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20 octobre 2023
Cour d’appel de Toulouse
RG n°
22/01821
20/10/2023
ARRÊT N°2023/387
N° RG 22/01821 – N° Portalis DBVI-V-B7G-OY7J
FCC/AR
Décision déférée du 19 Avril 2022 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MONTAUBAN ( 20/00184)
SECTION COMMERCE – TISSENDIE J-J
[X] [P]
C/
S.A.S. MAISONS DU MONDE FRANCE
infirmation partielle
Grosse délivrée
le 20 10 2023
à Me Jérémie AHARFI
Me Nadine EVALDRE
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 2
***
ARRÊT DU VINGT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTE
Madame [X] [P]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Jérémie AHARFI, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEE
S.A.S. MAISONS DU MONDE FRANCE
prise en la personne de son représentant légal, domicilié ès qualités audit siège [Adresse 3]
Représentée par Me Nadine EVALDRE, avocate au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 Septembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant F. CROISILLE-CABROL, conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
C. BRISSET, présidente
F. CROISILLE-CABROL, conseillère
E. BILLOT, vice-présidente placée
Greffier, lors des débats : A. RAVEANE
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par C. BRISSET, présidente, et par A. RAVEANE, greffière de chambre
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [X] [P] a été embauchée selon contrat de travail à durée déterminée de remplacement par la SAS Maisons du Monde en qualité de vendeuse :
– suivant contrat à durée déterminée à temps partiel du 1er au 4 décembre 2010, renouvelé suivant avenants jusqu’au 31 mars 2011 ;
– suivant contrat à durée déterminée à temps partiel du 1er au 16 avril 2011, renouvelé suivant avenants jusqu’au 5 juin 2011.
Un contrat à durée indéterminée à temps plein a ensuite été conclu à compter du 1er octobre 2013 pour un poste de vendeuse principale, statut employé. Son contrat de travail stipulait un forfait annuel de 1.607 heures de travail soit 151,67 heures mensuelles ou 35 heures hebdomadaires.
Au dernier état de la relation contractuelle, Mme [P] était vendeuse principale au sein du magasin situé au parc commercial d'[Localité 2] à [Localité 4].
La convention collective nationale des commerces de détail non alimentaires est applicable.
Par lettre remise en main propre le 5 décembre 2019, Mme [P] a été convoquée à un entretien préalable au licenciement fixé au 20 décembre 2019, puis elle a été licenciée pour cause réelle et sérieuse par LRAR du 15 janvier 2020. Elle a été dispensée de l’exécution de son préavis de 2 mois, qui lui a été rémunéré. La relation de travail a pris fin au 17 mars 2020. Les bulletins de paie et documents de fin de contrat mentionnaient une ancienneté remontant au 1er décembre 2010.
Le 7 septembre 2020, Mme [P] a saisi le conseil de prud’hommes de Montauban aux fins notamment de paiement de dommages et intérêts pour licenciement abusif et de dommages et intérêts complémentaires.
Par jugement du 19 avril 2022, le conseil de prud’hommes de Montauban a :
– dit que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse,
– débouté Mme [P] de l’ensemble de ses demandes,
– débouté la SAS Maisons du Monde de sa demande reconventionnelle,
– condamné Mme [P] aux dépens de l’instance, et pouvant comprendre notamment le coût de la signification éventuelle par huissier de justice de l’expédition comportant la formule exécutoire et à ses suites auxquelles elle est également condamnée.
Mme [P] a relevé appel de ce jugement le 10 mai 2022, en énonçant dans sa déclaration d’appel les chefs critiqués.
