Cobranding / Association de marques : 22 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/04684

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Cobranding / Association de marques : 22 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/04684
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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 1

ARRET DU 22 JUIN 2022

(n° 114/2022, 19 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 20/04684 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBT3V

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Février 2020 – Tribunal Judiciaire de PARIS 3ème chambre – 1ère section – RG n° 18/09683

APPELANTE

Société PANZANI SASU

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de LYON sous le numéro 961 503 422

Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me François TEYTAUD de l’AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque : J125

Assistée de Me Roland LIENHARDT, avocat au barreau de PARIS, toque : E0974

INTIMEES

Madame [R] [K]

Née le 07 Décembre 1980 à [Localité 4]

De nationalité française

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

Assistée de Me Claire HERISSAY DUCAMP de la SELARL CANDÉ – BLANCHARD – DUCAMP, avocat au barreau de PARIS, toque : P0265

S.A.S. LE GOUT DU BONHEUR

Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés d’AVIGNON sous le numéro 833 806 029

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

Assistée de Me Claire HERISSAY DUCAMP de la SELARL SELARL CANDÉ – BLANCHARD – DUCAMP, avocat au barreau de PARIS, toque : P0265

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 10 Mai 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre

Mme Françoise BARUTEL, Conseillère

Mme Deborah BOHEE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l’audience par Mme Déborah BOHÉE, conseillère, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON

ARRÊT :

Contradictoire

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DU LITIGE

Mme [R] [K], née intolérante au gluten dans une famille passionnée de gastronomie, expose qu’elle a décidé de développer des recettes sans gluten et de lancer en 2015 un mouvement culinaire, intitulé ‘CUISINE LIBRE’ et de créer ‘l’INSTITUT CUISINE LIBRE’, proposant une nouvelle approche de la gastronomie, libérée de l’allergène en tant que contrainte, mais en plaçant la tolérance comme nouvelle étape de l’excellence gastronomique.

Par le biais de l’INSTITUT CUISINE LIBRE, Mme [R] [K] propose son expertise en matière de création culinaire et de formation pour les personnes souhaitant réapprendre à cuisiner sans allergènes.

Mme [R] [K] est titulaire de la marque verbale de l’Union européenne ‘CUISINE LIBRE DE [R] [K]’n°15545122, déposée le 15 juin 2016 et enregistrée le 2 novembre 2016 pour divers produits et services des classes 16, 21, 24, 30,35, 41, 42 et 44.

Mme [R] [K] préside par ailleurs la société LE GOÛT DU BONHEUR, laquelle est titulaire des marques suivantes :

– une marque verbale française ‘CUISINE LIBRE’ n°4418848, déposée le 11 janvier 2018 à l’INPI, et enregistrée le 11 mai 2018, pour divers produits et services des classes 8, 11, 16, 21, 25, 29, 30, 32, 33, 35, 38, 41, 42 et 43,

– une marque semi-figurative française ‘C INSTITUT CUISINE LIBRE’ n°4418920 déposée le 11 janvier 2018 à l’INPI et enregistrée le 4 mai 2018 pour divers produits et services des classes 8, 11, 16, 21, 25, 29, 30, 32, 33, 35, 38, 41, 42 et 43.

La société PANZANI, qui fabrique et vend des pâtes alimentaires, semoules, couscous et conserves, immatriculée le 27 juin 1961 au RCS Lyon, est notamment titulaire des marques suivantes :

– la marque verbale française ‘PANZANI CUISINE LIBRE’ n°4433557, déposée le 2 mars 2018 et enregistrée le 22 juin 2018 pour divers produits et services des classes 29, 30 et 35,

– la marque verbale française ‘PANZANI, LA CUISINE LIBRE’ n°4433568, déposée le 2 mars 2018 et enregistrée le 22 juin 2018 pour divers produits et services des classes 29, 30 et 35.

Mme [R] [K] et la société LE GOÛT DU BONHEUR ont constaté que la société PANZANI diffusait une campagne publicitaire sur le site internet à l’adresse www.panzani.fr/soyez-libre, en utilisant le signe ‘CUISINE LIBRE’.

Considérant que l’exploitation des deux marques ‘PANZANI, CUISINE LIBRE’ et ‘PANZANI, LA CUISINE LIBRE’ et la campagne publicitaire y afférente constituaient des atteintes à leurs droits antérieurs sur leurs marques, Mme [R] [K] et la société LE GOÛT DU BONHEUR ont adressé, par l’intermédiaire de leur conseil, le 23 avril 2018, une lettre de mise en demeure à la Société PANZANI, sollicitant le retrait des marques litigieuses et la cessation de l’usage de la dénomination ‘CUISINE LIBRE’, à laquelle la société PANZANI a refusé de répondre positivement, par courrier du 9 mai 2018.

Mme [R] [K] et la société LE GOÛT DU BONHEUR ont fait établir un constat d’huissier de justice sur internet le 13 juin 2018 attestant que le spot publicitaire ‘CUISINE LIBRE’ était toujours diffusé par la Société PANZANI sur son site.

Autorisée par ordonnance du délégataire du président du tribunal de grande instance de Paris du 25 juin 2018, Mme [R] [K] et la société LE GOÛT DU BONHEUR ont fait pratiquer une saisie-contrefaçon le 5 juillet 2018 au siège social de la société PANZANI, laquelle a fait apparaître qu’une campagne publicitaire de communication était en cours sous le nom ‘Soyez libre’ dans laquelle apparaissent les termes ‘CUISINE LIBRE’, sur trois supports différents: publicité diffusée à la télévision, sur le site internet de la société et en programmatique digitale dans divers médias internet.

Par acte d’huissier de justice du 24 juillet 2018, la société LE GOUT DU BONHEUR a fait assigner la société PANZANI devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris en atteinte vraisemblable à la marque verbale française ‘CUISINE LIBRE’ n°4418848.

Par ordonnance du 6 septembre 2018, rectifiée le 10 septembre 2018, le juge des référés a dit que l’usage du signe verbal ‘CUISINE LIBRE’ à titre de marque par la société PANZANI pour exploiter des services liés à la gastronomie et à la restauration des classes 35, 38, 41, 42 et 43 porte vraisemblablement atteinte aux droits de la société LE GOÛT DU BONHEUR sur la marque n°4418848 et a interdit à la société PANZANI d’utiliser ce signe à titre de marque et sur tout support pour désigner les services liés à la gastronomie et à la restauration dans les classes 35, 38, 41, 42 et 43 à compter du 10 septembre 2018, sous astreinte de 2.000 euros par jour, l’astreinte courant pour une durée de six mois. La société PANZANI a également été condamnée à payer à la société LE GOÛT DU BONHEUR 5.000 euros à titre provisionnel.

Par jugement du 30 avril 2019, le juge de l’exécution du tribunal de grande instance de Lyon, relevant que le site internet de la société PANZANI destiné à assurer la promotion de ses produits portait toujours au 20 novembre 2018 la mention ‘CUISINE LIBRE’ sur l’une de ses pages accessibles au public et considérant que la société PANZANI n’avait toujours pas respecté dans sa totalité l’interdiction faite par le juge des référés, a liquidé l’astreinte provisoire pour une somme de 90.000 euros.

