Cobranding / Association de marques : 8 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/00615

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Cobranding / Association de marques : 8 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/00615
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRÊT DU 8 FÉVRIER2023

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/00615 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBJKI

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Décembre 2019 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – Section Enadrement chambre 2 – RG n° F19/02598

APPELANT

Monsieur [P] [H]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Maud EGLOFF-CAHEN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1757

INTIMÉE

SA HUTCHINSON

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Catherine LEGER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0703

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 2 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Philippe MICHEL, président, et M. Fabrice MORILLO, conseiller, chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Philippe MICHEL, président de chambre

Mme Valérie BLANCHET, conseillère

M. Fabrice MORILLO, conseiller

Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, prorogé à ce jour.

– signé par Monsieur Philippe MICHEL, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 17 octobre 2011, M. [H] a été engagé par la société Hutchinson Santé en qualité de directeur commercial grands comptes, statut cadre dirigeant, l’intéressé exerçant en dernier lieu les fonctions de directeur commercial. La société Hutchinson Santé, aux droits de laquelle vient désormais la société Hutchinson, avait pour activité le développement, la fabrication et la commercialisation de dispositifs médicaux innovants dans le domaine de la lutte contre les risques infectieux et était spécialisée dans la production et la commercialisation de gants à usage chirurgical. Elle employait habituellement au moins 11 salariés et appliquait la convention collective nationale du caoutchouc.

Suivant courrier recommandé du 9 juillet 2014, M. [H] a été licencié pour motif économique et s’est vu proposer le bénéfice d’un congé de reclassement, l’intéressé ayant accepté la proposition de congé de reclassement suivant courrier du 16 juillet 2014.

Contestant le bien fondé de son licenciement et s’estimant insuffisamment rempli de ses droits, M. [H] a saisi la juridiction prud’homale le 26 janvier 2015.

Par jugement du 12 décembre 2019, le conseil de prud’hommes de Paris a :

– dit le licenciement fondé,

– condamné la société Hutchinson, venant aux droits de la société Hutchinson Santé, à payer à M. [H] les sommes suivantes :

– 52 500 euros à titre de rappel de primes,

– 5 250 euros au titre des congés payés afférents,

avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de jugement, lesdites condamnations étant exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de 9 mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire, soit la somme de 8 333,33 euros,

– 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté M. [H] du surplus de ses demandes,

– debouté la société Hutchinson, venant aux droits de la société Hutchinson Santé, de ses demandes reconventionnelles et l’a condamnée aux entiers dépens.

Par déclaration du 20 janvier 2020, M. [H] a interjeté appel du jugement lui ayant été notifié le 3 janvier 2020.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 25 février 2020, M. [H] demande à la cour de :

– infirmer le jugement en ce qu’il a dit que le licenciement était fondé et en ce qu’il l’a débouté du surplus de ses demandes,

– confirmer le jugement pour le surplus et, statuant à nouveau,

– dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– condamner en conséquence la société Hutchinson au paiement des sommes suivantes :

– 153 294 euros bruts à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonner à la société Hutchinson de lui remettre les documents sociaux conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour à compter du prononcé de la décision.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 18 mai 2020, la société Hutchinson demande à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a dit le licenciement pour motif économique fondé et débouté M. [H] du surplus de ses demandes,

à titre principal,

– débouter M. [H] de ses demandes, fins et prétentions,

à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la cour infirmerait le jugement en ce qu’il a dit que Ielicenciement était bien fondé,

– limiter à 6 mois de salaire, soit la somme de 47 167,38 euros, le montant des condamnations à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamner M. [H] aux entiers dépens.

L’instruction a été clôturée le 4 octobre 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du 2 novembre 2022.

