Violation de clause d’exclusivité : 21 mars 2023 Cour d’appel de Chambéry RG n° 22/00006

Violation de clause d’exclusivité : 21 mars 2023 Cour d’appel de Chambéry RG n° 22/00006

21 mars 2023
Cour d’appel de Chambéry
RG n°
22/00006

COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 21 MARS 2023

N° RG 22/00006 – N° Portalis DBVY-V-B7G-G4FY

S.A.R.L. [U] EXPANSION SALLANCHES DARTY

C/ [Y] [T]

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BONNEVILLE en date du 13 Décembre 2021, RG F 20/00096

APPELANTE ET INTIMEE INCIDENTE

S.A.R.L. [U] EXPANSION SALLANCHES (DARTY)

[Adresse 1]

[Localité 4]

prise en la personne de son représentant légal

Représentée par Me Jean-Marie LAMOTTE de la SELARL LAMOTTE & AVOCATS, avocat au barreau de THONON-LES-BAINS

INTIME ET APPELANT INCIDENT

Monsieur [Y] [H] [T]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Carole MARQUIS de la SELARL BJA, avocat au barreau d’ANNECY

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue en audience publique le 21 Février 2023, devant Monsieur Frédéric PARIS, Conseiller désigné par ordonnance de Madame la Première Présidente, qui s’est chargé du rapport, les parties ne s’y étant pas opposées, avec l’assistance de Madame Sophie MESSA, Greffier lors des débats, et lors du délibéré :

Monsieur Frédéric PARIS, Président,

Monsieur Cyril GUYAT, Conseiller,

Madame Isabelle CHUILON, Conseiller,

********

Copies délivrées le :

FAITS ET PROCÉDURE

M. [Y] [T] a été engagé par la société Tourier Expansion Sallanches sous contrat à durée indéterminée du 6 novembre 2017 en qualité de conseiller vente moyennant un salaire mensuel fixe de 1521,25 € bruts et une partie variable.

La société exploite le magasin Darty de Sallanches.

Au dernier état de la relation contractuelle, le salarié percevait un salaire mensuel brut de 2650 €.

L’effectif de la société est de moins de onze salariés.

A compter du 1er octobre 2019, le salarié est placé en arrêt de travail, arrêt prolongé jusqu’au 1er janvier 2020.

Lors de la visite de reprise du 20 décembre 2019, le médecin du travail émet l’avis suivant : ‘Inapte au poste, à revoir le 2 janvier 2020″.

Le médecin du travail confirmait cet avis le 2 janvier 2020 : ‘Inapte au poste/inapte à tout poste dans l’entreprise.’.

Après avoir contesté cet avis et saisi le juge des référés, elle a renoncé à poursuivre cette procédure.

Le salarié a été licencié pour inaptitude par lettre du 15 avril 2020.

Contestant son licenciement, le salarié a saisi le conseil des prud’hommes de Bonneville le 4 août 2020 à l’effet d’obtenir diverses indemnités.

Par jugement du 13 décembre 2021 le conseil des prud’hommes a :

– dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse,

– condamné la société [U] Expansion Sallanches à payer à M. [T] les sommes suivantes :

* 4027,74 € de rappel de salaire, et 402,77 € de congés payés afférents,

* 5370,32 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 537,03 € de congés payés afférents,

* 500 € à titre de dommages et intérêts pour violation de l’article L 1226-4 du code du travail ,

* 9000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– ordonné la remise des bulletins de paie et des documents de rupture rectifiés sous astreinte de 50 € par jour de retard un mois après la notification et dit qu’il se réservait la liquidation de l’astreinte,

– ordonné l’exécution provoisire,

– débouté M. [T] du surplus de ses demandes,

– débouté la société [U] Expansion Sallanches de ses demandes,

– condamné la société [U] Expansion Sallanches aux dépens.

La société [U] Expansion Sallanches a interjeté appel par déclaration du 3 janvier 2022 au réseau privé virtuel des avocats en visant toutes les dispostions du jugement excepté celle rejetant le surplus des demandes du salarié.

