Violation de clause d’exclusivité : 18 octobre 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/01429

Violation de clause d’exclusivité : 18 octobre 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/01429

18 octobre 2023
Cour d’appel de Versailles
RG n°
22/01429

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80O

19e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 18 OCTOBRE 2023

N° RG 22/01429

N° Portalis DBV3-V-B7G-VFNA

AFFAIRE :

[S] [B]

C/

S.A.S. DIMENSION SECURITE PRIVEE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 Mars 2022 par le Conseil de Prud’hommes Formation paritaire de CHARTRES

N° Section : AD

N° RG : 21/00258

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Jean christophe LEDUC

la SELAFA CHAINTRIER AVOCATS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX HUIT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [S] [B]

de nationalité Italienne

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentant : Me Jean christophe LEDUC, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000045

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2022/005215 du 30/12/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de VERSAILLES)

APPELANT

****************

S.A.S. DIMENSION SECURITE PRIVEE

[Adresse 1]

[Localité 9]

Représentant : Me Séverine DUCHESNE de la SELAFA CHAINTRIER AVOCATS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 48

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 12 septembre 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry CABALE, Président chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Laure TOUTENU, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Nabil LAKHTIB,

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat de travail à durée déterminée du 1er mai 2021 conclu pour la période du 1er mai 2021 au 31 mai 2021, renouvelé jusqu’au 31 août 2021, M. [S] [B] a été engagé par la SASU Dimension Sécurité Privée en qualité d’agent de sécurité à temps plein. Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 15 août 2021, le salarié a été convoqué à un entretien préalable fixé au 25 août 2021, puis, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 30 août 2021, la société Dimension Sécurité Privée lui a notifié la rupture anticipée de son contrat à durée déterminée pour faute grave.

Par requête reçue au greffe le 14 octobre 2021, M. [B] a saisi le conseil de prud’hommes de Chartres en contestation de la rupture de son contrat.

Par jugement du 30 mars 2022, auquel renvoie la cour pour l’exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud’hommes de Chartres a :

– dit et jugé que la rupture anticipée du contrat à durée déterminée de M. [S] [B] est justifiée par une faute grave,

– dit et jugé qu’il n’y a pas lieu de prononcer la requalification du contrat à durée déterminée de M. [S] [B] en contrat à durée indéterminée ;

en conséquence,

– débouté M. [S] [B] de l’intégralité de ses demandes,

– débouté la société Dimension Sécurité Privée de sa demande reconventionnelle,

– condamné M. [S] [B] aux entiers dépens.

Par déclaration au greffe du 28 avril 2022, M. [B] a relevé appel de cette décision.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 13 janvier 2023, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, M. [B], bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle, demande à la cour de :

– le recevoir en son appel ;

Y faisant droit,

– réformer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Chartres le 30 mars 2022 en toutes ses dispositions, hormis celles ayant débouté la société Dimension sécurité privée de sa demande au titre des frais irrépétibles,

Statuant à nouveau,

– ordonner la requalification de la relation de travail courant du 1er mai au 31 août 2021 en une relation de travail à durée indéterminée,

– dire de surcroît abusive la rupture intervenue le 30 août 2021,

– condamner ainsi la société Dimension Sécurité Privée à lui verser les sommes de :

*2 257,02 euros à titre de rappel de salaire indûment retranché,

*225,70 euros au titre des congés payés y afférents,

*363,88 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,

*36,39 euros au titre des congés payés y afférents.

– dire et juger que ces sommes seront assorties des intérêts de droit au taux légal à compter de l’introduction de la demande en application de l’article 1231-7 du Code Civil et ordonner la capitalisation des intérêts, conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du même code,

– condamner la société Dimension Sécurité Privée à lui verser la somme de 5 000 euros à titre d’indemnité de requalification,

– dire que cette somme sera nette de tout prélèvement,

– condamner en sus la société Dimension Sécurité Privée à lui verser la somme de 1 560 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– la condamner également à payer à Maître Jean-Christophe Leduc, avocat, la somme de 4 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique,

– décerner injonction à la société Dimension Sécurité Privée d’avoir à lui remettre, sous astreinte journalière de 100 euros qui courra passer un délai de huitaine suivant la signification de l’arrêt à intervenir :

