Détournement de Savoir-faire : 30 juin 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/01961

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Détournement de Savoir-faire : 30 juin 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/01961
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30 juin 2023
Cour d’appel de Douai
RG n°
21/01961

ARRÊT DU

30 Juin 2023

N° 1042/23

N° RG 21/01961 – N° Portalis DBVT-V-B7F-T6RI

MLBR/NB

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Lille

en date du

20 Octobre 2021

(RG F19/00078 -section )

GROSSE :

Aux avocats

le 30 Juin 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

– Prud’Hommes-

APPELANT :

M. [T] [L]

[Adresse 1]

[Localité 2]/FRANCE

représenté par Me Virgile AMAUDRIC DU CHAFFAUT, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

S.A.S. VOUS ETES AU TOP

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Jonathan BELLAICHE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Marie LE BRAS

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Alain MOUYSSET

: CONSEILLER

Patrick SENDRAL

: CONSEILLER

GREFFIER lors des débats : Séverine STIEVENARD

DÉBATS : à l’audience publique du 11 Avril 2023

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Marie LE BRAS, Président et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 21 mars 2023

EXPOSÉ DU LITIGE :

La SAS Vous êtes au Top (ci-après dénommée la société VEAT) est spécialisée dans la création de site internet, applications extranet, intranet et internet ainsi que dans le référencement de sites existants.

Elle a notamment crée le site internet «’www.jerecuperemonex.com’» (JRME).

Dans le but de continuer à se développer et à attirer des clients potentiels, la société VEAT a décidé d’avoir recours au système dit «’ d’affiliation » lequel permet selon diverses méthodes de rediriger le visiteur depuis un site ou un blog vers son propre site internet afin de favoriser l’achat des produits vendus sur celui-ci.

Entre septembre 2013 et décembre 2014, M. [T] [L] a travaillé avec la société VEAT dans le cadre de contrats à durée déterminée en tant que chef de projet.

Sous statut d’auto entrepreneur, M. [L] a continué à partir de janvier 2015 à exécuter des prestations au profit de la société VEAT, les blogs créés avec M. [C] permettant la mise en oeuvre du système d’affiliations au profit du site JMRE, moyennant rémunérations versées sur factures.

Le 13 octobre 2017, M. [L] et M. [C] ont créé un nouveau site internet « rupture-positive.fr ‘» (site RP).

Suivant contrat signé le 1er septembre 2017, M. [L] a été embauché à compter du 1er août 2017 par la société VEAT en qualité de chef de projet SEO coefficient 220, position 1.3.1 catégorie ETAM tout en conservant son statut d’auto entrepreneur.

Le 4 mai 2018, M. [L] et M. [C] ont créé un nouveau site internet, « seduction-positive.fr » (site SP), celui-ci n’étant pas lié au système d’affiliation vers JMRE.

Après une mise à pied à titre conservatoire à compter du 13 septembre 2018 et un entretien préalable qui s’est tenu le 21 septembre 2018, la société VEAT a notifié à M. [L] par courrier recommandé du 1er octobre 2018 son licenciement pour faute grave lui reprochant en substance des actes de concurrence déloyale et parasitaires, à travers les sites ‘séduction-positive’ et ‘rupture-positive’, ainsi que l’emploi d’un de ses salariés pour la réalisation de tâches intéressant le site ‘séduction-positive’.

Par requête du 24 janvier 2019, M. [L] a saisi le conseil de prud’hommes de Lille afin notamment de voir reconnaître son statut de salarié dès janvier 2015, de contester son licenciement et d’obtenir diverses indemnités au titre de l’exécution et de la rupture du contrat de travail.

Par jugement contradictoire du 20 octobre 2021, le conseil de prud’hommes de Lille a notamment :

– dit que la faute grave est fondée,

– débouté M. [L] de sa demande de requalification de son statut d’autoentrepreneur en contrat à durée indéterminée,

– débouté le demandeur de l’intégralité de ses demandes liées à la non-requalification de son statut d’autoentrepreneur, de sa demande de remboursement de frais, et de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive,

– débouté la société VEAT de sa demande de dommages-intérêts pour violation de l’obligation de loyauté et de confidentialité et de sa demande à titre de remboursement de sommes indûment perçues,

– dit que la destruction des fichiers de la société en possession du demandeur n’est pas de son ressort,

– débouté le demandeur de sa demande reconventionnelle,

– condamné l’employeur aux éventuels dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 12 novembre 2021, M. [L] a interjeté appel du jugement rendu sauf en ce qu’il a débouté la société VEAT de sa demande de dommages-intérêts pour violation de l’obligation de loyauté et de confidentialité et de sa demande à titre de remboursement de sommes indûment perçues, en ce qu’il a dit que la destruction des fichiers de la société en possession du demandeur n’est pas de son ressort, débouté le demandeur de sa demande reconventionnelle, et en ce qu’il a condamné la société VEAT aux dépens.

Une seconde déclaration d’appel en date du 15 novembre 2021 a été reçue au greffe laquelle était destinée à actualiser l’adresse de l’appelant.

Par ordonnance du 30 novembre 2021, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des deux procédures.

Dans ses dernières conclusions déposées le 8 février 2023 auxquelles il convient de se référer pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, M. [L] demande à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la société VEAT de sa demande de dommages-intérêts pour violation de l’obligation de loyauté et de confidentialité et de sa demande à titre de remboursement de sommes indûment perçues,

– l’infirmer pour le surplus et statuant à nouveau,

sur ses demandes,

– juger que la société VEAT l’a employé dans des conditions de travail dissimulé dès janvier 2015, et en tout état de cause pour le moins à compter d’août 2017,

– juger qu’il devait bénéficier de la qualification de cadre position 2.2 coefficient 130 correspondant à ses fonctions de responsable de pôle et chef de projet et conséquemment du salaire minimum conventionnel associé à cette qualification,

– fixer son salaire de référence à la somme de 5 081,62 euros et son ancienneté à 5 ans et 1 mois,

– juger prescrits au sens de l’article L. 1332-4 du code du travail, les fais invoqués par la société VEAT à l’appui du licenciement pour faute grave,

– constater que les faits invoqués à l’appui du licenciement pour faute grave ont déjà été tolérés par le passé par la société VEAT,

– juger que les faits invoqués à l’appui du licenciement pour faute grave ne sont intrinsèquement pas fautifs,

– juger qu’en licenciant pour faute grave, la société VEAT s’est prévalue de sa propre turpitude,

– juger que le licenciement pour faute grave est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– condamner la société VEAT à lui payer les sommes suivantes :

*30 489,72 euros net au titre du travail dissimulé,

*15 244,86 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 1 524,48 euros au titre des congés payés y afférents,

*8 610,51 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

*30 489,72 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*5 081,62 euros à titre d’indemnité de requalification,

*236,94 euros à titre de rappel de salaire d’avril 2018,

*1 521,02 à titre de rappel de salaire du 13 au 30 septembre 2018, outre 152,10 euros au titre des congés payés y afférents,

*3 152,76 euros à titre d’indemnité de congés payés du 1er juin 2015 au 31 mai 2016,

*3 152,76 euros à titre d’indemnité de congés payés du 1er juin 2016 au 31 mai 2017,

*2 289,02 euros à titre d’indemnité de congés payés du 1er juin 2017 au 30 septembre 2018,

*1 905,88 euros au titre des congés payés afférents au salaire déguisé perçu d’août 2017 à octobre 2018,

*2 281,25 euros net à titre de rappel de salaire d’août et septembre 2018, outre 228,12 euros au titre des congés payés y afférents,

*6 869 euros net à titre de remboursement de frais,

*5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,

– ordonner à la société VEAT de lui remettre, sous astreinte de 50 euros par jour et par document de retard, dans un délai d’un mois à compter de la signification du jugement à intervenir, des documents suivants, rectifiés conformément au jugement à intervenir :

*l’intégralité de ses bulletins de paie de janvier 2016 à septembre 2018 inclus, incluant notamment la rémunération non déclarée aux organismes sociaux de la société VEAT qui lui a été versée sous couvert de son statut d’autoentrepreneur,

*les trois documents de fin de contrat à savoir son certificat de travail, son solde de tout compte, et son attestation pôle emploi rectifiés conformément au jugement à intervenir,

– juger que la cour de céans se réservera la liquidation de l’astreinte,

sur les demandes reconventionnelles de la société VEAT,

– constater que les prétendus faits motivant la demande reconventionnelle de la défenderesse sont postérieurs à la rupture du contrat de travail,

– constater qu’aucun contrat de travail écrit ne lui a été soumis et qu’il n’était donc pas soumis à une clause d’exclusivité ou de non-concurrence,

– juger que la cour de céans est incompétente pour juger, en l’état, de la demande reconventionnelle soulevée par la société VEAT,

à titre subsidiaire,

– constater qu’aucun contrat de travail écrit ne lui a été soumis et qu’il n’était donc pas soumis à une clause d’exclusivité ou de non-concurrence,

– constater que le site «’seductionpositive.fr n’était pas en concurrence avec le site «’jerecuperemonex.com’»,

– constater que la défenderesse ne motive ni ne justifie le quantum de ses demandes reconventionnelles,

– juger que les prétendus faits motivant la demande reconventionnelle de la défenderesse auraient été commis antérieurement à la rupture du contrat de travail, ne sont pas fautifs mais relèvent de l’exécution normale de ses fonctions,

– débouter la société VEAT de l’intégralité de ses demandes à titre reconventionnelle,

En tout état de cause,

– condamner la société VEAT à lui payer la somme de 12 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la condamner aux dépens ainsi qu’à l’intégralité des frais et émoluments liés à une éventuelle exécution par voie d’huissier de justice de la décision à intervenir et en particulier tout droit au recouvrement ou d’encaissement.

Dans ses dernières conclusions déposées le 14 octobre 2022 auxquelles il convient de se référer pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, la société VEAT demande à la cour de :

A titre principal,

– déclarer irrecevables les demandes de M. [L] relatives à une requalification de son statut d’autoentrepreneur en contrat de travail à durée indéterminée et celles subséquentes notamment rappel de salaire, de congés payés, d’ancienneté, de coefficient, d’indemnité de requalification,

– confirmer le jugement rendu pour le surplus notamment en ce qu’il a dit la faute grave fondée, débouté le demandeur de sa demande de remboursement de frais et de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive,

A titre subsidiaire,

– confirmer le jugement en ce qu’il a dit la faute grave fondée, débouté M. [L] de sa demande de requalification de son statut d’autoentrepreneur en contrat à durée indéterminée et de l’intégralité de ses demandes liées à la non-requalification de son statut d’autoentrepreneur, débouté M. [L] de sa demande de remboursement de frais et de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive,

A titre infiniment subsidiaire,

– fixer le salaire de référence à la somme de 2 566,95 euros ou à titre infiniment subsidiaire à la somme de 4 421,81 euros,

Sur les demandes subséquentes à la demande de requalification,

– fixé l’ancienneté de M. [L] à 3 ans et 9 mois,

– limiter le montant des condamnations aux sommes suivantes :

*2 566,95 euros à titre d’indemnité de requalification, et à titre subsidiaire 4 421,81 euros,

*808,77 euros à titre de rappel d’indemnité compensatrice de congés payés allant de janvier à mai 2016,

*1 941,06 euros à titre de rappel d’indemnité compensatrice de congés payés pour la période allant du 1er juin 2016 au 31 mai 2017,

*323,51 euros à titre de rappel d’indemnité compensatrice de congés payés pour la période allant du 1er juin 2017 au 1er août 2017,

– débouté M. [L] du surplus de ses demandes,

Sur la rupture en cas de non-requalification,

– limiter le montant des condamnations aux sommes suivantes :

*1 421,99 euros à titre de rappel de salaire de la période de mise à pied conservatoire,

*2 566,95 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 256,69 euros de congés payés y afférents, et à titre infiniment subsidiaire, 4 421,81 euros outre 442,18 euros de congés,

*998,25 euros à titre d’indemnité de licenciement et à titre infiniment subsidiaire, 1 719,58 euros,

*2 566,95 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et à titre infiniment subsidiaire, 4 421,81 euros,

– débouter M. [L] du surplus de ses demandes,

Sur la rupture en cas de requalification,

– limiter le montant des condamnations aux sommes suivantes :

*1 421,99 euros à titre de rappel de salaire de la période de mise à pied conservatoire,

*2 566,95 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 256,69 euros de congés payés y afférents, et à titre infiniment subsidiaire, 4 421,81 euros outre 442,18 euros de congés,

*3 208,68 euros à titre d’indemnité de licenciement et à titre infiniment subsidiaire, 5 527,26 euros,

*7 700,85 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et à titre infiniment subsidiaire, 13 265,43 euros,

– débouter M. [L] du surplus de ses demandes,

En tout état de cause,

– infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour violation de l’obligation de loyauté et de confidentialité et de sa demande à titre de remboursement de sommes indûment perçues, en ce qu’il a dit que la destruction des fichiers de la société en possession du demander n’est pas de son ressort, a débouté le demandeur de sa demandeur reconventionnelle et l’a condamnée aux dépens,

Statuant à nouveau,

– déclarer irrecevable la demande tendant à juger que la cour de céans est incompétente pour juger de la demande reconventionnelle qu’elle soulève,

– déclarer sa demande reconventionnelle recevable,

– condamner M. [L] à lui payer la somme de 525 000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation de l’obligation de loyauté et de confidentialité,

-condamner M. [L] à lui payer la somme de 42 725,55 euros à titre de remboursement des sommes indûment perçues,

– condamner M. [L] à détruire tous les fichiers de la société encore en sa possession sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de l’arrêt à intervenir,

– condamner M. [L] à lui payer la somme de 12 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et le condamner aux dépens,

-débouter M. [L] de l’ensemble de ses demandes.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 21 mars 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

– sur la requalification de la relation contractuelle :

M. [L] sollicite la requalification en un contrat à durée indéterminée de sa relation contractuelle avec la société VEAT pour la période comprise entre janvier 2015 et juillet 2017, période pendant laquelle il soutient qu’elle l’aurait employé sous couvert de son statut d’auto entrepreneur.

