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Le salarié est en droit de critiquer son employeur sur Facebook dès lors qu’il ne s’exprime pas avec excès et que ses propos ne portent pas atteinte à la réputation de son employeur.
La responsabilité pécuniaire d’un salarié à l’égard de son employeur ne peut résulter que de sa faute lourde ainsi que l’a, de nouveau, rappelé la chambre sociale de la cour de cassation dans un arrêt du 1er février 2017 n° 15-21.064.
Le salarié est tenu d’une obligation de loyauté envers son employeur qui subsiste pendant la durée du préavis même s’il est dispensé de l’exécuter.
La faute lourde suppose l’intention du salarié de nuire à l’employeur ou à l’entreprise.
Elle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d’un acte préjudiciable à l’entreprise.
Dans cette affaire, il est établi qu’au cours de la période de préavis, le salarié a posté trois messages dans un groupe public facebook, dans lesquels il expliquait qu’il avait démissionné et qu’il quittait son poste en raison de reproches qu’il subissait et de l’absence d’augmentation salariale, et remerciait la clientèle de lui avoir fait confiance.
Ces messages comportent certes une critique à l’égard de la SARL LA CHAROLAISE D’ORIENT mais ils ne caractérisent pas une intention de lui nuire. Le salarié n’invoque pas de faits susceptibles de dissuader la clientèle de la SARL LA CHAROLAISE D’ORIENT d’y faire ses achats ou d’entacher la réputation de l’entreprise. La faute lourde du salarié a donc été écartée.
Arrêt n°
du 8/11/2023
N° RG 22/01332
IF/FJ
Formule exécutoire le :
à :
COUR D’APPEL DE REIMS
CHAMBRE SOCIALE
Arrêt du 8 novembre 2023
APPELANTE :
d’un jugement rendu le 21 juin 2022 par le Conseil de Prud’hommes de TROYES, section Commerce (n° F 22/00006)
SARL LA CHAROLAISE D’ORIENT
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par la SELARL IFAC, avocats au barreau de l’AUBE
INTIMÉ :
Monsieur [K] [X]
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représenté par la SCP LEJEUNE-THIERRY, avocats au barreau de l’AUBE
DÉBATS :
En audience publique, en application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 septembre 2023, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Isabelle FALEUR, Conseiller, chargé du rapport, qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré ; elle a été mise en délibéré au 8 novembre 2023.
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Monsieur François MELIN, président
Madame Marie-Lisette SAUTRON, conseiller
Madame Isabelle FALEUR, conseiller
GREFFIER lors des débats :
Monsieur Francis JOLLY, greffier
ARRÊT :
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur François MELIN, président, et Monsieur Francis JOLLY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
* * * * *
Faits et procédure :
Monsieur [K] [X] a été engagé par la SARL LA CHAROLAISE D’ORIENT par contrat à durée indéterminée du 10 octobre 2017 en qualité de boucher, niveau III échelon C statut ouvrier/employé de la convention collective nationale de la boucherie, boucherie charcuterie, boucherie hippophagique, IDCC 992.
En dernier lieu, il percevait une rémunération mensuelle brute de 1965 euros pour 151,67 heures de travail par mois.
Par courrier du 15 novembre 2021, Monsieur [K] [X] a donné sa démission et sollicité le paiement d’une prime de salissure de 50 euros par mois, soit 2 450 euros pour les 49 mois de travail au service de la SARL LA CHAROLAISE D’ORIENT.
Par courrier du 26 novembre 2021, la SARL LA CHAROLAISE D’ORIENT a accusé réception de la démission de Monsieur [K] [X], l’a dispensé d’exécuter sa période de préavis, l’a informé que le contrat de travail serait rompu le 17 décembre 2021 et a sollicité qu’il lui restitue quatre vestes de travail, deux pantalons et les clés de l’entreprise.
