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17 octobre 2023
Cour d’appel de Nîmes
RG n°
21/02703
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/02703 – N° Portalis DBVH-V-B7F-IDTW
YRD/JLB
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’ALES
25 juin 2021
RG :F19/00077
[J]
C/
Association ECURIE DU MAS DU SIRE
Grosse délivrée le 17 OCTOBRE 2023 à :
– Me [M]
– Me PERROUX
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 17 OCTOBRE 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ALES en date du 25 Juin 2021, N°F19/00077
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, a entendu les plaidoiries, en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère
Madame Leila REMILI, Conseillère
GREFFIER :
Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et Monsieur Julian LAUNAY BESTOSO, Greffier, lors du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l’audience publique du 05 Juillet 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 17 Octobre 2023.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANT :
Monsieur [H] [J]
né le 11 Juillet 1983 à [Localité 2]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Pauline GARCIA de la SELARL PG AVOCAT, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉE :
Association ECURIE DU MAS DU SIRE
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Nicolas PERROUX de la SCP JUDICIA AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 17 Octobre 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour.
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
Soutenant avoir été embauché par l’association Ecurie du Mas du Sire sans contrat de travail écrit de mars 2017 à septembre 2018 en qualité d’animateur-soigneur, et avoir travaillé sous la direction directe de Mme [K], présidente de l’association, M. [H] [J] a saisi le conseil de prud’hommes d’Alès, par requête reçue le 16 août 2019, afin qu’il soit révélé à son profit un contrat de travail entre l’association Ecurie du Mas du Sire et lui-même, qu’il soit jugé que la rupture des relations contractuelles s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et que l’association Ecurie du Mas du Sire soit condamnée à lui payer plusieurs sommes au titre de l’exécution et de la rupture de son contrat de travail.
Par jugement contradictoire du 25 juin 2021, le conseil de prud’hommes d’Alès a :
– débouté l’association Ecurie du Mas du Sire de ses demandes d’exception de procédure (nullité de la requête et incompétence du conseil de prud’hommes),
– débouté M. [H] [J] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– dit qu’il n’y a pas lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.
Par acte du 13 juillet 2021, M. [H] [J] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 31 mars 2022, M. [H] [J] demande à la cour de :
– débouter l’association Ecurie du Mas du Sire de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes d’Alès RG 19/00077 du 25 juin 2021 en ce qu’il a :
* rejeté la demande en nullité de la requête de l’association Ecurie du Mas du Sire
* débouté l’association Ecurie du Mas du Sire de sa demande d’incompétence du conseil de prud’hommes
* dit qu’il n’y a pas lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de l’intimé ;
– réformer le jugement du conseil de prud’hommes d’Alès RG 19/00077 du 25 juin 2021 sauf en ce qu’il a rejeté la demande en nullité de la requête de l’association Ecurie du Mas du Sire ;
– juger que sa requête est recevable ;
– réformer le jugement du conseil de prud’hommes d’Alès du 25 juin 2021 RG n°19/00077 en ce qu’il l’a débouté de sa demande visant à juger qu’il était lié à l’association Ecurie du Mas du Sire au moyen d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet de mars 2017 à septembre 2018.
– constater qu’il a effectué une prestation de travail sous lien de subordination juridique pour le compte de l’association Ecurie du Mas du Sire ;
– juger qu’il a été lié à l’association Ecurie du Mas du Sire au moyen d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet pendant au moins une année et demi, de mars 2017 à septembre 2018 ;
– réformer le jugement du conseil de prud’hommes d’Alès du 25 juin 2021 RG n°19/00077 en ce qu’il l’a débouté de sa demande visant à juger que la convention collective applicable à l’activité de l’association Ecurie du Mas du Sire est celle du 11 juillet 1975 et qu’il a occupé les fonctions
d’animateur-soigneur catégorie 1 coefficient 109 conformément aux dispositions de la convention collective précitée ;
– juger que la convention collective applicable à l’activité de l’association Ecurie du Mas du Sire est celle du 11 juillet 1975 ;
– juger qu’il a occupé les fonctions d’animateur-soigneur catégorie 1 coefficient 109 conformément aux dispositions de la convention collective du 11 juillet 1975 ;
– réformer le jugement du conseil de prud’hommes d’Alès du 25 juin 2021 RG n°19/00077 en ce qu’il l’a débouté de ses demandes de rappels de salaire ;
– condamner l’association Ecurie du Mas du Sire à lui payer un rappel de salaire d’un montant de 22.567,84 euros bruts, outre la somme de 2.882,78 euros bruts de congés payés y afférents ;
– condamner l’association Ecurie du Mas du Sire à lui délivrer des bulletins de paie conformément aux dispositions du jugement à intervenir ;
– réformer le jugement du conseil de prud’hommes d’Alès du 25 juin 2021 RG n°19/00077 en ce qu’il l’a débouté de sa demande au titre du travail dissimulé ;
– juger qu’il a fait l’objet de travail dissimulé ;
– condamner l’association Ecurie du Mas du Sire à procéder aux déclarations aux organismes sociaux conformément aux dispositions du jugement à intervenir ;
– condamner l’association Ecurie du Mas du Sire à lui payer une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé d’un montant de 9.191,20 euros (151,67 X 10,10 euros X 6 mois).
