Violation de clause d’exclusivité : 5 octobre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 20/00594

Violation de clause d’exclusivité : 5 octobre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 20/00594

5 octobre 2023
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
20/00594

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT AU FOND

DU 05 OCTOBRE 2023

N° 2023/142

Rôle N° RG 20/00594 – N° Portalis DBVB-V-B7E-BFN3T

[W] [D]

C/

S.A.S. DELEO

Société BPCE LEASE

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Layla TEBIEL

Me Jean-françois JOURDAN

Me Pierre GASSEND

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce de FREJUS en date du 20 Décembre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 201803906.

APPELANT

Monsieur [W] [D]

né le [Date naissance 1] 1952 en ALGERIE

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Layla TEBIEL de la SCP CABINET BUVAT-TEBIEL, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, substituée par Me Laure ATIAS, et assisté de Me Sara RADAELLI, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMEES

S.A.S. DELEO, prise en la personne de son représentant légal en exercice

dont le siège est sis [Adresse 2]

représentée par Me Jean-François JOURDAN de la SCP JF JOURDAN – PG WATTECAMPS ET ASSOCIÉS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Me Hélène AUBERT, avocat au barreau de DRAGUIGNAN avocat substituant Me Jean philippe FOURMEAUX de la SELARL CABINET FOURMEAUX-LAMBERT ASSOCIES, au barreau de DRAGUIGNAN

Société BPCE LEASE (anciennement dénommée NATIXIS LEASE),

prise en la personne de son représentant légal en exercice dont le siège est sis [Adresse 3]

représentée par Me Pierre GASSEND, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE assistée de Me Julie MANISSIER avocate au barreau de PARIS substituant Me Stéphane BONIN avocat de la SCP BONIN & ASSOCIES au barreau de PARIS

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 05 Juin 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Stéphanie COMBRIE, Magistrat rapporteur a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Valérie GERARD, Président de chambre

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère rapporteur

Mme Marie-Amélie VINCENT, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe, après prorogation, le 5 Octobre 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 5 Octobre 2023,

Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre, et Madame Laure METGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

M. [W] [D], chirurgien plasticien à [Localité 5], a fait l’acquisition le 17 juillet 2015 auprès de la société Deleo d’un appareil de cryolipolyse au prix de 48.000 euros destiné à son activité professionnelle et financé au moyen d’un contrat de crédit-bail souscrit auprès de la société Natixis Lease.

En novembre 2017 M. [W] [D], invoquant le bénéfice d’une clause d’exclusivité de l’appareil sur la commune de [Localité 5], a fait constater par huissier de justice l’utilisation du même appareil, notamment par le Docteur [P], également praticien sur cette commune, et père du dirigeant de la société Deleo.

Aucun accord n’ayant été trouvé, les 12 et 17 juillet 2018 M. [W] [D] a fait assigner la société Deleo et la société Natixis Lease devant le tribunal de commerce de Fréjus afin de voir prononcer la résolution du contrat de vente et la caducité du contrat de location financière, et obtenir l’indemnisation de son préjudice à hauteur de 15.000 euros outre le remboursement des loyers échus et à venir.

Par jugement en date du 20 décembre 2019 le tribunal de commerce de Fréjus a statué en ces termes’:

-CONSTATE que le contrat de vente en date du 17 juillet 2015 ne comporte aucune clause d’exclusivité d’utilisation,

-CONSTATE la validité du contrat de vente en date du 17 juillet 2015 et REJETTE la demande de résolution de la vente conclue avec la société DELEO et REJETTE la demande de caducité du contrat de location financière conclu avec NATIXIS nouvellement dénommée BPCE LEASE,

-DEBOUTE le Docteur [W] [D] de l’ensemble de ses demandes, ‘ns et prétentions au titre de la violation d’une prétendue clause d’exc1usivité,

-DEBOUTE la société NATIXIS LEASE nouvellement dénommée BPCE LEASE de ses demandes en ce qu’elles sont dirigées à l’encontre de la société DELEO, la résolution de la vente n’étant pas prononcée,

-CONDAMNE le Docteur [W] [D] à payer à la société DELEO la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’en tous les frais,

-CONDAMNE le Docteur [W] [D] à payer à la société NATIXIS LEASE nouvellement dénommée BPCE LEASE la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-DIT qu’il n’y a pas lieu à appliquer l’exécution provisoire,

-DIT toutes autres demandes, ‘ns et conclusions des parties injustifiées et en tous cas mal fondées, les en déboute.