Par arrêt du 7 novembre 2019, la cour d’appel de Lyon a infirmé le jugement du 30 avril 2019 et, statuant à nouveau, liquidé cette astreinte à 12.000 euros, retenant que la société PANZANI, si elle s’était montrée réactive pour la suppression des images diffusées sur internet, avait toutefois agi avec une certaine légèreté en n’effectuant pas correctement et complètement cette suppression, le sous-site consacré à la saga publicitaire de PANZANI montrant toujours, au 22 mars 2019, une image arrêtée avant le démarrage d’une vidéo contenant la mention ‘CUISINE LIBRE’.

Par acte d’huissier de justice du 27 juillet 2018, Mme [R] [K] et la société LE GOÛT DU BONHEUR ont fait assigner la société PANZANI devant le tribunal de grande instance de Paris, en contrefaçon de leurs marques et nullité des marques de la société PANZANI.

Par du jugement du 6 février 2020, dont appel, le tribunal judiciaire de Paris a rendu la décision suivante :

– Dit qu’en utilisant le signe ‘CUISINE LIBRE’ dans le cadre d’une campagne publicitaire ‘SOYEZ LIBRE’ pour promouvoir ses produits, sans y être autorisée par les titulaires des marques, la société PANZANI a commis des actes de contrefaçon de la marque verbale française n°4418848 et de la marque semi-figurative française n°4418920 au préjudice de la société LE GOÛT DU BONHEUR et de la marque verbale de l’Union européenne n°15545122 au préjudice de Mme [R] [K],

– Ordonne l’annulation de l’enregistrement des marques verbales françaises n°4433568 et 4433557 déposées par la société PANZANI le 2 mars 2018,

– Ordonne la communication de la présente décision, une fois celle-ci passée en force de chose jugée, à l’INPI, à l’initiative de la partie la plus diligente, pour inscription sur ses registres,

– Condamne la société PANZANI à payer à la société LE GOUT DU BONHEUR 60.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice imputable à la contrefaçon des marques françaises n°4418848 et 4418920,

– Condamne la société PANZANI à payer à Mme [R] [K] 30.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice imputable à la contrefaçon de la marque de l’Union européenne n°15545122,

– Ordonne à la société PANZANI de ne plus faire usage, sous tout support que ce soit, du signe ‘CUISINE LIBRE’, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, laquelle commencera à courir à l’expiration d’un délai de quinze jours à compter de la signification du présent jugement, et ce, pour une durée de six mois,

– Dit que le tribunal se réservera la liquidation de l’astreinte,

– Condamne la société PANZANI à payer à la société LE GOUT DU BONHEUR et Mme [R] [K] 15.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

– Condamne la société PANZANI au remboursement des frais imputables à la saisie-contrefaçon, et aux dépens.

– Ordonne l’exécution provisoire du jugement, sauf en ce qui concerne l’annulation de l’enregistrement des marques françaises n°4433568 et 4433557.

La société PANZANI a interjeté appel de ce jugement le 4 mars 2020.

Saisi par la société PANZANI, le Premier président de la cour d’appel de Paris, dans un arrêt rendu le 9 septembre 2020, l’a déboutée de sa demande aux fins d’arrêt de l’exécution provisoire des mesures prononcées par le tribunal

Par ailleurs, la société LE GOUT DU BONHEUR a sollicité le 27 juin 2018, l’enregistrement de la marque de l’Union européenne «CUISINE LIBRE» n°17923959 sous priorité de la marque «CUISINE LIBRE» n°4418848, marque refusée à l’enregistrement par l’EUIPO le 18 décembre 2019, décision infirmée par la Chambre des recours de l’EUIPO le 30 novembre 2020 qui a considéré que «prise dans son ensemble la demande de marque a un minimum de caractère distinctif».

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 21 février 2022, la société PANZANI , appelante et intimée incidente, qui demande à la cour, de:

– RECEVOIR la société PANZANI dans l’ensemble de ses arguments, fin et moyens et déclarer ceux-ci bien fondés.

En ce qui concerne la marque française “CUISINE LIBRE” n°4418848,

– INFIRMER le jugement en ce qu’il a dit que la marque verbale française “CUISINE LIBRE” n°4418848 déposée par la société LE GOUT DU BONHEUR le 11 janvier 2018 était distinctive et valide pour désigner les services des classes 35, 38, 41, 42 et 43.

– INFIRMER le jugement en ce qu’il a omis de statuer sur le fait que la marque verbale française “CUISINE LIBRE” n°4418848 était trompeuse ;

– INFIRMER le jugement en ce qu’il a dit que la mention litigieuse « Cuisine libre », constituait la contrefaçon de la marque française “CUISINE LIBRE” n°4418848

En ce qui concerne la marque française “CUISINE LIBRE” n°4418920 ” ” (C Institut Cuisine Libre)

– INFIRMER le jugement en ce qu’il a dit que la mention litigieuse « Cuisine libre », constituait la contrefaçon de la marque française ” ” (C Institut Cuisine Libre) n°4418920

déposées par la société LE GOUT DU BONHEUR.

En ce qui concerne la marque de l’UE “CUISINE LIBRE DE [R] [K]” n°15545122

– INFIRMER le jugement en ce qu’il a dit que la mention litigieuse « Cuisine libre », constituait la contrefaçon de la marque de l’UE “CUISINE LIBRE DE [R] [K]” n°15545122 déposée par Mme [R] [K].

– INFIRMER le jugement en ce qu’il a dit que la mention litigieuse « Cuisine libre » contrefaisait trois marques distinctes (“CUISINE LIBRE” FR n°4418848, ” ” (C Institut Cuisine Libre) FR n°4418920 et “CUISINE LIBRE DE [R] [K]” UE n°15545122).

– INFIRMER le jugement en ce qu’il a alloué un total de 90.000 € les dommages et intérêts aux intimées, au motif que les actes de contrefaçon se seraient poursuivis après l’ordonnance de référé, alors que cette poursuite avait déjà fait l’objet d’une liquidation d’astreinte qui a fait l’objet d’un arrêt définitif rendu par la Cour de Lyon le 7 Novembre 2019.

– INFIRMER le jugement en ce qu’il a annulé les marques “PANZANI, CUISINE LIBRE” n°4433557 et “PANZANI, LA CUISINE LIBRE” n°4433568 qui ont été jugé contrefaisantes des marques (“CUISINE LIBRE” FR n°4418848, ” ” (C Institut Cuisine Libre) FR n°4418920 et “CUISINE LIBRE DE [R] [K]” UE n°15545122). 54

ET STATUANT A NOUVEAU

– JUGER que la société LE GOÛT DU BONHEUR et Madame [K] ont agi avec une légèreté blâmable en engageant une procédure destinée à interdire une campagne publicitaire en cours sur la base d’une marque manifestement faible, dont la validité était douteuse, et dont il n’était pas non plus évident qu’elle était contrefaite.

– INFIRMER le jugement en ce qu’il a débouté la société PANZANI de sa demande reconventionnelle.

– ALLOUER la somme de 140.000 euros de dommages et intérêts à la société PANZANI.

– ORDONNER :

– la publication du jugement à intervenir dans 5 journaux ou revus, au choix de la société PANZANI aux solidaires de la société LE GOUT DU BONHEUR et de Mme [R] [K], à raison de 5.000 €uros par insertion et ce, au besoin à titre de dommages et intérêts complémentaires ;

– l’inscription par extraits du jugement à intervenir sur la page d’accueil du site internet www.institut-cuisine-libre.com en lettres noires sur fond blanc, pendant une durée de 6 mois à compter de la signification du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 €uros par jour de retard.