MOTIFS

Sur la rupture du contrat de travail

L’appelant fait valoir que les difficultés économiques alléguées par la société intimée sont fausses et fantaisistes, qu’elle a délibérément ‘uvré à l’arrêt de son activité et a fait preuve d’un comportement fautif en cessant toutes les négociations commerciales, en ne répondant plus aux commandes passées, en vidant son service commercial et son service marketing et en cessant de répondre aux appels d’offres ou de donner suite aux accords commerciaux. Il affirme qu’au moment de la prise de décision de fermer le site et de licencier tout son personnel, la situation de la société s’était améliorée, les coûts de production étaient réduits et les perspectives de chiffre d’affaires en forte augmentation. Il soutient que la société intimée n’a, à aucun moment, réellement envisagé de céder son activité en assurant la reprise de ses salariés et qu’elle souhaitait délocaliser son activité et sa production hors zone euro. Il souligne que les résultats déficitaires étaient une situation constante depuis la création de la société et qu’en l’absence d’aggravation notable au moment du licenciement, ils ne peuvent constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement. Il indique également que la société Hutchinson Santé faisait partie, d’une part, du groupe Hutchinson et, d’autre part, du groupe Total, que les difficultés économiques, par ailleurs contestées, doivent s’apprécier au niveau du groupe et que celles-ci étaient inexistantes au sein de ces deux groupes de sociétés.

Il soutient par ailleurs que l’employeur a manqué à son obligation de reclassement, en ce qu’aucune proposition de reclassement loyale ne lui a été faite, en ce que les salariés de la société ont uniquement été invités à chercher des postes pour leur reclassement sur le site intranet jobposting, en ce que les offres d’emploi adressées aux salariés au titre du reclassement interne étaient souvent déjà pourvues, en ce qu’il a lui-même réceptionné des copies d’annonces de postes anciens et non d’offres d’emploi personnalisées, l’employeur ne démontrant pas avoir accompli la moindre démarche que ce soit au sein du groupe ou en externe pour tenter de lui trouver un poste de travail conforme.

L’intimée réplique que la cessation totale et définitive d’activité est un motif économique autonome de licenciement et qu’elle justifie de la cessation totale de l’activité de l’entreprise ainsi que de l’absence de faute ou de légèreté blâmable. Elle soutient par ailleurs avoir pleinement respecté ses obligations concernant les recherches de reclassement mises en oeuvre par la société ainsi qu’en matière d’obligation de formation et d’adaptation dans le cadre de la recherche de reclassement.

La lettre de licenciement est rédigée de la manière suivante :

« [‘] La société HUTCHINSON SANTÉ SNC, créée en 2002 après 10 années de recherche, développe, fabrique et commercialise des dispositifs médicaux innovants dans le domaine de la lutte contre les risques infectieux.

Son activité, unique et isolée au sein du groupe, porte sur la commercialisation de 3 types de gants destinés à l’usage chirurgical : le GVir, le GBact et le GDerm.

Le marché des gants chirurgicaux est dominé par 5 acteurs majeurs et a subi, ces dernières années, des contraintes au niveau tarifaire en raison de la forte concurrence entre les acteurs et des contraintes budgétaires gouvernementales en matière de gestion des dépenses de santé. Ainsi, les prix de vente des gants chirurgicaux ont décru notablement depuis 5 ans et ont connu une nouvelle érosion au cours des années 2012 et 2013 ; et cette érosion est encore plus notoire sur le segment des gants chirurgicaux synthétiques (-10%/an).

Le marché a également poursuivi sa consolidation et d’importants investissements ont été réalisés par les grands acteurs. Ces investissements significatifs ont ainsi montré que les leaders du marché renforcent leur position en consolidant leurs actifs dans un marché ultra-compétitif, ce qui a laissé moins de place aux entrants de petite taille comme HUTCHINSON SANTE.

Pour sa part, la société HUTCHINSON SANTE, qui a tenté un développement commercial en France mais également à l’international, a effectué les constats suivants :

– L’activité commerciale d’HUTCHINSON SANTE n’a pas connu de progression depuis 10 ans et n’a jamais dépassé un chiffre d’affaires annuel de 1,7M€. En 2013, le chiffre d’affaires s’élève à 1,25M€ (vs 1,36 M€ en 2012, soit en décroissance de -8 %).

– Le chiffre d’affaires des gants chirurgicaux en France représente 30% de l’activité globale en 2013 (vs 31% en 2012). En France, bien que la plupart des CHU dispose du gant GVir, le marché se limite à une consommation mensuelle moyenne de 3 000 paires sans croissance significative ces dernières années.

– À l’export, le Proche Orient a été une région importante en 2012 assurant 48% du chiffre d’affaires. Toutefois, les commandes en provenance de cette région ne sont pas nécessairement réitérées d’une année sur l’autre. Cette situation commerciale, avec un nombre limité de commandes significatives mais sans récurrence annuelle, crée une situation de fragilité pour HUTCHINSON SANTE.