Par requête reçue au greffe le 12 janvier 2022, Monsieur [K] [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Troyes aux fins d’obtenir la condamnation de la SARL LA CHAROLAISE D’ORIENT à lui payer la somme de 4 000 euros bruts à titre de prime de salissure, la somme de 2 000 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral lié à un harcèlement moral et la somme de 349 euros bruts au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La SARL LA CHAROLAISE D’ORIENT a sollicité le débouté des demandes de Monsieur [K] [X] et sa condamnation à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de loyauté et la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 21 juin 2022, le conseil de prud’hommes de Troyes a :
– déclaré Monsieur [K] [X] recevable et partiellement fondé en ses demandes ;
– condamné la SARL LA CHAROLAISE D’ORIENT à payer à Monsieur [K] [X] les sommes suivantes :
. 2 450 euros à titre de prime de salissure
. 349 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté Monsieur [K] [X] du surplus de ses demandes ;
– condamné Monsieur [K] [X] à payer à la SARL LA CHAROLAISE D’ORIENT la somme de 50 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de son obligation de loyauté ;
– débouté la SARL LA CHAROLAISE D’ORIENT de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– ordonné l’exécution provisoire ;
– condamné la SARL LA CHAROLAISE D’ORIENT aux dépens ;
Le 1er juillet 2022, la SARL LA CHAROLAISE D’ORIENT a interjeté appel aux fins de voir infirmer le jugement de première instance sauf en ce qu’il a débouté Monsieur [K] [X] du surplus de ses demandes et a ordonné l’exécution provisoire.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 juillet 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience du 20 septembre 2023 pour être mise en délibéré au 8 novembre 2023.
Prétentions et moyens des parties :
Au terme de ses conclusions d’appelante, notifiées par RPVA le 25 janvier 2023, auxquelles en application de l’article 455 du code de procédure civile il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, la SARL LA CHAROLAISE D’ORIENT demande à la cour :
D’INFIRMER le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Troyes le 21 juin 2022 en ce qu’il :
– a déclaré Monsieur [K] [X] recevable et partiellement fondé en ses demandes ;
– l’a condamnée à payer à Monsieur [K] [X] la somme de 2 450 euros à titre de prime de salissure et la somme de 349 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– a condamné Monsieur [K] [X] à lui payer la somme de 50 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de son obligation de loyauté ;
– l’a déboutée de sa demande au titre de l’article 700 ;
– l’a condamnée aux dépens ;
DE DÉCLARER irrecevable la demande reconventionnelle de Monsieur [K] [X] relative au manquement de l’employeur à son obligation de loyauté ;
et statuant à nouveau,
A titre principal,
DE CONSTATER que la demande de Monsieur [K] [X] relative à la prime de salissure n’est pas fondée ;
DE CONSTATER que Monsieur [K] [X] a manqué à son obligation de loyauté en publiant sur les réseaux sociaux des allégations mensongères ;
DE DÉBOUTER Monsieur [K] [X] de l’intégralité de ses demandes ;
A titre subsidiaire,
DE CONSTATER que la prime de salissure ne peut pas être supérieure à 88,38 euros ;
En tout état de cause,
DE CONDAMNER Monsieur [K] [X] à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de son obligation de loyauté ;
DE CONDAMNER Monsieur [K] [X] à lui payer la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Au terme de ses conclusions d’intimé et d’appelant incident notifiées par RPVA le 27 juin 2023, auxquelles en application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, Monsieur [K] [X] demande à la cour :
DE CONFIRMER le jugement du conseil de prud’hommes de Troyes en ce qu’il a condamné la SARL LA CHAROLAISE D’ORIENT à lui payer la somme de 2 450 euros à titre de prime de salissure et la somme de 349 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
D’INFIRMER le jugement du conseil de prud’hommes de Troyes en ce qu’il l’a condamné à payer à la SARL LA CHAROLAISE D’ORIENT la somme de 50 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de son obligation de loyauté ;
A titre subsidiaire, si la cour accueillait le moyen nouveau de la SARL LA CHAROLAISE D’ORIENT relatif à la prescription,
DE JUGER qu’il peut solliciter le versement de l’indemnité de salissure sur les 36 derniers mois précédant la rupture de son contrat de travail ;
En tout état de cause,
DE CONDAMNER la SARL LA CHAROLAISE D’ORIENT à lui payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier pour manquement à son obligation d’exécuter de bonne foi le contrat de travail ;
DE DÉBOUTER la SARL LA CHAROLAISE D’ORIENT de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 5 000 euros pour non-respect de l’obligation de loyauté ;
DE DÉBOUTER la SARL LA CHAROLAISE D’ORIENT de l’ensemble de ses demandes présentées à titre principal et subsidiaire ;
DE CONDAMNER la SARL LA CHAROLAISE D’ORIENT à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DE CONDAMNER la SARL LA CHAROLAISE D’ORIENT aux dépens ;
Motifs :
1) Sur la prime de salissure
La SARL LA CHAROLAISE D’ORIENT soutient que la prime de salissure n’est pas prévue par la loi, que son versement ne peut être imposé à l’employeur que si la convention collective ou un accord d’entreprise le prévoit et qu’à défaut, le salarié doit fournir des justificatifs pour démontrer qu’il a été contraint de payer des frais liés à l’entretien de sa tenue de travail.