*un bulletin de salaire conforme,

*une attestation destinée au Pôle Emploi conforme,

*un certificat de travail conforme,

– débouter la société Dimension Sécurité Privée de son appel incident et plus généralement de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– statuer enfin ce que de droit quant aux dépens.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 2 juin 2023, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, la société Dimension Sécurité Privée demande à la cour de :

– avant dire droit, condamner Monsieur [B] à communiquer ses relevés bancaires des mois de juin à août 2021 ainsi que les bulletins de salaire de son autre employeur des mois de juin à août 2021 afin de permettre de constater du non-respect de son obligation de loyauté,

– confirmer le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a rejeté sa demande d’indemnité de procédure,

statuant à nouveau de ce chef,

– condamner Monsieur [B] à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouter Monsieur [B] de l’ensemble de ses demandes plus amples ou contraires aux termes des présentes,

y ajoutant,

– condamner Monsieur [B] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles qu’elle a exposés en cause d’appel,

– condamner Monsieur [B] aux entiers dépens.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 20 juin 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande avant dire droit

L’intimée fait valoir qu’elle a appris en juillet 2021 et août 2021 au moyen de plusieurs SMS du salarié que celui-ci travaillait pour un autre employeur, qu’il ne fait aucun doute qu’il s’agissait d’une entreprise concurrente notamment pour du gardiennage de nuit, que le salarié ne conteste pas avoir eu un autre emploi à la période concernée, qu’il reconnaît que tel était le cas, qu’il n’a pas répondu à sa sommation d’avoir à communiquer ses relevés bancaires de juin à août 2021 ainsi que les bulletins de salaire de cet employeur de juin à août 2021, que cette attitude constitue un manquement à l’obligation de loyauté et une violation de la clause d’exclusivité prévue à l’article 8 du contrat de travail, que le refus de communiquer ses horaires pour le compte de cet autre employeur est constitutif d’une faute grave, que l’inactivité du salarié conséquence directe de ses refus systématiques de respecter ses plannings ne peut justifier l’exercice d’une activité concurrente, que le salarié n’avait de cesse de refuser les missions qu’elle lui confiait.

Le salarié sollicite le rejet de cette demande. Il soutient que la clause d’exclusivité lui est inopposable pour ne pas répondre aux conditions exigées et pour être rédigée dans des termes très généraux. Il indique par ailleurs qu’il ne saurait lui être reproché d’exercer une activité complémentaire quand son employeur ne lui fournit pas le temps de travail convenu et la rémunération afférente.

Selon les dispositions de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Il résulte des dispositions, d’une part, de l’article 11 du même code que si une partie détient un élément de preuve, le juge peut, à la requête de l’autre partie, lui enjoindre de la produire, au besoin à peine d’astreinte, d’autre part, de ses articles 138, 139 et 142 que le juge a la faculté d’ordonner la production d’éléments de preuve détenus par une partie, au besoin à peine d’astreinte, si les pièces concernées sont suffisamment déterminées.

S’il existe un principe de loyauté des débats comme un droit à la preuve, ceux-ci s’apprécient en fonction des intérêts en présence, a fortiori dans la matière prud’homale qui connaît un régime probatoire singulier.

En l’espèce, la production forcée par le salarié de relevés bancaires et de bulletins de salaire relatifs à une autre activité professionnelle incertaine auprès d’un concurrent non identifié dont la société présume l’existence au vu de deux SMS datés du 27 juillet et du 2 août 2021 au sein desquels le salarié indique être « au boulot », n’apparaît pas devoir être ordonnée pour permettre à l’employeur de rapporter la preuve, qui lui incombe, de la faute grave de nature à justifier la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée, comme devant découler selon lui d’une succession de comportements du salarié tenant à la non justification d’absences, à une attitude déplacée avec le personnel de l’hôpital où il exerçait une mission, à des refus d’affectations au motif d’un éloignement trop important de son domicile, au non-respect de plannings, à la violation par déloyauté d’une clause d’exclusivité dont le salarié conteste l’opposabilité.

Il n’y a donc pas lieu de faire droit à la demande de production forcée de pièces.