– La présence d’HUTCHINSON SANTE sur les marchés occidentaux est faible. L’Europe hors France ne représente que 11 % des ventes en 2012 et 13% en 2013 (notamment grâce à l’Italie). De nouveaux contrats de distribution ont été passés fin 2012 et début 2013 dans plusieurs pays européens (Allemagne, Autriche, Belgique, Pays de l’Est …) mais la distribution dans ces pays débute et ce développement commercial n’est pas significatif.

– Aux États-Unis, premier marché mondial, les ventes d’HUTCHINSON SANTE sont inexistantes, faute de l’obtention d’autorisation de mise sur le marché du Gant GVir par la FDA (organisme certificateur aux États-Unis).

– Enfin, les ventes en Afrique (à l’exception d’une commande exceptionnelle de Tanzanie en 2013) et en Asie sont très peu développées, notamment en raison des prix élevés des produits d’HUTCHINSON SANTE et d’un manque de structuration de la distribution en matière de matériel médical dans ces régions.

Les marges brutes se trouvent à un niveau sensiblement inférieur aux pourcentages généralement constatés dans l’industrie du matériel médical (i.e. 50%). Elles sont seulement de 39% en 2013 pour Hutchinson santé.

En outre et surtout, le niveau des dépenses est très élevé puisqu’elles sont liées à l’effort mis en oeuvre notamment sur le plan commercial et marketing pour tenter de développer l’activité.. Les dépenses se sont élevées à 3,1 M€ en 2012 (soit 226 % du chiffre d’affaires) et à 2,65 M€ en 2013 (soit 211 % du chiffre d’affaires).

Il apparaît ainsi que le résultat opérationnel, qui est en perte constante depuis l’origine, ne s’est pas amélioré au cours des dernières années et reste sans perspective d’amélioration notoire.

En effet, au 31 décembre 2013, le montant de la perte qui s’élève -2,52 M€ est, en valeur, plus de 2 fois supérieur au chiffre d’affaires réalisé (1,25 M€).

La poursuite d’une exploitation déficitaire depuis plusieurs années ne pouvant être envisagée au vu des pertes récurrentes constatées, il a été dans un premier temps envisagé de céder la société.

Toutefois, en raison de l’impossibilité de trouver un repreneur de l’entreprise et ce malgré les recherches effectuées et les marques d’intérêt rencontrées, il a été décidé de cesser l’activité de HUTCHINSON SANTE et de fermer l’entreprise.

Cette décision entraîne la fermeture de son unique site et la suppression de tous les postes (au nombre de 20) dont celui de directeur commercial que vous occupez actuellement [‘] ».

Sur l’élément causal du motif économique et la cessation d’activité

Selon l’article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail à l’exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants, résultant de l’une des causes énoncées au premier alinéa.

En application de ces dispositions, il est constant que la cessation d’activité de l’entreprise, quand elle n’est pas due à une faute de l’employeur ou à sa légèreté blâmable, constitue un motif économique de licenciement, la cessation d’activité complète et définitive de l’entreprise constituant en soi un motif économique de licenciement, sans qu’il soit nécessaire de rechercher la cause de cette cessation d’activité quand elle n’est pas due à une faute ou à une légèreté blâmable, une cessation partielle de l’activité de l’entreprise ne justifiant pour sa part un licenciement économique qu’en cas de difficultés économiques, de mutation technologique ou de réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité.

Il est également établi que, si en cas de fermeture définitive et totale de l’entreprise, le juge ne peut, sans méconnaître l’autonomie de ce motif de licenciement, déduire la faute ou la légèreté blâmable de l’employeur de la seule absence de difficultés économiques (en relevant que la cessation d’activité de la filiale n’est pas justifiée par des difficultés économiques du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient), ou, à l’inverse, déduire l’absence de faute de l’existence de telles difficultés, il ne lui est cependant pas interdit de prendre en compte la situation économique de l’entreprise pour apprécier le comportement de l’employeur. Ainsi, lorsque la baisse d’activité de la filiale est imputable à des décisions du groupe, que la décision de fermeture a été prise par le groupe, non pas pour sauvegarder sa compétitivité, mais afin de réaliser des économies et d’améliorer sa propre rentabilité, au détriment de la stabilité de l’emploi dans l’entreprise concernée, le juge peut en déduire que l’employeur a agi avec une légèreté blâmable et que les licenciements sont dépourvus de cause réelle et sérieuse.