En réponse aux moyens adverses, il conteste d’abord que sa demande soit prescrite, rappelant qu’en ce domaine, la prescription quinquennale ne commence à courir qu’au jour où la relation contractuelle dont il est demandé la requalification a pris fin, soit au jour de son licenciement ou au plus tôt en août 2017.

Faisant valoir qu’il a travaillé sans discontinuer et uniquement au profit de la société VEAT d’abord dans le cadre de contrats à durée déterminée puis entre janvier 2015 et août 2017 sous couvert d’auto entreprenariat, et enfin sous la double casquette d’auto entrepreneur et de salarié à partir d’août 2017, l’appelant prétend en s’appuyant sur de nombreux courriels et des attestations d’autres employés ou stagiaires, que :

– il n’a cessé en réalité d’être sous la subordination juridique de la société VEAT dont le dirigeant, M. [E], lui donnait des instructions, contrôlait voir critiquait son travail, et lui fixait son temps de travail et ses jours de repos,

– il a pleinement été intégré à l’équipe de travail de la société VEAT au sein des locaux, apparaissant dès le départ dans l’organigramme hiérarchique comme responsable du ‘pôle acquisition’ et utilisant une adresse de messagerie appartenant à la société VEAT,

– M. [E] le menaçait parfois de sanction.

Il estime rapporter ainsi les preuves suffisantes à renverser la présomption de non-salariat de l’article L. 8221-6 du code du travail et à obtenir la requalification de la relation contractuelle ainsi que le versement d’une indemnité de requalification de 5 081,62 euros.

En réponse, la société VEAT, prétend que la demande de requalification de la relation contractuelle est prescrite, le délai de prescription de 2 ans de l’article L. 1471-1 du code du travail ayant commencé à courir dès janvier 2014 puisqu’à l’époque, ce dernier connaissait déjà les conditions d’exercice de son activité.

Sur le fond, la société VEAT qui affirme que l’appelant avait fait le choix du statut d’auto entrepreneur pour développer des sites internet et réaliser des prestations de service en toute autonomie, soutient que ce dernier échoue par les courriels et messages qu’il produit à renverser la présomption de non-salariat, mettant en avant le fait qu’ils sont soit imprécis, soit datés d’avril mai 2017, ce qui selon elle confirme que l’intéressé n’était pas en permanence à sa disposition.

Elle rappelle également qu’il était un ami de longue date de M. [E], ce qui explique le nombre important de messages échangés entre eux avant l’embauche de l’appelant, sans qu’ils ne portent nécessairement sur leur travail.

La société VEAT analyse les prétendues directives figurant sur certains messages comme de simples souhaits exprimés en sa qualité de cliente, et réfute l’exercice par M. [E] d’un quelconque pouvoir de direction et de sanction, expliquant que ce dernier, en tant qu’ami, a pu donner de nombreux conseils à l’appelant au moment de son installation comme auto entrepreneur puis à l’occasion de la réalisation des prestations informatiques commandées.

Elle remet par ailleurs en cause la crédibilité de certaines attestations adverses et de certains messages selon elle sortis de leur contexte, et explique que la création de l’adresse de messagerie avait simplement pour but de faciliter la réalisation de prestations informatiques et de contacter sa propre clientèle.

En s’appuyant sur une analyse des déclarations de chiffre d’affaires et des relevés de compte de M. [L], elle affirme enfin que celui-ci avait nécessairement d’autres clients qu’elle.

Sur ce,

Il convient d’abord de rappeler que l’action personnelle tendant à qualifier en contrat de travail une relation contractuelle dont la nature est indécise ou contestée, comme c’est le cas en l’espèce, est soumise à la prescription quinquennale de droit commun prévue à l’article 2224 du code civil puisqu’elle ne peut pas se rattacher avec certitude à l’article L. 1471-1 du code du travail qui ne s’applique qu’en présence d’une relation de travail salariée acquise aux débats.

La qualification dépendant des conditions dans lesquelles est exercée l’activité, le point de départ de ce délai est la date à laquelle la relation contractuelle dont la qualification est contestée a cessé dans la mesure où ce n’est qu’à cette date que le titulaire connaît l’ensemble des faits lui permettant d’exercer son droit. En l’espèce, le point de départ de la prescription doit donc être fixée au 1er août 2017, date d’embauche acquise aux débats de M. [L] et ce faisant, fin de la période contractuelle contestée, de sorte que l’action de l’appelant n’est pas prescrite au jour de sa requête déposée le 24 janvier 2019.

Il en serait de même si comme prétendu par la société VEAT, ce délai avait commencé à courir dès janvier 2015, soit à l’époque où l’appelant a commencé à réaliser des prestations au profit de la société VEAT sous couvert de son statut d’auto entrepreneur.

Le moyen d’irrecevabilité tiré de la prescription sera en conséquence rejeté.

Sur le fond, il sera rappelé que l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs. Il appartient toutefois à celui qui se prévaut d’un contrat de travail d’en établir l’existence.

Ainsi, si, selon l’article L. 8221-6-1 du code du travail, la présomption légale de non-salariat vise notamment les personnes sous le statut d’auto-entrepreneur, elle peut cependant être renversée par celui qui entend se prévaloir d’un contrat de travail, s’il établit qu’il fournit directement des prestations au donneur d’ordre dans des conditions qui le placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci, dès lors qu’il exécute cette mission sans aucune indépendance dans l’organisation, obéissant aux ordres et directives du donneur d’ordre.

Le lien de subordination est notamment caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Il est constant que M. [L] est immatriculé au répertoire SIRENE en tant qu’auto entrepreneur depuis le 1er décembre 2014, sous l’activité ‘programmation informatique’.

Il est également acquis aux débats que l’intéressé a réalisé des prestations informatiques, référencement et affiliations, au profit de la société VEAT qui ont donné lieu au versement de rémunérations sur la base de factures versées aux débats.

Présumé non salarié, il lui incombe donc de rapporter la preuve qu’il exécutait les prestations informatiques sous la subordination juridique permanente de la société VEAT.

L’appelant verse aux débats de très nombreuses pièces dont les attestations de plusieurs anciens stagiaires ou employés, notamment celles M. [J] et M. [S] dont la société VEAT ne critique pas la crédibilité, certifiant que M. [L] leur a été présenté par M. [E] comme étant le commercial de l’entreprise alors qu’à l’époque, M. [J] étant arrivé en novembre 2016, l’appelant n’avait toujours pas été officiellement engagé comme chef de projet SEO.

M. [J] précise d’ailleurs que M. [L] composait avec lui et M. [F] l’équipe de rédaction et de référencement Web, et comme les autres employés, avaient des horaires fixes et des réunions obligatoires ainsi qu’une obligation de résultat, la hiérarchie étant clairement établie.

M. [S], stagiaire entre avril et juin 2017 certifie avoir travaillé sous la responsabilité de M. [L] dans le pôle ‘commercial et acquisition’ et l’avoir notamment assisté pour le recrutement d’autres stagiaires.

Outre ces premiers éléments qui confirment les responsabilités assumées par M. [L] au sein même de la société VEAT, l’appelant produit également de nombreux échanges de messages et courriels en ses pièces 3 et 12.

Il ressort notamment de ces courriels qu’en juin 2016, l’appelant se présentait comme appartenant à la société intimée et s’adressait à des clients avec une adresse de messagerie de l’intimée, faisant le lien avec les autres salariés de la société pour les réalisations effectuées.

Sur les réseaux sociaux, M. [E] évoquait le 14 juillet 2015 la présence de M. [L] dans ‘l’équipe’ et dans un courriel du 21 avril 2017, il lui disait ‘c’est toi le responsable du pôle acquisition’. De même, dans un courriel du 14 février 2017, M. [F], autre salarié de la société VEAT, présentait ‘[T]’ comme étant un collaborateur de la société, ‘commercial disponible’.

Par ailleurs, ainsi qu’il est allégué par l’appelant, il résulte de plusieurs messages produits, et plus particulièrement de ceux qui suivent que l’appelant exécutait les tâches confiées par M. [E] suivant les directives parfois strictes et comminatoires de ce dernier qui par ailleurs lui demandait des comptes sur l’organisation de son temps de travail, ce qui relève de l’exercice par M. [E] d’un pouvoir de direction sur l’intéressé.

Ainsi,

– le 17 mai 2017, suite à la demande de M. [C] que lui et M. [L] puissent faire le pont la semaine suivante, il lui répond ‘assurez vous d’être à jour sur ce que vous avez à faire, ça serait cool avant de faire le point’,

– le même jour, M. [E] indique à M. [L] qui lui annonce suivre une formation, ‘par contre, les formations ça serait bien qu’elles soient faite hors du temps de travail’;

– le 22 mai 2017, à propos de process informatique qui ne serait pas compris par M. [L], M. [E] l’interpelle comme suit : ‘si tu comprends pas pourquoi, tu penses pas que c’est important, en tant que responsable du pôle le + important, de me poser des questions’,

– le 12 juillet 2017 : à la demande de M. [L] de prendre des vacances en août, M. [E] lui répond : ‘t’as déjà pas mal pris récemment’.

L’ensemble de ces éléments sont ainsi suffisants à caractériser le lien de subordination juridique permanent allégué par l’appelant, ces messages au regard de leur teneur ne pouvant sérieusement être assimilés à de simples conseils délivrés à un ami comme soutenu par l’intimée.

Il ressort enfin d’un échange de messages du 13 juillet 2017, concernant le futur changement de statut de M. [L], que M. [E] l’assimile à une augmentation de salaire et indique que cela coûtera selon lui à la société ‘650 euros de plus par mois’.

Si ces échanges montrent que le choix de l’auto entreprenariat était une stratégie financière commune à M. [L] et à la société VEAT, il n’est en revanche nullement évoqué un changement de fonctions et d’organisation, ce qui tend à confirmer que la conclusion du contrat de travail n’a fait que régulariser la place de M. [L] au sein de l’entreprise, avec en contrepartie le poids des charges sociales devant être assumées par l’employeur pour un travail identique au précédent.

Par ailleurs, même si en 2015, il est exact que les revenus déclarés par M. [L] étaient supérieurs au montant des factures, laissant ainsi supposer l’existence d’autres clients comme allégué par la société VEAT, l’intéressé justifie à travers ses factures et les avis d’imposition que les rémunérations versées par l’intimée constituaient malgré tout la majeure partie de ses revenus, et à partir de 2016 leur intégralité, un lien de dépendance économique s’ajoutant au lien de subordination juridique permanente dans le cadre de l’exécution de ses missions.

En outre, alors qu’il était officiellement salarié de la société VEAT depuis août 2017, l’appelant a continué à lui facturer des prestations, sans pourtant que cela ne se justifie, au vu des messages produits, par une évolution de ses missions. Il s’agit en réalité d’un même emploi au profit de l’intimée.

Il convient en conséquence, au regard de l’ensemble de ces éléments, de requalifier l’ensemble de la relation contractuelle existant entre l’appelant et la société VEAT en un contrat de travail à durée indéterminée et ce avec effet rétroactif au mois de mois de janvier 2015. Le jugement sera infirmé en ce sens.

M. [L] sollicite au visa de l’article L. 1245-2 du code du travail une indemnité de requalification. Toutefois, cette disposition ne prévoit l’octroi d’une telle indemnité que dans l’hypothèse d’une requalification de contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, et non lorsque comme en l’espèce la requalification porte sur une relation contractuelle en apparence non salariée. L’intéressé sera débouté de sa demande de ce chef.

– sur la demande indemnitaire au titre du travail dissimulé :

Au visa des articles L. 8221-5, L. 8221-6 et L. 8223-1 du code du travail, l’appelant sollicite le versement d’une indemnité de 30 489,72 euros en raison de la situation de travail dissimulé qu’a constitué son emploi pour la société VEAT sous couvert d’un statut d’auto entrepreneur, en faisant valoir que l’intimée, qui avait parfaitement conscience d’être en infraction avec les textes, a persisté à le faire travailler sous ce statut jusqu’en août 2017 et même après son embauche.

La société VEAT s’en défend en soutenant que le cumul entre le statut de salarié et d’auto-entrepreneur est parfaitement légal et que l’appelant était dès le départ favorable à l’adoption d’un statut ou d’un montage juridique lui permettant de ne pas payer d’impôt.

Sur ce,

En vertu de l’article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.

Aux termes de l’article L. 8221-6 du même code, lorsque l’existence d’un contrat de travail est établi comme au cas d’espèce entre l’auto entrepreneur et le donneur d’ordre, la dissimulation d’emploi salarié est établie si le donneur d’ordre s’est soustrait intentionnellement par ce moyen à l’accomplissement des obligations incombant à l’employeur mentionnées dispositions susvisées.

En application de l’article L. 8223-1 dudit code, l’employeur ayant recours à toutes formes de travail dissimulé devra verser au salarié une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire, en cas de rupture de la relation de travail.

Il résulte de ce qui a été précédemment statué que sous couvert de son statut d’auto entrepreneur, la société VEAT a employé l’appelant entre janvier 2015 et août 2017 en tant que salarié sans jamais procéder à l’accomplissement des formalités d’embauche et déclarations visées à l’article L. 8221-5 susvisé alors que son dirigeant s’est comporté à son égard comme un véritable employeur.

