Cobranding / Association de marques : 16 juin 2022 Cour d’appel de Grenoble RG n° 20/03999

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Cobranding / Association de marques : 16 juin 2022 Cour d’appel de Grenoble RG n° 20/03999
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N° RG 20/03999 – N° Portalis DBVM-V-B7E-KUYF

C4

Minute N°

Copie exécutoire

délivrée le :

Me Géraldine MERLE

Me Claire CHABREDIER

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 16 JUIN 2022

Appel d’un Jugement (N° RG 2019J135)

rendu par le Tribunal de Commerce de ROMANS SUR ISERE

en date du 12 novembre 2020

suivant déclaration d’appel du 10 Décembre 2020

APPELANTE :

S.A.R.L. 2B13 DIFF

société à responsabilité limitée au capital de 3.825 euros, immatriculée au

Registre du Commerce et des Sociétés de Marseille sous le numéro 450.481.189, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège ;

6 Boulevard Moulin Guieu

13013 MARSEILLE

représentée par Me Géraldine MERLE, avocat au barreau de la DROME, postulant et Me François BERTHOD du cabinet ARTEMONT A.A.R.P.I, avocat au barreau de PARIS,

INTIMÉE :

S.A.R.L. CG DISTRIBUTION

SARL au capital de 8 000 euros, immatriculée au RCS de Romans sur Isère sous le n° 524 397 023, représentée par ses dirigeants légaux en exercice,

Chemin du Chameau

26130 SAINT PAUL TROIS CHATEAUX

représentée par Me Claire CHABREDIER, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et Me TALLENT de la SELARL MONOD ‘ TALLENT, avocat au barreau de LYON,

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre FIGUET, Président,

Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseiller,

M. Lionel BRUNO, Conseiller,

Assistés lors des débats de Madame Sarah DJABLI, Greffier placé.

DÉBATS :

A l’audience publique du 13 Avril 2022

M. BRUNO conseiller, a été entendu en son rapport,

Les avocats ont été entendus en leurs conclusions,

Puis l’affaire a été mise en délibéré pour que l’arrêt soit rendu ce jour,

Faits et procédure :

1.La société CG Distribution exerce une activité de distribution dans le domaine de la mode et de la confection. Elle détient à ce titre des mandats de distribution, dans le cadre de contrats d’agences commerciales, avec des sociétés distribuant des marques de renom.

2.Intéressée par le distribution de marques, la société 2B13 DIFF, développant une activité d’agent commercial dans le domaine de la distribution de produits textiles, a sollicité la société CG Distribution, et un contrat de sous-agent commercial a été signé le 26 octobre 2016 concernant la distribution de quatre marques dans 13 départements du sud de la France ainsi qu’à Monaco.

3.Le 24 janvier 2018, la société 2B13 DIFF a informé la société CG Distribution de sa volonté d’arrêter la distribution de la marque Kronstadt. La société CG Distribution s’est alors prévalue de la rupture du contrat de sous-agent commercial par courrier reçu par la société 2B13 DIFF le 6 avril 2018. Par courrier du 28 mai 2018, cette dernière a contesté la rupture du contrat. Elle a ensuite assigné la société CG Distribution devant le tribunal de commerce de Romans sur Isère afin notamment d’obtenir le paiement de 22.724,15 euros au titre du paiement de factures émises le 15 février 2018, de 31.889 euros au titre de l’indemnité compensatrice, et de 3.756 euros au titre de l’indemnité de préavis.

4.Par jugement du 12 novembre 2020, le tribunal de commerce a’:

– dit la société 2B13 DIFF mal fondée en ses demandes et l’en a déboutée’;

– condamnée la société 2B13 DIFF à payer à la société CG Distribution la somme de 3.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile’;

– rejeté toutes autres demandes’;

– condamné la société 2B13 DIFF aux dépens.

La société 2B13 DIFF a interjeté appel de ce jugement le 10 décembre 2020.

L’instruction de cette procédure a été clôturée le 10 février 2020.