En l’espèce, il sera relevé à titre liminaire que les différents éléments allégués par l’appelant concernant l’absence de difficultés économiques au sein des groupes Hutchinson et Total, auxquels appartenait la société Hutchinson Santé, sont en eux-mêmes inopérants dans le cadre du présent litige.

Par ailleurs, si l’appelant affirme que la décision de cesser l’activité de la société est due à une faute ainsi qu’à la légèreté blâmable de l’employeur qui aurait délibérément contribué à la situation économique qu’il invoque à l’appui des licenciements, la cour constate cependant, au vu des différents éléments financiers et comptables versés aux débats par l’employeur, que l’activité de production et de commercialisation de gants à usage chirurgical n’a jamais vu son chiffre d’affaires progresser significativement et dépasser les 1,7 millions d’euros, celui-ci ayant au contraire systématiquement baissé au cours des années suivantes (1,36 millions d’euros au 31 décembre 2012 puis 1,25 millions d’euros au 31 décembre 2013, soit une baisse de 8 %), le résultat opérationnel étant pour sa part en perte constante sur les 5 dernières années avec une aggravation notable en 2013 (perte de 5 740 180 euros au 31 décembre 2013 contre une perte de 2 756 575 euros au 31 décembre 2012), le niveau des dépenses étant très élevé et correspondant à plus de 200 % du chiffre d’affaires.

Il résulte également des différentes pièces produites que l’audit réalisé en février 2013 par le cabinet Oxo Pharma a relevé les limites de l’unité de production du site de [Localité 10] compte tenu de l’existence de deux modes de fonctionnement (production vs développement) et de la saturation de la ligne de production eu égard à la production de 3 références en parallèle conduisant à un développement non abouti. Il apparaît en outre que le projet d’implantation sur le marché américain a abouti à un constat échec (refus d’autorisation de mise sur le marché par la FDA pour le gant Gvir et abandon du partenariat avec la société américaine Gardian pour le gant Gderm).

La cour relève que ces difficultés récurrentes ont conduit la société à rechercher un repreneur pouvant maintenir l’activité et la production sur le site mais que les candidats s’étant manifestés n’ont finalement pas donné suite (la société Aspion s’étant finalement limitée à un simple rachat d’actifs sans transfert de technologies, les salariés qui avaient formulé un projet de reprise de l’activité ayant pour leur part retiré leur offre en l’absence d’obtention du financement nécessaire).

Enfin, il sera constaté que, contrairement aux affirmations de l’appelant, la société Hutchinson Santé a continué à répondre à des appels d’offre au cours du premier semestre 2013 ainsi qu’à procéder à des investissements importants sur le site en 2012 et 2013 concernant l’amélioration de la production, du développement de la R&D (recherche et développement) et du marketing, la décision de fermeture du site et de cessation totale de l’activité ayant finalement été arrêtée à la fin de l’année 2013 avec un arrêt définitif de la production au 30 avril 2014 ainsi que cela résulte notamment de la note d’information économique relative au projet de fermeture de la société Hutchinson Santé ainsi que des procès-verbaux de réunion extraordinaire des délégués du personnel des 4, 12, 19 et 27 novembre 2013 ainsi que des 5 décembre 2013 et 8 janvier 2014.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, il apparaît que les différentes décisions prises par l’employeur, de manière non précipitée et après avoir envisagé toutes les possibilités pouvant permettre de maintenir l’activité ainsi que les emplois, reposaient sur des raisons objectives et pertinentes, impropres à caractériser une faute ou une légèreté blâmable, la faiblesse de l’activité ainsi que les difficultés économiques importantes et récurrentes de la société Hutchinson Santé n’apparaissant pas imputables à des décisions du groupe, aucun élément produit ne permettant par ailleurs d’établir que la décision de fermeture aurait été prise par le groupe afin de réaliser des économies ou d’améliorer sa propre rentabilité au détriment de la stabilité de l’emploi dans l’entreprise concernée. Il sera enfin observé que les différentes décisions ou propos mis en avant par le salarié, intervenus postérieurement à la décision de cessation d’activité et ne correspondant dès lors qu’à une simple mise en ‘uvre de ladite décision, ne peuvent aucunement s’analyser comme constituant des fautes ayant conduit à la cessation d’activité.

