Violation de clause d’exclusivité : 8 septembre 2022 Cour d’appel d’Orléans RG n° 20/00562

Violation de clause d’exclusivité : 8 septembre 2022 Cour d’appel d’Orléans RG n° 20/00562

8 septembre 2022
Cour d’appel d’Orléans
RG n°
20/00562

C O U R D ‘ A P P E L D ‘ O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE – A –

Section 2

PRUD’HOMMES

Exp +GROSSES le 08 SEPTEMBRE 2022 à

la SELARL LESIMPLE-COUTELIER & PIRES

Me Caroline BOSCHER

XA

ARRÊT du : 08 SEPTEMBRE 2022

MINUTE N° : – 22

N° RG 20/00562 – N° Portalis DBVN-V-B7E-GD2M

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE TOURS en date du 19 Février 2020 – Section : ENCADREMENT

APPELANT :

Monsieur [N] [O]

né le 13 Mai 1966 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Catherine LESIMPLE-COUTELIER de la SELARL LESIMPLE-COUTELIER & PIRES, avocat au barreau de TOURS

ET

INTIMÉE :

S.A.R.L. KIDER STORE SOLUTIONS , SARL à associé unique, immatriculée au RCS de TOULOUSE sous le numéro 804 564 557, prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Caroline BOSCHER, avocat au barreau d’ORLEANS

ayant pour avocat plaidant Me Laurent DUCHARLET de la SELARL LAURENT DUCHARLET, avocat au barreau de TOULOUSE,

Ordonnance de clôture : 12 mai 2022

Audience publique du 19 Mai 2022 tenue par Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller, et ce, en l’absence d’opposition des parties, assisté lors des débats de Mme Karine DUPONT, Greffier,

Après délibéré au cours duquel Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller a rendu compte des débats à la Cour composée de :

Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre, présidente de la collégialité,

Monsieur Alexandre DAVID, président de chambre,

Monsieur Xavier AUGIRON, conseiller.

Puis le 08 Septembre 2022, Madame Laurence Duvallet, présidente de Chambre, présidente de la collégialité, assistée de Mme Karine DUPONT, Greffier a rendu l’arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

M.[N] [O] a été engagé par la société Kider Store Solutions (EURL) selon contrat à durée indéterminée à compter du 4 mai 2015, en qualité de chargé d’affaires.

Le contrat de travail comprenait une ” clause de limitation d’activité ” par laquelle il s’engageait à réserver l’exclusivité de son activité professionnelle à la société Kider Store Solutions, sauf à pouvoir, dans le cadre d’une société dont il était le gérant, proposer des ” produits complémentaires aux produits fabriqués par la société Kider Store Solutions “, à certaines conditions.

Après avoir, par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 novembre 2018, convoqué M.[O] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 19 novembre 2018, avec mise à pied à titre conservatoire, la société Kider Store Solutions lui a notifié par lettre recommandée avec accusé de réception du 22 novembre 2018 son licenciement pour faute grave, invoquant le non-respect de la ” clause de limitation d’activité inscrite au contrat de travail”.

Par requête enregistrée au greffe le 14 décembre 2018, M.[O] a saisi le conseil de prud’hommes de Tours pour contester son licenciement et obtenir le paiement de diverses indemnités. Il invoquait, en outre, la nullité de la convention de forfait-jours prévue au contrat de travail, et demandait le versement d’un rappel de salaire pour des heures supplémentaires accomplies et une indemnité pour travail dissimulé.

Par jugement du 19 février 2020, le conseil de prud’hommes de Tours a :

-dit et jugé que M.[O] avait exercé une activité extérieure non-autorisée et donc un acte déloyal vis-à-vis de son employeur ,

-dit que le licenciement est justifié,

-débouté M.[O] de l’ensemble de ses demandes,

-débouté les demandeur et défendeur de leurs demandes respectives au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.

