’elle ne tient pas compte de l’intégralité des heures supplémentaires réalisées ni des jours de dépassement du forfait, ni du salaire minimum conventionnel dû, et que son salaire de référence aura ainsi été diminué et partant le montant de ses allocations de retour à l’emploi.
Sur ce,
M. [G] ne verse aux débats aucun élément justifiant le préjudice financier allégué. Sa demande sera rejetée et la décision déférée confirmée.
III – Sur le licenciement
M. [G] fait valoir en substance que son licenciement est monté de toutes pièces puisqu’en réalité l’employeur a tenté en décembre 2018 de le contraindre à signer une rupture conventionnelle sous la menace d’un licenciement immédiat ; qu’il a été licencié «pour faute grave pour insuffisance professionnelle» et qu’il appartient donc à l’employeur de prouver les griefs formulés à son encontre ;qu’un licenciement pour insuffisance professionnelle ne peut être qualifié de disciplinaire, et faute pour l’employeur d’arguer d’une mauvaise volonté de sa part, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse ; qu’en outre, les éléments disciplinaires sont antérieurs de plus de deux mois à la procédure et sont donc prescrits ; qu’en l’absence de fiche de poste signée, il n’y a pas de limite contractuelle à ses tâches, ce qui empêche d’évoquer une insuffisance professionnelle, d’autant qu’il n’a pas eu les moyens de mener ses missions à bien, créant ainsi une surcharge de travail ; que ses entretiens professionnels contredisent l’insuffisance alléguée ; que l’employeur tente en réalité de lui imputer ses propres carences alors qu’il ne faisait que répondre à des consignes reçues ; que les difficultés financières de l’entreprise invoquées par l’employeur ne sont pas établies ; que l’ensemble des éléments faisant griefs sont soit non établis soit prescrits et même à les considérer établis ils s’expliqueraient alors par sa surcharge de travail qui justifie l’emploi d’un ton excédé, et son licenciement est donc sans cause réelle et sérieuse.
L’employeur réplique en synthèse que M. [G] a été licencié sur un double fondement, à savoir une insuffisance professionnelle non disciplinaire et des manquements disciplinaires relevant de la faute grave, et que ce double fondement ne prive pas le licenciement de cause réelle et sérieuse ; qu’au contraire, dès lors que l’un des deux motifs invoqués est justifié, le licenciement l’est aussi ; que M. [G] a d’abord été licencié pour avoir fait preuve de défaillances caractérisées ayant mis en danger la pérennité de l’entreprise et ce malgré les alertes répétées de l’employeur, tant sur le plan commercial, celui-ci n’ayant pas mis en place suffisamment de démarches en vue de développer l’activité de son agence, ce qui a entrainé d’importantes pertes, que sur le plan managérial puisqu’il dénigrait systématiquement ses collaborateurs de manière injustifiée et exerçait sur eux une surveillance excessive, notamment en les géolocalisant, ce qui a conduit à d’importantes tensions ayant provoqué le départ de deux salariés et la quasi-implosion de l’agence dont il avait la charge ; que le supérieur de M. [G], M. [N], a été contraint d’intervenir pour résoudre la crise et recadrer M. [G] sur ses méthodes de gestion ; qu’ensuite, M. [G] n’a pas respecté les consignes et procédures internes et ce de façon systématique, et a pris une grande liberté de ton à compter de la fin de l’année 2018 en employant un ton hostile et de défiance vis à vis de ses interlocuteurs allant même jusqu’à refuser de se rendre au dîner de Noël du 21 décembre 2018 organisé par la société.
Sur ce,
A titre liminaire, il convient de relever que rien au dossier ne démontre que la cause réelle du licenciement serait autre que les faits évoqués dans la lettre de licenciement. En particulier, rien ne prouve que l’employeur a tenté en décembre 2018 de contraindre M. [G] à signer une rupture conventionnelle sous la menace d’un licenciement immédiat .
En application des articles L.1232-1, L.1232-6 et L.1235-1 du code du travail, lorsque l’employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception qui doit comporter l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur. Tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les termes du litige et il appartient au juge d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur en formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute persiste, il profite au salarié.