Sur la requalification en contrat de travail à durée indéterminée

Pour infirmation du jugement entrepris, le salarié soutient que la requalification sollicitée est encourue en ce que l’employeur ne justifie pas du caractère temporaire de son emploi nonobstant la mention d’un surcroît temporaire d’activité au sein du contrat initial à titre de motif de recours au contrat à durée déterminée. Il ajoute que l’employeur ne démontre pas l’existence d’un avenant qui lui aurait été soumis et qu’il aurait signé avant l’arrivée du terme initialement convenu, par la production d’un courrier daté du 29 mai 2021 dont il conteste la signature et dont la preuve n’est pas rapportée de la date d’envoi et de la signature ce même jour qui était un samedi.

L’employeur objecte que la surcharge temporaire de travail ne relevant pas de son activité normale et permanente résulte, d’une part, d’un courrier du 31 mars 2021 par lequel l’Hôpital [8] de [Localité 5] l’informe qu’elle est retenue pour assurer temporairement le service de sécurité de la structure quand un accord-cadre conclu avec le groupement hospitalier de Territoire d’Eure-et-Loir prévoyait une prestation ponctuelle d’agent de sécurité/sûreté et ce dernier faisait ponctuellement appel à lui afin de pallier aux absences ou congés de ses agents de sécurité permanents, d’autre part, de l’évolution du chiffre d’affaires de la société sur l’année 2021 montrant une augmentation de son activité en mai et juin 2021 avec un pic au mois d’août.

En application des dispositions alors en vigueur de l’article L.1242-1 et suivants du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et doit respecter certaines conditions de forme, notamment préciser son motif et le montant de la rémunération, et, quel que soit son motif, il ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. En application des dispositions alors applicables de l’article L1242-2 du code du travail, sous réserve des dispositions de l’article L1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire et seulement dans les cas qu’il énumère, parmi lesquels figure un accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise.

Par ailleurs, il résulte de l’article L. 1243-11 du même code que lorsque le renouvellement nécessite la signature d’un avenant, celui-ci doit être soumis au salarié et signé par ce dernier avant le terme initialement prévu ; qu’à défaut de conclusion dudit avenant dans le même délai, il devient un contrat à durée indéterminée dès lors que la relation s’est poursuivie après l’échéance du terme.

Selon l’article L1245-1 du code du travail, est réputé à durée indéterminée tout contrat conclu en méconnaissance des dispositions des articles L1242-1 à L1242-4, L1242-6 à L1242-8, L1242-12 alinéa 1, L.1243-11 alinéa 1, L1243-13, L1244-3 et L1244-4 du même code.

En l’espèce, la société Dimension Sécurité Privée justifie à suffisance de l’accroissement temporaire d’activité, motif du recours à ce type de contrat que mentionne le contrat de travail à durée déterminée conclu le 1er mai 2021, dès lors que la réalité de ce motif ressort des éléments qu’elle produit aux débats et dont le caractère probant n’est pas utilement contesté par le salarié, s’agissant, regardés ensemble, d’une part, d’un courrier du Groupement Hospitalier de Territoire d’Eure-et-Loir daté du 31 mars 2021 comportant la signature par délégation de la directrice des achats et un cachet administratif, qui l’informe que dans le cadre de la consultation « MAPA 2021.001 Prestation ponctuel d’agent de sécurité / sûreté pour les CH de [Localité 4] et [Localité 6] », son offre de base a été retenue par une décision du même jour pour le lot « Prestation ponctuel d’agent de sécurité / sûreté pour le CH de [Localité 4] », d’autre part, d’éditions informatiques du chiffre d’affaires quotidiens, périodicité particulièrement pertinente pour un examen plus précis de l’évolution du chiffre d’affaires de la société par rapport à des documents comptables établis sur un exercice comptable, qui montrent que cet indicateur du volume d’activité a progressé de manière très significative à compter du mois de mai 2021 au cours duquel l’augmentation a atteint environ 50%.

Il n’y donc pas lieu à requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée au motif que ce contrat aurait eu pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

En revanche, alors que le salarié conteste avoir signé le courrier daté du samedi 29 mai 2021 ayant pour objet le renouvellement du contrat de travail à durée déterminée du 1er mai 2021, il s’avère que la comparaison de l’écriture et de la signature qui figurent sur ce courrier n’ont manifestement pas été tracées de la main de M. [B] après comparaison avec celles du contrat du 1er mai 2021 et d’un courrier qu’il a rédigé le 11 août 2021 pour contester les termes d’une lettre de l’employeur du 7 août 2021. L’employeur ne justifie pas non plus de l’envoi ou de la réception du courrier litigieux qui contient la mention « Lettre recommandée avec avis de réception » sans indication d’un numéro de recommandé.