Par conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 22 août 2023, auxquelles il est expressément fait référence, Mme [P] demande à la cour de :
– infirmer le jugement en ce qu’il a dit que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, a débouté Mme [P] de l’ensemble de ses demandes et l’a condamnée aux dépens,
statuant à nouveau :
– juger que la SAS Maisons du Monde a souhaité attribuer un caractère disciplinaire au licenciement de Mme [P] au regard de son courrier en date du 15 janvier 2020,
– juger la rédaction de ‘copié-collé’ dans le courrier de licenciement (au regard du licenciement notifié à Mme [E] [U]),
– juger l’absence de faute personnelle commise par Mme [P] par la SAS Maisons du Monde et susceptible de justifier la rupture de son contrat de travail,
– juger le licenciement de Mme [P] comme dépourvu de toute cause réelle et sérieuse,
– juger fondée la violation par la SAS Maisons du Monde de son obligation de bonne foi dans l’exécution du contrat de travail,
– condamner la SAS Maisons du Monde à verser à Mme [P] les sommes suivantes :
* au titre des dommages et intérêts en raison de la requalification de la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse (9 mois de salaires de référence) : 16.947 €,
* au titre des dommages et intérêts en raison de l’exécution déloyale du contrat de travail : 5.000 €,
* au titre de l’article 700-1 du code de procédure civile : 4.000 €,
outre les dépens de l’instance,
– rejeter l’ensemble des demandes présentées par la SAS Maisons du Monde.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 7 octobre 2022, auxquelles il est expressément fait référence, la SAS Maisons du Monde demande à la cour de :
– confirmer la décision,
– débouter en conséquence Mme [P] de l’ensemble de ses demandes,
Y ajoutant,
– la condamner au paiement de la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux éventuels dépens.
MOTIFS
1 – Sur le licenciement :
En application des articles L 1232-1, L 1232-6 et L 1235-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les termes du litige, le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur et forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute persiste, il profite au salarié. La charge de la preuve de la cause réelle et sérieuse est partagée.
La lettre de licenciement était ainsi motivée :
‘Vous occupez actuellement les fonctions de vendeuse principale au sein de notre magasin de [Localité 4], qui a fait l’objet, comme vous le savez d’une enquête interne réalisée les 25 et 26 novembre 2019 afin de pouvoir entendre l’ensemble des collaborateurs.
Sur l’ambiance générale de travail, il ressort de cette enquête que la majorité des salariés estime que l’ambiance de travail est mauvaise, pesante, tendue voire catastrophique.
Il apparaît incontestable, au regard des conclusions, que vous êtes responsable de cette mauvaise ambiance initiée concrètement par votre communication sèche et agressive, votre attitude inappropriée à l’égard du personnel du magasin et des clients mais également par votre non-respect des procédures internes.
Sur votre attitude et vos propos inappropriés à l’égard des collaborateurs et des clients
Plusieurs salariés ont évoqué le caractère inadapté de votre communication à leur égard, ces derniers soulignant notamment le ton direct, rabaissant voir grossier dont vous pouvez faire usage.
Ainsi, le 18 novembre, et alors que l’une des salariés du magasin refusait d’effectuer une tâche supplémentaire que n’aviez pas eu le temps de réaliser, vous lui avez rétorqué « on ne peut rien te demander aussi ».
La salariée contestant cette remarque, la discussion est devenue plus agressive.
Alors que la salariée s’en allait afin de mettre un terme à ce différend, vous lui avez dit, à deux reprises, « Ta gueule ».
Lorsque la salariée vous a demandé si ces mots lui étaient bien destinés, vous avez indiqué de manière tout à fait ironique : « Non c’est à moi que je dis ta gueule ». Une telle attitude est tout simplement inacceptable.
De plus, il apparaît que vous avez également manqué de respect à l’une des salariées du magasin, cette dernière se sentant ainsi rabaissée par les moqueries prononcées à son égard. Ainsi vous avez pu dire à propos de cette salariée : « Elle ne sert à rien, elle comprend rien, quand est-ce qu’elle se barre ‘ ».
Poursuivant dans votre attitude incorrecte, vous vous êtes moquée de ses problèmes d’audition en l’ignorant et en arguant de manière méprisante « De toute façon elle n’entend rien ».
En outre, votre attitude est sans limite puisque vous allez même jusqu’à insulter votre Directrice Régionale, en indiquant qu’il s’agissait d’une « connasse mal lunée » à la suite de ses passages en magasin au mois d’octobre.
Encore, vous avez pu dire à une hôtesse de caisse qui avait pris l’initiative d’effectuer une commande client en l’absence d’encadrants après plusieurs appels micro : « tu te prends pour qui ‘ tu n’es qu’une caissière, tu dois rester à ta place, tu n’as pas à faire les commandes clients ».
Pire encore, cet été, vous vous êtes ouvertement moquée de deux clients en fauteuil roulant dans le magasin, en indiquant « J’aimerais mettre des serpillères derrière leurs roues pour qu’ils nettoient le magasin ».
Vous comprendrez que nous ne puissions tolérer que vous teniez de tels propos à l’égard de clients, de collaborateurs ou de votre responsable hiérarchique.