Elle précise que la convention collective de la boucherie, boucherie charcuterie et boucherie hippophagique ne prévoit pas de prime de salissure.
A titre subsidiaire, si la cour décidait de faire droit à la demande de Monsieur [K] [X], la SARL LA CHAROLAISE D’ORIENT expose qu’une prime de salissure entre dans la catégorie des frais professionnels et que les actions en paiement des sommes correspondant au remboursement de frais professionnels relèvent de la prescription biennale prévue par l’article L 1471-1 du code du travail.
Elle souligne que son moyen relatif au délai de prescription, soulevé pour la première fois à hauteur d’appel, est recevable en application des articles 72 et 563 du code de procédure civile.
Enfin, elle conteste la somme sollicitée par Monsieur [K] [X] et soutient qu’une prime de salissure ne pourrait être égale qu’à 0,03 euros par heure travaillée ce qui, compte tenu de la prescription, correspond à la somme totale de 88,38 euros.
Monsieur [K] [X] soutient que le code du travail, et plus particulièrement les articles R4323-95 et L 4122-2, imposent à l’employeur de prendre à sa charge le nettoyage des équipements de sécurité ainsi que des tenues de travail pour travaux salissants ou raisons d’hygiène et qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour de Cassation que l’employeur doit assurer l’entretien des tenues de travail dont il impose le port à ses salariés.
Il précise qu’il était tenu de porter des équipements de protection fournis par l’entreprise compte tenu des conditions d’hygiène propres à son emploi, qu’il les nettoyait lui-même et que compte tenu des travaux très salissants inhérents à ses fonctions, il devait effectuer un prélavage manuel avec un détachant avant d’utiliser sa machine à laver, ce qui lui prenait du temps et avait un coût, et que la somme de 50 euros par mois qu’il sollicite est très inférieure aux frais que la SARL LA CHAROLAISE D’ORIENT aurait exposés si elle avait confié le nettoyage des vêtements à un pressing ou une entreprise extérieure.
La prescription est une fin de non recevoir et non une défense au fond relevant des articles 71 et 72 du code de procédure civile.
En vertu de l’article 123 du code de procédure civile, les fins de non recevoir peuvent être proposées en tout état de cause à moins qu’il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages et intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire de les soulever plus tôt.
En conséquence le moyen soulevé pour la première fois en appel par la SARL LA CHAROLAISE D’ORIENT tiré de la prescription est recevable.
Il résulte des dispositions de l’article L 4122-2 du code du travail que les mesures prises en matière de santé et de sécurité au travail ne doivent entraîner aucune charge financière pour les travailleurs.
Aux termes des articles R 4321-4 et R 4323-95 du code du travail, l’employeur met à disposition des travailleurs, en tant que de besoin, les équipements de protection individuelle appropriés et lorsque le caractère particulièrement insalubre ou salissant des travaux l’exigent, les vêtements de travail appropriés. Il les fournit gratuitement, veille à leur utilisation, assure leur bon fonctionnement et leur maintien dans un état hygiénique satisfaisant par les entretiens, réparations et remplacements nécessaires.
Les frais qu’un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur doivent lui être remboursés sans qu’ils puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu’il ait été contractuellement prévu qu’il en conserverait la charge moyennant le versement d’une somme fixée à l’avance de manière forfaitaire et à la condition que cette somme forfaitaire ne soit pas manifestement disproportionnée au regard du montant réel des frais engagés (Cass Soc, 20 juin 2013, pourvoi n 11-23.071).
L’employeur qui impose le port de tenues de travail aux salariés doit assumer la charge de leur entretien (Cass Soc 12 décembre 2012 pourvoi no 11-26.585, Cass Soc., 14 février 2018, pourvoi no 16-25.563).
Il ressort des bulletins de salaire produits aux débats que Monsieur [K] [X] n’a bénéficié d’aucun dédommagement, prime ou remboursement de frais professionnels concernant l’entretien de ses tenues de travail alors que le port lui en était imposé ainsi que cela ressort du courrier adressé le 26 novembre 2021 par la SARL LA CHAROLAISE D’ORIENT dans lequel elle lui demandait de restituer les équipements de protection remis au début des relations contractuelles, constitués de quatre vestes et de deux pantalons de travail.
En l’espèce, le remboursement par l’employeur des frais de nettoyage des tenues de travail, que Monsieur [K] [X] qualifie de prime de salissure, n’a pas un caractère salarial.
Il s’agit du remboursement de frais professionnels.
Or, la prescription triennale en matière de salaire ne s’applique pas aux sommes ayant le caractère de frais professionnels ainsi que l’a jugé la chambre sociale de la cour de cassation dans un arrêt du 20 novembre 2019, n° 18-20.208.
Il convient donc d’appliquer la prescription biennale prévue par l’article L 1471-1 du code du travail qui dispose que toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.
Monsieur [K] [X] ayant saisi le conseil de prud’hommes le 12 janvier 2022, il est recevable à solliciter le remboursement des frais qu’il a exposés pour nettoyer ses vêtements de travail pour la période du 12 janvier 2020 au 15 novembre 2021, dès lors qu’il n’était plus contraint de les nettoyer pendant la période de préavis dont l’employeur l’avait dispensé.
Dans la mesure où la SARL LA CHAROLAISE D’ORIENT imposait le port d’une tenue de travail et où elle ne justifie pas en avoir assuré le nettoyage, lequel pesait nécessairement sur le salarié, c’est à bon droit que Monsieur [K] [X] sollicite un remboursement des frais d’entretien à hauteur de 50 euros par mois en raison du coût des produits de lavage et des modalités de lavage particulières liées à la présence de tâches de sang et de gras sur ses vêtements professionnels.
Sa demande sera donc accueillie, par infirmation du jugement, à hauteur de la somme de 1 100 euros.
2) Sur la demande de dommages et intérêts de la SARL LA CHAROLAISE D’ORIENT pour manquement du salarié à son obligation de loyauté
La SARL LA CHAROLAISE D’ORIENT reproche à Monsieur [K] [X], sur le fondement de l’article L 1222-1 du code du travail, d’avoir manqué à son obligation de loyauté d’une part en postant à plusieurs reprises sur Facebook dans le cadre d’un groupe public lié à la ville de [Localité 2], au cours de la période de préavis, des publications qui la dénigraient et portaient atteinte à sa réputation en colportant des affirmations mensongères, et d’autre part en la dénigrant devant des clients à qui il faisait part de sa volonté de se placer en arrêt maladie pour mettre son employeur dans l’embarras.
Monsieur [K] [X] répond qu’il a posté trois messages quasi similaires sur Facebook pour faire état de sa démission, en expliquer les raisons et remercier la clientèle de sa confiance. Il affirme que ces messages ne sont ni faux, ni outranciers, ni insultants, qu’ils ne sont pas constitutifs de propos dénigrants et n’ont pas pour but de nuire aux intérêts de la SARL LA CHAROLAISE D’ORIENT.