S’il résulte de certains messages que l’emploi de M. [L] par un détournement du statut d’auto entrepreneur résulte d’une concertation entre les associés de la société VEAT et l’appelant qui avait aussi exprimé le souhait dès 2014 de limiter l’incidence fiscale de son activité au profit de l’intimée, cela n’exonère en rien cette dernière en sa qualité d’employeur de sa responsabilité pour avoir volontairement omis de se soumettre à l’obligation légale qui était la sienne d’accomplir une déclaration d’embauche et les déclarations de salaire de M. [L] et ce d’autant plus qu’elle n’a pas jugé utile de régulariser la situation avant août 2017 et ce de manière partielle, alors que la relation contractuelle initiale a rapidement évolué, au vu des éléments relevés plus haut qu’elle ne pouvait ignorer, vers une relation salariée sous la subordination permanente de son dirigeant.

Au regard des salaires perçus par l’appelant, en ce compris les primes inclues dans le salaire brut et les sommes reçues au cours de cette période sous couvert des facturations mensuelles résiduelles qui ne constituaient en réalité qu’un versement déguisé de complément de salaire, il convient de condamner la société VEAT à verser à l’appelant une indemnité de 29 253,84 euros.

– sur la demande de reclassification de l’emploi occupé :

L’appelant revendique le bénéficie du statut de cadre dans la position 2.2 coefficient 130 de la classification des ingénieurs et cadres issue de la convention collective dite SYNTEC, faisant valoir que même s’il n’avait pas des fonctions ‘de commandement’, il était désigné comme responsable d’un pôle et supérieur hiérarchique de certains salariés, devait prendre des initiatives, assumer des responsabilités et participer à l’étude et à l’exécution de projets web.

Se prévalant des contrats à durée déterminée exécutés sans interruption au sein de l’entreprise depuis septembre 2013 jusqu’à son embauche en janvier 2015, il sollicite également la reconnaissance d’une ancienneté de 5 années et 1 mois dans la société au jour de son licenciement.

En réponse, la société VEAT lui oppose dans un subsidiaire que son emploi ne saurait bénéficier d’une classification supérieure à celle d’agent de maîtrise, position 2.1 coefficient 275, soutenant d’une part que la classification revendiquée ne concerne que les ingénieurs d’étude ou de recherche et d’autre part que celle retenue pour M. [L], à savoir agent de maîtrise, position 2.1 coefficient 275 implique également des fonctions de coordination d’éventuels collaborateurs.

Elle fait également valoir que l’ancienneté de M. [L] ne peut pas remonter à septembre 2013, leurs relations n’ayant débuté qu’en janvier 2015.

Sur ce dernier point, il ressort des bulletins de salaire produits par M. [L] qu’il a été salarié de la société VEAT dans le cadre de 2 contrats à durée déterminée qui se sont succédés entre le 2 septembre 2013 et le 4 juillet 2014 puis entre le 3 septembre 2014 et le 2 janvier 2015, soit jusqu’au jour de la relation contractuelle requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée.

Compte tenu de l’interruption entre les 2 contrats à durée déterminée, il n’y a pas lieu de faire remonter l’ancienneté de M. [L] au 2 septembre 2013. En revanche, la relation salariale s’étant poursuivie après le second, il convient d’en tenir compte pour fixer l’ancienneté de M. [L] à 4 ans et 1 mois au jour de son licenciement.

S’agissant de la classification de l’emploi de M. [L], si à travers les pièces produites, M. [L] justifie qu’il travaille en équipe avec sous sa hiérarchie des stagiaires et M. [O], la société VEAT lui oppose à raison que cela est également envisagé pour certaines catégories d’emplois d’agent de maîtrise. Il ne justifie pas en revanche des initiatives et responsabilités prises, les messages montrant les nombreuses interventions et consignes données par M. [E]. Au vu des éléments produits, M. [L] ne justifie pas qu’il exerce des fonctions relevant du statut de cadre position 2.2.

Il convient en conséquence de le débouter de sa demande de classification dans la catégorie alléguée.

– sur le rappel de salaire au titre du mois d’avril 2018 :

M. [L] réclame le versement de la somme de 236,94 euros qui a été retenue par la société VEAT en raison de son absence pour cause de maladie les 3 et 4 avril 2018. Il se prévaut pour se faire de la garantie de maintien de salaire prévue pour les cadres ayant au moins un an d’ancienneté par l’article 43 de la convention collective SYNTEC.

Au regard de l’ancienneté retenue de 4 ans et 1 mois, M. [L] est en droit de se prévaloir desdites dispositions applicables également aux ETAM, de sorte que la société VEAT est condamnée à lui verser la somme réclamée. Le jugement sera infirmé en ce sens.

– sur la demande de rappel de congés payés :

M. [L] sollicite un rappel d’indemnité de congés payés sur différentes périodes comprises entre juin 2015 et le 30 septembre 2018, ces congés ne lui ayant notamment pas été octroyés pendant la période de travail dissimulé, en se basant sur le salaire minimum conventionnel qu’il revendiquait.

Si à titre principal, la société VEAT s’oppose à cette demande en l’absence de requalification, elle formule des demandes subsidiaires visant à limiter le montant des sommes réclamées, en soulevant d’une part le caractère prescrit de certaines demandes et en se prévalant du salaire minimum conventionnel d’agent de maîtrise de 1 617,55 euros.

Il convient de relever qu’il n’est pas prétendu par la société VEAT, ni justifié que M. [C] a bénéficié de congés payés avant juin 2017.

* sur la période du 1er juin 2015 au 31 mai 2016 :

Contrairement à ce que soutient la société VEAT, la demande pour cette période n’est pas prescrite, dès lors que la prescription triennale, applicable pour les créances salariales, a commencé à courir le 1er juin 2016, soit à l’issue de la période annuelle de référence comprise entre le 1er juin 2015 au 31 mai 2016 au cours de laquelle les congés pouvaient être pris, et s’est trouvée interrompue par la requête du 24 janvier 2019.

En revanche, la relation de travail ayant été rompue le 1er octobre 2018, l’appelant ne peut faire porter sa demande au delà du 1er octobre 2015 conformément à l’article L. 3245-1 du code du travail, soit sur les sommes dues au titre des 3 années précédant la rupture du contrat.

Si l’appelant ne peut bénéficier du salaire minimum conventionnel correspondant à la classification qu’il revendiquait, celle-ci n’ayant pas été retenue, il n’y a pas lieu non plus de prendre celui avancé par la société VEAT comme base de calcul, celui-ci étant moindre que la moyenne mensuelle des sommes réellement perçues par M. [L] au cours de la période.

En effet, au vu des factures produites, l’intéressé ayant reçu entre octobre 2015 et mai 2016 une somme globale nette de 15 894,52 euros supérieure au minima conventionnel, il convient de condamner la société VEAT à lui verser sur la base du salaire brut reconstitué, une somme de 2 064,53 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés.

* sur la période du 1er juin 2016 au 31 mai 2017 :

Selon la même méthode de calcul, au vu des factures produites, l’intéressé ayant reçu au titre des factures du 1er juin 2016 au 31 mai 2017 une somme globale nette de 19255,97 euros, il convient de condamner la société VEAT à lui verser sur la base du salaire brut reconstitué une somme de 2501,15 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés.

