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Le monopole d’exploitation des droits d’auteur transmis peut constituer un bien professionnel devant être exclu de l’assiette de l’I.S.F. en application de l’article 885-N du code général des impôts, dans la mesure où l’héritier poursuit à titre professionnel, habituel et constant l’exploitation du monopole sur les oeuvres artistiques dont il a hérité.
C’est à tort que par proposition de rectification, l’administration fiscale a considéré qu’il convenait de revoir les valeurs déclarées au titre des droits d’auteur provenant de l’oeuvre de l’héritière de l’œuvre “Asterix”, Anne Goscinny, portant la valeur de ces droits d’auteur à la somme de près de 13 millions d’euros.
L’article 885 E du code général des impôts dispose que :
« L’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune est constituée par la valeur nette, au 1er janvier de l’année, de l’ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant aux personnes visées à l’article 885 A, ainsi qu’à leurs enfants mineurs lorsqu’elles ont l’administration légale des biens de ceux-ci. »
L’article 885 N du code des impôts dispose que :
« Les biens nécessaires à l’exercice, à titre principal, tant par leur propriétaire que par le conjoint de celui-ci, d’une profession industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale sont considérés comme des biens professionnels ».
L’alinéa 4 de l’article 885 I de ce code, dans sa rédaction issue de la loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 pour l’année 2000 et applicable depuis le 31 mars 2000, dispose que : les droits de la propriété littéraire et artistique ne sont pas compris dans la base d’imposition à l’impôt de solidarité sur la fortune de leur auteur.
Si cet article réserve depuis sa date d’entrée en vigueur aux seuls auteurs l’exonération de plein droit qu’il édicte, excluant leurs ayants droit de son béné’ce, il n’a cependant pas pour effet de refuser à ces ayants droit qui en remplissent les conditions, c’est-à-dire pour qui les droits de propriété littéraire et artistique hérités sont nécessaires à l’exercice à titre principal d’une profession industrielle, commerciale, artisanale ou libérale, le bénéfice du régime des biens professionnels instauré par l’article 885 N du code général des impôts.
Les activités libérales sont celles des professions qui regroupent les personnes exerçant à titre habituel, de manière indépendante et sous leur responsabilité, une activité de nature généralement civile ayant pour objet d’assurer, dans l’intérêt du client ou du public, des prestations essentiellement intellectuelles, techniques ou de soins mises en oeuvre au moyen de quali’cations professionnelles appropriées et dans le respect de principes éthiques ou d’une déontologie professionnelle.
Il s’ensuit que les activités libérales sont celles dans lesquelles l’activité intellectuelle ou artistique joue un rôle principal et consiste en une pratique personnelle d’une science ou d’un art, à la différence de la simple gestion de son patrimoine.
Le critère distinctif entre la simple gestion patrimoniale de droits d’auteur hérités et l’exploitation par l’héritier de ces droits d’auteur afin de pouvoir exercer une activité libérale à titre personnel et principal réside donc dans l’exercice personnel par l’héritier, au moyen des droits de propriété littéraire et artistique qu’il a reçu, d’une activité à laquelle l’auteur aurait pu se livrer de son vivant, dans un prolongement et une perpétuation de l’oeuvre de création.
En l’espèce, l’héritière d’Asterix justifie qu’elle a adhéré, aux fins d’exploitation du monopole qui lui a été transmis, à une association de gestion agréée, qu’elle est immatriculée au répertoire national des entreprises et qu’elle déploie des moyens matériels et humains qui lui ont permis d’ accomplir, au cours de la période considérée, de nombreux actes de gestion, de promotion et d’exploitation des droits d’auteur qui lui ont été dévolus et dont les produits ont été imposés comme béné’ces non commerciaux.
Ainsi, elle justifie ainsi du caractère professionnel de cette activité, qu’elle exerce à titre principal et qui nécessite la détention des droits de propriété littéraire et artistique en cause.
Elle justifie également, pour la période en cause :
avoir rédigé en septembre 2010 la préface de la réédition du livre écrit par [M] [T] « Tous les visiteurs à terre » paru chez IMAV éditions.
