Titre de presse : 14 décembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 22/12917

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Titre de presse : 14 décembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 22/12917
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14 décembre 2022
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/12917

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 4

ARRÊT DU 14 DÉCEMBRE 2022

(n° 220 , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/12917 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGEL2

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Juin 2022 – Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2021050770

APPELANTE

S.A.S. LEKIOSQUE.FR, agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 493 341 473

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque C2477, avocat postulant

Assistée de Me Frédéric DUMONT de la SCP DEPREZ, GUIGNOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque P0221, avocat plaidant

INTIMÉE

S.A.S. L’EQUIPE, agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 332 978 485,

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée et assistée de Me Fayrouze MASMI-DAZI de la SELEURL FAYROUZE MASMI-DAZI AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque K0072,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 19 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre, chargée du rapport et Madame Sophie DEPELLEY, Conseillère.

Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre,

Madame Brigitte BRUN-LALLEMAND, Première Présidente de chambre,

Madame Sophie DEPELLEY, Conseillère,

Greffière, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

– Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre et par Claudia CHRISTOPHE, Greffière présente à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

********

La société LEKIOSQUE.FR exerce une activité de distribution de titre de presse en mode numérique sous le nom commercial Cafeyn (ci-après dénommée la société Cafeyn ou Le Kiosque) qui propose la lecture de nombreux titres de journaux et de magazines en illimité (environ 1600 titres) contre le paiement d’un abonnement global (9,99 € mensuel); elle édite le site internet et l’application du même nom.

La société L’EQUIPE (ci-aprés dénommée L’Equipe) est un éditeur quotidien d’informations générales sportives d’envergure nationale, appartenant au groupe familial [C].

Le 29 mai 2017 , L’Equipe et Cafeyn concluent un contrat de diffusion numérique des contenus portant sur les titres France Football et Vélo magazine via Bouygues Telecom, pour une durée d’un an soit jusqu’au 29 mai 2018 ; en février 2018, elles s’accordent pour intégrer les contenus des titres France Football et Vélo magazine aux offres BtoC’; BtoB et BtoBtoC.

Le 3 décembre 2018, les parties conviennent de la distribution du titre L’Equipe sur les offres BtoC et BtoBtoC de Cafeyn en contrepartie du versement d’un minima garantis de 225 000 € en année 1 et 300 000 € en année 2, ce pour une durée de 24 mois, soit jusqu’au 31 décembre 2020.

Au printemps 2020, Cafeyn reprend l’offre de presse de SFR et fait l’acquisition de l’infrastructure numérique de SFR dénommée Millibris, hébergeant la technologie qui permet aux éditeurs de presse de diffuser le pdf de leur journal ou magazine en format liseuse, à l’intégralité de leurs abonnés.

En vue de la formation d’un contrat-cadre, la société Cafeyn adresse le 25 novembre 2020 à la société L’Equipe un «’Deal memo’» résumant les principales conditions contractuelles devant régir leur partenariat.

Les relations commerciales se poursuivent sans qu’aucun contrat-cadre ne soit formalisé entre les parties.

Le 22 janvier 2021, la société L’Equipe adresse à la société Cafeyn une lettre recommandée proposant «’une résiliation amiable du contrat de distribution des titres du groupe L’Equipe’» que la société Cafeyn refuse.

Par courriel du 2 mars 2021, la société L’Equipe demande «’3M€/an pour que Cafeyn puisse continuer à distribuer L’Equipe sur le périmètre actuel, assorti d’une garantie bancaire’».

Le 19 mars 2021, L’Equipe refuse les «’propositions du 25 janvier et contreproposition du 5 mars’» de Cafeyn.

Le 5 mai 2011, Cafeyn, répondant à la proposition de résiliation amiable du 16 avril de L’Equipe, fait connaître son refus.