* sur la période du 1er juin 2017 au 30 septembre 2018 :

L’appelant relève à raison que sur l’ensemble de la période, il n’est justifié par les bulletins de salaire que du paiement ou prise de 18 jours de congés payés, de sorte qu’il demeurait au jour de son départ 15,32 jours de congés payés à solder, non indemnisés au moment de la rupture du contrat lors du solde de tout compte.

La somme retenue par la société VEAT est par ailleurs inopérante dès lors qu’elle base ses calculs sur 2 mois et sur un salaire minimum conventionnel non retenu.

Selon la même méthode de calcul que précédemment, au vu des sommes versées pendant cette période à titre de salaire brut et en paiement de factures et du solde de tout compte, il convient de condamner la société VEAT à lui verser, sur la base du salaire brut reconstitué, un reliquat de 1 956,72 euros à titre d’indemnité compensatrice des congés payés non pris au jour de la rupture du contrat.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

M. [L] sollicite en outre aux termes du dispositif de ses conclusions, une somme de ‘1 905,88 euros au titre de congés payés afférents au salaire déguisé perçu d’août 2017 à octobre 2018″. Outre le fait que cette prétention a nécessairement été prise en compte au titre du chef de demande précédent puisqu’elle recouvre la même période, M. [L] ne développe aucun moyen particulier pour la soutenir, de sorte qu’elle sera rejetée.

– sur le rappel de frais :

L’appelant réclame le remboursement d’une somme de 6 869 euros qu’il dit avoir déduit de ses factures pour compenser l’achat par la société VEAT de liens sur de grands médias vers certains sites dans le cadre de l’affiliation.

Toutefois, M. [L] ne rapporte aucune preuve du principe de sa créance et de son montant, les quelques échanges de messages à ce sujet et l’existence de sommes déduites sur certaines factures ne suffisant pas à démontrer que cela s’apparente à des frais professionnels, les liens achetés par la société VEAT étant de surcroît dirigés vers les sites internet et blog appartenant à l’appelant et ce faisant, lui ayant bénéficié.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

– sur le rappel de salaire au titre des factures d’août et septembre 2018 :

M. [L] prétend que la société VEAT ne lui a pas réglé les factures d’août et septembre 2018 respectivement d’un montant de 1 683,25 euros et 598 euros, alors qu’il en a fait expressément la demande le 8 octobre 2018.

Toutefois, la société VEAT lui oppose à raison que le règlement de ces 2 factures apparaît au crédit du compte bancaire de l’appelant sur les extraits de compte produits en sa pièce 5-2.

A défaut d’élément avancé par l’appelant pour démontrer que ces versements sont étrangers auxdites factures, le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a débouté de cette demande en paiement.

– sur le licenciement pour faute grave de M. [L] et les demandes subséquentes :

M. [L] conteste le bien fondé de son licenciement pour faute grave, en faisant valoir que :

– certains griefs développés par l’intimée ne figurent pas dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige,

– les associés de la société VEAT connaissaient parfaitement le contenu des sites SP et RP depuis au moins les mois de mai juin 2018 pour le site SP, voir février mars 2018 pour le site RP de sorte que les griefs liés au contenu de ces sites sont prescrits,

– ils en avaient toléré les contenus qui n’étaient au demeurant nullement identiques à celui de JRME,

– les 2 sites n’étaient nullement concurrentiels à JRME car ils étaient soit en affiliation avec JRME (site RP), soit sur le marché de la ‘séduction’ et non de la ‘rupture’ (site SP),

– M. [O], autre salarié de la société VEAT, a réalisé une tâche concernant les sites en affiliation avec JRME, ce travail profitant donc à l’intimée.

En réponse, la société VEAT qui dénonce la violation manifeste de la législation en matière de protection de données personnelles et le vol de données aux fins de plagiat, soutient que :

– les griefs faits à l’appelant tiennent non pas à l’existence des sites adverses dont elle reconnaît connaître l’existence mais à la découverte le 9 septembre 2018 de la copie et réutilisation de contenus et données lui appartenant auxquels l’intéressé avec M. [C] a eu accès en raison de ses fonctions au sein de la société,

– les fautes ne sont pas prescrites compte tenu de la date de leur révélation,

– la saisie par huissier de justice a démontré que l’appelant avec M. [C] avait récupéré des données confidentielles telles que le code source d’un quizz de JRME et a plagié le savoir faire de la société pour leurs propres sites, dérobant le schéma synthétisant la méthodologie de JRME, ce qu’il aurait en partie reconnu avec son complice le 14 septembre 2018,

– l’appelant a sollicité plusieurs salariés, dont M. [O], pour qu’ils travaillent sur son site pendant ses heures de travail,

– il y a également eu des transferts vers l’adresse personnelle de l’appelant et de son complice des fichiers contenant les adresses de messagerie de clients.

Sur ce,

La faute grave privative du préavis prévu à l’article L1234-1 du même code est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend immédiatement impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée limitée du préavis.

II appartient à l’employeur de rapporter la preuve de l’existence d’une faute grave, à défaut de quoi le juge doit rechercher si les faits reprochés sont constitutifs d’une faute pouvant elle-même constituer une cause réelle et sérieuse, le doute subsistant alors devant profiter au salarié.

Il sera également rappelé qu’en vertu de l’article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, sauf si le même comportement fautif du salarié s’est poursuivi dans ce délai.

En l’espèce, aux termes de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, la société VEAT a reproché à l’appelant des faits qu’elle indique avoir découvert le 9 septembre 2018 et détaille comme suit :

– ‘vous avez repris pour votre activité personnelle extérieure à la société VEAT des contenus du site JRME dont cette dernière est l’éditrice’

– ‘ vous avez copié et réutilisé sans l’accord de la société VEAT des pages entières de son site, des processus de création de compte, de commande service, des questionnaires, CGV de vente d’e-book notamment pour les sites SP et RP dont vous êtes l’éditeur avec M. [C]… le plagiat est tel que certaines pages des sites font apparaître la référence au site JRME’,

– ‘vous avez demandé à un salarié de la société VEAT d’effectuer des tâches sur ses heures de travail qui sont sans aucune relation avec la société VEAT pour vos activités personnelles telles que montages de vidéos, création d’un logo et d’illustration produit pour le site SP’.

En conclusion, la société VEAT qualifie les agissements dénoncés d’actes de concurrence déloyale et parasitaire, constitutifs d’une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

La société VEAT ne prétendant pas, à défaut de produire la convocation à l’entretien préalable, que celle-ci a été portée à la connaissance de l’appelant avant le jour de sa mise à pied à titre conservatoire, soit le 13 septembre 2018, il convient d’abord d’examiner si les faits visés dans la lettre de licenciement étaient prescrits à cette date qui sera retenue comme celle de l’engagement de la procédure disciplinaire.