Prétentions et moyens de la société 2B13 DIFF:

5.Selon ses conclusions remises le 27 juillet 2021, elle demande à la cour, au visa des articles L134-1 à L134-16 du code de commerce’:

– d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a dit la concluante mal fondées en ses demandes à l’encontre de la société CG Distribution et l’en a déboutée’; en ce qu’il a condamné la concluante à payer à l’intimée la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en ce qu’il a rejeté toutes autres demandes et mis les dépens à la charge de la concluante’;

– statuant à nouveau, de condamner l’intimée à payer à la concluante une rémunération forfaitaire de 25.000 euros ;

– subsidiairement, de condamner l’intimée à communiquer, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, huit jours après la signification de la décision à intervenir, toutes les informations requises par l’article R134-3 du code de commerce afin de vérifier l’ensemble des commissions dues, ces informations devant inclure les documents comptables de l’intimée (grand livre) mais aussi les relevés de commissions de ses propres mandants, et ce depuis le début de la relation commerciale et pour l’ensemble du territoire contractuel ;

– en tout état de cause, de condamner l’intimée à payer à la concluante la somme de 22.724,15 euros HT (soit 27.268,98 euros TTC), au titre du règlement des dernières factures émises le 15 février 2018, sommes à parfaire en fonction des éléments inconnus à ce jour ;

– de condamner l’intimée à payer à la concluante la somme de 31.889 euros, au titre de l’indemnité compensatrice, somme qui devra être augmentée afin d’intégrer les factures à émettre’;

– de condamner l’intimée à payer à la concluante la somme de 3.756 euros, somme qui devra être augmentée afin d’intégrer les factures à émettre, au titre de l’indemnité de préavis ;

– de débouter l’intimée de l’ensemble de ses prétentions ;

– de condamner l’intimée à payer à la concluante la somme de 50.000 euros, au titre des dommages et intérêts ;

– de condamner l’intimée au paiement de la somme de 15.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

La société 2B13 DIFF soutient’:

6.- que dès le début de l’exécution du contrat, l’intimée a manqué à ses obligations, par un manque de communication, d’absence de réponse ou de réponses tardives aux courriels de la concluante, laissant l’agent commercial sans solution face à ses clients; que cela a concerné notamment la prise en compte de commandes de clients et leur livraison dans les délais prévus; que le logiciel mis à disposition par l’intimée n’était pas opérationnel ce qui a obligé la concluante à s’assurer auprès de l’intimée de la prise en compte des commandes passées’; que certaines livraisons n’ont pas correspondu avec les commandes effectuées’; que des difficultés ont concerné le paiements des commandes Kronstadt, puisque s’il était prévu que les clients établissent leurs chèques directement au nom de cette enseigne, il s’est avéré que cette marque les refusait, sans que l’intimée n’en informe la concluante, ce qui l’a laissée, ainsi que la clientèle, dans une incertitude totale; que cependant, l’intimée a opposé que les problèmes ne provenaient pas du mode de paiement, mais de retards de paiement et d’impayés’; que trois clients ont fini par être mis en demeure par cette marque par l’intermédiaire d’un cabinet de recouvrement alors qu’ils avaient réglé leurs commandes par chèques; qu’il en est résulté qu’une partie de la clientèle n’a plus voulu passer de commandes’;

7.- que l’intimée n’a pas respecté les limites du secteur géographique dévolu à la concluante, puisqu’elle a nommé un autre agent commercial sur cette zone’; qu’elle a ainsi demandé à la concluante de ne pas intervenir sur le département de la Drome, alors que le contrat d’agence a inclus ce département dans le secteur attribué à la concluante et a précisé qu’elle bénéficiait d’une exclusivité totale’; que le tribunal de commerce n’a pu retenir qu’il ressort d’échanges de courriels au mois de février 2017 qu’il a été convenu que ce département ne fasse pas partie du territoire concédé’; qu’il n’y a eu en réalité aucun accord, puisque la concluante a demandé qu’il lui soit confirmé que ce département lui était attribué’;

8.- que si l’intimée indique que la concluante n’aurait pas communiqué sur les impayés ou les retards de paiement, il n’est fait état que d’un seul client Grand Play Ground, mais qui a régularisé ses paiements’; qu’en outre, si elle invoque le fait que la concluante a pris l’initiative d’arrêter la représentation de la marque Kronstadt, la concluante n’est pas à l’origine de cet arrêt, alors qu’elle a seulement informé la clientèle de ce fait par correction’; que si l’intimée soutient que la concluante n’aurait pas restitué les échantillons, l’intimée en a cependant repris possession après plusieurs relances de la concluante en mars 2018′;