Par lettre recommandée du 23 juin 2021 portant «’résiliation du contrat de distribution des titres du groupe L’Equipe’», la société L’Equipe confirme mettre fin au contrat à compter du 31 août 2021 pour le canal de SFR et à compter du 31 décembre 2021 pour la distribution sur les canaux BtoC, BtoB Cafeyn, Telma, Digicel.

Suite à la mise en demeure infructueuse adressée le 8 juillet 2021 à L’Equipe de respecter le terme du contrat relatif à la distribution sur SFR au 31 août 2022, et de reprendre les pourparlers de bonne foi, Cafeyn assigne en référé L’Equipe devant le tribunal de commerce de Nanterre.

Par arrêt du 28 octobre 2021, la cour d’appel de Versailles, infirmant l’ordonnance du 27 août 2021 du tribunal, ordonne à titre de mesure conservatoire la suspension des effets de la dénonciation unilatérale suivant lettre du 23 juin 2021 par la société L’Equipe du contrat la liant à la société Cafeyn concernant la diffusion de ses titres sur le réseau SFR/ Cafeyn et lui ordonne par voie de conséquence de poursuivre l’exécution du contrat dans les conditions définies par le «’Deal memo’» du 24/25 novembre 2020 au plus tard jusqu’au prochain terme du contrat à savoir le 31 Août 2021, sous astreinte.

Le pourvoi formé contre cet arrêt par la société L’Equipe a été rejeté par arrêt du 22 juin 2022 de la Cour de cassation.

Depuis le 1er septembre 2022, les titres de L’Equipe ne sont plus diffusés sur Cafeyn et cette dernière a mis en place une offre Corner Sport constitués d’articles sportifs extraits de titres de presse déjà présents sur le catalogue Cafeyn et de contenus sportifs achetés auprès de groupes médias éditeurs de site internet.

Reprochant à la société L’Equipe d’avoir imposé des conditions de transaction non équitables pendant la période de renégociation de la relation commerciale et refusé de vendre de manière abusive, d’avoir confié la distribution exclusive de ses titres à tout apprendre qui a des liens capitalistiques avec la famille [C], propriétaire de l’Equipe, et d’avoir pratiqué des prix prédateurs en lançant une offre, valable du 18 au 25 février 2022, d’abonnement à destination de ses abonnés au prix de 2,99€ par mois au lieu de 11,99€, la société Le Kiosque a fait assigner L’Equipe, par acte du 26 octobre 2021, devant le tribunal de commerce de Paris à l’effet notamment de voir reprendre les négociations, de voir retenir que L’Equipe a commis un abus de position dominante sur le fondement des articles L 420-2 du code de commerce et 102 TFUE ainsi que des pratiques restrictives de concurrence.

Par jugement du 30 juin 2022 le tribunal de commerce de Paris :

-Déboute la SAS LEKIOSQUE.FR de sa demande principale d’enjoindre à la SAS L’EQUlPE de négocier la reconduction des contrats de distribution ;

-Déboute la SAS LEKIOSQUEFR de toutes ses demandes de condamnation au titre de l’abus de position dominante et de réparation de préjudices et de ses demandes autres plus amples et contraires ;

-Déboute la SAS L’EQUIPE de ses demandes reconventionnelles ;

-Condamne la SAS LEKI0SQUE.FR à payer à la SAS L’EQUlPE 15.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

-Dit n’y avoir lieu à exécution provisoire ;

-Condamne la SAS LEKIOSQUE.FR aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 70,86 € dont 11,60 € de TVA.

Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 28 juillet 2022, Le Kiosque interjette appel de ce jugement.

Par ordonnance présidentielle, Le Kiosque est autorisé à assigner L’Equipe à jour fixe pour l’audience du 19 octobre 2022.

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées 14 octobre 2022, le Kiosque demande à la Cour de :

Vu les articles 102 du TFUE, L.420-2 et L.442-1 et L.442-4 du code de commerce,

-Infirmer la décision entreprise en ce qu’elle a :

-Débouté la SAS LEKIOSQUE.FR de sa demande principale d’enjoindre à la SAS L’EQUIPE de négocier la reconduction des contrats de distribution,

-Débouté la SAS LEKIOSQUE.FR de toutes ses demandes de condamnation au titre de l’abus de position dominante et de réparation de préjudices et de ses demandes autres plus amples et contraires,

-Condamné la SAS LEKIOSQUE. FR à payer à la SAS L’EQUIPE 15.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

-Condamné la SAS LEKIOSQUE. FR aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 70,86 € dont 11,60 € de TVA.

Et statuant à nouveau,

-Juger que la société L’ÉQUIPE a commis un abus de position dominante dans l’exécution du contrat de distribution conclu avec LEKIOSQUE.FR ;

-Juger que la société L’ÉQUIPE a commis une pratique restrictive de concurrence au préjudice de la société LEKIOSQUE.FR ;

En conséquence :

Sur l’injonction de négocier de bonne foi

-Ordonner à L’Equipe de reprendre l’exécution du contrat de distribution du 25 novembre 2020 dans l’attente des mesures ci-après ;

-Enjoindre aux deux parties, la société L’ÉQUIPE et la société LEKIOSQUE.FR :

-De reprendre les pourparlers en vue de s’accorder sur la poursuite de leurs relations commerciales antérieures selon des conditions transparentes, objectives et non discriminatoires

A cette fin, Ordonner à la société L’ÉQUIPE :

-Dans les huit (8) jours de la signification de l’arrêt à Intervenir, d’adresser à la société LEKIOSQUE.FR les éléments d’information nécessaires à une évaluation transparente de la rémunération due ;

– De conduire les négociations de bonne foi visées ci-dessus pendant un délai de 6 mois à partir de l’ouverture desdites négociations matérialisée par une lettre recommandée avec demande d’avis de réception confirmée sous forme électronique adressée par LEKIOSQUE.FR à L’Équipe au plus tard dans les quinze (15) jours suivant la réception des éléments d’information visés ci-dessus.

-Assortir la décision à intervenir d’une astreinte de 100.000 € par jour de retard à compter du 8ème jour après la signification à partie

Sur la réparation du préjudice

-Condamner la société L’ÉQUIPE à payer à LEKIOSQUE.FR la somme de 2.600.000 € en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation du contrat Cdiscount

-Condamner la société L’ÉQUIPE à payer à LEKIOSQUE.FR la somme de 1.300.000 € en réparation du préjudice d’image subi

-Condamner la société L’ÉQUIPE à payer à LEKIOSQUE.FR la somme de 162.500 € par mois de non diffusion du titre en réparation du préjudice subi du fait de la réduction de la rémunération par SFR

-Condamner la société L’ÉQUIPE à payer à LEKIOSQUE.FR la somme de 105.000 € par mois de non diffusion du titre en réparation du préjudice de perte de chance des désabonnements

-Condamner la société L’ÉQUIPE à payer à LEKIOSQUE.FR la somme de 210.250 € par mois de non diffusion du titre en réparation du préjudice de perte de chance des non abonnements

-Déduire des condamnations qui précèdent la somme de 135.833 € par mois de non diffusion du titre correspondant à la rémunération non versée par LEKIOSQUE.FR à la société L’ÉQUIPE

-Condamner la société L’ÉQUIPE à payer à LEKIOSQUE.FR la somme de 1 300 000 € au titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice d’image subi.

Sur les demandes reconventionnelles de L’Equipe, il est demandé de’:

A titre principal,

-Confirmer le jugement en ce qu’il est retenu que les demandes reconventionnelles de L’Equipe ne se rattachent pas par un lien suffisant avec les demandes de LEKIOSQUE.FR et déboute la SAS L’Equipe de ses demandes reconventionnelles’;

A titre subsidiaire,

-Juger nulles les demandes reconventionnelles de L’Equipe’;

A titre infiniment subsidiaire,

-Rejeter les demandes reconventionnelles de L’Equipe’;

En tout état de cause ;

-Ordonner que la décision à intervenir soit publiée dans une version non-confidentielle occultant (i) les montants financiers versés par LEKIOSQUE.FR à L’Equipe au cours de leur relation commerciale (ii) toutes les informations financières produites par LEKIOSQUE.FR relative à son modèle économique (iii) les montants reçus par LEKIOSQUE.FR au titre des contrats conclus avec ses partenaires ;

-Condamner la société L’ÉQUIPE à payer à la société LEKIOSQUE.FR la somme de 50.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

-Condamner la société L’ÉQUIPE aux entiers dépens de la présente instance.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées et notifiées le 18 octobre 2022 l’Equipe demande à la Cour de :

Vu les articles L.420-2 et L.420-3 du Code de commerce ;

Vu l’article 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;

Vu les articles L.442-1 et L.442-4 du Code de commerce ;

Vu l’article 1240 du Code civil ;

Vu les articles L 111-2, 121-2, 132-2 et suivants du Code de la Consommation ;

Vu l’article 4 du RGPD ;

Vu l’article 1302-1 et suivants du Code civil ;

Vu l’article 70 du Code de procédure civile ;

Vu les articles 15 et 16 du Code de procédure civile ;

Vu l’article 6§1 de la CEDH ;

Vu les articles R 153-2 et suivants du Code de commerce ;

Vu la jurisprudence susvisée ;

Vu les écritures des parties et les pièces produites aux débats ;

-Dire recevable la société L’Equipe en toutes ses demandes, fins et conclusions ;

L’y déclarant bien fondée ;

-Ecarter des débats les pièces adverses n° 26, 26bis, 71 et 72 produites au mépris des articles 15 et 16 du Code de procédure civile et 6§1 de la CEDH et R 153-2 et suivants du Code de commerce ;

-Débouter la société LEKIOSQUE.FR de son appel et de toutes ses demandes, fins, prétentions et conclusions devant la Cour de Céans ;

En conséquence,

-Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société LEKIOSQUE.FR de l’ensemble de ses demandes, moyens, fins, prétentions et conclusions, sauf à lui substituer les motifs de la Cour sur l’absence de position dominante ;

A titre subsidiaire,

-Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société LEKIOSQUE.FR de l’ensemble de ses demandes, moyens, fins, prétentions et conclusions ;

Au titre de l’appel incident de la société L’Equipe

-Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société L’Equipe de ses demandes reconventionnelles ;

Et statuant à nouveau de ces chefs :

-Dire la société L’Equipe recevable et bien fondée en ses demandes reconventionnelles ;

-Débouter la société LEKIOSQUE.FR de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires à celles de la société l’Equipe,

-Dire qu’il existe un lien suffisant entre les demandes principales et les demandes reconventionnelles ;

En conséquence :

-Dire que la société L’EQUIPE a valablement mis fin aux deux relations commerciales qu’elle entretenait avec la société LEKIOSQUE.FR – respectivement la relation commerciale Le Kiosque d’une part et la relation commerciale Presse by Cafeyn (SFR) d’autre part ;

Sur la relation commerciale LKI :

Dire que la relation commerciale LKI a pris fin au 31 décembre 2021 ;

Sur la relation commerciale Presse by Cafeyn (SFR)

A titre principal

-Dire que la relation commerciale Presse by Cafeyn (SFR) a pris fin le 31 août 2021 ;

A titre subsidiaire

-Dire que la relation commerciale Presse by Cafeyn (SFR) a pris fin le 31 août 2022 ;

En tout état de cause

-Condamner la société LEKIOSQUE.FR à payer à la société L’EQUIPE la somme de 500.000 (cinq cent mille) euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’atteinte portée par LEKIOSQUE.FR à l’image de marque de L’EQUIPE par la diffusion illicite de ses contenus au-delà de l’échéance de leurs relations commerciales et ce, sans autorisation par application de l’article 1240 du Code civil ;

