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31 mars 1998
Cour de cassation
Pourvoi n°
95-21.316
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société La Française des jeux, société d’économie mixte, société nationale de jeux France Loto, dont le siège est …, en cassation d’un arrêt rendu le 23 novembre 1995 par la cour d’appel de Versailles (12e chambre, 1re section), au profit de M. Claude X…, demeurant …, défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l’article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 17 février 1998, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Grimaldi, conseiller rapporteur, Mme Pasturel, conseiller, M. Raynaud, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Grimaldi, conseiller, les observations de la SCP Monod, avocat de la société La Française des jeux, de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de M. X…, les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l’arrêt déféré (Versailles, 23 novembre 1995), que la société La Française des jeux a concédé à M. X… l’exploitation d’une activité de courtier-mandataire relative à la loterie et au loto;
qu’en avril 1991, M. X… ne s’étant pas acquitté de redevances dues au Groupement d’intérêt économique Prelo (le GIE), organe intermédiaire entre la Française des jeux et les courtiers, celui-ci a, d’un côté, demandé à La Française des jeux de ne livrer désormais M. X… que moyennant une caution bancaire et, d’un autre côté, pratiqué une saisie arrêt sur les comptes de M. X…;
que, pour remplir le GIE de ses droits, M. X… a fait part à La Française des jeux de son intention de céder une partie de son portefeuille;
que La Française des jeux ayant refusé cette proposition, M. X… l’a assignée en paiement de dommages-intérêts au motif que La Française des jeux l’avait contraint à céder la totalité de sa concession, bien que le produit de la cession partielle eût été suffisant pour désintéresser le GIE ;
Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches :
Attendu que La Française des jeux reproche à l’arrêt d’avoir accueilli cette demande alors, selon le pourvoi, d’une part, que la renonciation à un droit ne se présume pas et ne peut résulter que d’actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer;
que la cour d’appel, pour juger fautives les conditions dans lesquelles un mandant avait imposé à son mandataire la cessation totale de son activité, a retenu que ce mandant qui admettait une cession du portefeuille du mandataire ne pouvait se prévaloir des dispositions lui accordant une faculté de résiliation pour imposer certaines modalités à la cession, et qu’en acceptant de discuter d’une cession, le mandant s’était placé dans le cadre des dispositions de l’article 14 du contrat relatives à la cession, et avait choisi de se placer hors du cadre de l’article 16 concernant la résiliation pour inexécution;
qu’en statuant ainsi, sans caractériser un acte manifestant sans équivoque la volonté du mandant de renoncer à se prévaloir des manquements de son mandataire à l’inexécution de ses obligations, la cour d’appel a violé l’article 1134 du Code civil;
alors, d’autre part, que l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties;
que la cour d’appel, qui a estimé que La Française des jeux ne pouvait se prévaloir des dispositions contratuelles lui accordant une faculté de résiliation, bien que M. X… se soit borné à soutenir que La Française des jeux avait abusivement rompu l’équilibre contractuel en lui opposant une exception d’inexécution de manière excessive, a violé l’article 4 du nouveau Code de procédure civile;
alors, de plus, que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction;
que la cour d’appel qui a retenu que La Française des jeux, en envisageant la cession du portefeuille de son cocontractant, prévue par l’article 14 du contrat, ne pouvait se prévaloir des stipulations lui accordant un droit de résiliation pour inexécution des obligations de son cocontractant, sans inviter les parties à s’expliquer contradictoirement sur ce moyen, a violé l’article 16 du nouveau Code de procédure civile;
et alors, enfin, que les conventions doivent être exécutées de bonne foi;
que la cour d’appel, qui a estimé qu’un mandant avait agi de mauvaise foi en subordonnant l’autorisation de cession partielle du portefeuille de son mandataire à l’apurement, impossible, des dettes de ce dernier et en imposant ainsi une cession totale, tout en constatant que l’inexécution des obligations du mandataire autorisaient le mandant à résilier le contrat, a violé l’article 1134, alinéa 3, du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, que, dans ses conclusions d’appel, La Française des jeux exposait, à plusieurs reprises, que le retard de paiement de M. X… “aurait justifié la résiliation” prévue à l’article 16 de la convention liant les parties mais qu’”alors qu’elle en aurait eu le droit”, elle “n’a pas résilié le contrat”;
que l’arrêt en déduit exactement, par un motif qui ne fait pas l’objet d’un grief de dénaturation, que la renonciation à appliquer les conséquences découlant de la résiliation “ressort des écritures” mêmes de La Française des jeux ;
Attendu, en second lieu, qu’ayant exclu de l’objet du litige les dispositions contractuelles de l’article 16 relatives à la résiliation pour se placer dans le cadre de l’article 14 relatif à la cession, La Française des jeux est mal fondée à invoquer les griefs des deuxième et troisième branches ;
Attendu, enfin, que les fautes du mandataire ne privaient pas les juges d’appel de rechercher la réalité de celles invoquées contre le mandant ;
D ‘où il suit que la cour d’appel a légalement justifié sa décision et que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le second moyen :