La cour rappelle que les faits invoqués comme constitutifs d’une cause réelle et sérieuse de licenciement doivent non seulement être objectivement établis mais encore imputables au salarié, à titre personnel et à raison des fonctions qui lui sont confiées par son contrat individuel de travail et qu’il résulte de l’article L.1235-1 du code du travail que la charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse de licenciement n’incombe spécialement à aucune des parties, toutefois, le doute devant bénéficier au salarié, l’employeur supporte, sinon la charge, du moins le risque de la preuve.
Il convient de rappeler que pour constituer une cause légitime de rupture, l’insuffisance professionnelle doit être établie par des éléments objectifs, constatée sur une période suffisamment longue pour ne pas apparaître comme passagère ou conjoncturelle, et être directement imputable au salarié et non la conséquence d’une conjoncture économique difficile ou du propre comportement de l’employeur. Son appréciation relève du pouvoir de direction de l’employeur, mais doit reposer sur des faits précis et matériellement vérifiables.
La faute grave privative du préavis prévu à l’article L.1234-1 du même code est quant à elle celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. La charge de la preuve de la faute grave repose exclusivement sur l’employeur.
Si elle ne retient pas la faute grave, il appartient à la juridiction saisie d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l’employeur, conformément aux dispositions de l’article L.1232-1 du code du travail.
Si le licenciement est prononcé pour un motif disciplinaire, les faits invoqués dans la lettre de licenciement sont soumis à la prescription de l’article L.1332-4 du code du travail selon lequel aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales.
Ces dispositions ne s’opposent pas à la prise en considération d’un fait antérieur à deux mois si le comportement du salarié s’est poursuivi ou a été réitéré dans ce délai.
Par ailleurs, si le salarié jouit dans l’entreprise d’une liberté d’expression qui ne peut en elle-même constituer une faute, et que le droit de critique est en particulier inhérent aux fonctions d’encadrement, il n’en reste pas moins que des propos diffamatoires, injurieux ou excessifs sont susceptibles de fonder le licenciement, y compris d’un cadre.
En l’espèce, la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, est ainsi rédigée :
«1.1 Vous avez fait preuve d’insuffisance professionnelle
Vous avez été engagé en qualité de Chargé d’affaires par la société JFM CONSEILS à compter du 4 janvier 2016 puis transféré à compter du 1er septembre 2016 au sein de la société JFM NOPI, dans le cadre de laquelle vous avez été nommé aux fonctions de Directeur d’agence.
Votre transfert s’inscrivait dans un contexte de transfert d’activités de la société JFM CONSEILS destiné à pérenniser et à développer l’activité du Groupe dans le Secteur Nord de la France.
– Incapacité à répondre aux attentes de l’entreprise et carences managériales
Or, vous avez indubitablement failli à votre mission.
Plusieurs mois après votre nomination au sein d’une agence rentable laissant de belles perspectives, les résultats se sont avérés bien en deçà de nos attentes.
Pis, à compter du mois d’octobre 2017, l’activité de l’entreprise est devenue peu à peu déficitaire.
Une étude de la situation a permis de mettre en exergue vos difficultés à déléguer et d’importants problèmes relationnels avec les membres de votre équipe.
Nous avons également relevé votre manque d’investissement au niveau commercial, tenant notamment :
– un développement insuffisant du chiffre d’affaires de l’agence ;
– de trop faibles prises de contacts et une présence sur le terrain insuffisante pour prospecter ou rencontrer de nouveaux clients ;
– un manque manifeste d’initiatives pour faire connaître la société JFM Nopi sur son périmètre d’activité et diversifier son portefeuille clients ;
– un manque d’investigation pour identifier de nouveaux besoins clients ;
– l’absence d’actions concrètes de suivi et de fidélisation des clients.
En outre sous votre management deux collaborateurs ont décidé de quitter précipitamment l’entreprise, dont l’un s’est d’ailleurs positionné en concurrence de notre société en créant sa propre entreprise, alors que, compte tenu de sa bonne implication er de son investissement, il aurait pu au contraire contribuer à développer notre chiffre d’affaires.
Ces différentes considérations ont naturellement rendu difficile voire anéanti toute perspective de développement.
Au cours de l’entretien annuel du 5 mars 2018, nous avons attiré votre attention sur ces différents points.
Force est de constater que les mesures que vous nous avez indiqué prendre se sont avérées insuffisantes puisque, au cours du mois de novembre 2018, nous devions de nouveau nous inquiéter de la situation financière catastrophique de la société.