-Condamner la société LEKIOSQUE.FR à payer à la société L’EQUIPE la somme de 500.000 (cinq cent mille) euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du non-respect par LEKIOSQUE.FR de réglementations notamment de protection des consommateurs, constitutifs d’actes de concurrence déloyale par application de l’article 1240 du Code civil ;

-Condamner la société LEKIOSQUE.FR à restituer sur minute de l’arrêt à intervenir la somme de 9.000.000 (neuf millions) d’euros perçue indûment au détriment de L’Equipe pendant deux ans dans le cadre des relations commerciales Presse by Cafeyn SFR par application des articles 1302-1 et suivants du Code civil ;

-Ordonner à la société LEKIOSQUE.FR de publier, à ses frais, dans les 5 (cinq) jours ouvrés suivant le prononcé de l’arrêt à intervenir sur minute de la décision, un communiqué reprenant les termes de la condamnation à l’interdiction faite à LEKIOSQUE.FR d’utiliser et de diffuser de quelque manière que ce soit les contenus de L’EQUIPE au-delà de l’échéance des relations commerciales telles que fixées par l’arrêt dans une publication de presse quotidienne nationale d’information politique et générale ;

-Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il n’a retenu la condamnation au titre de l’article 700 du Code de procédure civile de Lekiosque.fr qu’à hauteur de 15.000€ ;

Et statuant à nouveau de ce chef

-Condamner la société LEKIOSQUE.FR à payer à la société L’EQUIPE la somme de 50.000 (cinquante mille) euros au titre de l’indemnité par application de l’article 700 du Code de procédure civile pour la première instance ;

En tout état de cause

-Condamner la société LEKIOSQUE.FR à payer à la société L’EQUIPE la somme de 30.000 (trente mille) euros au titre de l’indemnité par application de l’article 700 du Code de procédure civile pour la procédure d’appel ;

-Condamner la société LEKIOSQUE.FR aux entiers dépens de première instance et d’appel.

-Débouter la société LEKIOSQUE.FR de son appel et de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

MOTIVATION

Sur l’abus de position dominante

Sur le fondement de l’article L 420-2 du Code de commerce et 102 TFUE, Cafeyn soutient que l’Equipe abuse de sa position dominante au préjudice de Cafeyn.

Sur la position dominante

Le Kiosque sollicite la confirmation du jugement en ce qu’il a reconnu la position dominante de L’Equipe sur le marché amont pertinent de la presse quotidienne nationale d’information sportive, évoquant une décision de l’autorité de la concurrence qui a retenu que ce quotidien sportif n’était pas substituable avec un titre économique et financier ou un journal d’information générale et politique compte tenu de la différence de contenus et qu’il bénéficiait d’une position dominante sur ce marché.

Il ajoute que les versions papier et pdf des titres de presse doivent être considérées comme substituables de sorte que, selon lui, le marché pertinent sur lequel L’Equipe est présente est la presse quotidienne nationale d’information sportive, dans ses deux versions papier ou pdf et que ce journal demeure le seul titre de presse écrite, national et quotidien d’information sportive.

Il sollicite de même la confirmation du jugement en ce que le tribunal a reconnu la situation de concurrence entre L’Equipe et les kiosques numériques sur le marché aval pertinent de la distribution de presse numérique.

Il fait valoir à cet égard que le tribunal a justement considéré que les kiosques numériques sont assimilés aux kiosques de presse papier et qu’ils font partie du marché aval de la distribution de presse.

Enfin, il demande de confirmer le jugement en ce que le tribunal a retenu que Cafeyn qui propose un kiosque numérique composé des principaux titres de presse en format pdf, et L’Equipe qui souhaite désormais se réserver l’exclusivité de la distribution de son titre de presse sur le marché aval de la distribution de presse numérique, sont en situation de concurrence directe et non plus dans une relation fournisseur-distributeur.