Il s’ensuit la requalification du contrat à durée déterminée du 1er mai 2021 en contrat à durée indéterminée dès lors que la relation s’est poursuivie après l’échéance du terme sans qu’un avenant de renouvellement n’ait été préalablement soumis au salarié et signé par ce dernier. Le jugement entrepris est donc infirmé de ce chef.

Sur l’indemnité de requalification

Lorsque, comme en l’espèce, le contrat de travail à durée déterminée devient un contrat à durée indéterminée du seul fait de la poursuite de la relation contractuelle de travail après l’échéance de son terme, le salarié ne peut prétendre à une indemnité de requalification, sauf irrégularité, non soutenue au cas particulier, du contrat de travail à durée déterminée initial ou de ceux qui lui ont fait suite. Le jugement est dès lors confirmé en ce qu’il déboute le salarié de sa demande en paiement d’une indemnité de requalification.

Sur la rupture du contrat de travail

La rupture par lettre du 30 août 2021 s’analyse en un licenciement pour faute grave dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée. Cette lettre, qui fixe les limites du litige, énonce à titre de motifs :

« ‘

Durant les mois de mai et juin 2021, vous avez été affecté sur le site de l’Hôpital [8] situé à [Localité 5].

Vous aviez quelques absences injustifiées mais surtout notre client s’est plaint de votre attitude qu’il qualifiait de « déplacée » notamment avec le personnel de l’Hôpital.

Ne souhaitant pas perdre ce marché, nous avons alors décidé de vous affecter sur un autre site à compter du 1er juillet 2021. Nous vous avons adressé votre planning par mail le 28 juin 2021 mais vous nous avez indiqué refuser cette nouvelle affectation sur [Localité 9] et [Localité 6] estimant que ces lieux étaient trop éloignés de votre domicile.

Nous étions pourtant prêts à vous indemniser pour ces temps de déplacement mais malgré cela, vous nous avez confirmé votre refus.

C’est ainsi qu’au mois de juillet 2021, vous n’avez assurez quelques vacations sans respecter le planning transmis.

Afin d’éviter que la situation se renouvelle, nous avons encore modifié votre affectation au mois d’août 2021, cette-fois sur un site à [Localité 7]. Le planning vous a été adressé le 28 juillet 2021 mais votre réponse par SMS le 2 août 2021 était que vous étiez « au boulot » et que vous n’étiez donc pas disponible.

Nous vous avons alors adressé une mise en demeure, par LRAR le 7 août 2021, d’avoir à justifier de votre absence, absence qui se prolongeait depuis le 2 août 2021. Vous y avez répondu par courrier recommandé daté du 11 août 2021 nous indiquant que vous aviez effectif refusé ces nouvelles affectations car il y avait des sites différents et trop éloignés de votre domicile.

En pouvant accepter ces explications, nous vous avons, dès lors, convoqué par courrier recommandé en date du 15 août 2021 en vue d’un entretien préalable prévu le 25 août 2021 auquel vous ne vous êtes pas présenté.

Votre attitude est parfaitement inacceptable et désorganise le bon fonctionnement de notre société car à chacune de vos absences injustifiées, il nous faut dans l’urgence trouver une solution de remplacement ce que nous ne parvenons pas toujours à faire et crée donc de l’insatisfaction auprès de nos clients.

Vous êtes régulièrement absent sans prévenir et sans justificatif et ce depuis votre embauche mais surtout depuis le 2 août 2021 vous n’avez jamais repris votre poste de travail.

Vous êtes embauché en qualité d’Agent de sécurité et les déplacements sur les différents sites de nos clients sont inhérents à vos fonctions étant indiqué qu’il n’a jamais été prévu que votre lieu de travail soit fixe et ce bien au contraire.

En outre, vous étiez embauché à temps plein, nous pouvions donc, selon les besoins des clients, modifier vos horaires de travail en respectant un délai raisonnable d’information auprès de vous, délai que nous avons toujours respecté contrairement à vos dires. Ces modifications étaient d’ailleurs contractuellement prévues, vous en étiez donc parfaitement informé.