Votre attitude et vos propos particulièrement déplacés envers les collaborateurs de notre société ainsi qu’à l’endroit des clients du magasin sont en totale inadéquation avec le comportement exemplaire que nous attendons de la part de chaque membre de l’encadrement.
Vous n’êtes pas sans savoir que conformément au règlement intérieur de notre Société, tout manque de respect vis-à-vis du personnel de la société, des clients et de toute personne en contact avec la société constitue une faute pouvant être sanctionnée.
Vous devez en outre, conformément à votre fiche de poste, être respectueuse dans votre relation avec autrui, adopter une attitude responsable et intègre par rapport à votre poste et à l’entreprise.
Sur le non-respect des procédures internes
Lors de deux visites de votre Directrice Régionale, les 10 et 24 octobre 2019, celle-ci a été contrainte de constater le non-respect de votre part de plusieurs procédures internes à notre société.
Ainsi, lors de son passage en magasin le 10 octobre, votre Directrice a constaté l’absence de saisie en casse depuis le 2 octobre, alors même qu’une dizaine d’articles étaient présents dans le bac des articles à passer en casse.
Or, conformément à votre fiche de poste, vous devez participer à la réduction du taux de démarque de votre magasin (démarque inconnue, casse…) en utilisant les procédures et outils mis à votre disposition.
En outre, conformément au Book Gestion des Stocks, la casse du jour doit être quotidiennement effectuée afin qu’elle soit retirée du stock du magasin.
Par ailleurs, le 8 octobre nous avons été informés de ce que, le 6 septembre 2019 à votre initiative et le 7 septembre 2019 à l’initiative d’une vendeuse principale, deux lots de vases identiques Marley (référence 154890) avaient été saisis en casse.
Or, après vérification par votre directrice régionale, lors de sa visite du 10 octobre 2019, soit plus d’un mois après la saisie en casse, il a été constaté la présence de trois lots de vases Marley référence 154890 dont deux lots en carton en réserve alors que le stock informatique indiquait la présence d’un seul lot. Les deux lots de vase passés en casse les 6 et 7 septembre n’ont donc pas été détruits.
Lors de votre entretien vous avez indiqué avoir saisi un lot en casse et mis de côté un des deux vases pour le service après-vente. Pour autant, le vase passé en casse n’a pas été détruit conformément à la procédure en vigueur et alors même que vous l’aviez saisi informatiquement.
D’autre part, lors de sa visite du 10 octobre 2019, votre directrice régionale a constaté que deux armoires dont l’une contenait les effets personnels de votre directrice, étaient ouvertes. Contre toute attente, elle a constaté la présence d’articles de Noël non réglés dans le casier de votre responsable ouvert.
Lors de l’entretien vous avez reconnu avoir placé ces objets pour faire une « blague » à votre responsable.
Or, vous ne pouvez ignorer que, conformément à l’article 11 du Règlement intérieur de notre société, les armoires doivent être fermées à clef dans la journée. En outre, conformément au Book de Lutte contre la démarque inconnue, aucun article non payé ou achat du personnel ne doit se trouver dans les vestiaires, casiers ou salle de pause.
De plus, votre directrice régionale a pu constater la présence d’un sac Maisons du monde dans le vestiaire du magasin contenant des articles non identifiables (deux anciens modèles de rideaux, sans étiquette ni prix, ni anti-vol) ainsi que divers articles commercialisés par l’enseigne stockés sur les tablettes ou au dessus des armoires (stylos, articles de Noël, boite en carton contenant six verres) et des paniers contenant des articles dans les linéaires de la réserve.
Or, vous ne saurez ignorer l’attention qui est portée, par notre société, à la lutte contre la démarque inconnue.
Ainsi, conformément au Book de Lutte contre la démarque inconnue, aucun article non payé ou achat du personnel ne doit se trouver dans les vestiaires, casiers ou salle de pause. Aucun stockage de marchandise ne doit y être effectué.
Les réservations doivent être isolées et identifiées sur un linéaire dédié au maximum 48 heures.
Nous vous rappelons que, conformément à votre fiche de poste vous devez participer à la réduction du taux de démarque du magasin (démarque inconnue, casse…), respecter et veiller au respect des procédures (caisse, livraisons, visuel, inventaires…).
Le non-respect de l’ensemble de ces procédures n’est pas acceptable compte tenu de vos fonctions et des responsabilités qui en découlent.
Enfin, le lundi 16 décembre 2019, nous avons été informés de ce que vous aviez délibérément signé un planning erroné, mentionnant que vous aviez travaillé le vendredi 13 décembre 2019 de 8h50 à 17h00, alors même que votre directrice vous avait attribué un jour de repos.
L’absence de déclaration d’un tel jour de repos constitue une fraude. Or, nous vous rappelons que, conformément à votre fiche de poste, vous devez adopter une attitude responsable et intègre par rapport vis-à-vis de notre société.
Or, compte tenu de ce qui précède, vos manquements aux procédures internes constituent un manquement grave à vos obligations professionnelles, dès lors que nous sommes légitimement en droit d’attendre de la part de nos encadrants, un comportement exemplaire.
L’ensemble de ces éléments constitue donc un manquement grave à vos obligations professionnelles, dès lors que nous sommes légitimement en droit d’attendre de la part de nos salariés un comportement exemplaire, qui à nos yeux fait aujourd’hui défaut.
Un tel manque de professionnalisme dans l’exercice de vos fonctions ne saurait être accepté et, au regard de l’impact de vos manquements, nous considérons votre comportement comme nécessairement fautif.
En conséquence, l’ensemble de ces éléments rend impossible la poursuite de nos relations contractuelles et justifie votre licenciement pour cause réelle et sérieuse…’
Ainsi, la SAS Maisons du Monde s’est placée sur le terrain disciplinaire de la faute simple constitutive d’une cause réelle et sérieuse.
– Sur l’attitude et les propos inappropriés de Mme [P] à l’égard des collaborateurs et des clients :
Précédemment, Mme [R] vendeuse polyvalente avait évoqué des difficultés avec Mme [P] vendeuse principale ; la société a diligenté une enquête RH et entendu l’ensemble des 10 salariées du magasin de [Localité 4] les 16 et 17 mai 2018. Il ressort du compte-rendu d’enquête que des salariées se plaignaient d’une mauvaise ambiance au sein du magasin, d’un manque de communication en général et notamment de la part de Mme [E] [U] la directrice du magasin, et de propos déplacés de la part de Mme [P] ; les RH préconisaient une intervention afin de sensibiliser Mme [U] à ses obligations en qualité de directrice et sur la nécessité de cadrer Mme [P].
Mme [C], vendeuse polyvalente, et Mme [U], ont lancé de nouvelles alertes et la société a organisé une nouvelle enquête avec audition de 11 salariées et d’une stagiaire les 25 et 26 novembre 2019. Le compte-rendu évoquait l’existence de deux ‘clans’ (d’un côté l’équipe de vente et les ‘visuels’, de l’autre les encadrantes et les hôtesses de caisse) ; le premier clan mettait en cause l’attitude irrespectueuse et ‘ingérable’ de Mme [C] et le second les problèmes de communication et l’attitude agressive et grossière des encadrantes, surtout de Mmes [U] et [P] et dans une moindre mesure de Mme [D] vendeuse principale ; les RH préconisaient un avertissement pour Mme [D] et un licenciement pour Mmes [U] et [P].
Mmes [U] et [P] ont été licenciées le même jour par lettres du 15 janvier 2020, toutes deux pour faute simple constitutive d’une cause réelle et sérieuse, pour partie pour des faits similaires ; le conseil de prud’hommes a, par jugement du 3 décembre 2021 non frappé d’appel, estimé sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Mme [U].
La lettre de licenciement notifiée à Mme [P] ne cite aucun nom de salariées du magasin victimes des propos de Mme [P], ni aucune date hormis celle du ’18 novembre’. Dans ses conclusions, la SAS Maisons du Monde ne le fait pas davantage puisqu’elle se borne à évoquer les auditions de salariées qui déploraient l’ambiance au sein du magasin, le comportement de l’encadrement en général et le comportement autoritaire, cassant et méprisant de Mme [P] en particulier. La cour doit ainsi examiner les pièces versées aux débats :
– s’agissant des propos du 18 novembre 2019, ils concernent Mme [C] ; dans son audition, celle-ci rapporte une altercation qu’elle a eue avec Mmes [U] et [P] pour une tâche à effectuer ; si Mme [C] indique que toutes les deux lui ont dit ‘on ne peut rien te demander’, en revanche il n’est pas possible de savoir laquelle des deux lui a dit ‘ta gueule’ ;
– s’agissant des propos ‘elle ne sert à rien, elle ne comprend rien, elle n’entend rien, quand est-ce qu’elle se barre ”, ils concernent Mme [T] manutentionnaire, mais Mmes [T] et [R] ne les datent pas et elles les attribuent aux trois encadrantes Mmes [U], [P] et [D] sans faire de distinction, or il est peu probable que toutes trois aient prononcé exactement les mêmes paroles ;
– s’agissant des propos ‘connasse mal lunée’, qui sont rapportés par Mme [C], ils concernent la directrice régionale Mme [B] et auraient été tenus hors la présence de cette dernière ; ils ne sont pas datés précisément (‘en octobre’) ; Mme [F] vendeuse polyvalente dit que Mme [P] a qualifié Mme [B] de ‘conne froide et rigide’ ;
– s’agissant des propos ‘tu te prends pour qui ‘ Tu n’es qu’une caissière’, Mme [F] dit en avoir été la cible de la part de Mme [P] ;
– s’agissant des propos concernant des clients handicapés, ils sont certes rapportés par Mme [F] comme ayant été prononcés par Mme [P], mais ne sont pas corroborés par d’autres éléments (par exemple, des attestations de clients).