L’Equipe rétorque que le marché pertinent sur lequel se positionne l’Equipe n’est pas adéquatement défini, alors qu’en matière d’abus de position dominante, la définition adéquate du marché pertinent est une condition nécessaire et préalable au jugement porté sur un comportement anticoncurrentiel. Or, pour définir le marché pertinent, ce sont les offres concurrentes qui doivent être comparées et analysées dans leur substituabilité.

Elle fait valoir à cet égard que Le Kiosque fait référence à une décision de l’Autorité rendue en 2014 sur des données remontant à 2008 dans le secteur réglementé de la presse papier alors que ce secteur n’est pas concerné par l’analyse de pratiques reprochées à un éditeur de presse en ligne par une plateforme numérique pure player de diffusion de titres de presse uniquement en ligne sur des stores applicatifs, des mobiles et des sites internet en 2021.

Elle ajoute que Le Kiosque invoque aussi des développements consacrés récemment par l’Autorité à l’analyse d’opérations de concentrations, tout en omettant de reproduire les aspects relatifs à l’impact de l’avènement du numérique.

Enfin, elle estime que Le Kiosque reprend de manière délibérément tronquée et trompeuse certains développements d’une décision n°196DCC-141 rendue en matière de concentrations dans le cadre de la prise de contrôle exclusif de la société Mondadori, éditrice de magazines papier et de sites éditoriaux en ligne, par Reworld Media, faisant valoir que l’Autorité a bien défini deux marchés distincts, l’un pour l’édition de la presse papier écrite non substituable avec d’autres formats de presse, et l’autre pour l’exploitation de sites éditoriaux en ligne, avec cette précision que les sites éditoriaux adossés à un titre de presse écrite sont en concurrence avec les sites internet liés à d’autres médias (télévision ou radio) et les sites d’acteurs spécialisés de la presse en ligne.

Elle observe également que pour toute analyse de substituabilité, Le Kiosque présente des éléments sur la perception des consommateurs de l’offre papier de l’Equipe avec le pdf de L’Equipe, soit deux produits fournis par L’Equipe alors que pour définir un marché pertinent, ce sont les différentes offres concurrentes qui peuvent être comparées et analysées dans leur substituabilité.

Elle estime que ne sont en cause ici que les marchés de l’exploitation de sites éditoriaux de contenus d’information générale sportive (IGS) en ligne et la distribution de ces contenus d’information IGS directement ou indirectement par les kiosques numériques. que l’édition et la diffusion de contenus d’informations sportives présentent des caractéristiques distinctes, et que plusieurs autres opérateurs sont présents sur le marché.

Elle observe que contrairement à ce que soutient Le Kisoque, cette plateforme de diffusion de contenus de presse en ligne n’est pas un client de l’Equipe mais un fournisseur de services d’intermédiation en ligne conformément au règlement relatif aux restrictions verticales n°2022/720.

Elle ajoute que la substituabilité de l’offre d’un éditeur de contenus d’information qui diffuse directement son contenu sur son application et site avec celle d’une plateforme comme Le Kiosque est imparfaite car elle ne fonctionne que dans le sens du point de vue du consommateur. Aucun consommateur ne peut penser qu’une offre à 9,99 € pour la lecture de 1.600 titres est substituable à une offre à 9,99 € à l’Equipe en ligne, qui ne donne qu’une information sportive.

Elle dénie toute position dominante de L’Equipe, la situation de monopole alléguée n’étant pas établie alors qu’en l’état actuel du marché de l’édition et de la diffusion de contenus de presse en ligne, et même sur un hypothétique marché de contenus de presse d’information générale et sportive (IGS) en ligne, la position dominante de l’Equipe ne saurait être caractérisée en égard à la multitude d’opérateurs présents éditant des contenus d’actualité sportive en ligne tels qu’Eurosport, RMC et Sports24, Bein, qui traitent les mêmes informations en temps réel sous les mêmes formats consultables en ligne.