– REJETER les demandes reconventionnelles incidentes formulées en cause d’appel par les intimées sollicitant l’infirmation de la décision entreprise d’appel sur le quantum des dommages et intérêts en sollicitant les sommes de :

– 100 000 €uros de dommages et intérêts en réparation de l’atteinte à la valeur patrimoniale des différentes marques « CUISINE LIBRE »

– 100 000 €uros de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice commercial découlant des actes de contrefaçon de marques.

– 100 000 €uros de dommages et intérêts en réparation de du préjudice commercial découlant des pratiques commerciales trompeuses.

– JUGER que ces demandes ne s’appuient sur aucune justification.

– CONDAMNER in solidum la société LE GOUT DU BONHEUR et Mme [R] [K] à payer à la société PANZANI la somme de 30.000 €uros au titre de l’article 700 code de procédure civile afin de couvrir les frais afférents aux procédures de 1ère instance et d’appel qu’elle a dû avancés.

– CONDAMNER également in solidum la société LE GOUT DU BONHEUR et Mme [R] [K] aux frais et dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de de Maître François TEYTAUD en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 22 décembre 2021 par la société LE GOUT DU BONHEUR et Mme [R] [K], intimée et appelante incidente, qui demandent à la cour de:

– DEBOUTER la société PANZANI de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

– CONFIRMER le jugement du Tribunal Judiciaire de Paris du 6 février 2020 en ce qu’il a reconnu la parfaite validité de la marque verbale française ‘CUISINE LIBRE’ n°4418848 et débouté la société PANZANI de sa demande de nullité.

– CONFIRMER le jugement en ce qu’il a dit qu’en utilisant le signe « CUISINE LIBRE » dans le cadre d’une campagne publicitaire « SOYEZ LIBRE » pour promouvoir ses produits, sans y être autorisé par ses titulaires des marques, la Société PANZANI a commis des actes de contrefaçon de la marque verbale française n°4418848 et de la marque semi-figurative française n°4418920 au préjudice de la Société LE GOUT DU BONHEUR et de la marque verbale de l’Union européenne n°015545122 au préjudice de Madame [R] [K]

– CONFIRMER le jugement en ce qu’il a ordonné l’annulation de l’enregistrement des marques verbales françaises n° 4433568 et n°44335557 déposées par la Société PANZANI le 2 mars 2018.

– CONFIRMER le jugement en ce qu’il a ordonné à la Société PANZANI de ne plus faire usage, sous tout support que ce soit, du signe « CUISINE LIBRE », sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard.

– INFIRMER le jugement concernant le quantum des dommages et intérêts et la demande fondée sur le moyen des pratiques commerciales trompeuses.

Et statuant de nouveau,

– JUGER que la société PANZANI s’est également rendue coupable de pratiques commerciales trompeuses en application de l’article L. 121-1 du Code de la consommation, et ce au préjudice notamment de Madame [R] [K] et la société LE GOUT DU BONHEUR.

– CONDAMNER la société PANZANI à payer à la société LE GOUT DU BONHEUR et Madame [R] [K] la somme de 100.000 euros (cent mille euros) en réparation de l’atteinte portée à la valeur patrimoniale des marques « CUISINE LIBRE » n° 4418848, «CUISINE LIBRE DE [R] [K] » n°15545122 et « C INSTITUT CUISINE LIBRE» n°4418920.

– CONDAMNER la société PANZANI à payer à la société LE GOUT DU BONHEUR et Madame [R] [K] la somme de 100.000 euros (cent mille euros) en réparation du préjudice commercial découlant des actes de contrefaçon de marques.

– CONDAMNER la société PANZANI à payer à la société LE GOUT DU BONHEUR et Madame [R] [K] la somme de 100.000 euros (cent mille euros) en réparation du préjudice commercial découlant des pratiques commerciales trompeuses.

– ORDONNER la publication de l’arrêt à intervenir dans cinq journaux ou revues, au choix de la Société LE GOUT DU BONHEUR et aux frais de la défenderesse, à raison de CINQ MILLE EUROS (5.000 euros) par insertion et ce, au besoin à titre de dommages-intérêts complémentaires.

– ORDONNER également l’inscription par extraits du jugement à intervenir sur la page d’accueil du site internet www.panzani.fr, en lettres noires sur fond blanc de type arial de taille 14, et ce, pendant une durée de 6 mois à compter la signification du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

– CONFIRMER le jugement concernant le remboursement des opérations de constat/saisie contrefaçon et la somme de 15.000 euros octroyée en première instance au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile et CONDAMNER la société PANZANI à payer à la société LE GOUT DU BONHEUR et Madame [R] [K] la somme complémentaire de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel.

– CONDAMNER la société PANZANI aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL 2H AVOCATS, en la personne de Maître Patricia HARDOUIN, conformément aux dispositions de l’article 699 du nouveau code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 29 mars 2022.

MOTIFS DE L’ARRÊT

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées.

Sur la demande reconventionnelle en nullité de la marque verbale française «CUISINE LIBRE» n°4418848 déposée par la société LE GOUT DU BONHEUR

La société PANZANI soutient que la marque n°4418848 est nulle comme étant dépourvue de caractère distinctif pour les produits et services des classes 35, 38, 41, 42 et 43. Selon elle, le signe CUISINE LIBRE :

– manque de distinctivité intrinsèque pour désigner des produits et service liés à un type de cuisine puisqu’il est la désignation nécessaire et usuelle pour réaliser une cuisine en toute liberté;

– est purement descriptif pour désigner un type de cuisine notamment dans le cadre d’expositions et de manifestations gastronomiques (classe 35), de services et de sites internet liés à la gastronomie (classe 38), de services d’enseignement dans le domaine de la restauration (classe 41), de l’ingénierie dans le domaine de la gastronomie (classe 42) et de services de restauration (classe 43) ;

– a un caractère usuel et descriptif dans le domaine de la cuisine puisqu’il est, selon elle, depuis près de vingt ans une expression associée à un type de cuisine.

Elle ajoute que la marque « CUISINE LIBRE » ne vise pas à protéger un service mais une idée ou un concept, relevant que l’appelante décrit elle-même cette marque comme un « mouvement », et qu’elle n’est donc pas exploitée à titre de marque.

Elle argue enfin que cette marque doit être annulée pour l’ensemble des classes dans lesquelles elle a été déposée puisque, ne désignant pas une cuisine réalisée en toute liberté mais une cuisine réalisée sans gluten, elle présente un caractère trompeur et déceptif.

La société LE GOÛT DU BONHEUR soutient la validité de sa marque, qui n’est, selon elle, ni usuelle, ni nécessaire pour désigner une cuisine « réalisée en toute liberté », dès lors que l’originalité du signe est indifférente en droit des marques, qu’elle a été déposée pour une multitude de produits et de services et que la dénomination « CUISINE LIBRE » ne correspond pas à la désignation des services des classes 35, 38, 41, 42 et 43, ni descriptive de ces produits et services dès lors que la dénomination « CUISINE LIBRE » présente une multitude de significations et un caractère arbitraire et inhabituel pour désigner des services tournés autour d’une cuisine sans gluten et sans allergène et pas davantage déceptive puisqu’elle offre une nouvelle forme de liberté aux personnes souffrant d’allergies alimentaires.