-CONDAMNE le Docteur [W] [D] les entiers dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 94,34 € TTC dont 15,72 € de TVA.

———-

Par acte en date du 14 janvier 2020 M. [W] [D] a interjeté appel du jugement.

———-

Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 5 mai 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [W] [D] fait valoir que’:

-le terme inséré au contrat de vente conclu avec la société Deleo «’exclu St Raphaël’» doit s’entendre d’une «’exclusivité’» sur Saint-Raphaël, et non d’une exclusivité de la société Deleo sur Saint-Raphaël, et doit être interprété en ce sens au visa de l’article 1156 du code civil,

-la clause d’exclusivité territoriale est valide dès lors qu’elle ne faisait pas obstacle à la vente de l’appareil en dehors de [Localité 5] et ne constituait dès lors pas une entrave à la liberté du commerce et de l’industrie,

-la société Deleo a violé la clause d’exclusivité en ne la faisant pas respecter et en orientant les internautes vers le Docteur [P],

-cette exclusivité était une condition déterminante du contrat et sa violation justifie la résolution du contrat de vente’; en proposant des séances à des tarifs moindres, le Docteur [P] lui a fait une concurrence déloyale et ne lui a pas permis d’amortir le coût de l’appareil,

-en l’état de l’interdépendance des deux contrats ils constituent une opération commerciale unique, justifiant la caducité du contrat de leasing,

-il n’a pas à indemniser le vendeur au titre de la dépréciation de la chose conformément à la jurisprudence applicable

Ainsi, M. [W] [D] demande à la cour de’:

Vu les articles 1134, 1135, 1147, 1156 , 1162 et 1184 du code civil, et de l’article

L. 311-1, 11° du code de la consommation

INFIRMER le jugement (N°RG 2018 003906) rendu par le Tribunal de commerce de FREJUS le 20 /12/2019 en ce qu’il :

– CONSTATE que le contrat de vente en date du 17 juillet 2015 ne comporte aucune clause d’exclusivité d’utilisation,

– CONSTATE la validité du contrat de vente en date du 17 juillet 2015 et REJETTE la demande de résolution de la vente conclue avec la société

DELEO et REJETTE la demande de caducité du contrat de location financière conclu avec NATIXIS nouvellement dénommée BPCE LEASE,

– DEBOUTE le Docteur [W] [D] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions au titre de la violation d’une prétendue clause d’exclusivité.

– DEBOUTE la société NATIXIS LEASE nouvellement dénommée BPCE LEASE de ses demandes en ce qu’elles sont dirigées à l’encontre de la société DELEO, la résolution de la vente n’étant pas prononcée,

– CONDAMNE le Docteur [W] [D] à payer à a société DELEO la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’en tous les frais,

– CONDAMNE le Docteur [W] [D] à payer à la société NATIXIS LEASE nouvellement dénommée BPCE LEASE la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– EN CONSEQUENCE

– ORDONNER le report de l’ordonnance de clôture prévue pour le 9 mai 2023 eu égard au fait que les intimés ont attendu pratiquement plus de dix huit mois après la communication des conclusions de l’appelant et quelques jours avant la clôture pour développer de nouveaux arguments.

– JUGER recevables les présentes conclusions en réplique sur le fondement des dispositions des articles 15 et 16 du Code de procédure civile.

– JUGER que la Société DELEO a violé la clause d’exclusivité territoriale qu’elle a concédé aux termes du contrat du 18 juillet 2015 au bénéfice du Docteur [D] et qu’à ce titre elle a commis un manquement à la plus élémentaire bonne foi contractuelle et un dol au préjudice de ce dernier.

– JUGER que la Société DELEO sera condamnée à indemniser la Société BPCE LEASE venant aux droits de la Société NATIXIS LEASE, et la condamner à lui rembourser la somme de 48 000 € correspondant au prix d’achat du matériel financé, majorée du coût des intérêts contractuels soit la somme de 4 078.88 € soit au total une somme de 52 078.88 €.