Elle justifie ainsi poursuivre personnellement et dans un but lucratif, de façon directe, constante et continue, l’exploitation du monopole qui lui a été transmis sur la base des ses compétences et de son savoir-faire artistique. Le fait qu’elle ait cédé ses parts de la société Editions [V] [M] est indifférent à cet égard car il est constant qu’elle demeure seule titulaire des droits d’auteur hérités de [M] [T] et que son autorisation est requise pour toute exploitation commerciale de l’univers artistique dans lequel s’inscrit la création des personnages et des scenarii d’Astérix.
Elle justifie avoir exercé, au cours de la période en litige, une activité créatrice ne se limitant pas à la seule gestion de son patrimoine et qui aurait pu être celle de [M] [T] de son vivant, activité rendue possible uniquement par la propriété des droits d’auteur de ce dernier.
La réalisation des fims, albums ou expositions s’accomplissent nécessairement sur plusieurs années et le découpage triennal de ces activités ne tient pas compte de la réalité de leur calendrier de sorte qu’il n’y a pas lieu d’acceuillir la demande de limitation de décharge aux années 2009 et 2010, la nature du travail accompli commençant avant les périodes concernées et pouvant aboutir postérieurent aux dites périodes.
Les droits détenus par Anne Goscinny sur l’oeuvre de son père constituent donc des biens professionnels, susceptibles comme tels d’être exonérés de l’impôt de solidarité sur la fortune.
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 10
ARRÊT DU 11 SEPTEMBRE 2023
(n° , 14 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/22405 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CE4E6
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Octobre 2021 – TJ de PARIS RG n° 17/08274
APPELANT
Monsieur LE DIRECTEUR RÉGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D'[Localité 7] Le Directeur Régional des Finances Publiques d'[Localité 7] et du département de [Localité 9] qui élit domicile en ses bureaux du Pôle Fiscal [Localité 9] 1, Pôle Juridictionnel Judiciaire,
situés [Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Guillaume MIGAUD de la SELARL ABM DROIT ET CONSEIL AVOCATS E.BOCCALINI & MIGAUD, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC430
INTIMES
Madame [O] [T] épouse [R]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
née le [Date naissance 4] 1968 à [Localité 6]
Représentée par Me Benoît DERIEUX de la SELAFA CHAINTRIER AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0019
Représentée par Me Bruno BELOUIS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0019
Monsieur [I] [R]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
né le [Date naissance 5] 1964 à [Localité 8]
Représenté par Me Benoît DERIEUX de la SELAFA CHAINTRIER AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0019
Représenté par Me Bruno BELOUIS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0019
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 15 Mai 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Edouard LOOS, Président
Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente
Madame Sylvie CASTERMANS, Magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par signée par Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MOLLÉ
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signée par Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Président pour Edouard LOOS, Président empêché et par Sylvie MOLLÉ, Greffier présent lors du prononcé.
FAITS ET PROCÉDURE
Monsieur [I] [R] et Madame [O] [T], son épouse ont déposé des déclarations d’impôt de solidarité sur la fortune pour les années 2009 à 2011, évaluant notamment le monopole d’exploitation des droits d’auteur hérités par Mme [O] [T] provenant de l”uvre de [M] [T], père de Mme [T], à la somme de 7 010 950 euros pour l’année 2009, 5 774 953 euros pour l’année 2010 et 5 209 902 euros pour l’année 2011.
Par proposition de rectification du 9 mai 2012, l’administration fiscale a considéré qu’il convenait de revoir les valeurs déclarées au titre des droits d’auteur provenant de l”uvre de [M] [T], portant la valeur de ces droits d’auteur à la somme de
12 489 261 euros pour l’année 2009, 11 219 909 euros pour l’année 2010 et 10 122 095 euros pour l’année 2011.
L’administration fiscale a émis le 8 février 2013 un avis de recouvrement des rappels d’impôt de solidarité sur la fortune portant sur la somme totale de 280 796 euros. La réclamation contentieuse formée par M. et Mme [R] le 30 décembre 2015 a fait l’objet d’une décision de rejet implicite à défaut de réponse de l’administration fiscale dans le délai légal.