Elle ajoute qu’elle ne revendique nullement la protection d’un concept ou d’un genre, mais uniquement des droits sur un signe dénominatif distinctif déposé pour désigner un certain nombre de services destinés à être commercialisés par elle sous la dénomination « CUISINE LIBRE » et réalise donc un usage de ce signe à titre de marque.

Pour défaut de distinctivité

La cour rappelle qu’en vertu de l’article L.711-2 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction alors applicable, «Le caractère distinctif d’un signe de nature à constituer une marque s’apprécie à l’égard des produits ou services désignés.

Sont dépourvus de caractère distinctif :

a) Les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service ;

b) Les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l’époque de la production du bien ou de la prestation de service ;

c) Les signes constitués exclusivement par la forme imposée par la nature ou la fonction du produit, ou conférant à ce dernier sa valeur substantielle.

Le caractère distinctif peut, sauf dans le cas prévu au c, être acquis par l’usage.

Et l’article L.714-3 du code de la propriété intellectuelle dispose qu’est déclaré nul l’enregistrement d’une marque qui n’est pas conforme aux dispositions des articles L.711-1 à L.711-4 du code de la propriété intellectuelle.

Ainsi, le caractère distinctif d’un signe doit être apprécié à la date de son dépôt par rapport aux produits et services visés à l’enregistrement et non au regard de l’activité du déposant. En outre, un signe, même dépourvu d’originalité ou composé d’une combinaison de termes usuels, peut être déposé comme marque, s’il est effectivement arbitraire pour désigner les produits et services auxquels il s’applique, cette marque devant permettre d’assurer l’indication d’origine de ceux-ci.

Au cas présent, la marque verbale française «CUISINE LIBRE» n° 4418848 a été déposée pour les produits et services suivants:

8 : Outils et instruments à main entraînés manuellement; coutellerie, fourchettes et cuillers,

11 : Appareils d’éclairage, de chauffage, de production de vapeur, de cuisson, de réfrigération, de séchage, de ventilation, de distribution d’eau et installations sanitaires, cuisinières ;

16 : Papier, carton; emballages en papier, carton ; produits de l’imprimerie; articles pour reliures; photographies; papeterie; adhésifs (matières collantes) pour la papeterie ou le ménage; matériel pour les artistes; pinceaux; machines à écrire et articles de bureau (à l’exception des meubles); matériel d’instruction ou d’enseignement (à l’exception des appareils); matières plastiques pour l’emballage (non comprises dans d’autres classes); caractères d’imprimerie; clichés ; livres, livrets, manuels, revues, journaux, magazines, prospectus, publications, reproductions graphiques, reproductions de documents; guides, guides gastronomiques, guides de restaurants et d’hôtels ; guides de recettes, guides en matière d’oenologie, de vins ; Guides, revues, journaux magazines sur le patrimoine agricole français, la gastronomie, la cuisine, les produits alimentaires du terroir, les boissons alcoolisées et non alcoolisées, les chefs français et les métiers de la restauration et de l’hôtellerie et du tourisme;

21 : Ustensiles et récipients la cuisine; moules de cuisine ; verrerie, porcelaine et faïence non comprises dans d’autres classes, à savoir : boîtes en verre, bougeoirs, cache-pot non en papier, vaisselle, verres (récipients), flacons, vaisselle en verre, assiettes, vaisselle, à savoir cuillères, couteaux , fourchettes, assiettes ; verres à boire; carafes; dessous de carafes; tire-bouchons; becs verseurs; casseroles, poêles, marmites, plats de services non en métaux précieux, plateaux non en métaux précieux, porte-couteaux, ouvre-bouteilles, vases, tire-bouchons, services à thé et à café non en matières précieuses ;

25 : Vêtements de cuisine à savoir : tabliers, blouses, blousons, chemises, pantalons, uniformes, chaussures, toques, toques de cuisinier ;

29 : Viande, poisson, volaille et gibier; extraits de viande; fruits et légumes conservés, séchés et cuits; gelées, confitures, compotes; oeufs, lait et produits laitiers; huiles et graisses comestibles; conserves, pickles; plats cuisinés ;

30 : Café, thé, cacao, sucre, riz, tapioca, sagou, succédanés du café; farines et préparations faites de céréales, pain, biscuits, gâteaux pâtisserie et confiserie, glaces comestibles; miel, sirop de mélasse; levure, poudre pour faire lever; sel, poivre, moutarde; vinaigre, sauces (condiments); épices; glace à rafraîchir ;

32 : Bières; eaux minérales et gazeuses et autres boissons non alcooliques; boissons de fruits et jus de fruits; sirops et autres préparations pour faire des boissons ;

33 : Boissons alcoolisées à l’exception des bières ;

35 : Services d’organisation d’expositions, de manifestations à buts commerciaux ou de publicité dans le cadre de la promotion du patrimoine culturel français, du patrimoine agricole français, des métiers de la restauration et de l’hôtellerie ; Services d’organisation d’expositions, de manifestations à buts commerciaux ou de publicité dans le cadre de la promotion de la cuisine française ; Services d’organisation d’expositions, de manifestations à buts commerciaux ou de publicité dans le cadre de la promotion des produits alimentaires et de vins français, de la cuisine française ; Services de promotion des ventes pour des tiers, services de recherche de parrainage dans le cadre de la promotion de la cuisine française; Service d’organisation d’opération à but commercial et publicitaire, de fidélisation de la clientèle, de promotion et de stimulation des ventes par l’octroi d’avantages particuliers, de parrainage, de réductions, de cadeaux, d’invitations au restaurant ; Présentation de tous types de produits et services sur tout moyen de communication pour le vente au détail ; Services de présentation de produits alimentaires et de boissons en particulier de produits du terroir français sur tous moyens de communication pour le vente au détail, services de vente au détail ou en gros de produits alimentaires et de boissons ; Services de vente à emporter de produits alimentaires, plats préparés, plats cuisinés, boissons ; services de promotion des ventes pour des tiers ; location d’espaces publicitaires ; aide et conseils aux entreprises du secteur de l’hôtellerie restauration dans la conduite de leurs affaires notamment études de marché, audits de performance, mesure de la satisfaction clientèle, études d’optimisation de la production, de repositionnements d’offres; mise à disposition de personnel et notamment d’experts mandatés en vue de missions d’aide et conseils aux entreprises du secteur de l’hôtellerie restauration ; mise en relation d’étudiants et/ou de jeunes diplômés avec des entreprises ; Conseils d’affaires relatives au franchisage; Administration d’affaires commerciales de franchises; Conseils en matière de franchisage commercial; Conseils concernant la gestion d’établissements en tant que franchises; Conseils d’affaires relatives au franchisage; Assistance aux entreprises en matière de franchisage; Assistance aux entreprises en matière de franchise; Services d’assistance (commerciale) dans l’exploitation de franchises (affaires); Fourniture d’assistance en matière d’exploitation de franchises; Services de conseil aux entreprises relatifs à l’exploitation de franchises ;