9.- s’agissant de l’indemnité compensatrice prévue par l’article L134-12 du code de commerce, qu’elle est due du seul fait de la cessation du contrat d’agent commercial, en réparation de la perte de marché qu’il subit’; qu’il est d’usage que cette indemnité soit égale à deux ans de commissions’; que la concluante n’est pas à l’origine de la rupture du contrat, puisqu’elle a seulement cessé sa collaboration concernant la marque Kronstadt, en raison des manquements de l’intimée’; que l’article L134-13 dispose que l’indemnité

compensatrice reste due dès lors que la rupture du contrat est justifiée par des circonstances imputables au mandant, qui par son comportement oblige l’agent à mettre fin au contrat ; qu’il s’agit ainsi d’une distinction entre l’origine et l’imputabilité de la rupture’;

10.- que tel est le cas en l’espèce, en raison des manquements de l’intimée à ses obligations concernant le fonctionnement de la collaboration, alors que concernant les autres marques que la concluante devait promouvoir, c’est l’intimée qui a pris l’initiative de la rupture’;

11.- concernant le montant de cette indemnité, que l’ensemble des factures de la concluante au cours des deux dernières années représente 31.889 euros, sauf prestations non encore facturées’;

12.- s’agissant de l’indemnité de préavis prévue par l’article L134-11, que le contrat d’agence a prévu un préavis de deux mois, devant coïncider avec la fin du dernier mois civil’; que cependant la concluante n’a bénéficié d’aucun préavis’; que le courrier de rupture ayant été reçu le 5 avril 2018, il appartenait ainsi à l’intimée de respecter un préavis jusqu’au 30 juin 2017, soit pendant 86 jours’; qu’en fonction des commissions facturées sur les deux dernières années, la somme de 3.756 euros doit être versée, sous réserve des facturations en attente’;

13.- s’agissant des manquements de l’intimée à ses obligations légales en matière d’envoi des relevés de commissions et de paiement, qu’il appartient au mandant d’assurer le suivi des commandes et des paiements, par l’envoi des relevés de commissions, puisque l’agent commercial est privé d’informations, ignorant si le client a réglé sa facture au mandant, fait générant la commission; qu’ainsi l’article R134-3 du code de commerce prévoit que le mandant remet à l’agent un relevé des commissions dues, au plus tard le dernier jour du mois suivant le trimestre au cours duquel elles sont acquittées, alors que l’article L134-9 prévoit que la commission est payée au plus tard le dernier jour du mois qui suit le trimestre au cours duquel elle était acquise’; que le non respect de ces délais constitue une faute, légitimant la rupture du contrat aux torts exclusifs du mandant’; que l’intimée a toujours été défaillante dans le respect de ces obligations alors que la concluante reste dans l’attente des relevés lui permettant d’émettre ses dernières factures’;

14.- que la concluante a droit aux commissions afférentes aux commandes passées postérieurement à la rupture du contrat, dès lors que ces commandes sont le résultat de son travail de prospection, par application de l’article L134-6 du code de commerce’; que des factures de commissions émises le 15 février 2018 pour 22.724,15 euros HT n’ont pas été ainsi réglées’; que la concluante ne peut rapporter la preuve de ces commandes et de leur paiement, puisque l’accès au logiciel mis en place par l’intimée lui est désormais refusé’; que cependant, la charge de la preuve de ces commandes et paiements repose sur l’intimée’; que la concluante a pu obtenir de la marque des états de comptes démontrant les prises de commandes’;

15.- concernant la communication de documents, que l’article R134-3 du code de commerce dispose que l’agent a le droit d’exiger du mandant qu’il fournisse toutes les informations, en particulier un extrait des documents comptables nécessaires pour vérifier le montant des commissions qui lui sont dues’; qu’il s’agit d’une disposition d’ordre public et ainsi d’un droit n’ayant pas à être justifié par des motifs particuliers’; qu’en la cause, l’intimée a été mise en demeure le 28 mai 2018 mais n’a pas répondu’; qu’elle doit ainsi être condamnée sous astreinte à cette production’; qu’en l’absence d’informations transmises par l’intimée, le juge doit procéder à une évaluation en fonction des éléments dont il dispose’; qu’ainsi, la concluante est en droit de réclamer des rémunérations à hauteur de 25.000 euros’;