Par acte d’huissier de justice en date du 24 mai 2017, M. et Mme [R] ont fait assigner le Directeur régional des finances publiques d'[Localité 7] et du département de [Localité 9] devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins de dégrèvement de l’imposition à l’impôt de solidarité sur la fortune au titre des années 2009, 2010 et 2011 à raison de l’inclusion des droits d’auteurs hérités de [M] [T] dans l’assiette de cet impôt.
Par jugement rendu le 27 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Paris, a statué comme suit :
– Rejette la demande d’annulation pour cause d’irrégularité de la procédure de rectification fiscale initiée par proposition de rectification en date du 9 mai 2012,
– Infirme la décision de rejet implicite du Directeur Général des Finances Publiques, agissant en la personne du Directeur Régional des Finances Publiques d'[Localité 7] et du département de [Localité 9], de la réclamation contentieuse de M. [I] [R] et de Mme [O] [T] épouse [R] portant sur la proposition de rectification de leur impôt de solidarité sur la fortune des années 2009, 2010 et 2011 en date du 9 mai 2012,
– Dit qu’il appartiendra au Directeur Général des Finances Publiques, agissant en la personne du Directeur Régional des Finances Publiques d'[Localité 7] et du département de [Localité 9], de faire notifier la décharge des impositions supplémentaires mises en recouvrement selon avis du 8 février 2013, en droits, intérêts et pénalités, ainsi que des impositions initiales acquittées au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune des années 2009, 2010 et 2011 à raison de la valorisation des droits d’auteur de [M] [T] hérités par sa fille,
– Condamne le Directeur Général des Finances Publiques, agissant en la personne du Directeur régional des Finances Publiques d'[Localité 7] et du département de [Localité 9], aux dépens mentionnés à l’article R207-1 du livre des procédures fiscales,
– Condamne le Directeur Général des Finances Publiques, agissant en la personne du Directeur Régional des Finances Publiques d'[Localité 7] et du département de [Localité 9], à payer la somme totale de 2 500 euros à M. [I] [R] et Mme [O] [T] épouse [R] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Déboute M. [I] [R] et Mme [O] [T] épouse [R] de leurs demandes plus amples ou contraires,
– Rappelle que le présent jugement est exécutoire par provision de plein droit.
Par déclaration du 18 décembre 2021, le Directeur régional des finances publiques d'[Localité 7] et de [Localité 9] a interjeté appel du jugement.
Par dernières conclusions signifiées le 14 avril 2023, le Directeur régional des finances publiques d'[Localité 7] et de [Localité 9] demande à la cour d’infirmer le jugement rendu le 27 octobre 2021 par le tribunal judiciaire de Paris et, statuant à nouveau :
A titre principal :
– De confirmer la décision par laquelle l’administration fiscale a implicitement rejeté la réclamation de M. et Mme [R] en date du 30 décembre 2015 ;
– De rejeter l’ensemble des demandes de M. et Mme [R] ;
– De condamner Monsieur et Madame [R] aux entiers dépens en première et seconde instances et au versement de la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de l’article 700 du code de procédure civile ;
A titre subsidiaire :
– De confirmer la décision par laquelle l’administration fiscale a implicitement rejeté la réclamation de M. et Mme [R] en date du 30 décembre 2015 concernant les impositions dues au titre des années 2009 et 2010 ;
– De limiter la portée de la décharge des impositions en litige aux seules impositions dues au titre de l’année 2011 ;
– De rejeter l’ensemble des autres demandes de M. et Mme [R] ;
– De condamner Monsieur et Madame [R] aux entiers dépens en première et seconde instances et au versement de la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de l’article 700 du code de procédure civile ;
A titre infiniment subsidiaire :
– De confirmer la décision par laquelle l’administration fiscale a implicitement rejeté la réclamation de M. et Mme [R] en date du 30 décembre 2015 concernant l’imposition due au titre de l’année 2009 ;