M. [T] a formulé appel incident.

Par conclusions notifiées le 14 décembre 2022 auxquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et de ses moyens la société [U] Expansion Sallanches demande à la cour de :

– statuant à nouveau,

– débouter M. [T] de sa demande au titre du harcèlement moral et à titre subsidiaire de sa demande au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail,

– le débouter de sa demande de nullité du licenciement,

– dire et juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,

– débouter M. [T] de ses demandes,

– condamner M. [T] à lui payer la somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour violation de la clause d’exclusvité et plus généralement de son défaut de loyauté,

-condamner M. [T] à lui payer la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient en substance que le salarié avant le licenciement ne s’est jamais plaint de harcèlement moral.

Le salarié n’a pas subi de pressions, il a accepté les fonctions de responsable logistique et n’a jamais fait état d’épuisement.

Les litiges prud’homaux dont il fait état n’ont rien à voir avec la présente procédure.

Les attestations produites émanant d’anciens salariés qui étaient en litige avec la société ne sont pas probantes.

Elle produit des attestations en sa faveur.

L’abandon de la contestation de l’avis d’inaptitude n’est pas un agissement d’harcèlement moral.

La société était fondée à engager une procédure disciplinaire qu’elle a abandonné, pour manquement à la clause d’exclusivité.

Les arrêts maladie du salarié sont établis pour maladie simple. Les certificats médicaux ne peuvent établir un lien de causalité entre une possible pathologie et les conditions de travail.

Des certificats médicaux ne peuvent conclure que la souffrance au travail ou l’état dépressif résultent d’un harcèlement moral. Ils seront donc écartés des débats.

La déloyauté soutenue en subsidiaire n’est pas plus établie.

Sur le licenciement, si le médecin du travail n’a pas coché la case ‘impossiblité de reclassement’, il indique en revanche que le salarié est inapte à tout poste dans l’entreprise.

L’impossibilité de reclassement résulte de l’avis d’inaptiude à tout poste.

Subsidiairement l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sera fixée au minimum prévu de l’article L 1235-3 du code du travail.

Aucune indemnité de préavis n’est due en raison de l’inaptitude.

Sur le rappel de salaire, elle a payé les salaires dus faisant suite au mois suivant l’inaptitude, elle verse des justificatifs. Aucun dommages et intérêts ne saurait être dus pour non respect de l’article L L 1226-4 du code du travail.

Elle est fondée dans sa demande renconventionnelle pour violation de la clause d’exclusivité.

Par conclusions notifiées le 10 juin 2022 auxquelles la cour renvoie pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et de ses moyens, M. [T] demande à la cour de :

– juger que la moyenne des salaires est de 2685,16 € bruts,

– infirmer le jugement sauf sur l’indemnité de préavis, le rappel de salaire, le rejet des dommages et intérêts pour violation de la clause d’exclusivité , la condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

statuant à nouveau,

– condamner la société [U] Expansion Sallanches à lui payer les sommes suivantes :

* 15 000 € nets à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral ou exécution déloyale,

* 24 166 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, correspondant à neuf mois de salaires, ou à titre subsidaire la même somme pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 2685,16 € pour licenciement irrégulier,

* 1000 € nets pour violation de l’article L 1226-4 du code du travail.

* 2500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– ordonner sous astreinte la remise des bulletins de paie et des documents de rupture,

– dire que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter du jour de la demande.

Il fait valoir qu’il a été surchargé de travail en cumulant deux postes de travail.

Cette surcharge est liée au systéme pernicieux de rémunération mis en place par l’employeur.

Il est contraint de continuer la vente s’il veut maintenir son niveau de rémunération.

L’employeur fixe des objectifs illusoires.

Ce systéme de rémunération est un mode de pression évident.

L’employeur refuse de verser aux débats le registre du personnel montrant le turn over important dans les magasins qu’il gère dans la région.