16.- concernant la demande de dommages et intérêts, que l’indemnité compensatrice est indépendante de l’existence d’une faute du mandant’; qu’ainsi, en cas de rupture abusive, le mandant est tenu d’indemniser l’agent du préjudice subi à raison de cette faute’; que l’article L134-4 du code de commerce dispose que le contrat d’agence est conclu dans l’intérêt commun des parties, et qu’elles sont liées par une obligation de loyauté et un devoir réciproque d’information alors que le mandant doit mettre l’agent en mesure d’exécuter son mandat’; qu’en l’espèce, l’intimée a manqué à ses obligations en ne répondant pas ou tardivement aux demandes de renseignements, en manquant de communication, en effectuant une mauvaise gestion des commandes, en procédant à des livraisons non conformes et tardives, en effectuant un suivi défectueux des paiements, en fournissant des informations erronées, en ne respectant pas le secteur concédé et en adressant des relevés de commissions partiels’; que ces fautes ont généré un trouble commercial pour la concluante, tant résultant de l’énergie perdue que de son image auprès du réseau commercial’;

17.- concernant la demande reconventionnelle de la société CG Distribution, que c’est l’intimée qui est à l’origine de la rupture en raison de ses manquements.

Prétentions et moyens de la société CG Distribution’:

18.Selon ses conclusions remises le 13 mai 2021, elle demande à la cour’:

– de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a dit que la société 2B13 DIFF est mal fondée en ses demandes et l’en a déboutée, en ce qu’il a condamné cette dernière au paiement d’une somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance’;

– de l’infirmer en ce qu’il a débouté la concluante de sa demande reconventionnelle à l’encontre de la société 2B13 DIFF en responsabilité pour rupture brutale et sans motif du contrat d’agence commerciale et en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour un montant de 20.000 euros’;

– en conséquence, de débouter la société 2B13 DIFF de l’ensemble de ses demandes’;

– de dire que la demande formulée à hauteur de 27.268.98 euros TTC est nouvelle et irrecevable’;

– reconventionnellement et réformant la décision entreprise sur ce point, de dire que la rupture du contrat d’agence commerciale s’est faite à l’initiative de la société 2B13 DIFF brutalement et sans motif légitime’;

– de dire que la société 2B13 DIFF engage ainsi sa responsabilité et doit être condamnée à réparer l’entier préjudice subi par la concluante’;

– de condamner la société 2B13 DIFF au paiement d’une somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi’;

– en tout état de cause, de condamner la société 2B13 DIFF au paiement d’une somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’en tous les dépens de première instance et d’appel.

La société CG Distribution soutient’:

19.- que l’appelante a pris en charge la distribution de deux saisons, automne/hiver 2017 et printemps/été 2018, mais que ses résultats ont été très décevants’; que la représentation et la distribution n’ont pas été sérieuses et ont conduit à de nombreux impayés, amenant les fournisseurs des marques à alerter la concluante sur le peu de sérieux et les impayés’; que l’appelante a été incapable d’utiliser les outils de travail mis à sa disposition notamment par la société Kronstadt pour la gestion, le suivi et le paiement des commandes ; que suite à la volonté de l’appelante d’arrêter la distribution de cette marque, la concluante a pris acte de la rupture du contrat d’agence concernant cette marque et a sollicité la restitution des échantillons et des marchandises encore détenus, sans effet’; que la concluante a ainsi confirmé la rupture du contrat d’agent commercial, aux torts de l’appelante’;

20.- s’agissant des griefs invoqués par l’appelante, et concernant un manque de communication, d’absence de réponses ou de réponses tardives, que les allégations de l’appelante sont fausses puisque la concluante a répondu aux demandes faites dans les jours suivants’; que certaines demandes concernaient des marques que la concluante n’a pas voulu concéder à l’appelante, en raison des problèmes déjà rencontrés’; que l’appelante a effectué une présentation tronquée de certains messages’;

21.- que le problème d’accès au logiciel pour certaines commandes résultait du fait que les clients n’étaient pas à jour de leurs paiements, tel le client Grand Play Ground qui a laissé un impayé de 25.309 euros’;