– JUGER que la clause « exclu [Localité 5] » doit être interprétée comme une clause d’exclusivité territoriale sur la commune de [Localité 5]

– JUGER que la société DELEO a violé la clause d’exclusivité territoriale prévue dans le contrat du 18 juillet 2015, en vendant ou en mettant à disposition gratuite de concurrents du Docteur [D] un appareil de Cryolipolyse CRISTAL comme celui qui avait été vendu avec la clause d’exclusivité territoriale sur la commune de [Localité 5]

– PRONONCER la résolution de la vente conclue avec la société DELEO et la caducité du contrat de location financière conclu avec NATIXIS

– JUGER que la faute commise par la SAS DELEO a été génératrice d’un préjudice commercial et moral pour le docteur [D]

– CONDAMNER la société DELEO à payer au docteur [W] [D] la somme de 15 000  € de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi

– CONDAMNER solidairement la société DELEO et la SA NATIXIS à rembourser l’intégralité des sommes payées au titre du financement en principal intérêts et frais au jour du jugement soit la somme de 52 000 euros, cette somme sera majorée des intérêts légaux à partir du 02 octobre 2017 date de la première mise en demeure

– JUGER qu’après paiement des sommes allouées, le matériel sera mis à disposition du vendeur.

– DEBOUTER la société DELEO et la SA NATIXIS de toutes leurs demandes, fins et conclusions

– CONDAMNER la société DELEO à payer à [W] [D] la somme de 5000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens.

———-

Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 05 juin 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Deleo (SAS) réplique que’:

-la clause d’exclusivité ne se présume pas et doit résulter d’une manifestation expresse de volonté, et en l’espèce la mention «’Exclu St-Raphaël’» signifie que la société Deleo est la seule à proposer ce matériel sur le commune de [Localité 5], et non que M. [W] [D] bénéficie d’une clause d’exclusivité d’utilisation,

-les clauses d’exclusivité constituent une atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie de sorte qu’elles doivent être limitées territorialement, dans le temps et contenir des obligations réciproques, ce qui n’est pas le cas en l’espèce’; aucun comportement déloyal ne peut lui être reproché dès lors que son site internet renvoie vers plusieurs médecins,

-M. [W] [D] ne démontre pas que l’exclusivité était une condition déterminante de son consentement’; le matériel ayant été livré conformément au contrat et utilisé sans dysfonctionnement, aucun manquement grave ne justifie la résolution du contrat de vente,

-subsidiairement, si la résolution devait être prononcée, elle est bien-fondée à solliciter une indemnité au titre de la dépréciation subie par la chose,

-la société BPCE Lease ne peut invoquer de préjudice puisqu’elle est en droit de réclamer auprès de M. [W] [D] le paiement intégral des loyers et la valeur résiduelle du matériel en cas de résolution de la vente,

-la procédure initiée par M. [W] [D] est manifestement abusive

Ainsi, la société Deleo demande à la cour de’:

Vu les dispositions des articles 1134 et 1184 du Code civil alors

applicables.

– CONFIRMER le jugement prononcé par le Tribunal de commerce de FREJUS le 20 décembre 2019 en ce qu’il a débouté le Docteur [W] [D] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions au titre de la violation d’une prétendue clause d’exclusivité et condamné le

Docteur [D] à payer à la société DELEO la somme de 1.500,00 € en application de l’article 700 du CPC ainsi qu’en tous les frais, que ce soit en l’état de l’absence de clause d’exclusivité ou de la nullité de la clause alléguée.

– CONFIRMER le jugement prononcé par le Tribunal de Commerce de FREJUS le 20 décembre 2019 en ce qu’il a débouté la société NATIXIS LEASE nouvellement dénommée BPCE LEASE de ses demandes en ce qu’elles sont dirigées à l’encontre de la société DELEO, la résolution de la vente n’étant pas prononcée.