Il produit des attestations de salariés qui établissent que M. [U] instaurait un management par la peur. Il fait des réflexions, il fait pression et hurle sur le personnel.

En ayant contesté l’avis d’inaptitude, et en abandonnant ensuite la procédure l’employeur a fait pression sur le salarié.

Malgré l’arrêt de travail, l’employeur a engagé une procédure disciplinaire pour prétendue violation de la clause d’exclusivité alors qu’il n’a jamais eu d’activité de négociateur immobilier.

L’employeur ne s’est basé que sur des informations collectées sur facebook et Lindekln, et ne l’a pas interrogé sur ce point.

Il a abandonné cette procédure en avançant comme raison le confinement.

Il s’agissait d’un prétexte pour faire pression sur lui et le forcer à quitter la société.

Ces pressions et ces manquements ont conduit à des arrêts maladie et des troubles.

Si le harcèlement n’est pas retenu, le juge retiendra la déloyauté de l’employeur.

Son inaptitude trouve sa cause dans les actes de harcèlement moral subis.

Subsidiairement, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, car l’employeur n’a pas consulté le comité social et économique. Il conteste que l’effectif est inférieur à onze salariés et met en demeure l’employeur de produire son registre du personnel.

L’employeur n’a en outre effectué aucune recherche de reclassement sérieuse.

La seule mention inapte à tout poste n’exonérait pas l’employeur de son obligation de reclassement, notamment au sein des autres entreprises du groupe.

La société n’a pas mentionné l’impossibilité de reclassement dans la lettre de licenciement.

Il a subi un préjudice important résultant du licenciement.

En cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, le barème de l’article L 1234-1 du code du travail sera écarté, motif pris qu’il a droit de percevoir une indemnité réparant son préjudice de façon adéquate conformément à la convention 158 de l’organisation internationale du travail et à la charte sociale européenne.

Il a droit à une indemnité de préavis.

Sur l’irrégularité du licenciement, l’employeur n’a pas fait connaître au salarié les motifs s’opposant à son reclassement.

L’employeur n’a pas maintenu le salaire après l’expiration du délai d’un mois suivant l’avis d’inaptitude. A la lecture des bulletins de paie, ce salaire n’a pas été versé. Il a subi en plus un préjudice résultant du non paiement de ce salaire.

Sur la demande reconventionnelle de l’employeur, ce dernier ne prouve pas qu’il a eu une activité professionnelle distincte.

De plus la clause d’exclusivité n’était pas indispensable à la protection des intérêts légitime de l’employeur et n’est donc pas valable.

L’instruction de l’affaire a été clôturée le 16 décembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le salarié reprochant un harcèlement moral à son employeur en lien avec son inaptitude, il convient de rechercher si des agissements d’harcèlement moral sont établis et si l’inaptitude est partiellement liée à ce harcèlement moral.

L’article L 1152-1 du code du travail dispose : ‘Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.’.

L’employeur doit veiller à ce que ses salariés n’adoptent pas des agissements de harcèlement moral et prendre toutes dispositions pour prévenir ou faire cesser ce type de comportement.

En application de l’article L 1154-1 du code du travail cas de litige, il appartient d’abord au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement ; que l’employeur doit ensuite prouver que ces faits ne sont pas constitutifs d’un harcèlement moral et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étranger à tout harcèlement.

Les méthodes de gestion dès lors qu’elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible notamment de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, ou d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel peuvent caractériser un harcèlement moral.

Le juge doit considérer les faits pris dans leur ensemble pour apprécier s’ils permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral.

L’article L 1152-2 du même code prévoit notamment qu’aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte ‘pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.’.

L’article L 1152-3 dispose que ‘toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L 1152-1 et L 1152-2 L 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire L 1152-2 est nul.’.

En l’espèce, l’employeur a abandonné la procédure disciplinaire ainsi qu’il ressort de sa lettre en date du 30 mars 2020.

Le salarié produit l’attestation de M. [L] [A] ancien directeur du magasin Dardy où il travaillait ; ce témoin précise que l’employeur pratiquait un management par la peur, qu’il ne saluait pas le matin, hurlait après les salariés, qu’il utilisait des expressions comme ‘je vais lui en coller une’, qu’il disait qu’il n’avait aucune confiance dans le personnel, qu’ils étaient sous caméra et voyait tout.

Le témoin dénonce des conditions de travail, que les salariés devaient faire de la vente, que les fiches horaires étaient souvent modifiées. Il affirme que l’humain n’existe pas dans l’entreprise, et que la situation est semblable dans les autres magasins gérés par l’employeur.

M. [X] [G] technicien commercial ayant travaillé comme directeur multi-site dans la société et licencié atteste que M. [U] avait des comportements insupportables, qu’il détournait ainsi la vidéo surveillance pour surveiller ses employés, qu’il effectuait des appels incessants lors des journées pour soi disant mettre une pression positive sur les salariés.

Le témoin qualifie cette pression de harcèlement, que les cadres étaient souvent appelés ‘pour demander d’aller en coller une à un tel ou un tel’. Il précise que ‘les sujets présentés comme légitimes (chiffre d’affaires, attachements de services ou d’accessoires, ne sont pas abordés avec respect,…mon expérience passée me permet d’attester que tous les collaborateurs subissaient des pressions et des propos exagérés, anormaux, injustes, destructeurs psychologiquement (nous sommes plusieurs à en avoir fait les frais, pour ma part, une hospitalisation d’urgence, un burn out… [Y] n’est ni plus, ni moins qu’une victime supplémentaire…’.

M. [C] [F] assure avoir lui même subi ce type de comportement.

M. [E] [V] ancien directeur des achats confirme que l’employeur adoptait un management inapproprié ; qu’il agressait les salariés, qu’il a été agressé verbalement de nombreuses fois par l’employeur et qu’il se comportait de la même façon avec tous les salariés.

Il ajoute que l’employeur demandait à M. [T] des objectifs inatteignables alors qu’il avait un poste de responsable logistique qui lui prenait 75, 80 % de son temps. Il dénigrait le personnel, y compris les cadres, humuliait publiquement au point de pousser aux larmes, qu’il faisait des appels à la délation, effectuait des menaces à peine voilées pour obtenir des témoignages, qu’il donnait des ordres et des contre ordres. Il cite : A titre d’exemple un matin juste avant l’ouverture du magasin, M. [W] [U] a humilié un nouvel employé..devant tout le personnel au point que celui-ci est parti travailler en pleurant. Très fier de lui, il s’est tourné vers le reste du personnel avec un large sourire et nous a dit : ‘ça c’est du management tu en prends un au hasard, le matin, tu le défonces après ça tout le monde va bosser et se tenir à carreaux toute la journée.’.

Le témoin dénonce un turn over important, causé par ce harcèlement.

Il a entendu M. [U] parler à son épouse en refusant avec des mots très durs et sur un ton de colère de recevoir M. [T] qui se plaignait d’une erreur sur son salaire.

L’employeur lui a demandé un témoignage contre M. [T]. Il l’a entendu dicter ou diriger le sens de témoignages qu’il sollicitait pour constituer des dossiers contre ses employés.

M. [O] [B] témoigne avoir subi aussi un management agressif et un harcèlement, ce qui l’a conduit à une dépression et une inaptitude. Il a subi avec M. [T] ‘le même stress interne au quotidien et ceci pendant une longue période. Nous avons été confronté à des licenciements abusifs de plusieurs collaborateurs, à l’obligation de rédiger des courriers contre nos anciens collègues avec interdiction de sortie du magasin, aux paroles rabaissantes de M. [U] [W] avec une fréquence de travail intense et abusive…’.