Enfin, nous avons compris au travers de nos derniers échanges que si vous ne pouviez pas assurer vos vacations c’est parce qu’en réalité, vous aviez un autre emploi, ce que vous nous aviez caché jusqu’alors.

Pourtant, votre contrat de travail prévoyait une clause d’exclusivité que vous n’avez donc pas respectée. Ce comportement est parfaitement déloyal et ne nous a même pas permis de contrôler l’éventuel dépassement des durées maximales de travail.

Vos agissements sont d’une particulière gravité et justifient la rupture immédiate de votre contrat de travail à la date d’envoi de la présente.

‘»

Il résulte de l’article L. 1235-1 du code du travail qu’en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et que si un doute subsiste, il profite au salarié.

Selon l’article L. 1232-1 du même code, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Le licenciement pour motif disciplinaire doit être fondé sur des éléments objectifs imputables au salarié. Les griefs doivent être suffisamment précis, objectifs et matériellement vérifiables.

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et implique son éviction immédiate. La preuve de son existence incombe exclusivement à l’employeur. La mise en oeuvre du licenciement pour faute grave doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits allégués dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire.

Il résulte de l’article L. 1232-4 qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales, et que c’est le jour où l’employeur, ou le supérieur hiérarchique direct du salarié, a connaissance du fait fautif qui marque le point de départ du délai de 2 mois.

Les fautes du salarié commises antérieurement au délai de 2 mois précédent le licenciement peuvent être évoquées dans la lettre de licenciement dès lors que le comportement fautif du salarié s’est poursuivi ou réitéré dans ce même délai.

En l’espèce, le salarié invoque d’abord la prescription de faits, le non-respect du délai restreint et l’absence de mise à pied conservatoire.

Si l’employeur ne démontre pas avoir eu connaissance, dans le délai de prescription de deux mois qui a précédé l’engagement des poursuites le 15 août 2021, du grief relatif à une attitude « déplacée » du salarié quand il était affecté sur le site de l’Hôpital [8] au cours des mois de mai et juin 2021, il justifie avoir connu exactement et précisément les absences injustifiées du salarié résultant ou non de son refus de changement de lieu de travail, comme l’exercice d’une activité professionnelle parallèle, dans ce délai de deux mois, peu important, compte tenu de leur réitération, l’évocation d’absences antérieures à ce délai à compter du mois de mai de la même année.

Par ailleurs, il apparaît que l’employeur a engagé les poursuites dans un délai restreint à compter du moment où il a eu connaissance des faits invoqués, étant rappelé que préalablement à la notification du licenciement pour faute grave, l’employeur n’est pas tenu de prononcer une mise à pied conservatoire.

Sur les griefs, si le salarié indique avoir été effectivement absent le 29 juillet 2021 et ne remet pas en cause la retenue de salaire correspondante, celui-ci conteste les absences qui lui sont reprochées au regard des plannings que l’employeur justifie lui avoir transmis pour le mois de juillet 2021, quand ce dernier échoue à démontrer la réalité d’autres absences imputables au salarié au cours de ce même mois, comme il ne justifie pas des absences qu’il évoque au cours des mois précédents.

S’agissant de l’absence du salarié à compter du 2 août 2021, les éléments soumis à l’appréciation de la cour font ressortir que s’il avait été prévu que le salarié, dont le lieu de travail n’a pas été contractuellement prévu, devait intervenir à [Localité 3], ville se trouvant en dehors du périmètre géographique de ses précédentes affectations et effectivement distante de près de deux cents kilomètres de son domicile situé à [Localité 5], les plannings régulièrement reçus par voie électronique portant modification de son planning du mois d’août 2021 l’affectaient sur le site d'[Localité 7] sauf une vacation à [Localité 6] dans la matinée du 11 août, villes situées dans le périmètre géographique de ses précédentes interventions et se trouvant à une distance raisonnable, d’environ cinquante kilomètres.

En conséquence, c’est vainement que le salarié reproche à l’employeur de l’avoir irrégulièrement affecté sur des sites situés en dehors du périmètre géographique d’intervention, alors qu’il est établi qu’il n’a donné aucune suite à la lettre recommandée du 7 août 2021 qui le mettait en demeure de justifier de son absence au travail le 2 août, date à laquelle il avait envoyé un SMS confirmant son indisponibilité pour se rendre à [Localité 7] en raison du fait qu’il ne pouvait pas « partir aussi loin ».