Subsidiairement, si par extraordinaire la décision entreprise n’était pas confirmée,

– DEBOUTER le Docteur [W] [D] de sa demande tendant à ce que soit prononcée la résolution du contrat de vente du 17 juillet 2015, celui-ci ne rapportant pas la preuve de manquement suffisamment grave de la société DELEO, de nature à justifier que soit prononcée la résolution de la vente, le préjudice allégué par le Docteur [W] [D] pouvant être indemnisé par l’allocation de dommages et intérêts.

– DEBOUTER la Société BPCE LEASE de ses demandes en ce qu’elles sont dirigées à l’encontre de la Société DELEO, la société BPCE LEASE ne pouvant aucun préjudice dans l’hypothèse où la résolution de la vente devait être prononcée et ce par application de l’article 5-2 des conditions générales du contrat de crédit-bail signé le 15 octobre 2015.

– DEBOUTER le Docteur [D] de ses demandes en paiement de dommages et intérêts, celui-ci ne rapportant nullement la preuve d’un quelconque préjudice.

Très subsidiairement, si par extraordinaire la résolution de la vente devait être prononcée,

– DEBOUTER le Docteur [D] de ses demandes en paiement de dommages et intérêts, celui-ci ne rapportant nullement la preuve d’un quelconque préjudice.

– DIRE et JUGER que la société DELEO est recevable et fondée à solliciter l’indemnisation du préjudice consécutif à la dépréciation subie par le matériel vendu à raison de l’utilisation qui en a été faite par le Docteur [D] depuis le mois de novembre 2015.

– DIRE et JUGER la société BPCE LEASE en sa qualité de propriétaire du matériel et du Docteur [D] en sa qualité d’utilisateur du matériel tenus solidairement au paiement de cette indemnisation correspondant à la dépréciation du matériel à la date de sa restitution.

– CONDAMNER par conséquent solidairement la société BPCE LEASE et le Docteur [W] [D] à payer à la société DELEO la somme de 44.000,00 € correspondant à la valeur de la dépréciation du matériel arrêtée au mois de juin 2019, ladite dépréciation devant être actualisée au jour du prononcé de l’arrêt à intervenir, l’indemnité s’établissant à 48.000,00 € au 25 octobre 2019, date de fin d’amortissement du matériel, celui-ci n’ayant plus à cette date aucune valeur marchande.

Sur l’infirmation de la décision entreprise au titre de la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

– INFIRMER la décision entreprise en ce qu’elle a rejeté les demandes de la Société DELEO au titre de la condamnation du Docteur [D] pour abus du droit d’ester en justice.

– CONDAMNER le Docteur [W] [D] à payer à la société DELEO la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire.

Sur les frais irrépétibles et les dépens en cause d’appel,

– CONDAMNER le Docteur [W] [D] à payer à la société DELEO la somme de de 5.000,00 € en application de l’article 700 du CPC ainsi qu’en tous les frais et dépens.

———-

Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 9 mai 2023 la société Natixis Lease, devenue BPCE Lease, réplique que’:

-toute clause d’exclusivité doit être interprétée strictement, elle ne peut se présumer, elle doit être claire et précise, résulter de l’intention des parties et être limitée dans le temps’; or la clause invoquée par M. [W] [D] n’est pas limitée dans le temps’; la mention insérée au contrat doit être interprétée comme s’agissant d’un matériel «’vendu exclusivement sur [Localité 5] par la société Deleo’» et non d’une exclusivité d’utilisation’; le litige procède d’une erreur de M. [W] [D] sur la rentabilité du matériel,

-si la résolution judiciaire devait être prononcée le vendeur serait tenu de restituer le prix d’acquisition (48.000 euros) et le crédit-preneur le matériel’; par ailleurs, la caducité du crédit-bail devrait être prononcée et une indemnité d’utilisation prévue à la charge de M. [W] [D]’; elle est également en droit de solliciter l’indemnisation de son manque-à-gagner au titre des loyers qu’elle aurait dû percevoir,

-elle ne peut être tenue à indemnité de dépréciation dès lors qu’elle n’a jamais eu l’usage de la machine et en tout état de cause, si la résolution est prononcée c’est aux torts de la société Deleo

La société BPCE Lease demande ainsi à la cour de’:

