Exclusivité : 8 février 2005 Cour de cassation Pourvoi n° 04-13.104

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Exclusivité : 8 février 2005 Cour de cassation Pourvoi n° 04-13.104
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8 février 2005
Cour de cassation
Pourvoi n°
04-13.104

Attendu, selon l’arrêt déféré (Paris, 28 janvier 2004), que la société TF1 Télévision Française 1 (TF1), cessionnaire des droits d’exploitation des matchs de la Coupe du monde de football 2002, a assigné la société l’Equipe TV (l’Equipe TV) afin qu’il soit jugé que celle-ci ne pourrait procéder à plus de quatre diffusions par jour dans des émissions d’information d’extraits dont la durée ne dépasserait pas une minute trente secondes par journée de compétition et trente secondes par match, et qu’elle soit condamnée à réparer le préjudice subi par la diffusion d’images d’ores et déjà “multidiffusées” ;

Sur le premier moyen :

Attendu que l’Equipe TV reproche à l’arrêt d’avoir jugé que dans le cadre de la multidiffusion, le droit à l’information sera respecté en limitant la diffusion d’un bref extrait à un passage toutes les quatre heures par périodes de vingt quatre heures et de l’avoir condamnée à payer à TF1 la somme de 400 000 euros en réparation du préjudice subi par les multidiffusions, alors, selon le moyen :

1 / que selon l’article 18-2, alinéa 2, de la loi du 16 juillet 1984, les services de communication audiovisuelle non cessionnaires de droits d’exploitation peuvent diffuser de brefs extraits librement choisis par eux et prélevés à titre gratuit parmi les images du ou des services cessionnaires ; que selon l’alinéa 3 de ce même texte, ces extraits sont diffusés gratuitement au cours des émissions d’information ; qu’enfin, selon l’alinéa 6 de ce même texte, un décret en Conseil d’Etat, après avis du conseil supérieur de l’audiovisuel, fixe, en tant que de besoin, les conditions d’application du présent article ; que, pour la mise en oeuvre de ce texte, il n’existe qu’un seul usage, supplétif du texte réglementaire, prévoyant, en matière de football, de limiter le recours au “bref extrait” à la diffusion d’images d’une durée d’une minute trente secondes par jour de compétition et de trente secondes par match ; qu’en revanche, concernant la diffusion de brefs extraits au cours d’émissions d’information, aucun texte légal ou réglementaire, ni aucun usage ne distingue selon que ces extraits sont diffusés une seule fois ou rediffusés plusieurs fois par jour avec le bulletin d’information dans lequel ils sont insérés ; qu’en estimant que ces rediffusions appelaient une intervention du Juge pour en limiter le nombre, la cour d’appel a ajouté à l’article 18-2 de la loi du 16 juillet 1984, une condition qu’il ne prévoit pas et l’a violé par fausse application ;

2 / que l’article 18-2 de la loi du 16 juillet 1984, consacrant le droit à l’information des services non cessionnaires de droits d’exploitation, est d’ordre public ; qu’en conséquence, la cour d’appel ne pouvait tirer aucun argument du fait que la convention signée entre TF1 et la société Kirch Média, ou encore un règlement privé émanant du Comité International olympique, auraient comporté des stipulations aboutissant à restreindre le temps de diffusion de résumés des épreuves dans le cadre du droit à l’information, pour imposer à l’Equipe TV des limitations à l’exercice d’un droit reconnu et protégé par la loi, sauf à violer le texte susmentionné et l’article 6 du Code civil ;

3 / que la cour d’appel ayant, dans les motifs de sa décision, justifié la limitation qu’elle posait par des considérations propres à la coupe du monde de football 2002 et à son mode de déroulement (nombre de matches journaliers, clauses de la convention passée par TF1 concernant les droits de retransmission) elle ne pouvait, dans son dispositif, poser une règle générale concernant la multidiffusion dans laquelle toute référence à cette compétition était supprimée, sauf à prendre une mesure restrictive d’un droit excédant le champ des motifs pour lesquels elle l’ordonnait, en violation des textes sus-invoqués ;

4 / qu’en statuant ainsi, la cour d’appel, qui a posé une norme générale de multidiffusion, limitant la diffusion d’un “bref extrait” à un passage toutes les quatre heures quel que soit le type de manifestation sportive concernée, a rendu un arrêt de règlement, en violation de l’article 5 du Code civil ;

5 / que si la cour d’appel estimait que la mise en oeuvre de la notion de “bref extrait” à propos de la pratique de la multidiffusion appelait une norme technique d’application, il lui revenait d’inviter TF1 à mieux se pourvoir soit en saisissant le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, soit le Ministre compétent, soit encore la juridiction administrative, aux fins de tirer les conséquences de l’inexécution par l’Etat de son obligation de prendre les règlements d’application prévus, en tant que de besoin, par l’article 18-2 de la loi du 16 juillet 1984 ; qu’en suppléant d’elle-même à la carence de l’administration, la cour d’appel a commis un excès de pouvoir et violé, outre les articles 18-2 de la loi du 16 juillet 1984 et 5 du Code civil, les articles 92 et 96 du nouveau Code de procédure civile, ensemble la loi des 16 et 24 août 1790 ;