Enfin, l’employeur ne démontre pas ni de la validité de la clause d’exclusivité selon laquelle le salarié s’engage à travailler exclusivement pour la société et à n’exercer aucune activité concurrente à celle-ci pendant toute la durée du contrat de travail, alors qu’une telle clause doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, justifiée par la nature de la tâche à accomplir, et proportionnée au but recherché, ni la violation de cette clause. Quant à l’obligation de loyauté du salarié envers son employeur, il ne ressort pas des éléments soumis à l’appréciation de la cour la commission par le salarié d’actes contraires à l’intérêt de l’entreprise, notamment l’exercice par celui-ci d’une activité concurrente.

Considérant l’ensemble de ces éléments, la cour juge que la succession des absences injustifiées du salarié au cours du mois d’août 2021 caractérise à elle-seule la faute grave de nature à fonder son licenciement.

Il convient donc de dire que le licenciement pour faute grave est bien-fondé et de débouter le salarié de ses demandes indemnitaires subséquentes.

Sur le rappel de salaire et de congés payés afférents

Le salarié, qui conteste les retenues sur salaires opérées par l’employeur sur ses bulletins de paie des mois de mai, juin, juillet et août 2021 au motif d’absences « non rémunérées », à l’exception de son absence du 29 juillet 2021, réclame le paiement d’un rappel de salaires et de congés payés afférents. Il critique le jugement entrepris en ce que pour le débouter de sa demande il fait peser sur lui la charge de la preuve quant au paiement du salaire et au fait de se tenir ou pas à la disposition de l’employeur.

Ce dernier réplique que les retenues sur salaires sont justifiées dans leur ensemble compte tenu des absences imputables au salarié.

Considérant la motivation qui précède et au vu des bulletins de paie, le salarié est fondé à prétendre au versement du salaire correspondant aux retenues indument opérées sur sa rémunération sur la période de mai à juillet 2021, soit une somme totale de 697,53 euros brut outre 69,75 euros brut de congés payés afférents.

Les intérêts au taux légal courront sur ces sommes à compter de la date de réception de la lettre recommandée de convocation de l’employeur devant le bureau de jugement directement saisi, soit le 19 octobre 2021, ou de la première demande en justice qui en a été faite.

Il convient d’ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil.

Sur la remise de documents rectifiés

Vu les développements qui précèdent, il est fait droit, comme précisé au dispositif, à la demande de remise de documents rectifiés conformément à l’arrêt. Le prononcé d’une astreinte n’apparaît pas nécessaire.

Sur les dépens et l’indemnité de procédure

L’employeur, qui succombe partiellement, sera condamné aux entiers dépens et sera débouté de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

En considération de l’équité, il y a lieu de condamner la société Dimension Sécurité Privée à payer à Me Jean-Christophe Leduc, avocat de M. [B] bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle, la somme de 1 500 euros en application des articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Rejette la demande de production forcée de pièces avant dire droit ;

Infirme partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau sur le tout pour une meilleure compréhension et y ajoutant :

Requalifie le contrat de travail à durée déterminée du 1er mai 2021 en contrat à durée indéterminée ;

Déboute M. [S] [B] de sa demande en paiement d’une indemnité de requalification ;

Dit bien-fondé le licenciement pour faute grave du 30 août 2021;

Déboute en conséquence M. [S] [B] de ses demandes en paiement d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d’une indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents ;

Condamne la société Dimension Sécurité Privée à payer à M. [S] [B] la somme de 697,53 euros brut à titre de rappel de salaires outre 69,75 euros brut de congés payés afférents ;

La condamne à remettre à M. [S] [B] un bulletin de paie, une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail rectifiés conformément à l’arrêt ;

La condamne à payer à Me Jean-Christophe Leduc, avocat de M. [B], bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle, la somme de 1 500 euros en application des articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Déboute les parties pour le surplus ;

Condamne la société Dimension Sécurité Privée aux dépens de première instance et d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thierry CABALE, Président, et par Monsieur Nabil LAKHTIB, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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