M.[O] a formé un appel partiel du jugement par déclaration notifiée par voie électronique le 2 mars 2020 au greffe de la cour d’appel.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe le 20 avril 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés conformément à l’article 455 du code de procédure civile, aux termes desquelles M.[O] demande à la cour de :

-Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Tours du 19 février 2020 en ce qu’il a :

-jugé que le licenciement de M.[O] reposait sur une faute grave

-jugé qu’il n’y avait pas de licenciement verbal

-jugé que la clause d’exclusivité était licite

-débouté M.[O] de sa demande de 30 000 € pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

-débouté M.[O] de sa demande de 18 156,47 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, y ajoutant 1815,65 € de congés payés

-débouté M.[O] de sa demande de 5673,90 € d’indemnité de licenciement

-débouté M.[O] de sa demande de 2077,97 € de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, y ajoutant 207,80 € de congés payés

-débouté M.[O] de sa demande de reconnaissance de licenciement vexatoire

-débouté M.[O] de sa demande de 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour rupture vexatoire

-débouté M.[O] de sa demande de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile

-Dire et juger la demande de M.[O] recevable et bien fondée

-Condamner la société Kider Strore Solutions à lui payer les sommes de :

-30 000 € au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse

-14 084,19 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis

-1408,42 € au titre des congés payés afférents

-4401,31 € au titre de l’indemnité de licenciement

-2077,97 € au titre du rappel de salaire sur mise à pied conservatoire

-207,79 € à au titre des congés payés sur mise à pied conservatoire

-10 000 € au titre des dommages-intérêts pour rupture vexatoire

-3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

-Ordonner que les intérêts majorés et capitalisés courent à compter de la saisine du conseil des prud’hommes conformément à ” l’article 1154 du code de procédure civile ”

-Condamner la société Kider Store Solutions à lui remettre les bulletins de paye, certificat de travail et attestation Pôle Emploi rectifiés en application des dispositions qui précèdent dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement, et passé ce délai, sous astreinte de 50 € par document et par jour de retard, que M.[O] pourra faire liquider en sa faveur en saisissant à nouveau la présente juridiction

-Condamner la société Kider Store Solutions aux entiers dépens qui comprendront le cas échéant les frais d’exécution forcée.

Vu les dernières conclusions enregistrées au greffe le 19 avril 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens présentés conformément à l’article 455 du code de procédure civile, aux termes desquelles la société Kider Store Solutions demande à la cour de :

-Confirmer en toutes ses dispositions la décision rendue par le conseil de prud’hommes de Tours du 19 février 2020

-Débouter M.[O] de l’ensemble de ses demandes

-Condamner M.[O] à verser à la société Kider Store Solutions la somme de 6000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Les débats soumis à la cour ne portent que sur certains points ci-dessus détaillés. La décision déférée sera donc confirmée en ses autres dispositions non critiquées et non contraires à une disposition d’ordre public, et notamment celle rejetant les demandes de M.[O] visant à obtenir un rappel de salaire sur les heures supplémentaires qu’il affirmait avoir accomplies et les demandes indemnitaires qui en résultaient.

-Sur le licenciement verbal

Le licenciement verbal, intervenu sans énonciation écrite des motifs du licenciement, est dénué de cause réelle et sérieuse.

M.[O] soutient que son licenciement lui a été notifié verbalement le 6 novembre 2018, la veille de l’envoi de la lettre de convocation préalable au licenciement, qu’il lui a été demandé de ne pas revenir travailler et qu’on lui aurait indiqué qu’il était licencié sur le champ. L’employeur se serait ravisé le lendemain en lui notifiant une simple mise à pied conservatoire, alors pourtant qu’il lui avait été demandé de rendre son téléphone qui lui permettait de se connecter à son VPN et de travailler à distance, alors que son contrat de travail prévoyait qu’il exerçait ses fonctions à son domicile.

La société Kider Store Solutions conteste l’existence d’un licenciement verbal, indiquant que M.[O] ne s’est vu signifier par oral le 6 novembre 2018 qu’une mise à pied conservatoire et non un licenciement.

A cet égard, la cour rappelle que le prononcé d’une mise à pied conservatoire ne suppose pas le respect de la procédure disciplinaire et constate que les parties convergent sur le déroulé des faits en ce qu’il a bien été ordonné à M.[O] dès le 6 novembre 2018 de restituer son téléphone et son ordinateur. Deux témoinages, qui emportent la conviction de la cour, attestent néanmoins de ce qu’on lui a simplement fait part d’une mise à pied.