Dès lors, la cour retient que l’élément causal du motif économique du licenciement est établi et caractérisé.

Sur le reclassement

Selon l’article L. 1233-4 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré dans l’entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient.

Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure.

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.

En application de ces dispositions, il est constant que la recherche des possibilités de reclassement doit s’apprécier au niveau de la société lorsqu’elle comporte plusieurs établissements ou à l’intérieur du groupe auquel appartient l’employeur, parmi les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation leur permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel. Il est également établi que dans le cadre de son obligation de reclassement de tout salarié dont le licenciement économique est envisagé, il appartient à l’employeur, même quand un plan social a été établi, de rechercher s’il existe des possibilités de reclassement, prévues ou non au plan social, au sein du groupe et parmi les entreprises dont l’activité, l’organisation ou le lieu d’exploitation leur permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, et de proposer à chaque salarié dont le licenciement est envisagé des emplois disponibles de même catégorie ou, à défaut, de catégorie inférieure, en assurant au besoin l’adaptation des salariés à une évolution de leur emploi. L’employeur doit procéder à un examen individuel des possibilités de reclassement de chaque salarié et ne peut seulement prévoir de diffuser la liste des postes disponibles au sein du groupe sur son site intranet, d’adresser une liste des salariés dont le licenciement est envisagé à toutes les succursales du groupe et de proposer les services d’un bureau de placement, sans aucune proposition personnelle.

En l’espèce, la cour relève tout d’abord que compte tenu de l’arrêt de l’activité de la société Hutchinson Santé, aucun reclassement interne n’était possible au sein de l’entreprise.

La société Hutchinson Santé appartenant au groupe Hutchinson, appartenant lui-même au groupe Total, il résulte des différentes pièces versées aux débats que des recherches de reclassement ont été entreprises en ce sens par l’employeur ainsi que cela ressort notamment du contenu des « mesures sociales d’accompagnement du projet de cessation d’activité de la société Hutchinson Santé entraînant la fermeture de son site de [Localité 10] » ayant fait l’objet de discussions lors de la procédure d’information-consultation des délégués du personnel et prévoyant la mise en place de dispositifs et de structures d’accompagnement (réunion d’information collective, mise en place d’un Point Information Conseil (PIC) et d’un Espace Mobilité Emploi (EME), de mesures d’accompagnement destinées à favoriser le reclassement interne au sein du groupe (dispositif de recensement des postes, recherche des postes en fonction du profil des salariés concernés et information personnalisée par écrit de chaque salarié des postes disponibles qu’il pourrait être susceptible de pourvoir, délai de réflexion et réalisation d’entretiens individuels pour les salariés intéressés par un poste de reclassement en faisant la demande), de mesures d’aide à la décision (voyage de reconnaissance, période d’adaptation, prise en charge des frais et actions de formation et d’adaptation) outre des mesures destinées à faciliter le reclassement externe mises en oeuvre par l’Espace Mobilité Emploi (congé de reclassement, aides au reclassement externe).

Il résulte des pièces versées aux débats par l’employeur que la phase de recherche, d’identification et de sélection des postes correspondant au profil des salariés concernés par la fermeture du site s’est déroulée sur la période courant d’octobre 2013 à mars 2014 ainsi que cela ressort plus particulièrement des différents échanges de mails avec le directeur général de la société Hutchinson Santé (M. [E]) afférents à l’extraction des offres d’emploi de l’intranet (Job Posting du groupe Total et de ses filiales), à l’organisation de déplacements, d’échanges et de réunions avec les différents responsables ressources humaines chargés du recrutement au sein du groupe, à la sollicitation de ces derniers le 20 janvier 2014 aux fins de lui faire parvenir la liste de tous les postes disponibles correspondant aux profils des salariés concernés, à la communication des CV ainsi que des informations relatives à la situation professionnelle de chacun des salariés concernés, à l’identification des possibilités de reclassement ainsi qu’à la planification d’entretiens de recrutement.

