AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Patrice X…, demeurant …, en cassation d’un arrêt rendu le 17 octobre 1995 par la cour d’appel de Limoges (chambre sociale), au profit de la société Radio France, dont le siège social est 116, avenue du président Kennedy, 75116 Paris, défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l’audience publique du 13 janvier 1998, où étaient présents : M. Merlin, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, Mme Trassoudaine-Verger, conseiller référendaire rapporteur, MM. Brissier, Finance, conseillers, M. Lyon-Caen, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Trassoudaine-Verger, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré et Xavier, avocat de M. X…, de Me Hennuyer, avocat de la société Radio France, les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Vu les articles L. 122-1 et L. 122-1-1-3° du Code du travail ;
Attendu que, M. X… a été employé par la société Radio France en qualité d’animateur en exécution d’une succession de contrats à durée déterminée du 25 mai 1988 au 27 juin 1993 pour les radios locales Radio-France Tours, Radio-France La Rochelle, Radio-France Creuse, Radio-France Grenoble et Radio-France Auxerre;
qu’estimant que sa relation contractuelle devait s’analyser en un contrat à durée indéterminée, M. X… a saisi la juridiction prud’homale d’une demande de requalification ;
Attendu que pour rejeter la demande de M. X…, la cour d’appel a énoncé, par motifs propres et adoptés, que le secteur de l’audiovisuel est inclus par l’article D. 121-2 du Code du travail au nombre des secteurs, visés par l’article L. 122-1-1 du Code du travail, pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée ;
que la convention collective de la communication et de la production audiovisuelle prévoit que le recours facultatif aux contrats à durée déterminée pour les « emplois et tâches énumérés en son annexe 2 », dont les présentateurs et animateurs, emploi occupé par M. X…;
que la restriction invoquée par M. X…, au recours à des contrats à durée déterminée s’applique aux personnels visés à l’annexe 3 titre II de la convention collective et dans le cas de succession de contrats à objet différents tandis que les fonctions d’animateur-présentateur sont prévues à l’annexe 2 – Protocole 3 (tâches directement liées au passage à l’antenne), étant précisé que, tous les contrats successifs de M. X… ayant le même objet et l’ayant amené à exercer dans de nombreuses localités entre mai et juin 1993, il ne peut soutenir que cette succession ait eu pour objet de pourvoir durablement un emploi permanent de la société Radio France ;
Attendu, cependant, que l’article L. 122-1-3° du Code du travail ne permet de recourir au contrat à durée déterminée dans les secteurs où il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée que pour les seuls emplois ayant un caractère par nature temporaire;
que les dispositions d’une convention collective ne peuvent déroger à ce texte ;
Qu’en statuant comme elle l’a fait, alors qu’elle avait constaté que les contrats à durée déterminée avaient tous le même objet et que le salarié avait occupé pendant quatre années, au sein de la société Radio France, le même emploi d’animateur, la cour d’appel qui n’a pas précisé en quoi la nature de l’activité et l’emploi occupé par M. X… avaient un caractère temporaire, n’a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 17 octobre 1995, entre les parties, par la cour d’appel de Limoges ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Bourges ;
Condamne la société Radio France aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre février mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.