22.- concernant des défaillances dans la passation et la livraison de commandes, que cela résulte de commandes antérieures impayées’; que rien ne permet de retenir que le logiciel de gestion mis à disposition par la société Kronstadt ne fonctionnait pas, alors que l’appelante suivait ses commandes directement par le site intranet de ce fournisseur et le contactait par ce moyen’; que par ce biais, elle avait accès à toutes les informations relatives aux commissions’; que c’est ce fournisseur qui a bloqué le compte de certains clients, empêchant ainsi toute nouvelle prise de commandes, en raison d’impayés’; que l’appelante a ouvert sur le logiciel un faux compte client à son nom afin de passer des commandes à destination de clients indélicats’; que le problème invoqué concernant une erreur de livraison ne concerne qu’une seule commande, pour deux pièces en défaut’; que les problèmes rencontrés lors du paiement des commandes ne résultent pas du mode de paiement par chèques, mais de retards et d’impayés ce qui a amené la société Kronstadt à intervenir et à désormais refuser des paiements par chèques en demandant la mise en place de virements dont l’appelante n’a pas voulu’;

23.- concernant le secteur géographique attribué à l’appelante, que cette dernière a, en préparant le contrat d’agent commercial, inclus de manière erronée le département de la Drome, alors qu’il relève de la région Rhône-Alpes sur laquelle il existait un autre sous-agent commercial pour ce département’; qu’un échange de courriels est ainsi intervenu en février 2017 aux termes duquel il a été convenu d’exclure ce département’; que par la suite, l’appelante n’a soulevé aucune contestation à ce titre’; qu’il s’agit ainsi d’un accord implicite et non contesté’;

24.- que c’est en réalité l’appelante qui a manqué à ses obligations et a décidé d’arrêter la représentation de la marque Kronstadt, en alertant l’ensemble de la clientèle du secteur de sa propre initiative’; qu’elle a pris l’initiative de la rupture brutale du contrat, sans que cela ne procède d’un manquement de la concluante’;

25.- en conséquence, que l’indemnité de préavis et l’indemnité de clientèle ne sont pas dues’; que les dernières factures de commissions ont été établies unilatéralement et sont injustifiées, correspondant à des commandes et livraisons non honorées ni payées’; que la demande portant sur 27.268,98 euros est nouvelle devant la cour, puisqu’elle a été formée en première instance sur 22.724,15 euros, et porte ainsi sur l’existence du montant toutes taxes’; qu’il n’est pas justifié d’une faute de la concluante ni d’un préjudice subi par l’appelante’;

26.- que la demande de communication sous astreinte est mal fondée, puisque l’appelante a toujours eu accès au logiciel de gestion de la société Kronstadt et ainsi à ses droits à commission, d’autant qu’il est établi que son personnel faisait régulièrement le point avec ce fournisseur’; que la concluante n’a ainsi jamais eu à adresser de relevés et n’en détient pas’; que la concluante ne peut en obtenir auprès de la société Kronstadt puisqu’elle n’est plus son agent commercial’;

27.- reconventionnellement, que la rupture est intervenue de façon brutale et sans fondement’; que l’abandon du secteur a obligé la concluante à pallier cette rupture’; que les échantillons des collections n’ont pas été restitués et ont été probablement vendus par l’appelante’; que la concluante a ainsi subi un préjudice à hauteur de 20.000 euros.

*****

28.Il convient en application de l’article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS DE LA DECISION’:

1) Concernant la recevabilité de la demande de l’appelante concernant le paiement de la somme de 27.268,98 euros TTC’:

29.Il résulte des conclusions des parties que la société 2B13 DIFF a demandé devant le tribunal de commerce le paiement de 22.724,15 euros au titre de factures de commissions impayées, sans préciser si cette somme est hors taxe ou taxes incluses. Selon ses conclusions développées devant le tribunal, elle a fondé cette demande sur sa pièce 12, également produite devant la cour, concernant deux factures des 4 et 5 décembre 2017, pour un total de 22.724,15 euros HT, soit 27.268,98 euros TTC. Il en résulte que la somme demandée aux premiers juges était hors taxe. En conséquence, alors qu’il n’est pas contesté que la TVA est due sur ces factures, l’appelante est recevable à solliciter devant la cour une condamnation toutes taxes comprises, cette prétention n’étant pas nouvelle, puisqu’en cas d’admission de cette demande en paiement, la condamnation devra être exécutée toutes taxes comprises. La prétention de l’intimée à ce titre sera donc rejetée.