Vu le contrat de crédit-bail du 15 octobre 2015,

Vu la facture d’achat du matériel,

Vu l’échéancier contractuel correspondant,

A titre principal,

– CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Fréjus le 20 décembre 2019 en toute ses dispositions ;

– DEBOUTER M. [W] [D] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la Cour infirmerait le jugement du Tribunal de commerce et ferait droit à la demande en résolution du contrat de vente formulée par M. [D] :

– CONDAMNER la société DELEO à rembourser à la société BPCE LEASE (anciennement dénommée NATIXIS LEASE) la somme de 48.000 €, correspondant au prix d’achat du matériel financé suivant facture du 13 octobre 2015 ;

– CONDAMNER M. [W] [D] à restituer le matériel financé à la société DELEO ;

– PRONONCER la caducité du contrat de crédit-bail conclu entre la société BPCE LEASE (anciennement dénommée NATIXIS LEASE) et M. [W] [D] ;

– CONDAMNER M. [W] [D] au paiement à la société BPCE LEASE (anciennement dénommée NATIXIS LEASE) d’indemnités d’utilisation mensuelles de même montant que le dernier loyer contractuel, soit 1.083,83 €, à compter de la date de mise à disposition du matériel financé, soit le 15 octobre 2015, jusqu’à sa restitution effective ;

– ORDONNER la compensation de ces indemnités d’utilisation avec les loyers perçus par la société BPCE LEASE (anciennement dénommée NATIXIS LEASE) depuis le 15 octobre 2015 ;

– DIRE ET JUGER que la faute commise par la société DELEO dans l’exécution de ses obligations contractuelles a causé un préjudice à la société BPCE LEASE (anciennement dénommée NATIXIS LEASE) ;

– CONDAMNER la société DELEO à payer la société BPCE LEASE (anciennement dénommée NATIXIS LEASE) à ce titre la somme de 4.078,88 €, correspondant à l’intégralité des loyers qu’elle aurait dû percevoir au titre du contrat de crédit-bail, déduction faite du remboursement à intervenir du prix d’acquisition du matériel,

– DEBOUTER la société DELEO de sa demande de condamnation au titre d’une indemnité pour dépréciation du matériel dirigée contre la société BPCE LEASE

En toute hypothèse

– CONDAMNER toute partie succombante à payer à la société BPCE LEASE (anciennement dénommée NATIXIS LEASE) la somme de 8.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et des entiers dépens.

MOTIFS

Sur la révocation de l’ordonnance de clôture :

Au visa des articles 907, 802 et 803 du code de procédure civile, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats postérieurement à l’ordonnance de clôture, à peine d’irrecevabilité prononcée d’office, à l’exception des demandes en intervention volontaire, des conclusions relatives aux loyers, arrérages, intérêts et autres accessoires échus et aux débours faits jusqu’à l’ouverture des débats, et à l’exception également des demandes de révocation de l’ordonnance de clôture et des conclusions qui tendent à la reprise de l’instance en l’état où celle-ci se trouvait au moment de son interruption.

L’appelant sollicite la révocation de l’ordonnance de clôture en invoquant le caractère tardif des derniers arguments développés par les intimés et la nécessité pour lui d’y répliquer.

En conséquence, au visa de l’article 16 du code de procédure civile et du nécessaire respect du principe du contradictoire, il convient d’ordonner la révocation de l’ordonnance de clôture rendue le’09 mai 2023 et de reporter la clôture au’08 juin 2023, date des débats.

Sur la résolution du contrat de vente’:

Aux termes de l’article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, «’la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement.

Dans ce cas, le contrat n’est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté, a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible, ou d’en demander la résolution avec dommages et intérêts.

La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.’»

A cet égard, il appartient au juge du fond d’apprécier si le retard dans l’exécution est d’une gravité suffisante pour que la résolution doive être prononcée (Civ. 1ère, 4 janvier 1995).

En l’espèce, les parties divergent sur l’interprétation d’une clause contenue dans le contrat de vente conclu le 17 juillet 2015 entre M. [W] [D] et la société Deleo pour l’acquisition d’un appareil à usage professionnel, et dont la violation est invoquée par l’acheteur pour solliciter la résolution du contrat.