– Dénigrement et dévalorisation systématiques de votre équipe et refus d’accepter vos erreurs
Or, plutôt que de vous remettre en cause, au regard notamment des propositions et suggestions que nous vous faisions pour améliorer votre travail, vous préférez systématiquement dénigrer et dévaloriser les membres de votre équipe, et rejeter les torts sur les autres.
Ainsi, en prélude de l’entretien annuel qui s’est tenu le 5 mars 2018, vous nous indiquiez que les différents membres de votre équipe ne seraient pas compétents et qu’ils seraient laxistes et non-productifs.
Vous préconisiez également de licencier une salariée dont vous remettiez en cause les compétences, tout en soutenant craindre manquer de personnel.
Au cours du mois de décembre 2018, soit neuf mois plus tard, vous vous plaigniez encore du travail des membres de votre équipe, que vous ne considériez pas suffisamment rentables.
Selon vous, le personnel placé sous votre subordination serait trop «vert», en ce sens qu’il manquerait d’expérience pour assumer les charges et responsabilités que vous leur auriez confiées.
Or, sans adhérer en totalité à ces considérations qui sont les vôtres, en votre qualité de manager, il vous appartenait précisément, le cas échéant, de leur donner des consignes claires et de mettre en place des mesures concrètes afin qu’ils deviennent productifs et rentables.
Vos différents constats sont ainsi la démonstration que vous avez failli dans vos fonctions de manager et qu’à aucun moment, vous n’avez su vous remettre en cause malgré nos différentes alertes sur ce point.
– Problèmes relationnels avec la Direction et les équipes
Lorsque nous vous avons sensibilisé sur vos différentes carences, vous vous êtes montré particulièrement véhément à l’encontre du Président du Groupe, ce qui a contribué a dégrader vos relations avec la Direction.
Par bienveillance, nous avons toutefois décidé, malgré le contexte conflictuel dont vous étiez à l’origine, d’apaiser les tensions et de vous designer un nouveau supérieur hiérarchique, en la personne de Monsieur [D] [T], Directeur administratif et financier de l’entreprise.
Pour autant, celui-ci a été confronté aux mêmes difficultés que son prédécesseur.
Cette circonstance cristallise les problèmes relationnels que vous éprouvez avec la Direction de l’entreprise mais aussi le personnel placé sous votre subordination, qui s’est plaint à plusieurs reprises que votre attitude et de votre façon de les diriger.
Nous vous avions alerté dès le mois de décembre 2017 sur ce point, à la suite du départ de deux de vos collaborateurs qui nous ont avoué ne plus supporter vos techniques de managements.
Nous vous avions indiqué, par la même occasion, que d’autres membres de votre équipe s’en plaignaient également.
Ce comportement rend le travail avec vous impossible.
Par courriel du 3 décembre 2018, vous indiquez d’ailleurs vous-même que plusieurs membres de votre équipe ne sont plus motivés et qu’ils songent à quitter l’entreprise.
Nous ne pouvons accepter la possibilité de ce que nos équipes soient disloquées, au risque que cette situation mette en péril notre activité.
1.2 Votre insuffisance professionnelle menace la pérennité de l’entreprise
Votre insuffisance professionnelle a conduit l’entreprise à une situation désastreuse.
A la fin de l’exercice 2018, les pertes annuelles s’élevaient à environ 180.000 €, ce alors que la société était rentable lorsque vous avez été nommé Directeur d’agence et qu’elle présentait de bonnes perspectives de développement.
De tels résultats démontrent que vous avez failli à vos fonctions ainsi qu’à toutes les responsabilités attachées.
Les pertes accumulées par notre entreprise sont très importantes et nous ne pouvons plus accepter qu’elles persistent encore et menacent, à court ou moyen terme, sa pérennité.
– Désintérêt manifeste pour vos fonctions et vos responsabilités
C’est pourtant dans ce contexte que vous avez cru devoir solliciter une prime pour le travail que vous avez effectué au cours de l’année 2018.
Vous avez également demandé à bénéficier d’une carte professionnelle pour faire l’avance de vos frais, avantage qui n’est accordé à aucun salarié de l’entreprise et qui, surtout, est contraire à la politique de remboursement de frais de l’entreprise.
Vos demandes nous apparaissent improbables dans un contexte où votre travail se trouve très nettement insuffisant et que d’importants reproches vous sont formulés à ce titre.