Pour justifier qu’elle n’en a eu la révélation que le 9 septembre 2018, la société VEAT produit uniquement un échange à cette date de messages entre ses 2 associés (sa pièce 31) aux termes desquels l’un des deux envoie à l’autre des liens vers des extraits du site SP, avec ce commentaire ‘3 ans de recherche volé par nos employés en CDI en 3 clics’ tandis que l’autre lui répond avoir découvert que ‘Issam’ a travaillé pour ‘eux’ pendant ses heures de bureau.

Toutefois, ce message entre les seuls associés de la société VEAT, parties prenantes à la procédure de licenciement, quelques jours seulement avant de notifier à l’appelant sa mise à pied à titre conservatoire, ne constitue pas un élément suffisamment précis et objectif quant aux circonstances et la date réelle de la révélation d’une part du contenu des sites, sachant qu’il n’est question dans le message que du site SP, et d’autre part, du fait que M. [O] aurait travaillé pendant ses heures de travail pour l’appelant et son collègue, sachant que ni l’intimée, ni M. [O] dans son attestation ne précisent quand et comment cette dernière information est remontée aux associés.

La pièce n°31 de l’intimée est d’autant plus insuffisante à établir qu’elle n’a eu connaissance des agissements fautifs que le 9 septembre 2018 que l’appelant produit divers éléments qui tendent à démontrer que les 2 associés et M. [E] en particulier, avaient quelques mois plus tôt déjà consulté les 2 sites RP et SP et fait des commentaires sur certains contenus dans le cadre d’échanges avec l’appelant et son collègue.

Ainsi, le 16 février 2018, M. [E] faisait à M. [C] une remarque sur le contenu du site RP dont il sera par ailleurs rappelé qu’il a intégré le système d’affiliation vers JRME, en ces termes ‘C’est sympa de faire de l’affiliation avec rupture.positive, par contre, soyez mignon, dupliquez pas nos headline et title…Site n°1 sur la rupture amoureuse, bon c’est limite vous trouvez pas’….y’a un sacré quiproquo, même moi je m’y perds’, M. [C] lui répondant ‘on va changer ça si c’est juste ça le problème, mais c’est pas voulu du tout’ et M. [E] concluant ‘oui c’est juste ça’.

Il ressort de cet échange que M. [E] avait déjà à l’époque pris le temps d’aller sur le site RP à propos duquel d’autres échanges de messages montrent qu’il avait quelques jours plus tôt échangé sur la tarification de l’affiliation avec JRME.

En outre, dans un échange du 19 mars 2018, sur interrogation de M. [C], ce qui tend à exclure toute volonté de dissimulation, il donnait l’autorisation à l’intéressé de mettre le Quizz sur le site RP.

Le 17 mai 2018, M. [L] demandait à M. [E] de lui montrer certains process informatiques en indiquant ‘je le ferais peut être pour RP’, sans que son interlocuteur exprime une quelconque opposition sur ce point, la discussion se poursuivant sur l’importance du trafic du site et de 2 autres blogs pilotés par M. [L] et M. [C].

S’agissant du site SP qui n’a été créé qu’en mai 2018, il ressort des messages échangés les 21 et 22 juin 2018 que M. [C] a partagé avec M. [E] une information sur la vente d’un produit spécifique sur le site SP, sans réaction de celui-ci, qui le lendemain, à l’évidence après avoir consulté lui-même le site, a fait des commentaires à M. [L] sur un produit vendu à 2 euros et sur l’outil informatique utilisé pour procéder à des ventes ‘vous avez pris un compte click tunnel’, ce qui confirme que M. [E] ne s’est pas contenté de parcourir la page d’accueil de ce nouveau site.

Etant rappelé que la preuve de la date à laquelle les faits fautifs ont été portés à la connaissance de l’employeur incombe à celui-ci, il résulte de l’ensemble des éléments susvisés non contredits utilement par la seule pièce n°30 de la société VEAT qu’il existe à tout le moins un doute sur le fait que les associés de celle-ci n’auraient découvert le contenu des sites RP et SP que le 9 septembre 2018 alors que M. [E] échangeait librement avec M. [C] et M. [L] à ce sujet depuis au moins février 2018 pour le site RP et juin 2018 pour le site SP.

Il ressort par ailleurs des attestations de M. [F] et de Mme [R] que M. [C] et M. [L] leur auraient, comme à M. [O], proposé de réaliser des tâches pour leurs propres sites et qu’ils bossaient eux-même sur ceux-ci pendant leurs heures de travail, ce qui au demeurant tend à démontrer l’absence de volonté de dissimulation. Or, M. [F] étant un proche de M. [E], ainsi que cela ressort des pièces du dossier, il n’apparaît pas crédible que ni lui, ni d’autres membres de la petite équipe de la société VEAT, n’aient alerté avant le 9 septembre 2018 les dirigeants de la société VEAT de ces faits supposés pourtant déloyaux.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de retenir que l’ensemble des faits visés dans la lettre de licenciement apparaissent prescrits au jour de l’engagement de la procédure disciplinaire et qu’au surplus, au regard de la connaissance qu’avaient depuis plusieurs mois les dirigeants de la société VEAT ainsi que certains membres proches de l’équipe, du travail réalisé par M. [C] et M. [L] sur leurs deux sites SP et RP sans manifestation d’opposition de leur part, le caractère déloyal et fautif des agissements de l’appelant n’apparaît pas établi avec certitude, le doute devant lui bénéficier.

Il convient en conséquence de considérer le licenciement de M. [L] dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement sera infirmé en ce sens.

La faute grave n’étant pas retenue, la société VEAT est condamnée à verser à M. [L] le montant des sommes retenus au titre de la mise à pied à titre conservatoire qui a duré du 13 septembre au 1er octobre 2018, soit la somme de 1 521,02 euros au regard des mentions figurant sur les bulletins de salaire, sachant que M. [L] précise expressément ne pas réclamer les congés payés dus au titre de cette période.

L’appelant est également en droit de percevoir l’indemnité compensatrice de préavis et l’indemnité de licenciement telles que définies par la convention collective dite SYNTEC, plus favorables que les dispositions légales.

Il sera rappelé que la cour n’a pas fait droit à la demande de l’appelant aux fins de reclassification de son emploi à la position et coefficient qu’il réclamait, et a par ailleurs relevé que les revenus perçus étaient supérieurs au minimum conventionnel correspondant à sa catégorie d’emploi, de sorte que les indemnités seront calculées au vu de la rémunération réellement perçues par l’intéressé, en ce compris les primes et versements sur facture.

Le préavis étant pour les ETAM de 2 mois, la société VEAT est condamnée à payer à M. [L] à ce titre une somme de 9 751,28 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 975,12 euros de congés payés y afférents.

L’indemnité conventionnelle de licenciement, sur la base d’une ancienneté de 4 ans et 1 mois, sera fixée à la somme de 6 636,28 euros.