– De limiter la portée de la décharge des impositions en litige aux seules impositions dues au titre des années 2010 et 2011 ;
– De rejeter l’ensemble des autres demandes de M. et Mme [R] ;
– De condamner Monsieur et Madame [R] aux entiers dépens en première et seconde instances et au versement de la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de l’article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions signifiées le 11 mai 2023, Monsieur [I] [R] et Mme [O] [T] épouse [R] demandent à la cour de, au visa des articles 885-I, 885-N et 1653-A du code général des impôts, L59 B et L80 B du livre des procédures fiscales ;
– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
Infirmé la décision de rejet implicite du directeur général des finances publiques, agissant en la personne du Directeur régional des finances publiques d'[Localité 7] et du département de [Localité 9], de la réclamation contentieuse de M. [I] [R] et de Mme [O] [T] épouse [R] portant sur la proposition de rectification de leur impôt de solidarité sur la fortune des années 2009, 2010 et 2011 en date du 9 mai 2012 ;
Dit qu’il appartiendra au Directeur Général des Finances Publiques, agissant en la personne du Directeur régional des finances publiques d'[Localité 7] et du département de [Localité 9], de faire notifier la décharge des impositions supplémentaires mises en recouvrement selon avis du 8 février 2013, en droits, intérêts et pénalités, ainsi que des impositions initiales acquittées au titre de l’impôt de solidarité sur la fortune des années 2009, 2010 et 2011 à raison de la valorisation des droits d’auteur de [M] [T] hérités par sa fille ;
Condamné le directeur général des finances publiques, agissant en la personne du Directeur régional des finances publiques d'[Localité 7] et du département de [Localité 9], aux dépens mentionnés à l’article R207-1 du livre des procédures fiscales ;
Condamné le directeur général des finances publiques, agissant en la personne du directeur régional des finances publiques d'[Localité 7] et du département de [Localité 9], à payer la somme totale de 2 500 euros à M. [I] [R] et Mme [O] [T] épouse [R] au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés devant le Tribunal ;
Y ajoutant
– Condamner Monsieur le Directeur Régional des Finances Publiques d'[Localité 7] au paiement de la somme de 10 000 euros TTC par application de l’article 700 du code de procédure civile à M. [I] [R] et Mme [O] [T] épouse [R] au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés devant la cour ainsi qu’en tous les dépens d’appel, dont distraction au profit de Maître Bruno Belouis sur le fondement de l’article 699 du code de procédure civile.
– Débouter Monsieur le Directeur régional des finances publiques d'[Localité 7] de ses demandes.
SUR CE,
A titre liminaire
La disposition du jugement entrepris relative ayant rejeté la demande d’annulation de la procédure de redressement pour cause d’irrégularité n’est pas critiquée par les parties de sorte que le jugement critiqué sera confirmé sur ce chef.
Sur le fond
L’administration fiscale soutient que Mme [R] n’a pas rapporté la preuve de l’exercice d’une activité libérale à titre habituel au cours des années 2009 à 2011 au sens de l’article 885 N du code général des impôts et qu’il en résulte que le monopole d’exploitation des droits d’auteur dont elle a hérité ne peut être qualifié de bien professionnel exonéré d’ISF, s’agissant de cette période.
Elle fait valoir que quatre conditions cumulatives sont exigées pour que les biens d’un entrepreneur soient qualifiés de biens professionnels, à savoir :
1°) les biens doivent être utilisés dans le cadre d’une profession industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale ;
2°) l’activité professionnelle doit être exercée par le propriétaire du bien, son conjoint, son partenaire lié par un PACS ou son concubin notoire ;
3°) l’activité professionnelle doit être exercée à titre principal ;
4°) les biens doivent être nécessaires à l’exercice de la profession.