2) Sur le fond’:

a) Concernant les conditions de la rupture du contrat d’agent commercial’:

30.Concernant ce point, le tribunal de commerce a retenu que la société 2B13 DIFF a interrompu brutalement le contrat d’agence concernant la marque Kronstadt, en informant l’ensemble de la clientèle avant d’en aviser préalablement sa mandante, ce qui a placé celle-ci en difficultés sur la saison en cours. Il a retenu que la société 2B13 DIFF n’a effectué aucune diligence pour le développement et le suivi de la clientèle, ni procédé au recouvrement des factures impayées, et qu’elle s’est libérée de marchandises nouvelles auprès de la clientèle débitrice au mépris de l’ensemble des règles applicables. Il a considéré que la rupture est intervenue à l’initiative de la société 2B13 DIFF par des circonstances qui lui sont imputables. En conséquence, il a dit que les indemnités compensatrice et de préavis ne sont pas dues.

31.La cour relève que le contrat d’agent commercial a confié à l’appelante une mission consistant à vendre les produits de la marque Kronstadt, Alternative Apparel et Herschel Supply, ce contrat se référant aux articles L134-1 et suivants du code de commerce, relatifs à la profession d’agent commercial. Ce contrat a été conclu à durée indéterminée. La rémunération du mandataire a été fixée à 10’% du montant HT des commandes, sauf pour la marque Herschel Supply, ce taux étant de 8’%. Aucune commission ne sera due notamment en cas d’insolvabilité notoire d’un client. Les commissions sont payables à réception des factures adressées au mandant par le mandataire.

32.Ce contrat a également stipulé que chaque partie pourra y mettre fin moyennant un préavis de deux mois, et que le mandant sera tenu de verser une indemnité calculée en fonction des usages de la profession s’il désire résilier le mandat. Aucune indemnité ne sera due au mandataire s’il a commis une faute grave. En conséquence, il appartient à l’intimée, mandante, de rapporter la preuve d’une faute grave si elle prétend ne devoir aucune indemnité au titre de la rupture du contrat par l’appelante.

33.La cour constate qu’aucune pièce ne vient établir que l’appelante a pris l’initiative de la rupture du contrat d’agence. Elle a indiqué le 24 janvier 2018 qu’elle n’entendait simplement plus assurer la distribution des produits de marque Kronstadt en raison des difficultés rencontrées avec ce fournisseur. C’est la société CG Distribution qui a pris l’initiative de la rupture de la relation commerciale dans son courrier du 6 avril 2018, reprochant à l’appelante de ne pas avoir présenté la collection automne-hivers 2018 de ce fournisseur, suite à un meeting organisé par cette marque au Danemark le 13 décembre 2017, puis lui reprochant de lui avoir indiqué qu’elle ne voulait plus travailler sur cette marque. En conséquence, la société CG Distribution a indiqué à l’appelante qu’elle lui retirait également la marque Herschel, qu’elle n’était pas satisfaite des résultats accusant une baisse de 30’%. Elle a mis fin au partenariat en demandant de lui adresser les échantillons de vente, afin de pouvoir calculer les commissions restant dues.

34.Concernant la marque Kronstadt, il résulte des mails échangés entre les parties qu’un problème s’est posé très rapidement concernant la prise en charge des commandes adressées à ce fournisseur par l’appelante. Celle-ci a en conséquence créé un compte fictif, au nom de l’un de ses préposés, afin de contourner la demande du fournisseur concernant les modalités de paiement, refusant les règlements par chèques. Le fournisseur a été informé de cette difficulté et de la création de ce compte «'[F]’» par mail du 4 août 2017. Les divers mails indiquent en outre que ces clients ont fait l’objet de poursuites en paiement de la part du fournisseur, bien qu’ils aient adressé leurs règlements. Des problèmes récurrents ont concerné le déblocage de livraisons, ou des produits non conformes concernant les tailles livrées. Des difficultés ont été également signalées par le mandataire concernant le fait qu’en raison de la nationalité de ce fournisseur, les paiements en euros n’étaient pas possibles ce qui inquiétait la clientèle.