Il conteste avoir dénigré son employeur auprès de clients et avoir affirmé qu’il se mettrait en arrêt maladie avant de donner sa démission, pour embarrasser son employeur.
La responsabilité pécuniaire d’un salarié à l’égard de son employeur ne peut résulter que de sa faute lourde ainsi que l’a, de nouveau, rappelé la chambre sociale de la cour de cassation dans un arrêt du 1er février 2017 n° 15-21.064.
Le salarié est tenu d’une obligation de loyauté envers son employeur qui subsiste pendant la durée du préavis même s’il est dispensé de l’exécuter.
La faute lourde suppose l’intention du salarié de nuire à l’employeur ou à l’entreprise.
Elle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d’un acte préjudiciable à l’entreprise.
Il est établi qu’au cours de la période de préavis, Monsieur [K] [X] a posté trois messages dans un groupe public facebook, lié à la ville de [Localité 2], dans lesquels il expliquait qu’il avait démissionné et qu’il quittait son poste le 17 décembre 2021 en raison de reproches qu’il subissait et de l’absence d’augmentation salariale, et remerciait la clientèle de lui avoir fait confiance.
Ces messages comportent certes une critique à l’égard de la SARL LA CHAROLAISE D’ORIENT mais ils ne caractérisent pas une intention de Monsieur [K] [X] de lui nuire.
Le salarié n’invoque pas de faits susceptibles de dissuader la clientèle de la SARL LA CHAROLAISE D’ORIENT d’y faire ses achats ou d’entâcher la réputation de l’entreprise.
Monsieur [K] [X] a été en arrêt de travail du 9 au 16 novembre 2021. Il a déclaré un accident du travail de type déchirure musculaire survenu le 2 novembre 2021 que la SARL LA CHAROLAISE D’ORIENT a contesté et que l’assurance maladie n’a pas reconnu. Toutefois, si Monsieur [K] [X] a été placé en arrêt de travail, c’est après examen par un médecin qui a considéré que son état médical le justifiait, et non de son propre chef.
Par ailleurs, les attestations des époux [Y], en date du 21 mars 2022, qui affirment que Monsieur [K] [X] tenait des propos désobligeants à l’égard de son employeur et projetait de se mettre en arrêt maladie pour le gêner ne sont pas corroborés par d’autres témoignages ou éléments de preuve.
Ces éléments sont insuffisants pour caractériser une intention de nuire et une faute lourde de Monsieur [K] [X].
Le jugement de première instance sera donc infirmé en ce qu’il a condamné Monsieur [K] [X] à payer à la SARL LA CHAROLAISE D’ORIENT la somme de 50 euros à titre de dommages et intérêts et l’employeur sera débouté de la demande qu’il formule à ce titre en appel à hauteur de 5 000 euros.
3) Sur la demande de dommages et intérêts de Monsieur [K] [X] pour manquement de l’employeur à son obligation d’exécuter de bonne foi le contrat de travail
La SARL LA CHAROLAISE D’ORIENT fait valoir que Monsieur [K] [X] formule pour la première fois à hauteur d’appel une demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier en raison d’un prétendu manquement de son employeur à exécuter de bonne foi le contrat de travail et qu’en vertu de l’article 564 du code de procédure civile, elle doit être déclarée irrecevable.
Monsieur [K] [X] répond qu’il s’agit d’une demande accessoire à la demande de prime de salissure présentée en première instance et donc recevable à hauteur d’appel.
Il expose qu’en s’abstenant de verser une prime de salissure ou d’indemniser les frais d’entretien des vêtements professionnels, l’employeur n’a pas respecté les dispositions légales et la jurisprudence applicables en la matière.
Il soutient que la SARL LA CHAROLAISE D’ORIENT a également tardé à faire application des minima de la convention collective en matière de salaire, que n’est qu’en novembre 2021 que son salaire de base brut est passé à 1965 euros alors que l’accord du 11 septembre 2020 qui prévoyait ce minimum avait été étendu le 11 janvier 2021 et aurait dû être appliqué dès le mois de février 2021. Il ajoute que son salaire de base minimum aurait dû être de 1993 euros bruts à compter du mois de décembre 2021 compte tenu de l’accord de branche du 22 juin 2021 étendu par arrêté du 22 novembre 2021.