Elle expose que les biens éligibles à l’exonération doivent donc être utilisés pour l’exercice effectif, à titre habituel et constant, d’une activité exercée à titre principal et de nature à procurer à celui qui l’exerce le moyen de satisfaire aux besoins de l’existence, et doivent être nécessaires à l’exercice de ladite activité ; que les activités libérales sont celles des professions qui regroupent les personnes exerçant à titre habituel, de manière indépendante et sous leur responsabilité, une activité de nature généralement civile ayant pour objet d’assurer, dans l’intérêt du client ou du public, des prestations essentiellement intellectuelles, techniques ou de soins mises en ‘uvre au moyen de qualifications professionnelles appropriées et dans le respect de principes éthiques ou d’une déontologie professionnelle.
Il s’ensuit que les activités libérales sont celles dans lesquelles l’activité intellectuelle ou artistique joue un rôle principal et consiste en une pratique personnelle d’une science ou d’un art, à la différence de la simple gestion de son patrimoine, obstacle à l’exercice, par l’ayant-droit, d’une activité libérale par l’exploitation intellectuelle propre des droits de la propriété littéraire et artistique de l’auteur.
Elle soutient que Mme [T] devait démontrer que, comme elle le faisait valoir, elle avait «développé une production littéraire et artistique abondante directement mise au service de l”uvre de son père et indissociable de son activité d’auteur » et que « les revenus générés découlent de ses initiatives et des exploitations réalisées en sa double qualité d’auteur et d’ayant droit de l’oeuvre de son père.’
Elle soutient que la simple détention de droits d’auteur ne suffit pas à caractériser l’exercice d’une activité libéral ; que la cession de l’exploitation commerciale de ces droits à une société, quand bien même l’autorisation de Mme [R] en tant que titulaire de ces droits serait requise pour développer de nouveaux projets, est exclusive de toute activité libérale ; que le 12 décembre 2008, elle a cédé ses parts de la société Les Editions [V] [M], titulaire de l’ensemble des droits d’exploitation composant l’univers d’Asterix le Gaulois, à la société Hachette Livre qui a récupéré l’exploitation des vingt-quatre premiers albums de la série, les droits audiovisuels et cinématographiques, ainsi que les droits dérivés, comme la licence accordée au Parc Astérix installé depuis 1989 dans l’Oise ; qu’après une telle cession, seule la société Hachette, actionnaire de la société Editions [V] [M], exerce une activité commerciale en lien avec l’exploitation des droits d’auteur et qu’au contraire, Mme [R] effectue une simple gestion patrimoniale des droits d’auteur dont elle est titulaire en percevant les revenus d’une société dont elle n’est ni actionnaire ni dirigeante ; que les éléments dont se prévalent les intimés sont insuffisants à caractériser une activité d’auteur propre, indissociable de la seule gestion des droits d’auteur de Monsieur [M] [T]. A l’inverse de ce dernier, qui était scénariste de bande dessinée, Madame [R] se borne à exercer les attributs moraux et patrimoniaux que comportent les droits d’auteur et se réserve, en tant qu’héritière, le droit exclusif de veiller au respect de cette ‘uvre et de perpétuer la mémoire de son père. Cette activité se distingue de celle de l’auteur qui l’a créée, étant observé que le droit français établit un lien exclusif entre la qualité d’auteur et celle de créateur. L’auteur est la personne physique qui crée l”uvre.
Madame [R] soutient que Le monopole d’exploitation des droits d’auteur transmis constitue, au cas particulier, un bien professionnel devant être exclu de l’assiette de l’I.S.F. en application de l’article 885-N du code général des impôts, dans la mesure où elle poursuit à titre professionnel, habituel et constant l’exploitation du monopole sur les ‘uvres artistiques créées par son père [M] [T].
Elle expose que le droit d’auteur doit être considéré non comme un droit de propriété au sens du code civile mais comme un monopole exclusif d’exploitation, limité dans le temps, de droits limitativement énumérés. Il confère en effet à son titulaire le privilège exclusif d’une exploitation temporaire.