38 : Service de fourniture d’accès à des informations sur le patrimoine culturel français, le patrimoine agricole français, les métiers de la restauration et de l’hôtellerie ; Service de fourniture d’accès à des informations sur la gastronomie, la cuisine, les chefs, l’oenologie, les boissons alcooliques, les spiritueux, les vins, les produits alimentaires du terroir ; Service de mise à disposition d’accès à un portail Internet concernant la gastronomie, la cuisine, les chefs, l’oenologie, les boissons alcooliques, les spiritueux, les vins, les produits des terroirs français; Service de fourniture d’accès à des blogs et de forums d’informations, de conseils de discussions, de transmission et de partage de commentaires dans le domaine du patrimoine culturel français, du patrimoine agricole français, des métiers de la restauration et de

l’hôtellerie ; Service de fourniture d’accès à des blogs et de forums d’informations, de conseils de discussions, de transmission et de partage de commentaires dans le domaine de la gastronomie, la cuisine, les chefs, l’oenologie, les boissons alcooliques, les spiritueux, les vins, l’alimentation et les produits alimentaires du terroir français ; Services de transmission d’informations et de conseil par voie télématique et/ou de communication par réseau informatique mondial de marchandises en matière de gastronomie, de vins et de spiritueux ;

41 : Tous services d’enseignement et de formation ; Services de formation et d’enseignement dans le domaine de la restauration et de l’hôtellerie ; Tous services d’enseignement par correspondance ; Services d’organisation de concours en matière d’éducation ou de divertissement. Services d’organisation de concours en particulier dans le domaine culinaire ; Organisation de colloques, conférences, congrès en matière de formation; Tous services d’enseignement et de formation professionnelle. Services de conseils donnés auprès des entreprises en matière de formation professionnelle. Tous services d’enseignement et de formation dans le cadre de préparation à des concours d’entrée d’écoles spécialisées ; Services d’organisation de concours en matière d’éducation ou de divertissement ; Organisation de colloques, conférences, congrès en matière de formation ; Organisation de concours dans le domaine culinaire ; Organisation de colloques, conférences, congrès dans le domaine culinaire, de l’hôtellerie et du tourisme ; Services de divertissements radiophoniques et télévisés en particulier dans le domaine culinaire, de l’hôtellerie et du tourisme; Montage de programmes radiophoniques et de télévision en particulier dans le domaine culinaire, de l’hôtellerie et du tourisme ; Services d’édition de livres, de revues; Organisation de manifestations culturelles et de divertissements portant notamment sur les domaines de l’hôtellerie, de la restauration et de la gastronomie ; organisation d’événements à des fins culturelles et de divertissements ; formation au management dans les domaines de l’hôtellerie et de la restauration ; informations sur les métiers de l’hôtellerie restauration, les arts de la table, les métiers de cuisiniers, pâtissiers, boulangers ;

42 : Recherche et ingénierie notamment dans les domaines de la gastronomie, l’hôtellerie restauration, la nutrition et la santé ; études de conceptualisation de prestations de restauration et d’hébergement ; réalisation de maquettes culinaires ; mise en place de programmes collaboratifs ayant pour thème des problématiques liées au domaine alimentaire, à celui de l’hôtellerie restauration ; services de design et de stylisme notamment dans le domaine des arts de la table et l’aménagement de locaux professionnels pour l’hôtellerie restauration ;

43 : Services de restauration (alimentation) ; services de bar, traiteur, salon de thé ; services d’informations et de conseils en matière de gastronomie et d’alimentation ; services d’hôtellerie; hébergement temporaire ; services de pâtisserie, chocolaterie.»

C’est par des motifs exacts et pertinents, que la cour adopte, que le tribunal a rejeté la demande de nullité fondée sur le défaut de distinctivité de la marque «CUISINE LIBRE».

Il sera simplement ajouté que la marque «CUISINE LIBRE» est certes évocatrice d’une cuisine en liberté ou libérée de certaines règles, mais pas pour autant descriptive des services d’expositions et de manifestations gastronomiques (classe 35), de sites Internet liés à la gastronomie (classe 38), d’enseignements dans le domaine de la restauration (classe 41), d’ingénierie dans le domaine de la gastronomie (classe 42) ou de restauration (classe 43) visés à l’enregistrement de la marque de la société LE GOUT DU BONHEUR et qu’une marque évocatrice, faiblement distinctive, peut être valablement adoptée dès lors qu’elle ne constitue pas la désignation des produits et services visés à l’enregistrement ou de leurs caractéristiques.

En outre, le caractère distinctif d’une marque doit être apprécié par rapport aux produits et services concernés et par rapport à la perception qu’en a le public de référence. Ainsi, les produits et services visés par la marque s’adressent au grand public dont le niveau d’attention est moyen et aux professionnels (notamment de la restauration, de l’hôtellerie ou du tourisme) dont le niveau d’attention est élevé.

Or, la société PANZANI qui procède par affirmation sur ce point n’établit nullement que le signe «CUISINE LIBRE» ne distingue pas les produits et services proposés par la société LE GOUT DU BONHEUR de ceux de ses concurrents, alors que les intimées démontrent que cette marque est effectivement associée par les tiers aux services visés et offerts par Mme [R] [K] et sa société LE GOUT DU BONHEUR, ce signe étant ainsi apte à remplir sa fonction de marque et ne présentant pas un rapport suffisamment direct et concret de nature à permettre au public pertinent de percevoir, immédiatement et sans autre réflexion, une description des produits et services en cause ou une de leurs caractéristiques.

En outre, le fait qu’un site internet ou un livre reprend cette dénomination ne peut suffire à établir que le signe est communément utilisé sur le marché pertinent et, ainsi, son caractère usuel pour les produits et services visés.

Pour défaut d’exploitation à titre de marque et protection d’une idée

C’est également à juste titre que le tribunal a retenu que la marque en cause ne cherche pas à protéger un concept de «CUISINE LIBRE» qui n’est effectivement pas protégeable par le droit des marques mais, seulement, un signe déposé pour désigner notamment certains services permettant à la société LE GOUT DU BONHEUR de commercialiser des formations destinées à apprendre au public comment composer une cuisine sans gluten ni allergènes.

Pour caractère trompeur

En vertu de l’article L.711-3 c) du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction applicable, ne peut être adopté comme marque ou élément de marque un signe de nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou service.

Or, la société PANZANI ne démontre nullement que le signe «CUISINE LIBRE», qui comprend plusieurs significations, serait trompeur au regard des produits et services visés dans l’enregistrement et notamment ceux des classes 35, 38, 41 , 42 et 43, au regard de la perception qu’en a le public d’attention moyenne. Ainsi, le fait de mettre en avant une cuisine sans gluten pour des produits et services exploités sous la marque «CUISINE LIBRE» n’est pas de nature à créer une fausse croyance dans l’esprit des consommateurs quant à la nature ou à la qualité des services et produits proposés, en ce qu’il offre, au contraire, aux personnes souffrant d’allergies alimentaires, un nouveau type de prestations libéré des contraintes habituelles de la cuisine.

C’est en conséquence à juste titre que le tribunal a débouté la société PANZANI de sa demande de nullité de la marque verbale française «CUISINE LIBRE» n°4418848, la cour rectifiant, en application de l’article 463 du code de procédure civile, le jugement en ce qu’a été omis, dans son dispositif, la reprise du rejet de cette demande.