– réformer le jugement du conseil de prud’hommes d’Alès du 25 juin 2021 RG n°19/00077 en ce qu’il l’a débouté de sa demande visant à juger que la rupture des relations contractuelles s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
– juger que la rupture des relations contractuelles par Mme [K] s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– réformer le jugement du conseil de prud’hommes d’Alès du 25 juin 2021 RG n°19/00077 en ce qu’il l’a débouté de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– condamner l’association Ecurie du Mas du Sire à lui payer la somme de 3.063,73 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– réformer le jugement du conseil de prud’hommes d’Alès du 25 juin 2021 RG n°19/00077 en ce qu’il l’a débouté de sa demande d’indemnité légale de licenciement ;
– condamner l’association Ecurie du Mas du Sire à lui payer la somme de 574,44 euros à titre d’indemnité légale de licenciement ;
– réformer le jugement du conseil de prud’hommes d’Alès du 25 juin 2021 RG n°19/00077 en ce qu’il l’a débouté de sa demande d’indemnité compensatrice de préavis ;
– condamner l’association Ecurie du Mas du Sire à lui payer la somme de 1.531,86 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
– condamner l’association Ecurie du Mas du Sire à lui payer la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Il soutient que :
– il a été amené à participer à l’exploitation et à l’entretien des lieux où exerçait l’association,
– il peut se prévaloir de la présomption instituée à l’article L.7121-3 du code du travail,
– il justifie avoir exercé son activité sous les directives de l’association et avoir perçu des sommes versées par celle-ci.
En l’état de ses dernières écritures en date du 12 janvier 2022, contenant appel incident, l’association Ecurie du Mas du Sire demande à la cour de :
– confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Alès le 25 juin 2021, en ce qu’il a débouté M. [H] [J] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions
– réformer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Alès le 25 juin 2021, en ce qu’il a :
* l’a déboutée de sa demande d’incompétence du conseil de prud’hommes,
* dit qu’il n’y a pas lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
* laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.
Et, statuant à nouveau sur les chefs de demandes réformées
– l’accueillir en son appel incident.
– dire et juger que M. [J] ne justifie pas de l’existence d’un contrat de travail entre l’association Ecurie Mas du Sire et lui-même,
En conséquence,
– se déclarer matériellement incompétente à statuer des demandes de M. [J],
– renvoyer M. [J] à mieux se pourvoir devant le tribunal judiciaire,
En tout état de cause,
– condamner M. [J] à lui verser une somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [J] aux entiers dépens de l’instance.
A titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour de céans devait se déclarer compétente
– dire et juger l’absence de lien de subordination juridique entre M. [J] et elle,
– dire et juger que M. [J] ne peut prétendre à un rappel de salaire en contrepartie de la reconnaissance d’une relation de travail à temps complet,
– dire et juger que M. [J] ne justifie pas être victime d’un travail dissimulé et rejeter la demande indemnitaire afférente,
– dire et juger que M. [J] ne justifie pas d’un préjudice justifiant une indemnisation,
– rejeter la demande de M. [J] au titre de son prétendu licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– débouter M. [J] de l’ensemble de ses demandes indemnitaires au titre de la prétendue rupture abusive de son contrat de travail
En conséquence,
– débouter M. [H] [J] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
Elle fait valoir que :
– M. [J] est intervenu en raison de ses liens de proximité avec Mme [K],
– M. [J] échoue à démontrer qu’il a exercé sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Par ordonnance en date du 21 février 2023, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 05 juin 2023. L’affaire a été fixée à l’audience du 05 juillet 2023.
MOTIFS
Sur l’incompétence soulevée par l’association Ecurie du Mas du Sire
L’association Ecurie du Mas du Sire soutient que M. [J] ne justifie pas de l’existence d’un contrat de travail à son égard et que la cour doit se déclarer matériellement incompétente pour statuer sur ses demandes et le renvoyer à mieux se pourvoir devant le tribunal judiciaire.