Enfin, au vu de l’âge et de l’ancienneté limitée de l’appelant, sans autre preuve sur l’étendue du préjudice que la perte injustifiée de son emploi lui a nécessairement causé, il convient de condamner la société VEAT à lui verser une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un montant de 14 626,92 euros.

– sur les demandes reconventionnelles de la société VEAT :

La société VEAT sollicite la condamnation de l’appelant à lui payer les sommes suivantes :

– 525 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de loyauté et de confidentialité, alléguant d’acte de concurrence déloyale commis pendant l’exécution du contrat de travail relevant de l’intention de nuire,

– 42 725,55 euros à titre de remboursement de sommes indûment perçues, au motif que le salarié a utilisé son temps de travail pour une activité personnelle et a ainsi perçu son salaire sans contrepartie.

Si cette demande est en soi recevable devant la juridiction prud’homale, c’est cependant dans la limite des faits susceptibles d’avoir été commis avant le terme de la relation de travail.

Or, il sera d’abord relevé que la société VEAT qui allègue d’une intention de nuire, n’a nullement invoqué l’existence d’une faute lourde dans la lettre de licenciement, qui seule peut permettre d’engager la responsabilité civile du salarié à l’égard de son employeur pour les faits qui y sont visés.

En outre et surtout, il ressort de ce qui précède qu’aucune faute tirée de la déloyauté de M. [L] n’est apparue établie concernant ces faits.

La société VEAT évoque par ailleurs des faits distincts qui auraient été découverts lors de la mesure de saisie exécutée le 14 décembre 2018 et le 3 janvier 2019 par huissier de justice en vertu d’une ordonnance sur requête en date du 28 novembre 2018.

Toutefois, le salarié fait justement valoir que certains faits dénoncés sont liés au fonctionnement des sites SP et RP postérieurement à la rupture de la relation de travail, et donc étrangères à celle-ci de sorte qu’ils ne peuvent fonder la demande indemnitaire devant la juridiction prud’homale.

L’avis posté par message en août 2018 d’un seul supposé client ‘justine’, insuffisamment identifiable pour garantir son existence, ne permet pas de retenir que l’appelant, encore salarié, exerçait à l’époque une concurrence déloyale vis à vis de la société VEAT, sachant par ailleurs que les 2 sites RP et SP ne portaient pas sur un secteur strictement similaire au site JRME, la société VEAT ne s’étant d’ailleurs jamais opposée à leur création malgré la connaissance qu’elle avait de leur contenu.

Enfin, la seule présence de fichiers, au demeurant non détaillés par l’intimée, sur l’ordinateur de l’intéressé avant son licenciement ne suffit pas à démontrer que celui-ci avait alors pour projet de nuire à la société VEAT dans le cadre de l’activité des 2 sites RP et SP, sachant par ailleurs que les fichiers clients étaient communs aux sites JRME et RP (la pièce 22 de l’intimée). Dans ces circonstances, l’éventuelle déloyauté tirée du fait de les avoir conservés malgré la procédure de licenciement en cours ne suffit pas à caractériser une intention de nuire.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la société VEAT de ses demandes financières.

Il en sera de même de celle tendant à condamner l’appelant à détruire les fichiers supposés lui appartenir et qui seraient encore en la possession de ce dernier. En effet, alors que la société VEAT a pu obtenir communication dans le cadre de la procédure de saisie de l’ensemble des fichiers supposés litigieux, elle ne nomme pas ceux dont elle réclame la destruction pour vérifier qu’ils seraient sa propriété exclusive et auraient été obtenus par l’appelant avant le terme de la relation de travail. Ainsi, à défaut de preuve et de précision sur les fichiers lui appartenant qui seraient toujours détenus par M. [L], le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté l’intimée de cette demande.

– sur les demandes accessoires :

Au vu de ce qui précède, il convient de condamner la société VEAT à remettre à M. [L] dans un délai de 2 mois suivant la signification de la présente décision, un bulletin de salaire récapitulatif reprenant l’ensemble des rémunérations versées à l’intéressé depuis janvier 2015, en ce compris les sommes versées sous couvert du statut d’auto entrepreneur, ainsi qu’un certificat de travail et une attestation pôle emploi rectifiés conformément au présent arrêt.

Il convient d’assortir cette injonction d’une astreinte de 50 euros par jour de retard pendant une période de 100 jours commençant à courir à compter de l’expiration du délai de 2 mois susvisé.

M. [L] qui est à l’initiative de la procédure prud’homale et de l’appel sera en revanche débouté de sa demande sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile, aucun abus du droit d’agir en justice ne pouvant être reproché à la société VEAT.

Partie perdante, la société VEAT devra cependant supporter les dépens de première instance et d’appel. Le jugement sera confirmé en ce sens.

L’équité commande par ailleurs de condamner la société VEAT à payer à l’appelant une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Elle sera déboutée de sa demande sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement entrepris en date du 20 octobre 2021 sauf en ce qu’il a débouté M. [T] [L] de sa demande d’indemnité de requalification et de rappel de salaire pour août/septembre 2018 hors période de mise à pied ainsi que de sa demande de remboursement de frais et de sa demande indemnitaire pour procédure abusive et en ce qu’il a débouté la société Vous êtes au Top de ses demandes reconventionnelles ;

statuant à nouveau sur les faits infirmés et y ajoutant,

REQUALIFIE la relation contractuelle entre M. [T] [L] et la société Vous êtes au Top en un contrat de travail à durée indéterminée avec effet rétroactif au 1er janvier 2015 ;

DIT que le licenciement de M. [T] [L] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la société Vous êtes au Top à payer à M. [T] [L] les sommes suivantes :

– 29 253,84 euros au titre du travail dissimulé,

– 236,94 euros au titre de l’arrêt maladie,

– 1 521,02 euros à titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied,

– au titre des congés payés non pris :

2 064,53 pour la période comprise entre le 1er octobre 2015 et le 31 mai 2016,

2 501,15 euros pour la période comprise entre le 1er juin 2016 et le 31 mai 2017,

1 956,72 euros pour la période comprise entre le 1er juin 2017 et le 30 septembre 2018,

– 6 636,28 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

– 9 751,28 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, outre 975,12 euros de congés payés y afférents,

– 14 626,92 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la société Vous êtes au Top à remettre à M. [T] [L] dans un délai de 2 mois suivant la signification du présent arrêt, un bulletin de salaire récapitulatif reprenant l’ensemble des rémunérations versées depuis janvier 2015, en ce compris les sommes versées sous couvert du statut d’auto entrepreneur, ainsi qu’un certificat de travail et une attestation pôle emploi rectifiés conformément au présent arrêt.

DIT que cette injonction est assortie d’une astreinte de 50 euros par jour de retard pendant une période de 100 jours commençant à courir à compter de l’expiration du délai de 2 mois susvisé

CONDAMNE la société Vous êtes au Top à payer à M. [T] [L] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

DIT que la société Vous êtes au Top supportera les dépens d’appel.

LE GREFFIER

Valérie DOIZE

LE PRESIDENT

Marie LE BRAS

 


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