Elles dénotent surtout un profond désintérêt pour vos fonctions et les responsabilités qui y sont attachées.
Cette circonstance nous a d’ailleurs été confirmée le 10 janvier 2019, lorsque nous vous avons interrogé à propos d’une difficulté tenant au marché de la MEL dont nous avons été informés de manière incidente. Les réponses évasives que vous nous avez adressées sont la démonstration de votre profond détachement pour vos fonctions et l’entreprise.
Votre insuffisance professionnelle et les conséquences associées ne permettent plus d’envisager la poursuite de notre collaboration.
1.3. Votre insuffisance professionnelle s’est accompagnée de faits fautifs particulièrement graves dans l’exécution de votre contrat
La poursuite de notre collaboration est rendue d’autant plus impossible qu’elle s’accompagne de manquements particulièrement graves dont vous êtes à l’origine.
– Refus réitéré de vous soumettre aux instructions de votre employeur et de vos supérieurs hiérarchiques
Vous vous opposez systématiquement aux directives de la direction et aux procédures mises en place au sein de l’entreprise.
Notre société a en effet tout entrepris pour vous permettre d’exercer vos fonctions.
Vous vous êtes cependant toujours montré hostile et réfractaire à nos différentes propositions et ce, malgré un changement de responsable hiérarchique intervenu au cours du mois de décembre 2018.
Depuis plusieurs mois, vous remettez même systématiquement en cause les décisions de recrutement et de gestion des salariés ainsi que l’organisation et la politique commerciale de notre entreprise.
En dernier lieu, le 16 janvier 2019, nous avons été informés que vous n’aviez pas respecté les procédures internes applicables au sein de l’entreprise, dans le cadre du dossier [C] [R].
Votre refus constant de vous soumettre aux consignes et directives qui vous sont données constituent des actes d’insubordination répétés qui sont inacceptables s’agissant d’un salarié de votre rang hiérarchique.
– Comportement hostile et de défiance à l’égard de vos différents interlocuteurs
En dehors des problèmes relationnels qui ont vous été reprochés ci-avant, nous observons que vous vous adressez à vos différents interlocuteurs sur un ton très agressif et hostile, qu’il s’agisse de membres de la direction ou du personnel placé sous votre subordination.
Le ton employé dans vos différentes correspondances, notamment celles des 18 octobre, 3, 19 et 21 décembre 2018 est tout aussi inacceptable et s’inscrit dans le droit fil de votre manière de vous adresser aux autres.
Nous vous avons alerté à plusieurs reprises sur ce point, en dernier lieu par courriel du 23 octobre 2018 mais vous n’avez pas souhaité revoir votre comportement, ce qui contribue à rendre impossible votre maintien dans l’entreprise.
D’ailleurs, plusieurs salariés et des clients nous ont fait part de leur soulagement lorsqu’ils ont été informés de votre mise à pied, ce qui en dit long sur le climat délétère que vous avez instauré au sein de l’entreprise.
– Critiques formulées à l’encontre de la Direction auprès du personnel de l’entreprise et absence au repas de Noël de l’entreprise
Votre comportement est arrivé à son paroxysme à l’occasion du repas de Noël organisé par l’entreprise le 21 décembre 2018, où vous avez brillé par votre absence.
Comme vous le savez, le repas de Noel est un événement important pour l’entreprise destiné à fédérer les équipes et à instaurer une bonne ambiance de travail.
Or, en votre qualité de Directeur d’agence, votre présence y était rendue strictement nécessaire.
Votre absence a ainsi jeté un froid et a été très mal perçue par le personnel.
Mais, plus encore, vous avez cru devoir accompagner votre absence de diverses critiques adressées à certains cadres de la société.
Le 19 décembre 2018, vous avez ainsi indiqué à Monsieur [D] [T], dans le cadre d’un courriel où vous vous permettiez critiquer très ouvertement la direction de l’entreprise selon des propos extrêmement provocateurs, que vous vous interrogiez «sur le fait de venir ou pas le 21 à [Localité 10] pour beigner dans un panier de vipères qui passent leur temps à cracher et porter des jugements hâtifs sans connaître».