Il résulte de ces éléments que seule une mise à pied conservatoire a été notifiée oralement à M.[O] dans des conditions procédurales qui ne peuvent pas être critiquées, avant d’être régularisée ensuite par écrit, dans le cadre de la convocation à un entretien préalable à un licenciement.

En effet, la lettre de convocation à un entretien préalable indique : ” nous vous informons que les faits que nous vous reprochons ne nous permettent pas de vous maintenir au sein de notre entreprise pendant la durée de la procédure. Nous vous confirmons la mesure de mise à pied conservatoire qui vous a été notifié verbalement le 6 novembre 2018 à 13h30 “, ce qui n’est pas critiquable.

Par ailleurs, la remise du téléphone et de l’ordinateur était le seul moyen pour l’employeur de matérialiser cette mise à pied, le contrat de travail prévoyant que le salarié travaillerait à son domicile ; une telle mise à pied constituait une suspension temporaire du contrat de travail, ce qui nécessairement implique que les moyens de travail du salarié lui soient retirés. Il n’est donc pas possible d’en déduire qu’il s’agissait pour l’employeur de rompre définitivement le contrat de travail, en l’absence de démonstration de ce qu’un tel licenciement ait été oralement notifié à M.[O].

C’est pourquoi le moyen soulevé par M.[O], tiré de l’existence d’un licenciement verbal, sera rejeté.

-Sur la ” clause de limitation d’activité ”

Le contrat de travail de M.[O] présente une “clause de limitation d’activité ” rédigée comme suit :

” Pendant toute la durée de son contrat, M.[O] s’engage à réserver l’exclusivité de son activité professionnelle à la société Kider Store Solutions. Cependant, il est convenu que M.[O], gérant de la société D-Consulting, peut, au nom de sa société, proposer dans un dossier commercial des produits complémentaires aux produits fabriqués par Kider Store Solutions et ceci dans l’unique but d’augmenter la qualité de prestation du dossier concerné et d’aider Kider Store Solutions dans la commercialisation de ses produits.

Néanmoins, à l’exclusion de son activité non salariée dans sa société D-Consulting, M.[O] ne pourra avoir par ailleurs aucune autre occupation professionnelle, même non-susceptible de concurrencer les activités de la société Kider Store Solutions ou du groupe Kider Store Solutions “.

M.[O] relève que cette clause présente un caractère illicite, compte tenu de son caractère général, du fait qu’elle ne serait pas indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’employeur et qu’elle ne serait pas nécessaire en raison de la nature de la tâche à accomplir et de la proportionnalité au but recherché, en raison de l’emploi occupé d’attaché commercial. Il ajoute que l’activité de la société D.Consulting a été autorisée par le contrat de travail et même souhaitée par l’employeur.

La société Kider Store Solutions réplique que ce ne sont pas ses activités en tant que gérant de la société D.Consulting qui lui sont reprochées, mais que M.[O] lui ait caché qu’en sus de cette activité, il travaillait comme agent commercial de l’agence immobilière Efficity et que de nombreuses annonces immobilières porteraient ses coordonnées. Elle affirme que la clause de limitation d’activité est précise puisqu’elle vise les deux activités professionnelles de M.[O] en proscrivant qu’il en exerce une 3ème , ajoutant que cette clause ne posait pas d’interdiction absolue puisqu’elle autorisait celle de gérant de la société D.Consulting. Elle fait valoir que l’importance des fonctions exercées par M.[O] au sein de la société Kider Store Solutions ne lui permettait pas d’exercer une autre activité et que c’est pour préserver ses intérêts légitimes que la clause de limitation d’activité a été insérée au contrat de travail. Elle invoque la force obligatoire des contrats résultant de l’article 1103 du code civil et la violation par M.[O] de son obligation de loyauté, quand bien même la clause d’exclusivité serait nulle. Il est en outre reproché à M.[O] d’avoir utilisé les outils de travail mis à disposition par la société Kider Store Solutions pour ses autres activités.

Une clause d’exclusivité a pour objet d’interdire la possibilité pour le salarié, pendant l’exécution du contrat de travail, d’exercer une autre activité professionnelle. Elle n’est valable, nonobstant la force obligatoire résultant de sa conclusion, que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise et si elle est justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché.