Or, d’une part la cour ayant plénitude de compétence, l’exception d’incompétence soulevée de surcroît après défense au fond ( dans la mesure où, dans son dispositif, l’association Ecurie du Mas du Sire demande préalablement la confirmation du jugement en ce qu’il a débouté M. [H] [J] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions), est doublement irrecevable, d’autre part selon l’article 79 du code de procédure civile lorsqu’il ne se prononce pas sur le fond du litige, mais que la détermination de la compétence dépend d’une question de fond, le juge doit, dans le dispositif du jugement, statuer sur cette question de fond et sur la compétence par des dispositions distinctes. Or en l’espèce, après avoir rejeté l’exception d’incompétence, le conseil de prud’hommes a statué au fond en sorte que, en application des dispositions de l’article 90 du code de procédure civile, le jugement peut être frappé d’appel dans l’ensemble de ses dispositions. La cour doit dès lors se prononcer sur le fond.
Il n’y a donc pas lieu de renvoyer l’affaire devant le tribunal judiciaire dont l’association Ecurie du Mas du Sire ne précise pas le siège entachant de plus fort l’irrecevabilité de son exception d’incompétence.
Sur l’existence d’un contrat de travail
L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait, dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs. Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements et l’intégration dans un service organisé constitue un indice du lien de subordination lorsque les conditions de travail sont unilatéralement déterminées par le cocontractant.
M. [J] expose que durant l’année 2016, alors qu’il exploitait une activité de nettoyage en qualité d’auto-entrepreneur, il a rencontré Mme [G] [K] avec laquelle il a entretenu une liaison amoureuse, qu’il a emménagé chez cette dernière qui est propriétaire d’un mas sur la commune de [Localité 4] et exploite notamment une activité d’élevage de chevaux et de spectacles équestres par l’intermédiaire de l’association Ecurie du Mas du Sire.
Il se prévaut des dispositions de l’article L.7121-3 du code du travail qui dispose : « Tout contrat par lequel une personne s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un artiste de spectacle en vue de sa production, est présumé être un contrat de travail dès lors que cet artiste n’exerce pas l’activité qui fait l’objet de ce contrat dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce et des sociétés »
Or, il n’est pas rapportée la preuve en l’espèce de l’existence d’un contrat par lequel l’association Ecurie du Mas du Sire se serait assurée, moyennant rémunération, le concours de M. [J] en qualité d’artiste du spectacle en vue de sa production.
Au demeurant, M. [J] ne se présente nullement comme «artiste» et déclare avoir fait les travaux suivants :
– entretien journalier des espaces verts,
– entretien des écuries,
– entretien des chevaux,
– cours d’éducation équestre à l’école d’équitation du domaine.
Par ailleurs la présence de M. [J] sur les lieux de spectacle que donnait Mme [K] s’expliquait pas les liens intimes existant entre eux.
La participation de M. [J] aux travaux de l’association Ecurie du Mas du Sire résulte également de ses liens de proximité avec Mme [K], il n’a jamais été envisagé une quelconque rémunération et M. [J] ne caractérise aucun ordre ou directive reçue de la part de l’association Ecurie du Mas du Sire ni qu’il ait été soumis à un contrôle et au pouvoir disciplinaire de celle-ci. Les messages SMS produits par l’appelant s’adressent à un nombre non identifié de destinataires dont il n’est même pas établi qu’il en soit.
Les éléments produits ( attestations, messages…) confirment que M. [J] a adhéré au style de vie de sa concubine en toute connaissance de cause sans aucune contrepartie autre que l’hébergement dont il bénéficiait. Les attestations rédigées en des termes généraux et imprécis, contenant pour certaines d’évidentes erreurs de datation, sont insuffisantes à caractériser l’existence d’un lien de subordination qui est par ailleurs formellement démentie par les attestations produites par l’association Ecurie du Mas du Sire.
Cette collaboration s’intégrait dans le système de fonctionnement de l’association basé sur le bénévolat, l’association ne comptant aucun salarié, étant au surplus observé que M. [J] était alors demandeur d’emploi et bénéficiaire du RSA.
Les relevés de compte en banque de l’appelant portent mention des versements provenant principalement de Mme [K] et rarement de l’association Ecurie du Mas du Sire, l’irrégularité de ces versements comme la disparité des montants ne tendent pas à établir l’existence d’une rémunération.
Si M. [J] estime avoir contribué à l’essor et à l’activité de l’association Ecurie du Mas du Sire en soutenant qu’il est évident que [son] activité était absolument cruciale pour le bon fonctionnement du Mas du Sire il ne démontre pas pour autant que son investissement soit intervenu dans le cadre d’une relation de travail. La relation qu’entretenait le couple était alors exclusive de tout lien de subordination.
Par ailleurs, M. [J] ne formule aucune demande subsidiaire fondée sur une autre qualification juridique de son activité au sein de l’association Ecurie du Mas du Sire.
L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en l’espèce.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Par arrêt contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort
– Rejette l’exception d’incompétence,
– Confirme le jugement déféré,
– Dit n’y avoir lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamne M. [J] aux dépens d’appel.
Arrêt signé par le président et par le greffier.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT