Jeux et Paris > Litiges : 19 février 2019 Cour d’appel de Paris RG n° 17/02990

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Jeux et Paris > Litiges : 19 février 2019 Cour d’appel de Paris RG n° 17/02990
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19 février 2019
Cour d’appel de Paris
RG n°
17/02990

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 3

ARRÊT DU 19 Février 2019

(n° , 07 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 17/02990 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B2YA7

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Janvier 2017 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS RG n° 15/08186

APPELANTE

SNC [J] [A]

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Me Florence AGOSTINI BEYER, avocat au barreau de PARIS, toque : D1837

INTIMEE

Madame [L] [R] épouse [T]

[Adresse 2]

[Localité 2]

née le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 1]

représentée par Me Patrick CHADEL de la SCP MOREL CHADEL MOISSON, avocat au barreau de PARIS, toque : P0105

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 10 Décembre 2018, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Laurence SINQUIN, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Daniel FONTANAUD, Président de chambre

Madame Roselyne NEMOZ, Conseillère

Madame Laurence SINQUIN, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Valérie LETOURNEUR, lors des débats

ARRET :

– contradictoire

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

– signé par Monsieur Daniel FONTANAUD, Président et par Madame Valérie LETOURNEUR, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [L] [R] épouse [T] a été engagée par Monsieur [R] , à compter du 1er octobre 1993 puis par la SNC GERARD [A] en 2012, en qualité d’adjointe de courtier, au salaire mensuel brut de 4500 euros plus un variable.

Elle a été licenciée par courrier du 27 avril 2015. La lettre de rupture était rédigée dans les termes suivants :

‘ Après l’entretien préalable auquel vous avez été convoquée puis reçue le 1 avril 2015 en présence d’un Conseiller du salarié, nous ne pouvons envisager d’autre solution que de vous notifier votre licenciement pour faute grave.

Vous avez esquivé toute réponse ou refusé de répondre aux différents griefs qui vous ont été opposés ce qui ne peut que nous conforter dans notre décision.

Je vous rappelle, si nécessaire, que vous avez été embauchée le 1er octobre 1993 par Monsieur [V] [R] en qualité d’adjointe principale.

Lorsque votre père a cessé son activité et que la FDJ m’a confié un contrat reprenant son secteur géographique d’activité, j’ai repris votre contrat de travail ainsi que celui de quatre de vos collègues commerciaux à effet du 19/11/2012.

Profitant de la grande clémence dont vous avez largement bénéficié sous la direction de votre père, vous vous êtes arrogée un certain nombre d’avantages ou de facilités, vous plaçant « au-dessus ” de vos collègues, qu’il s’agisse de la simple discipline ou de l’organisation du travail.

En votre qualité d’Adjointe à la Direction Commerciale, il vous appartenait d’assurer le management des 4 collaborateurs de la Direction des Ventes ainsi que la mise en place de la politique commerciale.

Je vous ai proposé un contrat définissant vos fonctions afin de vous faciliter l’organisation de vos différentes tâches : vous avez refusé de le signer, sans aucune explication, laissant la quasi totalité de ces tâches aux membres de votre équipe sans aucune directive de votre part.

Au cours des derniers mois et plus précisément mi-février, vous avez systématiquement refusé de signer tout document, mais plus particulièrement les comptes rendus hebdomadaires. Vous avez adopté une attitude négative et de retrait confirmant votre désintérêt pour votre travail et le fonctionnement de l’entreprise, une fois de plus le 2 mars dernier devant l’ensemble de vos collègues mais auparavant les exemples sont multiples.

C’est ainsi que vous avez déposé un livret de GOAL chez un détaillant le jour même de sa fin de validité.

Vous n’ignorez pas les conséquences désastreuses qui auraient pu se produire si les tickets avaient été mis en vente alors qu’ils étaient non payables. Vous n’ignorez pas non plus que nos obligations envers la Française des jeux et qu’un manquement d’une telle importance auraient inéluctablement entraîné une prévarication à notre contrat et l’indemnisation du préjudice causé aux clients et par conséquence à notre mandant.

Lors du remplacement de votre collègue Monsieur [N] [L] mi-février, deux enquêtes SAPHIR programmées par la Française des Jeux n’ont pas été restituées.

Lors de la tournée du 14 février 2015, aucun bandeau NOVEO n’a été distribué aux détaillants.

Vous ne mesurez pas l’effet négatif de telles négligences vis-à-vis de notre mandant auprès duquel nous devons nous justifier pour ces manquements ainsi qu’auprès des revendeurs qui peuvent voir leur activité interrompue faute de consommables par exemple, ce qui s’est malheureusement déjà produit.

Nous avons évité, jusqu’à ce jour, des conséquences irréversibles essentiellement en raison de la vigilance de vos collègues, iesqueîs ont suppléè quotidiennement à vos manquements et à votre mauvaise volonté.

C’est ainsi que Monsieur [N] [I] a tenté de vous former sur l’ensemble des logiciels devant être utilisés, malheureusement il n’a pu que déplorer l’absence de tout effort de votre part puisque tous les 15 jours environ, il fallait recommencer et de surcroît dès qu’une modification apparaissait (logiciel SGI) vous abandonniez purement et simplement.

C’est aussi ce que vous avez fait avec FORMABOX au cours des 3 derniers mois.

Ce manque d’intérêt et de sens des responsabilités, vous l’avez également manifesté en omettant de procéder au cours du 1er trimestre à la réévaluation annuelle des cautions ce qui ne peut qu’entraîner notre responsabilité financière en cas de défaillance d’un détaillant.

Par ailleurs, nous nous interrogeons encore à ce jour pour tenter de comprendre pourquoi vous avez restitué 3 chèques de clôture pour congés aux détaillants qui les avaient émis alors qu’ils accompagnaient le bordereau de remise en banque.

Vous avez été incapable d’assurer correctement la mise en place d’une formation en indiquant une date erronée.

Ainsi votre activité commerciale, non seulement se révèle nulle, mais négative, ainsi que le révèle la diminution du parc client.

Non seulement vous n’avez fait aucune véritable prospection mais vous avez eu l’aplomb et la

malhonnêteté d’ironiser sur mes visites à la clientèle, ou plutôt l’absence de visite alors que j’ai dû multiplier celles-ci afin de pallier à votre carence.

Vous n’avez pas été plus compréhensive envers vos collègues qui ont dû, pendant des années, « ajuster ” leurs périodes de vacances aux vôtres dans la mesure où vous les avez toujours imposées sans la moindre concession.

L’ensemble de ces faits et comportements, leur réitération depuis des semaines compromet gravement le bon fonctionnement de notre entreprise et sa pérennité et constitue une faute grave, ils contreviennent au cahier des charges qui nous est imposé par la Française Des Jeux et peut

entraîner une rupture unilatérale du contrat à nos torts et griefs.

Nous ne pouvons ainsi prendre le risque de compromettre la survie de l’entreprise et des salariés qui se dévouent quotidiennement pour assurer son bon fonctionnement.

Votre licenciement prendra effet à la date d’envoi de la présente…’

Madame [T] a contesté son licenciement et a saisi le conseil de prud’hommes.

Par jugement du 27 janvier 2017, le conseil de prud’hommes de Paris a requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse, a fixe le salaire moyen à 7227,07 euros et a condamné la SNC GERARD [A] au paiement de :

– 5208,25 euros à titre de rappel de salaire et de congés payés afférents,

– 21681,23 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents,

– 151768 euros à titre d’indemnité de licenciement,

– 131046 euros au titre de la clause de non-concurrence,

– 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les intérêts et les dépens.

Il a débouté les parties pour le surplus.

La SNC GERARD [A] a relevé appel de cette décision.

Par conclusions récapitulatives auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la SNC GERARD [A] demande à la cour d’infirmer la décision de rejeter l’ensemble des demandes de Madame [T], d’ordonner le remboursement des sommes versées au titre de l’exécution provisoire soit 65043,63 euros et de condamner Madame [T] à 2000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par conclusions récapitulatives auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, Madame [T] sollicite la confirmation du jugement concernant les condamnations prononcées à l’encontre de la société à l’exception de celles formées au titre des frais irrépétibles et l’infirmation s’agissant du licenciement. Elle estime son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et sollicite la somme de 86’724 euros à titre de dommages-intérêts outre 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.

La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

MOTIFS

Sur la procédure de licenciement

Madame [T] soutient que le licenciement serait sans cause réelle et sérieuse en raison du non-respect par l’employeur du délai d’un mois entre la date d’entretien préalable et la notification du licenciement.

Il résulte des pièces communiquées par les parties que l’entretien préalable prévu le 24 mars 2015 a été reporté par l’employeur et qu’une nouvelle convocation a été régulièrement adressée à la salariée pour un entretien préalable au 1er avril 2015

L’employeur fait valoir que le report de l’entretien préalable a bien été fait à son initiative mais dans l’intérêt de la salariée qui lui avait notifié un arrêt travail pour maladie du16 au 29 mars 2015.

Toutefois, le délai d’un mois n’est pas suspendu ni interrompu par la période de suspension du contrat de travail durant un arrêt maladie.

Par ailleurs, Madame [T] justifie s’être déplacée avec son conseiller le 24 mars 2015 sans que le responsable de la société en charge du licenciement ait été présent et l’ait avisé à cette date, du report l’entretien préalable.

Le décompte du délai réglementaire d’un mois entre l’entretien préalable et la notification du licenciement doit donc courir à compter de la date du premier entretien préalable régulièrement notifié soit le 24 mars 2015 et le licenciement disciplinaire intervenu plus d’un mois plus tard doit être considéré comme sans cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes relatives à l’indemnité de licenciement l’indemnité de préavis et de congés payés y afférents et la demande de rappel de salaire sur la mise à pied

La Cour constate que ces demandes contestées au fond, ne sont pas contestées dans leur montant. La décision des premiers juges sur ce point sera donc également confirmée.

Sur la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Au vu de l’ensemble des éléments versés aux débats, compte tenu du fait que Madame [T] a plus de 21 ans d’ancienneté et que la SNC occupait habituellement au moins onze salariés au moment du licenciement, la Cour dispose des éléments nécessaires et suffisants pour fixer à 86724 euros le montant de la réparation du préjudice subi en application de l’article L.1235-3 du code du travail.

Sur la clause de non-concurrence

Une simple entrave à la liberté du travail n’entraîne pas la nullité de la clause de non-concurrence dès lors qu’elle est justifiée par l’intérêt de l’entreprise et n’a pas pour effet de créer pour le salarié une impossibilité de retrouver une activité conforme à sa formation.

La clause doit être justifiée par les intérêts légitimes de l’entreprise ; elle doit laisser au salarié la possibilité d’exercer normalement l’activité qui lui est propre ; elle doit être limitée dans le temps ou dans l’espace ; enfin, elle doit comporter l’obligation pour l’employeur de verser au salarié une contrepartie financière. Ces conditions sont cumulatives.

Madame [T] fait valoir que dans le cadre de l’avenant à son contrat de travail, il existe une interdiction rémunérée par une indemnité égale à un mois de la dernière rémunération mensuelle versée pendant une durée de deux ans et que l’employeur ayant mis fin à cette clause de non-concurrence par un courrier du 23 juillet 2015, il lui est redevable d’une somme de 131046 euros.

La société considère que la clause de non concurrence n’est pas valable et sollicite le rejet de la demande.

Le contrat de travail signé le 20 décembre 2010 entre Monsieur [R] et Madame [T] prévoit : « La contractante s’engage à conserver la confidentialité la plus absolue sur l’ensemble des renseignements qu’elle pourrait recueillir à l’occasion de ses fonctions ou du fait de sa présence dans l’entreprise.

L’obligation de confidentialité mentionnée par la présente clause continuera de s’appliquer après l’expiration du présent contrat quelque soit le mode de rupture.

Elle s’engage particulièrement ne pas entrer directement ou indirectement au service d’une entreprise concurrente. Cette obligation s’appliquera pendant une durée de deux ans à compter de l’expiration du présent contrat.

Cette interdiction s’étendra aux départements de la région parisienne où [V] [R] exerce son activité.

En cas de violation de cette obligation, l’entreprise sera en droit de réclamer outre la cessation immédiate de l’activité litigieuse, le versement de dommages-intérêts au titre de la réparation du préjudice.

En contrepartie de cette obligation et durant toute la période couverte par l’interdiction, l’employeur s’engage à verser au salarié, après l’expiration du contrat, une indemnité mensuelle égale à la rémunération mensuelle brute moyenne, comprenant le salaire fixe augmenté des éventuelles heures supplémentaires et primes perçues par le salarié au cours des 12 derniers mois précédant la rupture.’ »

Il est constant que par un courrier du 23 juillet 2015, l’entreprise a fait cesser l’application de la clause.

L’activité particulière de la société SNC GERARD [A] comme courtier mandataires de la Française des jeux permet d’estimer que cette clause de non concurrence, établit entre le père et sa fille, n’avait pas comme objectif de protéger les intérêts de la société et doit être déclarée sans objet.

En effet, il ressort des éléments du débat que les courtiers mandataires de la Française des jeux ont l’exclusivité de la distribution des produits Françaises des jeux dans un secteur géographique bien déterminé et que les concurrents potentiels des courtiers mandataires sont d’autres courtiers mandataires, seuls habilités à distribuer les produits Française des jeux dans leur secteur d’attribution. Chacun ayant l’exclusivité de la distribution dans le cadre d’une sectorisation déterminée, il ne peut y avoir de concurrence entre eux.

Dans ces circonstances, la demande devra être rejetée.

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement, mais seulement en ce qu’il a déclaré le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, a rejeté la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et fait droit à la demande de clause de non concurrence ;

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés ;

DIT que le licenciement de Madame [T] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la SNC GERARD [A] à payer à Madame [T] la somme de 86’724 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

DEBOUTE Madame [T] de sa demande au titre de la clause de non-concurrence ;

CONFIRME le jugement en ses autres dispositions ;

DIT que les condamnations au paiement de créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes et que les condamnations au paiement de créances indemnitaires porteront intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition du présent arrêt ;

VU l’article 700 du code de procédure civile ;

INFIRME le jugement concernant la condamnation prononcée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en constatant que Madame [T] n’a pas sollicité la confirmation de la demande au titre des frais irrépétibles prononcée en première instance ;

CONDAMNE la SNC[J] [A] à payer à Madame [T] en cause d’appel la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties du surplus des demandes ;

CONDAMNE la SNC GERARD [A] aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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