Sur les actes de contrefaçon de marques

Sur la contrefaçon de la marque verbale française «CUISINE LIBRE» n°4418848

La société PANZANI soutient n’avoir commis aucun acte de contrefaçon de la marque verbale française «CUISINE LIBRE» n°4418848 en reproduisant le signe CUISINE LIBRE dans une vidéo publiée sur son site internet dès lors que l’utilisation de ce signe dans le cadre d’une campagne publicitaire « SOYEZ LIBRE » :

– est faite non à titre de marque mais dans son sens purement descriptif pour désigner une cuisine réalisée en toute liberté. Elle rappelle que le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d’interdire à un tiers l’usage, dans la vie des affaires, d’indications relatives à l’espèce, à la qualité, à la quantité, à la destination, à la valeur, à la provenance géographique, à l’époque de la production du produit ou de la prestation du service ou à d’autres caractéristiques de ceux-ci,

– n’est pas faite pour la promotion d’un produit ou d’un service, puisqu’elle soutient ne vendre aucun produit des classes 8, 11, 16, 25, 29, 30, 32, 33, ni aucun service des classes 35, 38, 41, 42 et 43 sous ce signe.

Mme [R] [K] et la société LE GOÛT DU BONHEUR répliquent que la société PANZANI a commis des actes de contrefaçon par reproduction de leurs marques dès lors que :

– elle a reproduit, sans autorisation du titulaire, servilement de manière très apparente dans son spot publicitaire la marque « CUISINE LIBRE » ;

– cette dénomination est utilisée à titre de marque par la société PANZANI pour effectuer la promotion des ses produits, et ce même en dépit de l’absence d’apposition desdits termes sur le produit lui-même et comme le dépôt à titre de marque effectué par la société PANZANI du signe «PANZANI LA CUISINE LIBRE» le confirme.

Elles ajoutent que les termes « CUISINE LIBRE » ne constituent pas une expression courante de la langue française et ne se réfèrent ni à l’espèce, ni à la qualité, ni à la quantité, ni à la destination, ni à la valeur, ni à la provenance géographique, ni à l’époque de la production du produit dont la société PANZANI effectue la publicité sous ce nom.

L’article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle dans sa version applicable à l’espèce, dispose que «Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire :

a) La reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, même avec l’adjonction de mots tels que : “formule, façon, système, imitation, genre, méthode”, ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement (…)».

Comme le tribunal l’a relevé, la société LE GOUT DU BONHEUR démontre par un procès-verbal de constat sur internet du 13 juin 2018 que la société PANZANI, sur le site internet www.panzani.fr/soyez-libre/, dans le cadre d’une campagne publicitaire «Soyez libre», a diffusé une vidéo reproduisant les termes «CUISINE LIBRE», les opérations de saisie contrefaçon effectuées le 5 juillet 2018 au siège de l’appelante ayant permis d’établir que cette campagne publicitaire a été diffusée sur trois supports différents, à la télévision, sur son site internet et dans divers médias internet, ces termes ayant continué à être reproduits sur son site internet en septembre et novembre 2018 et une mention étant toujours présente en mars 2019, comme l’a relevé la cour d’appel de Lyon dans l’instance en liquidation de l’astreinte, soit bien postérieurement à la décision de référé du 6 septembre 2018 lui en interdisant l’usage.

Si, effectivement, ce signe n’a pas été apposé par la société PANZANI sur les produits qu’elle commercialise comme elle le fait valoir, il n’en demeure pas moins que l’usage de ce terme a incontestablement été utilisé par l’appelante dans la vie des affaires dans le cadre d’une campagne publicitaire afin de promouvoir ses produits alimentaires et, non, dans un sens purement descriptif, étant au demeurant largement mis en avant dans le spot publicitaire en plein milieu de l’écran.

C’est également à juste titre que le tribunal a retenu que le signe «CUISINE LIBRE» protégé à titre de marque, ne constitue pas une expression courante de la langue française, en ce qu’il ne se réfère ni à l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l’époque de la production d’un produit ou d’un service ou d’autres caractéristiques de ceux-ci de sorte que la société PANZANI ne peut se prévaloir utilement de l’article 6.1b) de la directive du 22 octobre 2008, dispositions reprises par l’article 14 de la Directive 2015/2436, la société PANZANI n’étant pas fondée à soutenir que ce terme serait utilisé dans son sens purement descriptif, le dépôt préalable de sa marque verbale françaises «PANZANI CUISINE LIBRE» n°4433557, dans les classes de produits et services 29, 30 et 35, le 2 mars 2018, confirmant, au surplus, la nature de cet usage.

Par ailleurs, les produits commercialisés par la société PANZANI concernent des préparations alimentaires relevant des classes 29 et 30, visées par l’enregistrement de la marque verbale française «CUISINE LIBRE» n°4418848 de la société LE GOUT DU BONHEUR.

En conséquence, c’est à juste titre que le tribunal a retenu qu’en utilisant le signe «CUISINE LIBRE» dans le cadre d’une campagne publicitaire «Soyez libre» pour promouvoir ses produits, sans y être autorisée par le titulaire de la marque, la société PANZANI a commis des actes de contrefaçon par reproduction de la marque verbale française «CUISINE LIBRE» n°4418848 au préjudice de la société LE GOUT DU BONHEUR.

Le jugement querellé doit en conséquence être confirmé de ce chef.

Sur la contrefaçon de la marque semi-figurative française n°4418920 et de la marque verbale de l’Union européenne n°15545122

La société PANZANI soutient n’avoir commis aucun acte de contrefaçon des marques de l’Union européenne « CUISINE LIBRE DE [R] [K] » n°15545122 et française « C Institut Cuisine Libre» n°4418920 dès lors qu’elles ne sont pas reproduites à l’identique dans son spot publicitaire et qu’il n’existe aucun risque de confusion dans l’esprit du public pertinent.

Mme [R] [K] et la société LE GOÛT DU BONHEUR répondent que l’usage sans autorisation de la dénomination ‘CUISINE LIBRE’ par la société PANZANI constitue également une contrefaçon par imitation de leurs marques, le risque de confusion dans l’esprit du public étant constitué dès lors qu’il peut penser que Mme [R] [K] et la société PANZANI auraient noué un partenariat avec cette société.

En application de l’article L.713-3 du code de la propriété intellectuelle, «sont interdits sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion dans l’esprit du public:

a) La reproduction, l’usage ou l’apposition d’une marque, ainsi que l’usage d’une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l’enregistrement ;

b) L’imitation d’une marque et l’usage d’une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l’enregistrement.»

Puis, en vertu de l’article 9-2 a) et b) ‘Droit conféré par la marque de l’Union européenne’ du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union européenne dispose que, «sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d’une marque de l’Union européenne, le titulaire de cette marque de l’Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe pour des produits ou services lorsque:

a) ce signe est identique à la marque de l’Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée ;

b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l’Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d’association entre le signe et la marque.»

Sur la comparaison des produits et des services

Les deux marques opposées visent notamment les préparations alimentaires en classe 30 qui font l’objet de la campagne publicitaire de la société PANZANI utilisant le signe «CUISINE LIBRE», de sorte que les produits en cause sont identiques ou à tout le moins similaires.

Sur la comparaison des signes

Le signe contesté n’étant pas la reproduction à l’identique des marques invoquées, faute de reproduire sans modification ni ajout tous les éléments les composant, il convient de rechercher s’il existe, entre les signes en présence, un risque de confusion, incluant le risque d’association, lequel doit être apprécié de manière globale, à la lumière de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Pour déterminer le caractère distinctif de la marque, il convient d’apprécier globalement son aptitude plus ou moins grande à identifier les produits ou services pour lesquels elle a été enregistrée comme provenant d’une entreprise déterminée et donc son aptitude à distinguer ces produits ou services de ceux des autres entreprises; le caractère distinctif et la renommée de la marque antérieure constituent des facteurs pertinents pour l’appréciation, non pas de la similitude de la marque et du signe en conflit, mais de l’existence d’un lien entre eux dans l’esprit du public.

C’est par de justes motifs adoptés par la cour que le tribunal après avoir procédé à la comparaison globale et objective des signes en cause a retenu qu’ils produisent la même impression d’ensemble, tant sur un plan visuel, que phonétique ou conceptuel, les termes «CUISINE LIBRE», aisément et clairement identifiables étant mémorisés par le consommateur comme un élément dominant des marques, nonobstant la présence d’un élément figuratif, qui n’est pas prononçable, ou du terme «Institut» plus descriptif ou encore du nom de Mme [R] [K], que le consommateur moyen ne retiendra pas aisément.

En outre, dans la mesure où l’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance entre les facteurs, le fait que les marques en cause ne présente pas un caractère distinctif fort, est compensé d’une part par le degré élevé de similitude entre les marques déposées et le signe utilisé, et d’autre part par la similitude des produits en cause.

Il résulte en conséquence de la comparaison globale des signes en présence, en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants, que leurs ressemblances sur les plans visuel, phonétique et conceptuel entraînent un risque de confusion pour le consommateur concerné par les produits et services désignés, d’attention moyenne, normalement informé, raisonnablement attentif et avisé, qui pourra se méprendre sur leur origine respective, et sera conduit, au vu des ressemblances relevées, à penser que ces signes proviennent d’une même entreprise ou d’entreprises liées par un partenariat, les intimées versant au demeurant aux débats plusieurs messages reçus ou attestations faisant état de la réalité de ce risque de confusion ou, à tout le moins, d’association.

C’est en conséquence à juste titre que le tribunal a retenu qu’en utilisant le signe «CUISINE LIBRE» dans le cadre d’une campagne publicitaire «Soyez libre» pour promouvoir ses produits, sans y être autorisée par les titulaires des marques, la société PANZANI a commis une contrefaçon par imitation de la marque semi-figurative française n°4418920 au préjudice de la société LE GOUT DU BONHEUR et de la marque verbale de l’Union européenne n°15545122 au préjudice de Mme [R] [K], le jugement dont appel étant confirmé de ces chefs.

Sur la nullité des marques déposées par la société PANZANI

La société PANZANI soutient que ses marques françaises « PANZANI CUISINE LIBRE » n°4433557 et « PANZANI, LA CUISINE LIBRE » n°4433568 ne portent pas atteinte aux droits antérieurs de Mme [R] [K] et de la société LE GOÛT DU BONHEUR dont elles se distinguent sur le plan visuel, phonétique et conceptuel.

Mme [R] [K] et la société LE GOÛT DU BONHEUR soutiennent au contraire que les marques ainsi déposées par la société PANZANI, encourent la nullité comme portant atteinte aux marques antérieures dont elles sont titulaires, eu égard au risque de confusion généré.

Aux termes de l’article L.714-3 du code de la propriété intellectuelle, est déclaré nul l’enregistrement d’une marque qui n’est pas conforme aux dispositions des articles L.711-1 à L.711-4.

L’article L.711-4 du code de la propriété intellectuelle, invoqué par les parties, dispose que «Ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment:

a) A une marque antérieure enregistrée ou notoirement connue au sens de l’article 6 bis de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle ; (…)»

Sur ce, c’est par de justes motifs que le tribunal a retenu que les deux marques verbales françaises «PANZANI CUISINE LIBRE» n° 4433557 et «PANZANI, LA CUISINE LIBRE» n°4433568 déposées par la société PANZANI le 2 mars 2018 pour des produis et services dans les classes 29, 30 et 35 portaient sur des produits et services identiques et similaires à ceux visés par les marques antérieures déposées par Mme [R] [K] et la société LE GOUT DU BONHEUR.

Puis, comme l’ont analysé les premiers juges et comme déjà examiné ci-dessus, l’élément dominant des marques des intimées constitué des termes «CUISINE LIBRE» est repris intégralement dans les marques déposées, l’attention du consommateur étant particulièrement attirée par ces même termes reproduits après la dénomination PANZANI, de sorte que d’un point de vue tant visuel que phonétique, les ressemblances entre les signes sont fortes. En outre d’un point de vue conceptuel, les marques en cause renvoient également à l’idée d’une cuisine sans entrave, libérée de toute règle ou restriction.

Par ailleurs, et comme déjà rappelé, dans la mesure où l’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance entre les facteurs, le fait que les marques en cause ne présente pas un caractère distinctif fort, est compensé, d’une part, par le degré élevé de similitude entre les marques en cause et, d’autre part, par la similitude des produits et services concernés.

Il résulte en conséquence de la comparaison globale des signes en présence, en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants, que leurs ressemblances sur les plans visuel, phonétique et conceptuel entraînent un risque de confusion pour le consommateur concerné par les produits et services désignés, d’attention moyenne, normalement informé, raisonnablement attentif et avisé, qui pourra se méprendre sur leur origine respective, et sera conduit, au vu des ressemblances relevées, à penser que ces signes proviennent d’une même entreprise ou d’entreprises liées par un partenariat, les intimées versant au demeurant aux débats plusieurs messages reçus ou attestations faisant état de la réalité de ce risque de confusion ou d’association.

C’est en conséquence à juste titre que le tribunal a déclaré nul l’enregistrement des marques n° 4433557 et n°4433568 déposées par la société PANZANI le 2 mars 2018.

Sur les pratiques commerciales trompeuses

La société PANZANI soutient ne pas s’être rendue coupable de pratiques commerciales trompeuses, constatant d’abord que les intimées ne démontrent aucune faute distincte des faits argués au titre de la contrefaçon et que l’article L.121-1 du code de la consommation ne sanctionne pas un risque de tromperie ou de confusion, mais une tromperie ou une confusion effective de nature à altérer le comportement d’achat d’un consommateur moyen, normalement attentif et avisé, nullement démontré au cas d’espèce.

Mme [R] [K] et la société LE GOÛT DU BONHEUR font valoir que l’utilisation de la dénomination ‘CUISINE LIBRE’ par la société PANZANI pour promouvoir à partir d’avril 2018 des produits très riches en gluten alors que cette dénomination sert à identifier depuis 2016 un mouvement culinaire lié à une cuisine sans gluten, sans additif et sans allergène, constitue une pratique commerciale trompeuse. Elles ajoutent qu’une telle confusion peut pousser le consommateur à acquérir et consommer des produits PANZANI CUISINE LIBRE pensant qu’ils répondent aux critères alimentaires de la marque « CUISINE LIBRE ».

En vertu de l’article L.121-2 du code de la consommation, « Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l’une des circonstances suivantes :

1° Lorsqu’elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial ou un autre signe distinctif d’un concurrent ; […] »

Comme le tribunal, la cour retient que Mme [R] [K] et la société LE GOUT DU BONHEUR ne démontrent pas que l’utilisation du signe «CUISINE LIBRE» par la société PANZANI pour promouvoir la commercialisation de ses produits alimentaires à base de blé serait de nature à altérer de manière substantielle le comportement du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé désirant acquérir des produits sans gluten.