Elle fait valoir qu’elle poursuit personnellement dans un but lucratif l’exploitation du monopole de droits d’auteur qui lui a été transmis, de façon continue, habituelle et constante en accomplissant les actes de création artistique nécessaires à cette activité et que sa gestion des droits d’auteur portant sur l”uvre de son père [M] [T] ne peut en aucun cas être envisagée comme procédant d’une « une simple gestion patrimoniale » puisqu ‘il s’agit d’une ‘uvre intellectuelle vivante dont la gestion repose depuis plus de vingt ans sur son travail, fondé sur ses compétences et sur son savoir-faire artistiques propres,
Elle espose que son activité professionnelle qui lui procure ses seuls revenus d’activité, se traduit par des actions concrètes réalisées à long terme consistant :
– initier ou à sélectionner les projets artistiques dans la continuité de l”uvre de [M] [T] concernant Astérix ou le Petit Nicolas notamment (adaptations audiovisuelles, ‘uvres dérivées littéraires, merchandising…) ;
– à participer directement à la production et à la réalisation de ces projets
– en faisant acte d’auteur, en écrivant textes et préfaces pour l’édition et la réédition des ‘uvres de son père ;
– en participant à l’écriture ou au suivi d’écriture des scénarios des films adaptations des ‘uvres de son père.
Ces activités de création d'[O] [T] occupent la totalité de son temps disponible et dont certaines sont recensées ci-dessous ont directement permis à l”uvre de [M] [T] de connaitre de nouvelles exploitations génératrices de revenus.
Elle souligne que, pour exercer cette activité multiforme et pour autant parfaitement homogène, elle met en ‘uvre des moyens humains (elle emploie du personnel) et matériels d’envergure dans les bureaux qu’elle occupait spécialement à cet effet [Adresse 10], pour être transféré aujourd’hui dans des locaux situés au [Adresse 2] ; que les résultats, effectivement taxés depuis bientôt trente ans dans la catégorie des BNC, ont représenté la presque totalité de ses revenus ; qu’elle est adhérente à une association de gestion agréée depuis 1995 dont on sait que l’accès est réservé aux seules personnes qui exercent à titre habituel et constant une activité professionnelle dont les résultats sont soumis à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ; qu’ elle est immatriculée au répertoire national des entreprises (SIREN) où sont enregistrées sous un numéro d’identification, toute personne physique ou morale exerçant de manière indépendante une activité.
Elle soutient que les biens professionnels transmis par mutation pour cause de décès conservent fiscalement leur caractère professionnel dans les mains des ayant-droits ; que l’ayant droit de l’auteur décédé exploite lui-même ses droits, parce qu’il en a la capacité intellectuelle, la formation et le goût. Cette activité devient alors pour lui son activité professionnelle principale. Dans une telle hypothèse, les dispositions de l’article 885-N lui permettent de considérer en toute hypothèse que la valorisation de ses droits n’est pas à incorporer dans les bases ISF. C’est le cas de Madame [O] [T]. L’ayant droit de l’auteur décédé apporte ses droits à une société commerciale d’exploitation, dont l’objet social est précisément d’exploiter par tous moyens les droits dont il est devenu titulaire par le décès de l’auteur. L’intérêt pour un tel apport est de permettre de regrouper l’ensemble des activités directes et indirectes liées à la gestion de tels droits dans une seule entité. Cette unicité économique et juridique permet de diminuer les coûts de gestion et d’assurer une meilleure rentabilité dans l’exploitation de ces droits de propriété littéraire et artistique.
Elle fait valoir qu’elle exerce un métier de production et de création artistique et littéraire, décliné sous plusieurs formes, à savoir une activité libérale lie à la personne, une continuité artistique, un savoir faire artistique et littéraire, un activité indépendante, continue, permanente et suivie, une structuration prefessionnelle, une activité menée à des fins lucratives et dans l’intérêt du public et non une gestion passive destinée à un cercle restreint ou familial et une création de valeur.
Elle indique fournir les justificatifs des diligences accomplies pour les années 2009, 2010 et 2011 en pièce 44. Elle précise que les projets s’étendent sur pluseiurs années.
Elle invoque les élements suivants :
– le film ‘Astérix et Obélix au service de sa Majesté’ (négocations, choix des producteurs, scénaristes et réalisateur, contribution artistique, casting),
– implication et participation au 50ème anniversaire d’Astérix;
– film d’animation ‘Astérix : le domaine des dieux’ (négociations, le choix de M6, contribution artistique)
– le choix crucial du nouvel auteur d’Astérix,
– une activité professionnelle étendue à l’ensemble de l’oeuvre (Le petit Nicolas : auteur conseil en création scénaristique).
Elle fait valoir que l’administration méconnait le processus de création littéraire et artistique, lequel implique un temps de réfexion, de conception et de maturation et ne peut se mesurer à la seule aune des réalisations visibles et rendues publiques.
Ceci étant exposé, larticle 885 E du code général des impôts dispose que :
« L’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune est constituée par la valeur nette, au 1er janvier de l’année, de l’ensemble des biens, droits et valeurs imposables appartenant aux personnes visées à l’article 885 A, ainsi qu’à leurs enfants mineurs lorsqu’elles ont l’administration légale des biens de ceux-ci. »
L’article 885 N du code des impôts dispose que :
« Les biens nécessaires à l’exercice, à titre principal, tant par leur propriétaire que par le conjoint de celui-ci, d’une profession industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale sont considérés comme des biens professionnels ».
L’alinéa 4 de l’article 885 I de ce code, dans sa rédaction issue de la loi de ‘nances n° 99-1172 du 30 décembre 1999 pour l’année 2000 et applicable depuis le 31 mars 2000, dispose que : les droits de la propriété littéraire et artistique ne sont pas compris dans la base d’imposition à l’impôt de solidarité sur la fortune de leur auteur.
Ainsi que l’a justement retenu le tribunal, si cet article réserve depuis sa date d’entrée en vigueur aux seuls auteurs l’exonération de plein droit qu’il édicte, excluant leurs ayants droit de son béné’ce, il n’a cependant pas pour effet de refuser à ces ayants droit qui en remplissent les conditions, c’est-à-dire pour qui les droits de propriété littéraire et artistique hérités sont nécessaires à l’exercice à titre principal d’une profession industrielle, commerciale, artisanale ou libérale, le bénéfice du régime des biens professionnels instauré par l’article 885 N du code général des impôts.
Les activités libérales sont celles des professions qui regroupent les personnes exerçant à titre habituel, de manière indépendante et sous leur responsabilité, une activité de nature généralement civile ayant pour objet d’assurer, dans l’intérêt du client ou du public, des prestations essentiellement intellectuelles, techniques ou de soins mises en oeuvre au moyen de quali’cations professionnelles appropriées et dans le respect de principes éthiques ou d’une déontologie professionnelle.
Il s’ensuit que les activités libérales sont celles dans lesquelles l’activité intellectuelle ou artistique joue un rôle principal et consiste en une pratique personnelle d’une science ou d’un art, à la différence de la simple gestion de son patrimoine.
Le critère distinctif entre la simple gestion patrimoniale de droits d’auteur hérités et l’exploitation par l’héritier de ces droits d’auteur afin de pouvoir exercer une activité libérale à titre personnel et principal réside donc dans l’exercice personnel par l’héritier, au moyen des droits de propriété littéraire et artistique qu’il a reçu, d’une activité à laquelle l’auteur aurait pu se livrer de son vivant, dans un prolongement et une perpétuation de l”uvre de création.
En l’espèce, Madame [R] justifie qu’elle a adhéré, aux fins d’exploitation du monopole qui lui a été transmis, à une association de gestion agréée, qu’ elle est immatriculée au répertoire national des entreprises et qu’elle déploie des moyens matériels et humains qui lui ont permis d’ accomplir, au cours de la période considérée, de nombreux actes de gestion, de promotion et d’exploitation des droits d’auteur qui lui ont été dévolus et dont les produits ont été imposés comme béné’ces non commerciaux.
Ainsi, elle justifie ainsi du caractère professionnel de cette activité, qu’elle exerce à titre principal et qui nécessite la détention des droits de propriété littéraire et artistique en cause.