Mme [P] nie avoir tenu l’ensemble de ces propos.
Lors de leurs auditions au cours des enquêtes, Mmes [U] et [P] et Mme [L] hôtesse de caisse disaient avoir rencontré des difficultés avec Mme [C] qui refusait l’autorité, les dénigrait et contribuait à alimenter une mauvaise ambiance, ce qui tend à discréditer ses dires. Mme [P] produit d’ailleurs l’attestation d’une cliente, Mme [H], qui a assisté à une altercation entre Mme [C] et Mme [P], Mme [H] rapportant que Mme [C] criait en des termes grossiers et que Mme [P] restait calme. Mmes [L] et [U] attestent du comportement respectueux de Mme [P] et du comportement provocateur de Mme [C].
Ainsi, le grief lié au comportement de Mme [P] envers ses collègues et les clients n’est pas suffisamment établi, le doute devant profiter à Mme [P].
– Sur le non-respect des procédures internes :
Les parties s’expliquent d’abord sur un problème de forçage de caisse qui ne figure pas dans la lettre de licenciement de Mme [P] mais dans celle de Mme [U], de sorte que la cour n’examinera pas cette question.
S’agissant de la question des saisies en casse, le book gestion des stocks réglemente la procédure de saisie qui doit être quotidienne. Pour autant, sur le grief lié à l’absence de saisie en casse pendant plusieurs jours, Mme [P] soutient qu’en pratique, au sein de l’enseigne, la saisie en casse ne s’effectuait que lorsque le bac était plein, et elle ajoute que cette saisie incombait aux trois encadrantes (elle-même, Mme [D] et Mme [U]), ce que ne dément pas la SAS Maisons du Monde. Quant aux lots de vases saisis en casse mais non détruits, Mme [P] explique qu’il s’agit d’une simple erreur de saisie en casse, la même référence ayant été saisie plusieurs fois.
S’agissant des articles que Mme [P] a placés dans le casier ouvert de Mme [U], Mme [P] explique qu’il s’agissait d’une plaisanterie faite à sa responsable et que les articles étaient cassés. Quant aux articles se trouvant dans les vestiaires, la cour ignore qui les y a placés et quand, et Mme [P] ne saurait en être tenue responsable uniquement parce qu’elle est vendeuse principale.
Ces griefs ne sont donc pas sérieux.
Enfin, s’agissant de la journée du 13 décembre 2019 que Mme [P] a déclaré comme travaillée en signant le planning (établi à l’avance) alors qu’elle était absente, celle-ci explique qu’elle était en repos compensateur suite à des heures supplémentaires accomplies mais qui ne pouvaient pas être déclarées ; Mme [U] atteste qu’effectivement la SAS Maisons du Monde refuse de payer des heures supplémentaires aux salariés aux 35 heures et qu’il n’existe pas de système pour déclarer ces heures supplémentaires. Ce seul grief ne saurait justifier le licenciement.
Infirmant le jugement, la cour jugera donc le licenciement comme étant sans cause réelle et sérieuse.
– Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Au moment de la notification du licenciement, Mme [P] avait une ancienneté de 9 ans.
Son salaire moyen mensuel brut était de 1.883 €.
Née le 7 décembre 1983, elle était âgée de 36 ans.
Elle justifie avoir été au chômage jusqu’à ce qu’elle retrouve un emploi de conseiller de vente au sein de Leroy Merlin le 8 mars 2021 ; si elle affirme qu’il ne s’agissait que d’un contrat à durée déterminée jusqu’en août 2021, elle n’en justifie pas, pas plus que de sa situation ensuite.
En vertu de l’article L 1235-3 du code du travail, modifié par l’ordonnance du 22 septembre 2017, applicable aux licenciements survenus à compter du 24 septembre 2017, si le licenciement survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, et si l’une des parties refuse la réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité comprise entre un montant minimal et un montant maximal figurant dans un tableau. Selon le tableau, pour une salariée ayant 9 ans d’ancienneté au jour de la notification du licenciement, dans une entreprise comprenant au moins 11 salariés, cette indemnité est comprise entre 3 et 9 mois de salaire brut.
Il sera donc alloué à Mme [P] des dommages et intérêts de 14.000 €.
En application de l’article L 1235-4 du code du travail, si le licenciement du salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, et si le salarié a une ancienneté d’au moins 2 ans dans une entreprise d’au moins 11 salariés, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié du jour de son licenciement au jour du jugement, dans la limite de 6 mois d’indemnités.
Il convient donc d’office d’ordonner le remboursement par l’employeur au Pôle emploi des indemnités chômage à hauteur de 6 mois.
– Sur les dommages et intérêts complémentaires :
Mme [P] fonde sa demande à la fois sur le caractère vexatoire du licenciement et l’exécution déloyale du contrat de travail.
Concernant le licenciement, Mme [P] se plaint d’une enquête effectuée dans un contexte de défiance à son encontre en novembre 2019 alors qu’elle n’avait pas d’antécédent disciplinaire et que Mmes [D] et [C] n’ont pas été licenciées, d’une dispense de préavis et d’une atteinte à sa dignité.
Toutefois, quelles qu’en aient ses conclusions, l’enquête a été réalisée dans le respect du contradictoire, toutes les salariées ayant été longuement entendues et leurs dires consignés ; aucune publicité n’a été donnée ni à l’enquête ni au licenciement de Mme [P] ; le fait qu’elle ait été dispensée de l’exécution de son préavis, qu’elle n’ait pas de passé disciplinaire et que l’employeur n’ait pas licencié Mmes [D] et [C] ne rend pas le licenciement de Mme [P] vexatoire.
Concernant l’exécution du contrat de travail, Mme [P] indique que la société n’a pas mis en place un système de décompte du temps de travail alors que la salariée avait un forfait annuel en heures et travaillait plus de 35 heures par semaine, et que la société refusait de rémunérer les heures supplémentaires.
Or, il convient de rappeler que Mme [P] n’avait pas de convention de forfait-jours et était soumise au régime de droit commun des 35 heures hebdomadaires soit 1.607 heures par an ; la convention collective nationale des commerces de détail non alimentaire laisse l’employeur libre de ses moyens de contrôle du temps de travail et n’impose pas une badgeuse ; en l’espèce, la SAS Maisons du Monde établissait à l’avance des plannings pour chaque salarié, avec les jours et horaires de travail, qu’elle leur faisait ensuite signer, de sorte qu’elle satisfaisait à ses obligations. Si Mme [P] soutient avoir travaillé au-delà des horaires prévus, elle ne justifie d’aucune réclamation antérieure et, lors de la présente procédure, elle ne demande aucun paiement au titre d’heures supplémentaires.
Elle sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts, par confirmation du jugement de ce chef.
2 – Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile :
La SAS Maisons du Monde qui perd au principal supportera les entiers dépens, ses frais irrépétibles et ceux exposés par Mme [P] soit 2.500 €.
PAR CES MOTIFS,
Infirme le jugement, sauf en ce qu’il a débouté Mme [X] [P] de sa demande de dommages et intérêts complémentaires et a débouté la SAS Maisons du Monde de sa demande reconventionnelle, ces dispositions étant confirmées,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Dit que le licenciement de Mme [X] [P] était sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la SAS Maisons du Monde à payer à Mme [X] [P] les sommes suivantes :
– 14.000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 2.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Ordonne le remboursement par la SAS Maisons du Monde à Pôle Emploi des indemnités chômage versées à Mme [X] [P] du jour du licenciement au jour du jugement à hauteur de 6 mois,
Condamne la SAS Maisons du Monde aux dépens de première instance et d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Catherine Brisset, présidente, et par Arielle Raveane, greffière.
La greffière La présidente
A. Raveane C. Brisset.