35.En conséquence de ces difficultés récurrentes, alors que rien ne confirme que l’appelante aurait été incapable d’utiliser les outils informatiques mis à sa disposition, la société 2B13 DIFF était fondée à ne plus vouloir représenter cette marque. Aucun élément ne permet de retenir que l’appelante n’a pas été en mesure d’assurer le suivi et le paiement des commandes, puisqu’au contraire, elle a mis en place une procédure afin de pallier le refus du fournisseur d’accepter des paiements par chèques, dont aucune pièce ne vient confirmer que ce refus résultait de retards de paiement voire d’impayés.

36.En outre, concernant le secteur géographique concédée à l’appelante, le tribunal de commerce a retenu que les échanges de courriels des 16 et 17 février 2017 établissent qu’il a été convenu que le département de la Drome ne fasse pas partie du territoire concédé. La cour constate que le contrat d’agent commercial a concédé à l’appelante la région Paca Grand Sud, au titre des départements 04/05/06/11/13/26/30/34/66/83/84, Monaco et les deux départements corses, avec une clause d’exclusivité. Le département de la Drome a ainsi été spécialement inclus dans ce périmètre. Elle note que par courriel du 16 février 2017, l’appelante a interrogé l’intimée sur l’attribution de ce département concernant la marque Kronstadt. Il lui a été confirmé le lendemain que ce département ne dépendait pas de la région Paca Grand Sud, qu’il était attribué à un autre agent commercial, et qu’il ne fallait plus prospecter sur la Drome. Si aucune contestation n’a été adressée en retour par l’appelante, aucun élément ne vient indiquer qu’elle a accepté cette restriction au territoire concédé contractuellement. Il en résulte que le tribunal de commerce n’a pu indiquer qu’il a été convenu que ce département ne fasse plus partie du territoire concédé à la société 2B13 DIFF, la preuve d’un tel accord ne procédant d’aucune pièce.

37.S’agissant de la restitution des pièces restant en possession de l’appelante à la date de la rupture du contrat d’agence par la société CG Distribution et leur revente par l’appelante, l’intimée ne fournit aucun élément concernant ce fait, qui serait constitutif d’une faute.

38.Il résulte de ces motifs que la société 2B13 n’a pas pris l’initiative de la rupture du contrat d’agent commercial, mais qu’elle a seulement informé son mandant qu’elle n’entendait plus poursuivre la représentation d’une marque en raison des problèmes rencontrés avec le fournisseur, pour des motifs avérés. Ce refus de poursuivre cette présentation n’a pas été brutal, l’intimée ayant été informée pendant plusieurs mois des problèmes rencontrés, ni sans fondement. En raison du mandat d’intérêt commun résultant du contrat d’agent commercial, cette volonté de ne plus représenter une seule marque ne constitue pas un motif de rupture pour faute grave. La rupture de la relation commerciale est ainsi totalement imputable à la société CG Distribution. Le jugement déféré sera ainsi infirmé en ce qu’il a débouté l’appelante de toutes ses demandes.

b) Sur les sommes dues à la société 2B13 DIFF’:

39.Concernant la demande de paiement d’une rémunération forfaitaire de 25.000 euros, reposant sur le fait que l’intimée n’aurait pas permis le calcul des commissions exactement dues, outre l’incidence du non respect du secteur géographique concédé en raison de l’interdiction de prospecter sur le département de la Drome, il appartient au mandant de produire les informations notamment comptables nécessaires à la vérification du montant des commissions dues à l’agent commercial par application de l’article R134-3 du code de commerce. A cet effet, cet article dispose que le mandant remet à l’agent commercial un relevé des commissions dues, au plus tard le dernier jour du mois suivant le trimestre au cours duquel elles sont acquises. Ce relevé mentionne tous les éléments sur la base desquels le montant des commissions a été calculé. Le mandataire n’a ainsi que la charge de prouver qu’il n’a pas reçu les paiements correspondant aux ventes dûment encaissées qu’il a permis de réaliser.