Elle justifie également, pour la période en cause :
– avoir participé à la réalisation du film « Astérix au Service de sa Majesté » de 2009 à 2011 avec une sortie en salle en 2012, a contribué à l’organisation du 50ème anniversaire d’Astérix entre 2008 et octobre 2009, a participé à la réalisation artistique et à l’écriture du scénario du film « Astérix, le Domaine des Dieux ” en 2010 et 2011 et a été active dans la sélection avec [V] [J], en 2010 et 2011, des nouveaux auteurs des albums à venir d’Astérix ;
– avoir écrit la préface du livre « Le Petit Nicolas, Le ballon et autres histoires inédites ” édité par la société IMAV éditions ;
– être intervenue en qualité d’ « auteur conseil de création scénaristique », par un contrat de coproduction en date du 29 juin 2006 qui a été conclu entre IMAV éditions et la société Fidélité Films en vue de la production du film ‘Le Petit Nicolas’ sorti en salle le 30 septembre 2009 et dont l’exécution s’est étendue de 2006 à 2009 ;
– avoir assuré le suivi d’écriture du scénario des 52 épisodes pendant trois ans de 2007 à 2009 de la série animée du Petit Nicolas sur la chaîne de télévision M6 ;
– avoir co-écrit avec M. [B] [D] les paroles de « Le Pt’it Nicolas », chanson du générique du dessin animée du Petit Nicolas pour la télévision ;
– avoir rédigé la préface de l’album « L’anniversaire d’Astérix et Obélix – Le livre d’or » d’après [T] et [J] paru aux Editions [V]-[M]/Hachette en 2009 ;
avoir rédigé en septembre 2010 la préface de la réédition du livre écrit par [M] [T] « Tous les visiteurs à terre » paru chez IMAV éditions.
Elle justifie ainsi poursuivre personnellement et dans un but lucratif, de façon directe, constante et continue, l’exploitation du monopole qui lui a été transmis sur la base des ses compétences et de son savoir-faire artistique. Le fait qu’elle ait cédé ses parts de la société Editions [V] [M] est indifférent à cet égard car il est constant qu’elle demeure seule titulaire des droits d’auteur hérités de [M] [T] et que son autorisation est requise pour toute exploitation commerciale de l’univers artistique dans lequel s’inscrit la création des personnages et des scenarii d’Astérix.
Elle justifie avoir exercé, au cours de la période en litige, une activité créatrice ne se limitant pas à la seule gestion de son patrimoine et qui aurait pu être celle de [M] [T] de son vivant, activité rendue possible uniquement par la propriété des droits d’auteur de ce dernier.
La réalisation des fims, albums ou expositions s’accomplissent nécessairement sur plusieurs années et le découpage triennal de ces activités ne tient pas compte de la réalité de leur calendrier de sorte qu’il n’y a pas lieu d’acceuillir la demande de limitation de décharge aux années 2009 et 2010, la nature du travail accompli commençant avant les périodes concernées et pouvant aboutir postérieurent aux dites périodes.
Les droits détenus par Mme [R] sur l”uvre de son père constituent donc des biens professionnels, susceptibles comme tels d’être exonérés de l’impôt de solidarité sur la fortune.
Le jugement entrepris sera dès lors confirmé de ce chef.
Les demandes relatives à la valorisation des droits d’auteur sont donc sans objet.
Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile.
L’administration fiscale succombant en son appel sera condamnée aux dépens de la présente instance et déboutée de sa demande d’indemnité de procédure. Elle sera condamnée, sur ce même fondement, à payer aux intimés la somme de 5 000 euros.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
DÉBOUTE Monsieur le Directeur général des finances publiques de ses demandes de limitation de ces décharges ;
CONDAMNE Monsieur le Directeur général des finances publiques aux dépens d’appel ;
DÉBOUTE Monsieur le Directeur général des finances publiques de sa demande d’indemnité de procédure ;
CONDAMNE Monsieur le Directeur général des finances publiques à payer à Madame [O] [T] épouse [R] et Monsieur [I] [R] la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, P/ LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ
S.MOLLÉ C.SIMON-ROSSENTHAL