C’est en conséquence à juste titre que le tribunal a débouté Mme [R] [K] et la société LE GOUT DU BONHEUR de leurs demandes formulées à ce titre, le jugement dont appel étant confirmé de ce chef.

Sur les demandes de dommages et intérêts et les mesures de réparation

Sur les demandes pécuniaires

Mme [R] [K] et la société LE GOÛT DU BONHEUR font valoir avoir réalisé des investissements très importants pour promouvoir leurs marques et le mouvement culinaire ‘CUISINE LIBRE’ qui rencontrent un large succès depuis 2015. Elles considèrent que ces marques possèdent une valeur patrimoniale importante car porteuses de valeurs éthiques fortes et font valoir que la société PANZANI porte atteinte de manière considérable à leur distinctivité et donc à leur valeur patrimoniale du fait d’une diffusion publicitaire de longue durée aux antipodes des valeurs attachées au mouvement culinaire sans gluten ni allergènes de « CUISINE LIBRE ».

En outre, les intimées se prévalent d’un préjudice commercial, la campagne publicitaire « CUISINE LIBRE » de la société PANZANI ayant été réalisée en connaissance de cause dans le but évident de s’approprier la distinctivité et les valeurs portées par leurs marques, et ce, afin de les détourner à son profit. Elles soutiennent qu’elle ont ainsi subi une perte partielle de marché due aux ventes perdues et au discrédit jeté sur leurs marques et les formations « CUISINE LIBRE’ »

La société PANZANI prétend que les intimées sont incapables de justifier des conséquences économiques négatives découlant de l’atteinte à leurs droits, ainsi que du bénéfice qu’elle aurait injustement réalisé.

Subsidiairement, elle estime qu’en vertu du principe constitutionnel de proportionnalité des dommages-intérêts, la somme allouée au titre du préjudice moral doit être réduite dès lors qu’il n’existe aucun gain manqué par le titulaire de la marque ni aucun gain injustement réalisé par le contrefacteur et qu’à la date du début de la campagne litigieuse, la marque «CUISINE LIBRE» avait été déposée depuis moins de 3 mois.

Comme le tribunal, la cour constate que les intimées ne produisent aucune pièce de nature à quantifier le manque à gagner et les pertes subies imputables aux faits de contrefaçon dénoncés.

De même, les bénéfices réalisés par la société PANZANI du fait de l’utilisation contrefaisante du signe «CUISINE LIBRE» dans le cadre de la campagne publicitaire «Soyez libre» ne sont pas quantifiables.

Cependant, comme l’a jugé le tribunal, il est incontestable que les actes contrefaisants commis par la société PANZANI ont causé un préjudice moral aux intimées titulaires des marques en cause. En effet, Mme [R] [K] et la société LE GOUT DU BONHEUR démontrent au travers notamment de très nombreuses publications dans la presse ou sur internet, d’investissements humains importants pour développer et promouvoir leurs marques qui ont acquis ainsi une certaine réputation pour promouvoir, à travers notamment une offre de formation, la rédaction d’un ouvrage de recettes, la participation à des salons, une cuisine alternative de qualité, libérée de l’allergène en tant que contrainte, et notamment du gluten, plaçant la tolérance alimentaire comme nouvelle étape de l’excellence gastronomique, le nom de Mme [R] [K], à la tête d’un restaurant étoilé au guide Michelin et invitée dans de nombreuses manifestations avec d’autres grands chefs, étant au demeurant souvent associé à la marque «CUISINE LIBRE» et ce depuis 2015.

Il ressort en outre des procès-verbaux de constat et de saisie-contrefaçon que les faits de contrefaçon imputés à la société PANZANI ont commencé à compter du mois d’avril 2018 et ont perduré, au moins en partie, nonobstant la mesure d’interdiction prononcée par le juge des référés le 6 septembre 2018 jusqu’au début de l’année 2019. Il y a lieu de souligner, en outre, que cette campagne publicitaire «Soyez libre» organisée par la société PANZANI , faisant usage du signe «CUISINE LIBRE», a fait l’objet d’une très large médiatisation sur les grandes chaînes françaises, notamment TF1 et France 2 et sur les chaînes de la TNT durant plusieurs semaines et a donc été visionnée par des millions de téléspectateurs, outre les diffusions sur les réseaux sociaux et sur le site internet de l’appelante.

Or, l’usage contrefaisant de ce signe sur une longue période au bénéfice de la commercialisation de produits contenant du gluten, par une société multinationale spécialisée notamment dans le commerce des pâtes, a avili de manière importante et porté atteinte au pouvoir distinctif des marques des intimées, destinées à promouvoir une cuisine sans gluten, ce dont témoignent notamment les courriels qu’elles ont reçus suite à la diffusion de cette campagne.

Au vu de cet ensemble d’éléments, appréciés distinctivement, c’est à juste titre que le tribunal a estimé que le préjudice subi en conséquence devait être indemnisé par une somme de 30.000€ par marque contrefaite et a ainsi condamné la société PANZANI à verser à la société LE GOUT DU BONHEUR une somme de 60.000€ et à Mme [R] [K] une somme de 30.000€, de sorte que le jugement querellé est confirmé de ces chefs, aucun élément nouveau n’étant versé à hauteur d’appel de nature à remettre en cause cette évaluation.

Sur les mesures de réparation:

Le jugement doit être confirmé, pour les justes motifs qu’il comporte, en ce qu’il a fait droit à la demande d’interdiction de l’usage de la dénomination «CUISINE LIBRE» et a rejeté les demandes de publication.

De même, les intimées doivent être déboutées de leur demande de publication de la présente décision, dans la presse et sur le site internet de l’appelante, leur préjudice étant suffisamment réparé par l’octroi de dommages et intérêts.

Sur la demande de dommages et intérêts reconventionnelle de la société PANZANI

Dans la mesure où Mme [R] [K] et la société LE GOUT DU BONHEUR prospèrent dans la plus grande partie de leurs prétentions, la demande de dommages et intérêts à hauteur de 140.000 € formulée par la société PANZANI du chef de procédure abusive doit être rejetée, ainsi que les autres demandes formulées à titre complémentaire, le jugement dont appel étant confirmé de ces chefs.

Sur les autres demandes:

La société PANZANI, succombant, sera condamnée aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés par Maître Patricia HARDOUIN, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’elle a exposés à l’occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

Enfin, l’équité et la situation des parties commandent de condamner la société PANZANI à verser à Mme [R] [K] et à la société LE GOUT DU BONHEUR une somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, complétant celle allouée en première instance.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Rectifie le jugement en ce qu’il a omis une mention dans son dispositif, en y ajoutant la phrase suivante page 27:

«Déboute la société PANZANI de sa demande de nullité de la marque verbale française «CUISINE LIBRE» n°4418848,»

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute la société PANZANI de l’ensemble de ses demandes,

Condamne la société PANZANI aux dépens d’appel, qui pourront être recouvrés par Maître Patricia HARDOUIN conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,

Condamne la société PANZANI à verser à Mme [R] [K] et à la société LE GOUT DU BONHEUR une somme globale de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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