40.A cet égard, la société CG Distribution ne produit aucun des relevés mentionnés à l’article R134-3 du code de commerce. Elle ne peut s’abriter derrière le prétexte que l’appelante a toujours accès au logiciel Kronstadt, fait non établi, alors que la demande de l’agent commercial ne concerne pas ce seul fournisseur, ni derrière le fait qu’elle n’avait pas à adresser de tels relevés, malgré son obligation légale, qu’elle n’en détiendrait aucun et qu’elle est dans l’impossibilité d’en obtenir de la part de ce fournisseur au motif qu’elle n’est plus son agent commercial.

41.Il appartient ainsi à la juridiction saisie de retirer toute conséquence de cette abstention. En raison des diverses factures produites par l’appelante au titre de ses commissionnements, la société 2B13 DIFF rapporte la preuve d’un préjudice à hauteur de 25.000 euros TTC. Il n’y a en conséquence pas lieu de condamner l’intimée à justifier des pièces comptables permettant de calculer les commissions restant dues, ni à payer à l’appelante la somme de 27.268,98 euros TTC au titre des dernières commissions dues.

42.Concernant le montant de l’indemnité de préavis, le contrat d’agent a stipulé un délai de deux mois, dont la validité n’est pas discutée par les parties. La cour ayant retenu un préjudice de 25.000 euros au titre des commissions impayées, il en résulte que la société CG Distribution doit une indemnité de préavis d’un montant de 4.166,67 euros, représentant deux mois de commissions sur la base du préjudice retenu précédemment.

43.Concernant l’indemnité compensatrice de rupture prévue par l’article L134-12 du code de commerce, la société 2B13 DIFF sollicite une indemnité égale à une année de commission. En considération de l’indemnité précédemment allouée, la société CG Distribution sera condamnée à lui payer la somme de 25.000 euros à ce titre.

44.Concernant enfin la demande visant au paiement de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts, la cour constate qu’aucune preuve résultant d’un préjudice résultant des conditions de la rupture du contrat d’agent commercial n’est rapportée. Cette demande ne peut également qu’être rejetée.

c) Concernant la demande reconventionnelle de la société CG Distribution’:

45.Concernant la demande reconventionnelle de la société CG Distribution, le tribunal de commerce a indiqué que cette société ne rapporte pas la preuve d’un préjudice. La cour ajoute que l’appelante n’a pas été à l’origine de la rupture du contrat d’agent commercial, alors qu’elle avait, pendant plusieurs mois, attiré l’attention de sa mandante sur les difficultés rencontrées avec l’un des fournisseurs, et qu’aucune faute ne peut être établie à son encontre. Le jugement déféré sera ainsi confirmé en ce qu’il a rejeté cette demande.

*****

46.La société CG Distribution succombant partiellement devant cet appel sera condamnée à payer à la société 2B13 DIFF la somme de 4.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile. Elle sera également condamné au paiement des dépens, exposés tant en première instance qu’en cause d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Vu les articles du 564 et suivants du code de procédure civile, L134-1 et suivants, R134-3 du code de commerce’:

Déboute la société CG Distribution de sa prétention tendant à voir déclarer la demande de la société 2B13 DIFF en paiement de la somme de 27.268,98 euros TTC irrecevable comme étant nouvelle devant la cour’;

Infirme le jugement déféré en ce qu’il a dit la société 2B13 DIFF mal fondée en ses demandes et l’en a déboutée’; en ce qu’il a condamné la société 2B13 DIFF à payer à la société CG Distribution la somme de 3.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile’; en ce qu’il a condamné la société 2B13 DIFF aux dépens’;

Confirme le jugement déféré en ses autres dispositions’;

statuant à nouveau’:

Condamne la société CG Distribution à payer à la société 2B13 DIFF la somme de 25.000 euros TTC au titre de ses commissions d’agent commercial’;

Condamne la société CG Distribution à payer à la société 2B13 DIFF la somme de 4.166,67 euros TTC au titre de l’indemnité de préavis’;

Condamne la société CG Distribution à payer à la société 2B13 DIFF la somme de 25.000 euros TTC au titre de l’indemnité compensatrice de rupture ;

Condamne la société CG Distribution à payer à la société 2B13 DIFF la somme de 4.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile’;

Déboute la société 2B13 DIFF de ses autres demandes’;

Condamne la société CG Distribution aux dépens exposés tant en première instance qu’en cause d’appel’;

SIGNÉ par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La GreffièreLa Présidente

 


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