Il sera d’ailleurs observé de ce chef que l’appelant a été reçu en rendez-vous en janvier 2014 pour un poste de chef de marché industrie et aéronautique au sein de la société Le Joint Français appartenant au groupe Hutchinson (site de [Localité 5]), démarche de recrutement à laquelle l’intéressé n’a pas souhaité donner suite compte tenu de l’existence de « beaucoup trop d’inadéquations avec mes capacités, mes responsabilités actuelles et le package salarial » (courrier du salarié du 14 avril 2014). Il sera également noté que l’appelant n’a pas répondu au questionnaire de mobilité relatif à un éventuel reclassement à l’étranger lui ayant été remis en main propre le 24 janvier 2014.

La cour relève qu’à l’issue de la phase préalable précitée, l’employeur a adressé à l’appelant, suivant courrier individuel du 27 mars 2014, des propositions précises et détaillées de reclassement portant sur 7 postes (Ingénieur Conseil assistance énergie chez Total Marketing Services ([Localité 12]), chef de secteur GDE distribution chez Total Marketing Services (Région Est), Manager Product Quality Belux chez Total Belgium ([Localité 6]), Chef de marché aéronautique chez ESPA ([Localité 8]), Chef de secteur GDE Distribution chez Total Marketing Services ([Localité 11] et [Localité 7]), IC Key Account Manager chez Paulstra ([Localité 9]) et Responsable commercial industrie chez Le Joint Français ([Localité 13]), courrier auquel étaient jointes les différentes fiches de postes y afférentes. L’appelant a refusé ces différentes propositions de reclassement suivant courrier du 14 avril 2014 en indiquant notamment que celles-ci ne correspondent pas à son niveau d’études, ses compétences et sa formation dans le domaine médical, tout en soulignant que ces propositions étaient dégradantes et offensantes, et ce alors qu’il résulte de ses propres affirmations dans le cadre de ce même courrier du 14 avril 2014 que, dès la première réunion avec la consultante du PIC, ils étaient tous les deux « très rapidement arrivés à la conclusion malheureuse que chez Hutchinson (et Total), il n’y avait presque aucune chance que des postes puissent me correspondre en regard de mon CV et profil ».

Il apparaît de surcroît que le salarié avait fait part à plusieurs reprises aux conseillers du PIC qu’il n’entendait pas accepter de postes de reclassement situés à plus de 50 km de son domicile ou sortant du secteur des dispositifs médicaux (mail de Mme [R] [O] du 17 novembre 2014), étant observé de ce chef que le profil et le domaine spécifique d’activité de l’appelant (commercialisation de dispositifs médicaux), qui correspondaient au propre domaine d’activité de la société Hutchinson Santé, étaient par contre sans rapport avec l’activité des autres sociétés du groupe intervenant sur la commercialisation de produits également issus de la transformation du caoutchouc mais dans les domaines de l’automobile, de l’aéronautique et de la défense.

Au vu des différents éléments versés aux débats, la cour retient par ailleurs que l’employeur établit qu’aucun autre poste identique ou équivalent à celui de l’appelant en terme de qualification, de responsabilités, de diplômes et de formation, d’expérience professionnelle et de rémunération n’était effectivement disponible au sein du groupe.

Il sera en outre constaté que le salarié a également bénéficié de mesures d’accompagnement ainsi que d’un suivi personnalisé, tant pendant la période de reclassement interne que pendant la période de reclassement externe au cours du congé de reclassement, suivi dans le cadre duquel il a été reçu à plusieurs reprises pour des entretiens individuels par une consultante (Mme [R] [O]), l’intéressé ayant ainsi bénéficié d’un suivi régulier et personnalisé pour faire le point sur les offres de reclassement pouvant lui être transmises ainsi que sur ses projets d’orientation professionnelle, un projet de création d’entreprise ayant ainsi été initié avec établissement d’un diagnostic projet et mise en oeuvre d’une formation dans le cadre d’un cycle certifiant. Cette formation, intitulée « Diriger un centre de profit, une unité, une business unit » et dispensée par le CEGOS Paris, dont le coût (6 382,70 euros) était intégralement pris en charge par l’employeur, et qui devait se dérouler à compter du 7 avril 2014, n’a pas été menée à son terme par l’appelant.

Il en résulte que l’employeur justifie ainsi également de la mise en oeuvre des différentes actions de formation et d’adaptation nécessaires au reclassement de son salarié.