M. [W] [D] soutient que la mention «’Exclu St Raphaël’» contenue au contrat signifie qu’il bénéficiait d’une exclusivité d’utilisation de l’appareil de cryolipolyse sur [Localité 5], et qu’en le mettant à la disposition d’un autre praticien sur la même commune, et en orientant la clientèle vers ce médecin, père de son dirigeant, la société Deleo a manqué à une obligation déterminante du contrat, justifiant sa résolution.

La société Deleo fait valoir que la mention insérée au contrat doit être interprétée comme s’agissant d’un matériel «’vendu exclusivement sur [Localité 5] par la société Deleo’» et non d’une exclusivité d’utilisation, et qu’à supposer qu’elle soit considérée comme une clause d’exclusivité, elle ne revêt pas les conditions de validité de ce type de clauses.

Aux termes des articles 1156 et suivants, dans leur rédaction applicable aux contrats conclus avant le 1° octobre 2016, «’on doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes.’»

«’Lorsqu’une clause est susceptible de deux sens, on doit plutôt l’entendre dans celui avec lequel elle peut avoir quelque effet, que dans le sens avec lequel elle pourrait n’en produire aucun.’»

Enfin, «’les termes susceptibles de deux sens doivent être pris dans le sens qui convient le plus à la matière du contrat.’»

En l’espèce, la mention «’Exclu St Raphael’» apposée en première page du contrat de vente, dans les éléments inclus dans la prestation proposée, ne peut s’entendre que d’une exclusivité d’utilisation de l’appareil consentie à M. [W] [D] sur la commune de [Localité 5], seule interprétation à conférer à cette clause un sens au regard de la nature du contrat.

En effet, la société Deleo ne peut prétendre que cette clause signifie que le matériel est «’vendu exclusivement sur [Localité 5] par la société Deleo’»’dès lors que cette mention, à la supposer admise comme telle, ne présente aucun intérêt pour l’acheteur qu’est M. [W] [D] mais constitue au contraire un frein à son usage en ce qu’elle suppose que le matériel peut être diffusé auprès d’autres chirurgiens plasticiens, et ce, sur un territoire à taille modeste limité à la commune de [Localité 5] et à l’attention de praticiens très ciblés et nécessairement en concurrence.

Dès lors, son apposition en première page, dans le paragraphe intitulé «’cette prestation comprend’:’», censé contenir les caractéristiques essentielles de la prestation, est en contradiction avec le sens que lui attribue la société Deleo dès lors qu’il est contraire aux intérêts de M. [W] [D].

En revanche, la vente d’un matériel au prix de 48.000 euros, assortie d’une mention d’exclusivité d’usage sur la commune de [Localité 5], où est installé le docteur [D], présente nécessairement un attrait commercial indéniable en termes de concurrence, méritant de figurer dans les éléments essentiels de la prestation.

Dès lors, nonobstant le fait que cette mention n’ait pas été explicitée clairement dans les clauses du contrat, elle constitue un élément essentiel de la volonté des parties dans le cadre de la négociation et de la formalisation du contrat.

Au demeurant, le témoignage de M. [B] [P], vendeur pour la société Deleo, tend à conforter l’existence d’une clause d’exclusivité au profit de M. [W] [D] (pièce 11 de l’appelant) même si ce témoignage s’inscrit dans un contexte de mésentente familiale eu égard aux liens de parenté existant entre M. [B] [P], le docteur [P] et le dirigeant de la société Deleo.

Enfin, la société Deleo invoque, au visa des articles L.330-1 à L.330-3 du code de commerce, l’absence de validité de la clause en ce qu’elle n’est pas déterminée ou déterminable quant à son territoire, qu’elle n’est pas limitée dans le temps et ne comporte pas d’obligations réciproques.

Pour autant, étant rappelé que l’article L.330-1 du code de commerce définit la clause d’exclusivité comme étant celle par laquelle l’acheteur de biens meubles s’engage vis-à-vis de son vendeur à ne pas faire usage d’objets semblables ou complémentaires en provenance d’un autre fournisseur, les dispositions susvisées ne sont pas applicables au cas d’espèce considérant que la clause ne fait pas interdiction à M. [W] [D] d’acquérir du matériel identique ou semblable chez un fournisseur concurrent mais fait obligation à la société Deleo de ne pas distribuer un appareil similaire sur la commune de [Localité 5].

