Exclusivité : 23 mai 2002 Cour de cassation Pourvoi n° 00-30.181

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Exclusivité : 23 mai 2002 Cour de cassation Pourvoi n° 00-30.181
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23 mai 2002
Cour de cassation
Pourvoi n°
00-30.181

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-trois mai deux mille deux, a rendu l’arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller DESGRANGE, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, de Me COPPER-ROYER et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour ;

Vu la communication faite au Procureur général ;

Statuant sur les pourvois formés par :

– Z… Robert,

– C… Raymonde, épouse Z…,

– La SOCIETE DEMART PRO ARTE BV

-A…Jean-Pierre,

contre l’ordonnance du président du tribunal de grande instance de PARIS, en date du 31 janvier 2000, qui a autorisé l’administration des Impôts à effectuer des opérations de visite et saisie de documents, en vue de rechercher la preuve d’une fraude fiscale ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits ;

I-Sur la recevabilité du pourvoi formé le 14 février 2000, par la société Demart Pro Arte BV ;

Attendu que la société Demart Pro Arte BV ayant épuisé, par l’exercice qu’elle en a fait le 11 février 2000, le droit de se pourvoir contre l’ordonnance attaquée, était irrecevable à se pourvoir à nouveau contre la même décision ; que seul est recevable le pourvoi formé le 11 février 2000 ;

II-Sur le pourvoi formé par Jean-Pierre A…;

Vu l’article 606 du Code de procédure pénale ;

Attendu que l’administration des Impôts n’a pas effectué la visite des locaux occupés par le demandeur, que l’ordonnance attaquée l’avait autorisée à faire avant le 11 février 2000 ;

D’où il suit que le pourvoi est devenu sans objet ;

III-Sur les pourvois formés le 11 février 2000 par la société Demart Pro Arte BV et le 10 février 2000 par Robert et Raymonde Z… ;

Sur le premier moyen de cassation commun à Robert et Raymonde Z… et à la société Demart Pro Arte BV qui fait grief à l’ordonnance attaquée d’avoir autorisé les perquisitions et saisies sollicitées, aux domiciles et dans les locaux professionnels de plusieurs personnes et sociétés, et notamment dans des locaux susceptibles d’être occupés par Robert et Raymonde Z… et/ ou les sociétés Demart Pro Arte BV et Cofinluxe ;

” aux motifs que les pièces produites à l’appui de la requête ont une origine apparemment licite et qu’elles peuvent être utilisées pour la motivation de la présente ordonnance ; que le journal des Arts n° 15 de juin 1995 fait état de la chronologie de la succession de Salvador Y… (pièces n° 1) ; que Robert Z… et son épouse sont locataires d’un appartement au…, adresse où il exerce également une activité d’auteur photographe illustrateur (pièces n° 2-1, 2-2, 2-3) ; que les bénéfices imposables de cette activité non commerciale se sont élevés à 945 868 francs en 1996, 1 450 407 francs en 1997 et 1 430 006 francs en 1998 ; que la société Demart Pro Arte BV est une société de droit néerlandais dont le siège est à Amsterdam Fred Roeskestraat 123 et l’objet ” exploitation de droits incorporels, le développement de la culture au travers d’études ” (pièces n° 3-1) ; que cette société a déclaré une succursale en Suisse, Meryn,… ; que Robert Z… est l’un des administrateurs, (pièces n° 3-2-2) ; que la société Demart Pro Arte BV a déposé en France auprès de l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI), 10 marques dont la dernière enregistrée en mars 1998 sous le nom de ” Y… Monumental “, produits de parfumerie (pièce n° 8) ; que la marque ” Le Roy Soleil ” a été codéposée le 3 mai 1993 par la société Demart Pro Arte BV et la Compagnie Française de Commerce International Cofci,… à 75017 Paris (pièce n° 8) ; que par acte du 6 janvier 1994 dénommé ” Usufruit de la Concession de Droits Salvador Y… “, la société Demart Pro Arte BV a transféré à la société Cofci SA, l’usufruit des droits exclusifs pour la commercialisation de produits estampillés Salvador Y… dans le domaine de la parfumerie (pièces n° 6 et 5-1) ; qu’il est précisé dans le document d’usufruit de la concession que par acte sous seing privé en date du 13 juin 1986 Salvador Y… a cédé à Demart Pro Arte BV, l’intégralité de ses droits de propriété intellectuelle pour une période qui expirera le 11 mai 2004 (pièce n° 6) ; qu’aux termes de cette convention, Cofci SA verse à Demart Pro Arte BV une redevance proportionnelle hors taxes égales à 5 % pour les premiers 3 millions de dollars de chiffres d’affaires (CA), 4 % du chiffres d’affaires entre 3 et 5 millions de dollars, 3 % pour le chiffres d’affaires excédant 5 millions de dollars (pièce n° 6) ; que la société Demart Pro Arte BV perçoit des redevances, royalties, de la société française Cofci SA dont le siège est à… (pièce n° 4) ; que le montant de redevances royalties versées par Cofci SA à Demart Pro Arte BV se sont élevées à 5 490 407 francs en 1996 et 5 696 084 francs en 1997 (pièce n° 4) ; qu’à
la suite d’une opération de fusion intervenue le 10 septembre 1998 avec effet rétroactif au 1er janvier 1998 la société Cofci SA (Compagnie Française de Commerce International) représentée par Jean-Pierre A…(PCA) a absorbé la société holding Cofinlux domiciliée à la même adresse, dont elle a conservé la dénomination sociale (pièces n° 5-1 et 5-7), que la société SA COFINLUX poursuit les activités de la Cofci SA à savoir, le commerce de tous produits cosmétiques, d’hygiène, de parfumerie et de tous autres articles de même nature que le président du Conseil d’administration est toujours Jean-Pierre A…(pièces n° 5-1) ; que depuis 1998, Jean-Pierre A…est domicilié… (pièces n° 5-3) ; que Jean-Pierre A…est propriétaire occupant d’un appartement au… à 75005 Paris (pièces n° 5-4) ; qu’en 1995, Cofci SA a par ailleurs versé des honoraires à la SARL ” Z… et Z… sise à Azay-Le-Rideau ; que les associés de cette société créée en novembre 1994 sont Robert Z… et son épouse née Raymonde C…, Nicolas et Olivier Z… (pièces n° 7-1-1) ; que cette société familiale a pour objet la réalisation et l’édition d’ouvrages dans le domaine littéraire et artistique, la défense de tous droits de propriété littéraire et artistique et pour gérant Nicolas Z…, domicilié actuellement… à 92130 Issy les Moulineaux (pièces n° 7-1-2 et 7-3) ; que Nicolas Z… est dirigeant de la société Demart Pro Arte BV depuis 1998 (pièces n° 3-1) ; que les informations parues dans la presse concernant la cession des droits patrimoniaux de Salvador Y… à la société Demart Pro Arte BV sont confirmés par le protocole d’accord du 6 janvier 1994 (pièces n° 1 et 6) ;

que ce protocole d’accord a été signé par Robert Z… et Ferdinand D…, mandataires sociaux représentants la société Demart Pro Arte BV (pièce n° 6) ; qu’il est noté que la société Demart Pro Arte BV perçoit toujours des redevances en vertu de ce protocole d’accord, et ce malgré la dénonciation de l’accord Demart/ Z…-Y… par l’Etat espagnol en septembre 1994 (pièces n° 1 et 4) ; que Robert Z… qui détient ainsi le pouvoir de représentation de la société Demart Pro Arte BV, reçoit à son adresse personnelle et professionnelle du… du courrier au nom de ladite société (pièce n° 9) ; que la société Demart Pro Arte BV poursuit toujours son activité de gestion et de perception des droits patrimoniaux attachés à Salvador Y… ; que le rôle de Robert Z… paraît déterminant dans la création et la direction de cette société qui est ainsi présumée disposer en France de son centre décisionnel ; que la société Demart Pro Arte BV n’est pas fiscalement connue en France (pièce n° 10) ; que Robert Z… est propriétaire occupant d’une résidence sis à l’adresse :… (pièce n° 11-1) ; que Robert Z… et Nicolas Z… occupent également une résidence dont ils sont propriétaires au… à 37 Azay le Rideau (pièces n° 11-2) ; qu’ainsi la société de droit néerlandais Demart Pro Arte BV est présumée exercer une activité professionnelle occulte en France ;

” alors que l’article L. 16 B du Livre des procédures fiscales fait obligation à l’Administration de fournir tous les éléments d’information en sa possession, susceptibles d’influer sur l’appréciation du bien fondé de la demande, au président du tribunal de grande instance ; que, notamment, l’Administration qui sollicite l’autorisation d’effectuer plusieurs perquisitions simultanément, pour établir les mêmes infractions à l’encontre des mêmes personnes, dans le cadre de la même enquête, auprès de plusieurs présidents de tribunaux de grande instance, ne saurait dissimuler à l’un quelconque d’entre eux l’existence des autres requêtes et décisions, ces éléments d’information étant de nature à influer sur l’appréciation que chacun des présidents de tribunaux de grande instance saisis doit porter sur le bien fondé des infractions présumées et sur l’opportunité de visiter les locaux visés par la requête ; qu’en l’espèce, l’administration fiscale avait sollicité, auprès de deux présidents de tribunaux de grande instance différents, deux ordonnances autorisant des perquisitions dans plusieurs locaux, pour la preuve des mêmes infractions, prétendument commises par les mêmes personnes ; qu’il ne résulte pas de l’ordonnance attaquée, qui doit faire par elle-même la preuve de sa régularité, que le président du tribunal de grande instance avait été informé de ce que les perquisitions sollicitées s’inscrivaient dans le cadre d’une enquête unique et qu’une autre juridiction était saisie d’une requête identique, l’ensemble de ces requêtes tendant à l’exercice d’un droit de visite simultané dans plusieurs locaux différents ; qu’ainsi, l’autorisation a été délivrée sur une demande qui ne répond pas aux prescriptions légales et ne satisfait pas aux exigences du texte susvisé ” ;

Attendu que les motifs et le dispositif de l’ordonnance sont réputées avoir été établis par le juge qui l’a rendue et signée ; que la circonstance que des décisions distinctes, rédigées dans les mêmes termes et visant les mêmes contribuables, aient été rendues par d’autres magistrats dans les limites de leur compétence, sur requêtes analogues de l’administration, est sans incidence sur la régularité de l’ordonnance attaquée ;

D’où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;

Sur le deuxième moyen de cassation commun à Robert et Raymonde Z… et à la société Demart Pro Arte BV qui fait grief à l’ordonnance attaquée d’avoir autorisé les perquisitions et saisies sollicitées, aux domiciles et dans les locaux professionnels de plusieurs personnes et sociétés, et notamment dans des locaux susceptibles d’être occupés par Robert et Raymonde Z… et/ ou les sociétés Demart Pro Arte BV et Cofinluxe ;

” aux motifs que l’administration fiscale présente à l’appui de sa requête des pièces dont l’origine est apparemment licite et qui peuvent être utilisées pour la motivation de la présente ordonnance ;

” et aux motifs que Robert Z… qui détient ainsi le pouvoir de représentation de la société Demart Pro Arte BV, reçoit à son adresse personnelle et professionnelle du… du courrier au nom de ladite société ;

” 1) alors que le président du tribunal de grande instance qui autorise l’exercice d’un droit de visite en vertu de l’article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, ne peut fonder sa décision sur des éléments d’information qui n’ont pas été obtenus et ne sont pas détenus par l’administration fiscale de manière apparemment licite ; que toute personne a droit au respect du secret de sa correspondance, la protection de cette liberté fondamentale s’étendant à l’identité du destinataire d’une lettre missive ; qu’en se fondant, pour autoriser les perquisitions et saisies sollicitées, sur des éléments d’information relatifs aux destinataires des lettres reçues à l’adresse de Robert Z…, que l’administration fiscale avait obtenu auprès des services de la Poste, en violation du secret de la correspondance, le président du tribunal de grande instance s’est référé à des documents dont l’administration requérante ne justifiait pas d’une obtention et d’une détention licites, et a violé l’article L. 16 B du Livre des procédures fiscales et l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

” 2) alors qu’en se référant, pour autoriser les perquisitions et saisies sollicitées, à un courrier (prod. n° 1) adressé par l’administration fiscale à la Direction de la Poste de Paris 6, et à la ” réponse de la Poste sur ladite demande “, pour affirmer que ” Robert Z… (…) reçoit à son adresse personnelle et professionnelle du…, du courrier au nom ” de la société Demart Pro Arte BV, le président du tribunal de grande instance a dénaturé ce document qui se borne à mentionner, au sujet de l’adresse de Robert Z…, les mots ” adresse confirmée “, en violation de l’article 1134 du Code civil ” ;

 


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