La clause litigieuse, interdisant toute autre activité à M.[O] que celle consistant à accompagner la commercialisation de la société Kider Store Solutions, par l’intermédiaire de sa propre société, présente un caractère suffisamment restrictif pour constituer une clause d’exclusivité, en sorte que les conditions posées par la jurisprudence doivent s’appliquer.

A cet égard, la cour constate que cette clause interdit à M.[O] toute autre activité professionnelle, même non-concurrente de celle de l’employeur. Elle présente donc un caractère très restrictif. Elle présente également un caractère général, puisqu’elle ne précise pas les contours exacts de l’interdiction qu’elle pose. Seule l’autorisation d’exercer une activité en rapport direct avec son emploi salarié étant précisée, le champ de l’interdiction est infini. Enfin, la clause prohibe toute activité dans des secteurs sans rapport avec celle exercée par la société Kider Store Solutions. Ainsi, cette clause n’apparaît pas indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’employeur. Enfin, elle n’est pas justifiée par la nature des fonctions de M.[O], qui ne s’opposent pas nécessairement par principe avec toute autre activité professionnelle quelle qu’elle soit.

Cette clause est donc nulle et ne peut trouver application.

– Sur le licenciement pour faute grave

Il résulte de l’article L.1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Le motif inhérent à la personne du salarié doit reposer sur des faits objectifs, matériellement vérifiables et qui lui sont imputables.

L’article L.1235-1 du code du travail prévoit qu’en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Enfin, la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et qui justifie la rupture immédiate de son contrat de travail, sans préavis ; la charge de la preuve pèse sur l’employeur.

La cour relève en premier lieu que compte tenu de la nullité de la clause d’exclusivité figurant au contrat, sa violation ne pouvait être utilement invoquée par l’employeur à l’appui du licenciement de M.[O].

Par ailleurs, la lettre de licenciement fixe les termes du litige et interdit au juge d”examiner d’autres griefs que ceux qui y sont exprimés.

En l’espèce, hormis la violation de la clause d’exclusivité, la société Kider Store Solutions soulève dans ses écritures des griefs tenant à la violation par M.[O] de son obligation de loyauté ou l’utilisation par M.[O] des moyens mis à sa disposition pour exercer ses autres activités.

Ces griefs ne sont pas évoqués par la lettre de licenciement, qui ne vise que la violation de la clause de limitation d’activité, frappée de nullité, de sorte qu’ils ne peuvent pas fonder le licenciement.

Celui-ci sera, par voie d’infirmation, considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.

– Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse

– sur l’indemnité de préavis et les congés payés afférents :

L’article L.1234-5 du code du travail prévoit que l’indemnité de préavis correspond aux salaires et avantages que le salarié aurait perçus s’il avait accompli son travail jusqu’à l’expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise. Elle doit tenir compte notamment des heures supplémentaires habituellement accomplies.

M.[O] réclame à ce titre le paiement d’une indemnité équivalente à 3 mois de salaire, conformément à l’article 36 de la convention collective nationale des commerces de gros qui prévoit une durée de préavis de trois mois pour les cadres.

La société Kider Store Solutions sera condamnée à payer à M.[O] la somme de 14 084,19 € à ce titre, outre 1408,42 € titrent des congés payés afférents.

– sur l’indemnité de licenciement

Les articles L.1234-9 et R.1234-2 du code du travail, dans leur version issue de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, applicable à l’espèce, prévoient, pour les salariés de 8 mois d’ancienneté ininterrompus, une indemnité de licenciement égale à 1/4 de mois de salaire par année d’ancienneté, pour les années jusqu’à 10 ans, et 1/3 de mois de salaire pour les années à partir de 10 ans.

L’article 37 de la convention collective nationale des commerces de gros prévoyant des dispositions moins favorables, il sera fait application des dispositions légales et réglementaires, de sorte que la société Kider Store Solutions sera condamnée à payer la M.[O] la somme de 4401,31 € d’indemnité de licenciement, somme d’ailleurs non contestée par l’employeur.

– sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

L’article L.1235-3 du code du travail, dans sa version issue de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, prévoit, compte tenu de l’ancienneté de l’intéressé dans l’entreprise, et de la taille de l’entreprise, supérieure à 10 salariés une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre 3 et 4 mois de salaire brut, comme le relève la société Kider Store Solutions.