Le médecin du travail, le docteur [P] [S] du Service interentreprises Santé travail dans un rapport du 14 novembre 2019 établi dans le cadre du dossier de M. [B] a décrit la situation vécue par les salariés : ‘Le scénario est sensiblement le même pour tous : les salariés sont dans un premier temps accueillis chaleureusement par leur employeur qui lui propose un salaire généreux et des primes ! Les salariés se mettent au travail sans compter leur peine, ni les heures réalisées…Puis l’employeur change complètement d’attitude. Il devient agressif, les humilie devant les collègues et les clients. Le salarié découvre le mois suivant une diminution drastique de son salaire. Généralement l’employeur obtient de la part des nouveaux des témoignages contre le salarié harcelé et le menace de licenciement pour faute. Des salariés se sont trouvés ainsi dans la situation où ils avaient témoigné contre leur chef, puis devenant chef sont devenus victimes des témoignages des nouveaux venus. Je vous laisse imaginer l’aspect délétère de l’ambiance !’.

Le salarié produit des arrêts de travail motivés par la souffrance au travail, ou anxiété par rapport à sa situation de travail.

Le salarié a été mis à pied à titre conservatoire le 12 mars 2020 dans le cadre d’une procédure disciplinaire pour avoir exercé une activité professionnelle de négociateur immobilier en violation de la clause d’exclusivité figurant dans le contrat de travail.

Il produit un avis de son médecin traitant certifiant qu’il est suivi depuis le 1er octobre 2019 dans le cadre d’une anxiété suite à de la souffrance au travail et que son état justifie une inaptitude, et qu’un suivi par un psychiatre est en cours.

Mme [I] [Z] atteste que son fils s’était investi dans son travail mais il subissait une pression, sacrifiait sa vie de famille et s’est épuisé.

Le salarié présente donc des éléments de fait pris dans leur ensemble laissant supposer l’existence d’un harcèlement moral.

Si l’employeur était libre d’abandonner la contestation de l’avis d’inaptitude et que cela ne constitue pas un agissement d’harcèlement moral, la mise à pied subie par le salarié pour violation de la clause d’exclusivité ne reposait que sur des extraits de compte facbook et de fiches likedin, sans autres éléments.

Dès lors, bien que le contrat de travail stipulait une clause d’exclusivité nonobstant sa validité, une mise à pied conservatoire sans avoir pris contact avec le salarié apparaît disproportionnée et ne repose sur aucun élément objectif étranger à tout harcèlement moral.

L’employeur pour écarter tout harcèlement managérial se contente d’affirmer que les attestations produites ne sont pas probantes. Elles sont pourtant concordantes et précises en ce que les témoins attestent d’un management agressif, inapproprié et non respectueux que tous les salariés subissaient y compris M. [T].

Ce comportement managérial n’est justifié par aucun élément objectif étranger à tout harcèlement.

Le salarié a subi un préjudice psychologique du fait du harcèlement moral subi, il lui sera alloué de ce chef la somme de 5000 € nets à titre de dommages et intérêts.

L’inaptitude du salarié fait suite à une souffrance au travail résultant d’un management harcelant ainsi qu’il ressort des éléments médicaux suscités.

Le licenciement pour inaptitude est dès lors nul.

Le salarié percevait un salaire mensuel brut de 2685 €. Il bénéficiait d’une ancienneté de plus de deux années.

Il a droit au minimum à des dommages et intérêts pour licenciement nul équivalents à six mois de salaire.

Au regard de ces éléments, il convient d’accorder au salarié des dommages et intérêts de 21 480 € correspondant à huit mois de salaires.

Le jugement allouant une indenmité de préavis sera confirmé.

Sur le rappel de salaire après le mois suivant l’avis d’inaptitude, il appartient à l’employeur qui ne conteste pas le principe de sa dette de justifier de s’être libéré de cette obligation.

Le bulletin de salaire de mars 2020 ne mentionne pas le salaire du mois de mars.

Il n’est pas établi que le solde de tout compte comprend les salaires du 1er mars au 15 avril 2020.

Le jugement condamnant l’employeur au rappel de salaire sera confirmé.