En marge de cet email, le 21 décembre 2018, vous avez également adressé un SMS, dont la teneur suit, à plusieurs membres de l’entreprise : «Chers collègues, je vous informe et demande de m’excuser de mon absence aux festivités de ce jour. Celles-ci me demanderaient une trop grande dose d’hypocrisie que je ne pourrais tenir.»
Votre attitude et vos propos sont tout aussi inacceptables que votre absence.
Vos agissements nous apparaissent d’autant plus grave que les responsabilités attachées à vos fonctions appellent une attitude exemplaire et les critiques excessives que vous avez dirigées à l’encontre de la direction selon des méthodes peu scrupuleuses témoignent d’une grande déloyauté.
Vos manquements réitérés rendent ainsi impossible la poursuite de notre collaboration.
Pour l’ensemble de ces raisons, nous avons décidé de vous licencier pour faute grave.»
Contrairement aux affirmations de M. [G], il lui est ainsi distinctement reproché :
– une insuffisance professionnelle, constituant un motif non disciplinaire ;
– une faute grave, constituant un motif disciplinaire.
S’agissant du motif disciplinaire, la lettre de licenciement le caractérise par le refus réitéré de M. [G] de se soumettre aux instructions de l’employeur et de ses supérieurs hiérarchiques, par son comportement hostile et de défiance à l’égard de ses différents interlocuteurs de l’entreprise, par les critiques formulées à l’encontre de la direction auprès du personnel de l’entreprise, et son absence au repas de Noël.
L’employeur invoque ainsi tout d’abord une insubordination répétée.
A ce titre, il évoque une absence volontaire de suivi des procédures internes par M. [G]. Il justifie d’une procédure de création et traitement des dossiers mise en place dans l’entreprise dont M. [G] ne conteste pas avoir été informé, et qu’il n’a pas respectée en janvier 2019, moins de deux mois avant le licenciement. Aucune prescription du fait fautif ne saurait donc être retenue.
L’employeur produit à l’appui de ses allégations :
– le document établissant la procédure devant être mise en oeuvre pour la création de dossiers ;
– un échange de courriels du 10 janvier 2019 entre M. [G] et M. [N], dont il ressort que ce dernier souligne l’absence de respect des procédures internes pour un dossier déterminé à la suite d’un courriel envoyé par M. [G] pour lui indiquer «le chemin du dossier» en question, le président de la société détaillant précisément ce qui n’a pas été respecté, notamment l’absence de dossier sur le serveur «affaires» ;
– un courriel de M. [K] dont il ressort que c’est bien M. [G] qui a traité l’opération litigieuse.
L’absence de respect des procédures internes le 10 janvier 2019 est ainsi suffisamment démontrée. Toutefois, sauf abstention volontaire ou mauvaise volonté délibérée du salarié, la défaillance de M. [G] n’a pas un caractère fautif.
La société produit également un échange de courriels du 20 au 23 octobre 2017 dont il ressort que M. [G] avait répondu tardivement aux précisions demandées par un client, sans cependant aucun document justifiant d’une procédure interne particulière pour les réponses à donner aux clients, de consignes précises reçues sur ce point par le salarié, ni aucun élément justifiant du caractère délibéré de la réaction tardive.
Dès lors, en l’absence de preuve rapportée par la société que les défaillances dénoncées sont la conséquence, non pas d’un manque de vigilance ou de suivi, mais d’un comportement délibéré, d’une négligence volontaire, d’un refus d’obéissance ou de non respect des règles de l’entreprise, elles ne peuvent qu’être le résultat d’une insuffisance professionnelle ne présentant pas de caractère fautif. Le grief tenant au non respect des procédures internes et à une insubordination n’est donc pas établi.
La société invoque ensuite un comportement anormal et déloyal du salarié du fait notamment de ses critiques excessives à l’égard de la direction adressées à différents interlocuteurs de la société.
L’employeur fait état à ce titre essentiellement de propos tenus, pour les derniers, fin décembre 2018, moins de deux mois avant l’engagement de la procédure de licenciement, et aucune prescription ne saurait donc être retenue.
La société produit à l’appui de ses allégations un échange de courriels des 19 et 20 décembre 2018 dont il ressort que M. [G] a indiqué à M. [T], directeur administratif et financier sous la supervision duquel il se trouvait placé depuis le 3 décembre 2018, et dont il ressort que l’appelant se plaint de la direction du groupe de la façon suivante «ça fait plus d’un an que je fais l’objet de menaces, chantages et autres pressions psychologiques, de ce fait il me semble compréhensible d’avoir certaines réserves vis à vis de la direction du groupe», sans pour autant produire le moindre élément pour étayer ces allégations quant à des «menaces, chantages et autres pressions psychologiques», et conclut son propos en précisant «(…) dans le climat actuel je me pose la question sur le fait de venir, ou pas, le 21 à [Localité 10] pour beigner dans un panier de vipères qui passent leur temps à cracher et porter des jugements hâtifs sans connaître. Bonne journée et je reste, comme toujours à ta disposition si tu souhaites en débattre».
Ces propos qui font ressortir de manière non équivoque une hostilité affirmée à l’encontre de la direction de l’entreprise et du groupe, sont non seulement inappropriés du fait de l’interlocuteur choisi au vu du contexte, sont excessifs, étant souligné qu’ils ne s’appuient sur aucun élément concret justifié. Il convient de relever qu’ils ont été adressés à son nouveau supérieur hiérarchique depuis peu, et ce alors même qu’il ressort du courriel du 3 décembre 2018 que ce changement était destiné à atténuer les tensions avec son ancien supérieur hiérarchique et président de la société à la suite de l’échange de courriels du 28 novembre au 3 décembre 2018 évoqué ci-dessous.
Cette hostilité assumée vis à vis du président de la société, était en effet également déjà fortement perceptible à la lecture de l’échange de courriels du 28 novembre au 3 décembre 2018 entre M. [G] et M. [N] produit par l’employeur, dont il ressort qu’à la suite d’une interpellation par le président de la société après un courrier envoyé, l’intéressé répond de façon irrespectueuse (pour exemple : «Comme tu as mis plein de personnes en copie de ton message, je me permets de répondre à tous», «Concernant les «obligations», on a celles que l’on se donne»).
Il s’ajoute que la remise en cause de la direction de la société n’est pas restée limitée aux rapports entre le salarié et son responsable hiérarchique direct ancien ou nouveau, puisque par courriel du 18 octobre 2018 adressé à Mme [P], qui est une coach de la société Kb-starategy mandatée par l’employeur pour tenter de résoudre un différend entre M. [G] et M. [Y], chargé d’affaires au sein de l’agence qui lui reprochait notamment sa manière de communiquer en interne (Cf: comptes rendus de réunion des 18 avril, 7 juin, 10 novembre et 1er décembre 2017), M. [G] n’hésite pas à critiquer très ouvertement et de manière véhémente le président de la société mis en copie, en indiquant par exemple «(…) [U] [X] m’a annoncé qu’il avait réussi à comprendre le fonctionnement de l’agence Nopi, mais sans en dire plus. J’aurais bien aimé qu’il me dise ce qu’il a compris afin de vérifier si c’est ce qu’il se passe réellement ou si je dois adapter l’agence à sa pensée car depuis plusieurs mois je constate un gros décrochement de la réalité entre la tout d’ivoire et l’agence de [Localité 8] (…)», ou encore «(…) En résumé je pense qu’il a dû trouver la journée à son goût puisque comme je me suis engagé auprès de toi à me plier à l’ensemble de ses volontés (…) Car si je suis son pantin et que je réagis bien à ses manipulations, j’ai une prime d’encouragement autrement j’ai des reproches.». Il sera relevé que les nombreuses allégations négatives de M. [G] formulées à l’encontre de celui qui à l’époque était non seulement le président de la société mais encore son supérieur hiérarchique direct, ne sont nullement prouvées.
Il ressort en outre du courriel du 26 octobre 2018 adressé par M. [N] à M. [G] dans lequel il souligne le caractère inacceptable du ton employé dans son courriel du 18 octobre 2018, que le salarié avait alors déjà été alerté sur sa façon de communiquer inappropriée, inutilement hostile et provoquante.
Les propos que M. [G] a tenus à différents interlocuteurs sont ainsi établis, sont particulièrement vifs, constituent un excès de langage, et il n’est pas démontré qu’ils répondaient à une quelconque provocation. Il ressort en outre des développements qui précèdent que le comportement inadapté de l’appelant s’est poursuivi malgré des alertes reçues sur sa façon de communiquer et malgré le changement de supérieur hiérarchique.
L’intéressé tente vainement de justifier ce comportement par l’existence d’une surcharge de travail et le fait que l’employeur ne lui aurait pas payé «ce qui lui est dû en matière de minimum conventionnel, d’heures supplémentaires, de contrepartie en repos, de jours de dépassement du forfait», alors qu’un tel lien ne ressort absolument pas des échanges de courriels produits, étant d’ailleurs observé qu’il ne justifie pas avoir évoqué ces points avec l’employeur durant la relation de travail, et qu’en tout état de cause, l’exténuation ainsi alléguée, même à la considérer prouvée, ne saurait légitimer cette agressivité déplacée et l’irrespect persistants au regard de son statut de cadre et responsable de l’agence.
Eu égard à ces éléments, le grief est établi.
Sans qu’il soit utile de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, d’examiner les autres griefs invoqués au soutien de la faute grave et l’insuffisance professionnelle reprochée à M. [G], ce manquement établi est constitutif à lui seul d’une faute qui au regard de la position du salarié et de la persistance de son comportement malgré un changement de supérieur hiérarchique, rendait bien impossible son maintien dans l’entreprise, et caractérise ainsi une faute grave.
Le licenciement pour faute grave est donc fondé et M. [G] sera, par voie de confirmation, débouté de l’ensemble de ses demandes de ce chef.
IV – Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts
Les créances de nature salariale allouées porteront intérêts à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires à partir de la présente décision.
Les intérêts échus dus au moins pour une année entière seront capitalisés dans les conditions prévues par l’article 1343-2 du code civil.
V – Sur les autres demandes
Il convient de déclarer le présent arrêt opposable à l’AGS CGEA dans les limites de sa garantie.
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement déféré en ses dispositions sur les dépens et les frais irrépétibles.
L’employeur succombant au principal, sera condamné aux dépens d’appel sans qu’il soit besoin de le mentionner expressément les frais relatifs aux procédures d’exécution.
Il est équitable de laisser à la charge de chaque partie les frais qu’elle a dû exposer en cause d’appel, et qui ne sont pas compris dans les dépens qui comprennent.
Pour le surplus, il sera rappelé que les dépens afférents aux instances, actes et procédure d’exécution sont limitativement énumérés par l’article 695 du code de procédure civile auquel il est donc simplement renvoyé sur cette question.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement déféré en ses dispositions sur le rappel de jours de dépassement du forfait, sur le rappel d’heures de trajet excédentaires domicile-lieu de travail, et sur les dommages et intérêts pour violation des durées maximales du travail et irrespect du droit au repos, en ce que le conseil de prud’hommes a alloué des sommes au titre de repos compensateurs aux lieu et place d’une contrepartie obligatoire en repos, et sauf à préciser que les sommes allouées en première instance et confirmées sont fixées au passif de la liquidation judiciaire de la société JFM Conseils ;
Confirme sur le surplus le jugement entrepris en ses dispositions soumises à la cour ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Fixe la créance de M. [G] au passif de la liquidation judiciaire de la société JFM Conseils aux sommes suivantes :
– 18 885,89 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires à 50%, outre 1 888,58 euros au titre des congés payés afférents,
– 37 703,18 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires à 25%, outre 3 270,31 euros au titre des congés payés afférents,
– 36 836,61 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos outre 3 683,66 euros au titre des congés payés afférents,
– 3 571,24 euros à titre de rappel d’heures de trajet excédentaires domicile-lieu de travail outre 357,12 euros au titre des congés payés afférents,
– 150 euros net à titre de dommages et intérêts pour violation des durées maximales du travail et absence de respect du droit au repos ;
– 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance ;
Déboute M. [G] de sa demande de rappel de jours de dépassement du forfait ;
Déboute M. [G] de sa demande de condamnation de l’employeur pour exécution déloyale de la convention de forfait jours ;
Dit que les créances de nature salariale allouées porteront intérêts à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires à partir du présent arrêt ;
Dit que les intérêts échus dus au moins pour une année entière seront capitalisés dans les conditions prévues par l’article 1343-2 du code civil ;
Déclare l’arrêt opposable à l’AGS CGEA IDF Est dans les limites et plafonds de sa garantie légale ;
Dit n’y avoir lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;
Condamne la SELARL [B] et Maître [M] en leur qualité de co-liquidateurs judiciaires de la société JFM Conseils, aux dépens d’appel.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.