Au regard des éléments soumis à la cour, compte tenu de l’âge du salarié, de son ancienneté, de ses perspectives de retrouver un emploi, la somme de15 000 euros brut réparera justement le préjudice résultant du licenciement sans cause réelle et sérieuse.

-sur les demandes relatives à la mise à pied conservatoire

Le licenciement étant dénué de cause réelle et sérieuse, la mise à pied à titre conservatoire qui l’a précédée n’était pas justifiée, en sorte que la demande de rappel de salaire et de congés payés afférents formée par M.[O] sera accueillie et la société Kider Store Solutions condamnée à lui payer les sommes respectives de 2077,97 euros et 2017,79 euros.

-sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire

M.[O] affirme, sans le démontrer, que son licenciement lui aurait été annoncé oralement, qu’il a été humilié compte tenu de ce que son téléphone et son ordinateur portable lui ont été repris sur le champ.

La cour considère que ces circonstances ne présentent aucun caractère vexatoire, la remise de ses effets professionnels étant justifiée par la mise en oeuvre de la mise à pied conservatoire. M.[O] sera débouté de sa demande en paiement de dommages-intérêts à ce titre.

– Sur la remise des documents de fin de contrat

La remise des documents de fin de contrat conformes à la présente décision sera ordonnée.

Aucune circonstance ne permet de considérer qu’il y ait lieu d’assortir cette disposition d’une mesure d’astreinte pour en garantir l’exécution.

– Sur les intérêts légaux et la demande de capitalisation des intérêts

Les sommes de nature salariale allouées à M.[O] porteront intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2018, date à laquelle la société Kider Store Solutions a accusé réception de sa convocation à comparaître à l’audience de conciliation. Les sommes de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du jour où elles ont été judiciairement fixées, soit le 8 septembre 2022. L’intérêt légal sera majoré après l’expiration délai de deux mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu exécutoire, en application de l’article L.313-3 du code monétaire et financier.

Les conditions de l’article 1343-2 du code civil étant remplies, il convient de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts formée par le salarié dans les conditions de ce texte.

– Sur l’article L.1235-4 du code du travail

En application de ce texte, il convient d’ordonner le remboursement par l’Adapei à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à M.[O] du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de 3 mois d’indemnités de chômage.

– Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

La solution donnée au litige commande de condamner la société Kider Store Solutions à payer à M.[O] la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Kider Store Solutions sera déboutée de sa propre demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

S’agissant de la demande de condamnation aux frais d’exécution, il sera rappelé que le titre servant de fondement aux poursuites permet le recouvrement des frais de l’exécution forcée qui sont à la charge du débiteur.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu le 19 février 2020 par le conseil de prud’hommes de Tours, mais seulement en ce qu’il a débouté M.[N] [O] de sa demande de rappel de salaire au titre d’heures supplémentaires et des demandes indemnitaires afférentes, et de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire ;

Infirme ce jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et ajoutant,

Dit que licenciement dont M.[N] [O] a été l’objet est dénué de cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société Kider Store Solutions à payer à M.[N] [O] les sommes suivantes :

-dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

15 000 euros

-indemnité de préavis : 14 084,19 euros

-congés payés sur préavis : 1408,42 euros

-indemnité de licenciement : 4401,31 euros

-rappel de salaire sur mise à pied : 2077,97 euros

-congés payés afférents : 207,79 euros

Dit que les sommes de nature salariale allouées à M.[N] [O] porteront intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2018 et dit que les sommes de nature indemnitaire porteront intérêts à compter du 8 septembre 2022, avec majoration après l’expiration délai de deux mois à compter du jour où l’arrêt sera devenu exécutoire ;

Ordonne la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil ;

Ordonne la remise d’un bulletin de salaire, d’un certificat de travail et d’une attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision, et dit n’y avoir lieu à mesure d’astreinte ;

Condamne la société Kider Store Solutions à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage versées à M.[N] [O] du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de 3 mois d’indemnités de chômage ;

Condamne la société Kider Store Solutions à payer à M.[N] [O] la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la société Kider Store Solutions de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la condamne aux dépens de première instance et d’appel.

Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre, président de la collégialité, et par le greffier

Karine DUPONT Laurence DUVALLET

 


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