6 / qu’en énonçant “que le recours aux brefs extraits prévus par la loi ne saurait avoir pour finalité de permettre l’exploitation d’une chaîne dite d’information dont la substance essentielle reposerait, en terme d’images, sur une appropriation des investissements d’autrui” sans caractériser en l’espèce le fait que l’exploitation de la chaîne Equipe TV reposerait sur l’appropriation des investissements de TF1, la cour d’appel qui, s’est déterminée par voie de disposition générale, a privé sa décision de base légale au regard des articles 18-2 de la loi du 16 juillet 1984 et 1382 du Code civil ;

7 / que l’insertion de brefs extraits dans une émission d’information, cette dernière serait-elle intégralement composée d’extraits de cette nature, est exclusive d’une atteinte aux droits du cessionnaire des droits d’exploitation ; que la cour d’appel, qui n’a pas constaté que l’Equipe TV aurait exploité les brefs extraits dans des émissions autres que des journaux d’information, a privé sa décision de base légale au regard des articles 18-2 de la loi du 16 juillet 1984 et 1382 du Code civil ;

Mais attendu que, tenue d’interpréter l’article 18.2 de la loi du 16 juillet 1984, dans sa rédaction applicable en la cause, qui ne définit pas le contenu de la notion de diffusion de brefs extraits qu’il autorise, la cour d’appel a, sans excéder ses pouvoirs ni poser une norme générale, mais par une appréciation des circonstances de l’espèce, retenu qu’elle devait donner de la notion de “brefs extraits” une interprétation stricte en limitant la diffusion à un bref extrait toutes les quatre heures par périodes de vingt quatre heures ; qu’elle a ainsi, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par les deuxième et sixième branches, légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que l’Equipe TV fait encore le même reproche à l’arrêt, alors, selon le moyen :

1 / que l’article 1er du Protocole additionnel de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme reconnaît à chacun le droit au respect de ses biens ; que constitue un bien, au sens de ce texte, la détention d’une autorisation d’exercer certaines activités économiques accordée par l’Etat ; qu’en l’espèce, aux termes d’une convention passée le 19 mars 1998 entre le Conseil supérieur de l’audiovisuel et l’Equipe TV, cette dernière était habilitée à éditer un service de télévision diffusé par satellite et distribué par câble dont le programme était ainsi défini : “le thème central de programmation du service est l’information sportive. Ce programme est principalement destiné à tous les publics. La grille de programme figure en annexe de la présente convention” ; qu’en limitant à un passage toutes les quatre heures seulement les diffusions de “brefs extraits” d’images autorisées par l’article 18-2 de la loi du 16 juillet 1984, la cour d’appel qui a aligné ainsi le format de l’information diffusée par l’Equipe TV sur celui des chaînes généralistes, a méconnu la spécificité de ce service audiovisuel et l’a privé du bénéfice de l’habilitation ministérielle l’autorisant à diffuser de l’information sportive en continu, en violation outre du texte susvisé, de l’article 18-2 de la loi du 16 juillet 1982 ;

2 / que l’exercice d’un droit exclusif, tel que celui conféré par la cession à TF1 des droits exclusifs de diffusion en France des matchs de la coupe du monde de football, ne saurait faire obstacle à l’apparition d’un produit nouveau ou à l’arrivée de nouveaux entrants sur un marché ;

qu’en l’espèce, la société l’Equipe TV expliquait dans ses écritures, sans être sérieusement contestée à cet égard, que, comme c’est le plus souvent le cas pour les événements sportifs majeurs, les termes du contrat conclu entre la société Kirch Média et TF1 lui interdisaient de se porter acquéreur de droits de diffusion, fût-ce dans le seul but d’alimenter ses émissions d’information et qu’en conséquence, exiger d’elle qu’elle apporte une contribution en contrepartie d’une multidiffusion de “brefs extraits” revenait à lui demander de se porter acquéreur des droits exclusifs de diffusion, pour un montant de 168 millions d’euros qu’elle était incapable d’acquitter ; qu’en s’abstenant de s’expliquer sur cet élément caractéristique d’un obstacle décisif à l’apparition d’un produit nouveau, à savoir la diffusion d’une information sportive en continu, ou encore à l’entrée de nouvelles entreprises sur ce marché, autre que celles exerçant leur activité sous le contrôle de TF1, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 18-2 de la loi du 16 juillet 1984 et de l’article L. 420-2 du Code de commerce ;

Mais attendu, d’une part, qu’il ne résulte ni des conclusions ni de l’arrêt que l’Equipe TV ait soutenu devant la cour d’appel la prétention qu’elle fait valoir au soutien de la première branche du moyen ;

que celui-ci, nouveau, est mélangé de fait et de droit ;

Attendu, d’autre part, que l’Equipe TV n’ayant jamais prétendu que TF1 aurait refusé de céder les droits de diffusion dont elle était titulaire, la cour d’appel n’était pas tenue de s’expliquer sur un moyen inopérant ;

D’où il suit que le moyen, qui est irrecevable en sa première branche, n’est pas fondé pour le surplus ;

 


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