L’employeur n’établit pas avoir payé les rappels de salaire, le retard est donc important ; le salarié n’a pu bénéficier de ressources nécessaires pour assumer ses besoins.

Le salarié a donc subi un préjudice du fait du non paiement du salaire à l’issue du délai d’un mois après la visite médicale de reprise.

Il lui sera alloué une des dommages et intérêts de 1000 € pour violation de l’article L 1226-4 du code du travail.

Sur la demande d’indemnité pour irrégularité de procédure, la chambre sociale de la cour de cassation a jugé que l’indemnité pour l’absence d’information du salarié des motifs s’opposant à son reclassement ne se cumulait pas avec des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ou sérieuse (Cass soc 23 octobre 2001 n° 99-40.126).

La demande pour non respect de l’article L 1226-2-1 du code du travail sera dès lors rejetée et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande renconventionnelle de l’employeur, cette demande liée à l’exécution du contrat de travail est recevable.

Elle n’est en revanche pas fondée, la clause d’exclusivité n’étant en aucun cas indispensable à la protection des intérêts de l’employeur, l’exercice d’un autre travail par le salarié dans un domaine différent ne compromettant en rien l’exploitation des magasins Dardy gérés par l’employeur. Aucun préjudice n’est en outre établi. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Les intérêts au taux légal seront dus à compter de la demande en ce qui concerne le rappel de salaires et l’indemnité de préavis, et à compter du présent arrêt sur les dommages et intérêts.

L’employeur devra enfin remettre les bulletins de salaaire de mars et avril 2020, et les documents de rupture, sous astreinte de 50 € par jour de retard, passé un délai d’un mois après la signification du présent arrêt.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi ;

CONFIRME le jugement du 13 décembre 2021 rendu par le conseil des prud’hommes de Bonneville en ce qu’il a :

– condamné la société [U] Expansion Sallanches à payer à M. [T] les sommes suivantes :

* 4 027,74 € de rappel de salaire, et 402,77 € de congés payés afférents,

* 5 370,32 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 537,03 € de congés payés afférents,

* 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné la remise des bulletins de paie et des documents de rupture rectifiés sous astreinte de 50 € par jour de retard un mois après la notification et dit qu’il se réservait la liquidation de l’astreinte,

– ordonné l’exécution provisoire,

– débouté M. [T] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier,

– débouté la société [U] Expansion Sallanches de ses demandes,

– condamné la société [U] Expansion Sallanches aux dépens.

L’INFIRME pour le surplus,

Statuant à nouveau sur les dispositions infirmées,

DIT que M. [T] a subi un harcèlement moral ;

DIT que l’inaptitude trouve sa cause dans le harcèlement subi ;

DIT que le licenciement pour inaptitude est nul ;

CONDAMNE la société [U] Expansion Sallanches à payer à M. [T] les sommes suivantes :

– 21 480 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

– 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice résultant du harcèlement moral,

– 1 000 € à titre de dommages et intérêts pour violation de l’article L 1226-4 du code du travail ;

DÉBOUTE M. [T] du surplus de ses demandes de dommages et intérêts ;

DIT que les intérêts au taux légal sont dus à compter de la demande soit le 04 août 2020 pour le rappel de salaire et l’indemnité de préavis, et à compter du présent arrêt pour les créances de dommages et intérêts ;

Y ajoutant,

ORDONNE à la société [U] Expansion Sallanches de remettre à M. [T] les bulletins de paie de mars et avril 2020 et les documents de rupture (attestation Pôle emploi, solde de tout compte, et certificat de travail) rectifiés sous astreinte de 50 € par jour de retard un mois après la signification du présent arrêt ;

DIT que la cour d’appel se réserve la liquidation de l’astreinte ;

CONDAMNE la société [U] Expansion Sallanches aux dépens d’appel ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société [U] Expansion Sallanches à payer à M. [T] une somme de 2 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Ainsi prononcé publiquement le 21 Mars 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Frédéric PARIS, Président, et Madame Capucine QUIBLIER, Greffier pour le prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président

 


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