Réponse de la Cour

L’existence d’une position dominante suppose la délimitation du marché pertinent.

Selon la Commission européenne, le marché pertinent’ se définit comme «’un marché de produits en cause [qui] comprend tous les produits et/ou services que le consommateur considère comme interchangeables ou substituables en raison de leurs caractéristiques, de leur prix et de l’usage auxquels ils sont destinés. (…)’» (JOCE C 372 du 9 décembre 1997)

L’article L462-3 du code de commerce dispose’:

«’L’Autorité peut être consultée par les juridictions sur les pratiques anticoncurrentielles définies aux articles L. 420-1 à L. 420-2-2 et L. 420-5 ainsi qu’aux articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et relevées dans les affaires dont elles sont saisies. Elle ne peut donner un avis qu’après une procédure contradictoire. Toutefois, si elle dispose d’informations déjà recueillies au cours d’une procédure antérieure, elle peut émettre son avis sans avoir à mettre en ‘uvre la procédure prévue au présent texte.

L’Autorité de la concurrence peut transmettre tout élément qu’elle détient concernant les pratiques anticoncurrentielles concernées, à l’exclusion des pièces élaborées ou recueillies au titre du IV de l’article L. 464-2, à toute juridiction qui la consulte ou lui demande de produire des pièces qui ne sont pas déjà à la disposition d’une partie à l’instance. Elle peut le faire dans les mêmes limites lorsqu’elle produit des observations de sa propre initiative devant une juridiction. Les dispositions prévues au présent alinéa ne sont pas applicables aux demandes de production de pièces formées en vue ou dans le cadre d’une action en dommages et intérêts fondée sur l’article L. 481-1 du présent code.

Le cours de la prescription est suspendu, le cas échéant, par la consultation de l’Autorité.

L’avis de l’Autorité peut être publié après le non-lieu ou le jugement».

La Cour estime nécessaire, avant dire droit sur l’existence d’un abus de position dominante de la Société L’Equipe, de consulter l’Autorité de la concurrence pour recueillir son avis’:

-sur la définition du marché amont pertinent sur lequel la société l’Equipe est prétendument en position dominante et le marché aval sur lequel les pratiques alléguées par Lekiosque.fr auraient été commises,

-sur la détermination d’une position dominante de L’Equipe sur le marché aval défini,

Sur les autres demandes présentées

Il convient de surseoir à statuer sur les autres demandes présentées dans l’attente de l’avis sollicité y compris s’agissant de la demande de L’Equipe tendant à voir écarter des débats les pièces adverses n° 26, 26bis, 71 et 72 en ce qu’elles seraient produites au mépris des articles 15 et 16 du Code de procédure civile et 6§1 de la CEDH et R 153-2 et suivants du Code de commerce, pour avoir été soustraites des débats, sans motivation, sans justification et surtout sans autorisation préalable de la Cour, s’agissant, en effet, de pièces ayant trait à la réparation du préjudice.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire,

Avant dire-droit sur l’existence d’un abus de position dominante de la société L’Equipe dans l’exécution du contrat de distribution conclu avec Lekiosque.fr,

Vu l’article L462-3 du code de commerce,

Consulte l’Autorité’ de la concurrence pour avis sur les points suivants’:

-la définition du marché amont pertinent sur lequel la société l’Equipe est prétendument en position dominante et le marché aval pertinent sur lequel les pratiques alléguées par Lekiosque.fr auraient été commises,

-la détermination d’une position dominante de L’Equipe sur le marché aval défini,

Dit que l’Autorité de la concurrence rendra son avis dans un délai de 7 mois à compter du présent arrêt,

Dit que les pièces de procédure et du dossier de chacune des parties lui seront transmises par les soins du greffe’;

Sursoit à statuer sur les autres demandes présentées dans l’attente de l’avis sollicité’;

Réserve les dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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