Dès lors, les conditions de limitation de la clause d’exclusivité, consentie au seul profit du fournisseur, et non de l’acheteur, ne sont pas applicables et ne sauraient invalider, au cas d’espèce, la clause.

En outre, son libellé n’entraîne pas davantage de restriction au détriment du vendeur au regard de la possibilité qui lui est offerte de distribuer son produit sur l’ensemble du territoire national et à l’étranger, la restriction étant limitée à la seule commune de [Localité 5].

Ainsi, constitue une violation des clauses du contrat le fait pour la société Deleo d’avoir fourni, a minima, deux autres professionnels implantés sur la commune de [Localité 5] au titre du même appareil de cryolipolyse de type «’Cristal’» tel que cela ressort du procès-verbal de constat établi le 2 novembre 2017 et d’avoir fait référence, sur son site internet, aux docteurs [P] et [U], également praticiens à [Localité 5].

Néanmoins, le manquement de la société Deleo ne peut être considéré comme suffisamment grave pour justifier la résolution de la vente intervenue en 2015 considérant que M. [W] [D], après trois années d’utilisation, a fait l’acquisition du matériel donné en location par la société BPCE Lease (anciennement Natixis) en 2019 à l’issue de la durée du contrat de crédit-bail (quarante-huit mois), et qu’il n’invoque aucun élément l’ayant empêché d’user de la machine, sauf la concurrence déloyale qu’aurait pu lui faire le docteur [P] en pratiquant des prix plus bas.

En tout état de cause, cette assertion, qui n’est corroborée par aucun élément, si elle est susceptible d’avoir eu un impact sur la durée de rentabilisation de l’appareil, n’a pas fait obstacle à son usage et n’a pu avoir une incidence que sur le bénéfice financier de M. [W] [D].

Le préjudice de M. [W] [D] sera ainsi évalué à la somme de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par le comportement déloyal de la société Deleo dans l’exécution du contrat au visa des articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, au regard de la perte de chance de rentabiliser plus rapidement l’appareil, étant rappelé que les conventions doivent être exécutées de bonne foi et que le débiteur d’une obligation est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Par suite, la demande de caducité du contrat de crédit-bail est sans objet, de même que les prétentions découlant de la résolution du contrat de vente et de la caducité.

En conséquence, il y a lieu d’infirmer le jugement attaqué sauf en ce qu’il a rejeté la demande de résolution du contrat de vente conclu avec la société Deleo, rejeté la demande de caducité du contrat de location financière conclu avec la société BPCE Lease (anciennement Natixis) et débouté la société BPCE Lease de ses demandes dirigées à l’encontre de la société Deleo.

Sur les frais et dépens’:

La société Deleo, partie succombante, conservera la charge des dépens de première instance et d’appel, et sera tenue de payer à M. [W] [D] la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre la somme de 4.000 euros à la société BPCE Lease au même titre.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Ordonne la révocation de l’ordonnance de clôture rendue le’09 mai 2023 et reporte la clôture au’08 juin 2023, date des débats

Infirme le jugement rendu le 20 décembre 2019 par le tribunal de commerce de Fréjus sauf en ce qu’il a’:

-rejeté la demande de résolution du contrat de vente conclu avec la société Deleo,

-rejeté la demande de caducité du contrat de location financière conclu avec la société BPCE Lease (anciennement Natixis)

-débouté la société BPCE Lease de ses demandes dirigées à l’encontre de la société Deleo.

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société Deleo à payer à M. [W] [D] la somme de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la violation de la clause d’exclusivité contenue au contrat de vente passé le 17 juillet 2015,

Dit que les demandes découlant de la résolution du contrat de vente et de la caducité du contrat de crédit-bail sont sans objet,

Condamne la société Deleo aux dépens de première instance et d’appel,

Condamne la société Deleo à payer à M. [W] [D] la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Deleo à payer à la société BPCE Lease (anciennement Natixis) la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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