Concernant la période du congé de reclassement, outre le fait que le projet de création d’entreprise a finalement été abandonné par le salarié, il apparaît également à la lecture des différents mails adressés par Mme [R] [O] à la direction de la société Hutchinson Santé que l’appelant se montrait particulièrement opposant lors des rendez-vous de suivi avec elle et qu’il avait même adopté, lors d’un entretien en novembre 2014, un comportement « injurieux, calomnieux, violent verbalement et menaçant » lorsqu’elle avait souhaité faire le point avec lui sur ses projets et évoquer le fait que ses recherches étaient trop restreintes (périmètre de 50 km autour de son domicile, uniquement dans le secteur des dispositifs médiaux), la consultante faisant état de l’impossibilité de l’accompagner compte tenu de son attitude et de son refus d’adopter une démarche active de recherche.

Alors que cette dernière lui avait cependant transmis des offres d’emploi dans le cadre de la recherche de mobilité externe, soit un poste de Sales Director and Account Manager Home Office chez [V] Life Sciences ainsi qu’un poste de Directeur de clientèle Grands Comptes Région Picardie chez Randstad Inhouse Services le 16 septembre 2014, offres auxquelles le salarié n’a pas donné suite, puis, le 15 décembre 2014, une offre de poste de directeur régional des ventes orthopédie IDF au sein de la société Johnson & Johnson Medical (la conseillère ayant en outre répondu à certaines de ses questions et demandes de précisions concernant cette dernière offre le 22 décembre 2014), l’appelant n’a eu de cesse de son côté, dans les échanges de mails avec la consultante des 19 décembre 2014 et 5 février 2015, de remettre en cause son efficacité, son utilité et ses capacités professionnelles (« Vous ne m’apportez rien de concret et démontrez clairement n’avoir aucun réseau dans le domaine médical », « Vos réponses me semblent être le témoin d’une incapacité totale à assumer vos responsabilités pour un cadre de mon niveau et dans un domaine médical que vous ne semblez pas maîtriser », « Vous me parlez sans cesse de rdv mais vous ne m’apportez rien ni matière à discuter », « J’ai passé l’âge de la maternelle et du processus scolaire inefficace sur lequel vous vous figez dans vos responsabilités actuelles »).

Il résulte des derniers mails de Mme [R] [O] des 23 et 24 juin 2015 ainsi que de la commission de suivi de l’antenne emploi Hutchinson Santé du 23 juin 2015 que, mis à part le cas de deux salariés restés inactifs (M. [H] et M. [V]) faisant l’objet d’un projet non défini, les projets des autres salariés ont connu des résultats pour le moins positifs au terme du processus de suivi (7 reclassements en externe et 2 reconversion/création d’entreprise outre les 3 reclassements internes déjà effectués au sein du groupe).

Dès lors, au vu de l’ensemble des développements précédents, il apparaît que la société a procédé à une recherche effective, loyale et sérieuse des postes de reclassement de même catégorie ou équivalent, disponibles au sein du groupe et correspondant aux capacités, à l’expérience ainsi qu’à la qualification de l’appelant, postes ayant fait l’objet d’une proposition écrite, concrète, précise et personnalisée le 27 mars 2014, résultat d’un examen individuel des possibilités de reclassement, outre l’organisation d’un entretien de recrutement sur un poste de reclassement au sein du groupe dès le mois de janvier 2014, l’employeur justifiant également de l’absence de tout autre poste de reclassement disponible et susceptible de convenir à l’appelant dans le cadre du groupe parmi les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation leur permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

La cour retient ainsi que l’employeur démontre avoir exécuté de manière sérieuse et loyale son obligation de reclassement ainsi que son obligation de formation et d’adaptation dans le cadre du reclassement.

Par conséquent, la cour confirme le jugement en ce qu’il a retenu que le licenciement pour motif économique du salarié était justifié et fondé et en ce qu’il a débouté l’intéressé de ses demandes afférentes à la rupture de son contrat de travail, en ce comprise sa demande de remise de documents sociaux de fin de contrat conformes sous astreinte.

Sur les autres demandes

Le salarié, qui succombe en son appel, supportera les dépens d’appel et sera débouté de sa demande au titre des frais exposés en cause d’appel non compris dans les dépens en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant,

Déboute M. [H] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ;

Condamne M. [H] aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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