L’article 564 du code de procédure civile dispose qu’à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
Au terme des articles 565 et 566, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent. Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
Monsieur [K] [X] fonde sa demande de dommages et intérêts sur deux manquements distincts de l’employeur : le premier lié à l’absence de prise en charge des frais d’entretien des vêtements professionnels et le second lié à l’absence d’augmentation salariale conventionnelle dans des délais normaux.
La demande est recevable en ce qu’elle concerne l’absence de prise en charge des frais d’entretien des vêtements professionnels dès lors qu’elle est le complément de la demande de paiement de la prime de salissure formée dès la première instance.
L’employeur n’a pas respecté les dispositions légales concernant la prise en charge du nettoyage ou le remboursement des frais d’entretien des vêtements professionnels dont il imposait le port à Monsieur [K] [X].
Toutefois cet élément ne suffit pas à caractériser une déloyauté de sa part. Aucun élément n’établit qu’il avait conscience que le salarié était en droit de réclamer le remboursement des frais d’entretien de ses tenues de travail.
Même si l’employeur a manqué à ses obligations, encore faut-il caractériser la mauvaise foi, laquelle ne se présume pas. En l’espèce, aucun élément ne permet de caractériser cette mauvaise foi, de sorte que le salarié doit être débouté de sa demande.
4) Sur les autres demandes
Le jugement de première instance sera confirmé en ce qu’il a condamné la SARL LA CHAROLAISE D’ORIENT à payer à Monsieur [K] [X] la somme de 349 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en ce qu’il l’a débouté de sa demande à ce titre et l’a condamné aux dépens.
Partie qui succombe en appel, la SARL LA CHAROLAISE D’ORIENT est condamnée à payer à Monsieur [K] [X] la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle est déboutée de sa demande à ce titre et condamnée aux dépens de la procédure d’appel.
Il convient de rappeler que les condamnations sont prononcées sous déduction des éventuelles cotisations sociales et salariales applicables
Par ces motifs :
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi
CONFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Troyes du 21 juin 2022 en ce qu’il a :
– condamné la SARL LA CHAROLAISE D’ORIENT à payer à Monsieur [K] [X] la somme de 349 euros au titre des frais irrépétibles ;
– débouté la SARL LA CHAROLAISE D’ORIENT de sa demande au titre des frais irrépétibles ;
– condamné la SARL LA CHAROLAISE D’ORIENT aux dépens ;
INFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Troyes du 21 juin 2022 en ce qu’il a :
– condamné la SARL LA CHAROLAISE D’ORIENT à payer à Monsieur [K] [X] la somme de 2450 euros à titre de prime de salissures ;
– condamné Monsieur [K] [X] à payer à la SARL LA CHAROLAISE D’ORIENT la somme de 50 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
CONDAMNE la SARL LA CHAROLAISE D’ORIENT à payer à Monsieur [K] [X] la somme de 1100 euros à titre de remboursement des frais de nettoyage de ses équipements de travail ;
DÉBOUTE la SARL LA CHAROLAISE D’ORIENT de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail par le salarié ;
DÉCLARE recevable la demande de dommages et intérêts formée par Monsieur [K] [X] pour exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur ;
DÉBOUTE Monsieur [K] [X] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail par l’employeur ;
RAPPELLE que les condamnations sont prononcées sous déduction des éventuelles cotisations sociales et salariales applicables ;
CONDAMNE la SARL LA CHAROLAISE D’ORIENT à payer à Monsieur [K] [X] la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles en appel ;
DÉBOUTE la SARL LA CHAROLAISE D’ORIENT de sa demande au titre des frais irrépétibles en appel ;
CONDAMNE la SARL LA CHAROLAISE D’ORIENT aux dépens de la procédure d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT