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20 décembre 2006
Cour de cassation
Pourvoi n°
05-85.648
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt décembre deux mille six, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller DULIN, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, et de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général FINIELZ ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
– X… Gilles,
contre l’arrêt de la cour d’appel de NANCY, chambre correctionnelle, en date du 24 mars 2005, qui, sur renvoi après cassation, dans la procédure suivie contre lui du chef d’escroquerie, a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du code civil, 405 de l’ancien code pénal, 313-1 du code pénal, 459, 463, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
défaut de motifs et manque de base légale ;
“en ce que l’arrêt infirmatif attaqué a, après avoir considéré que l’escroquerie était établie, condamné Gilles X… à verser des dommages et intérêts aux parties civiles ;
“aux motifs que, sur le contrat Y…, “le contrat signé le 15 décembre 1989 entre la société Véhicules X… SA représentée par son président-directeur général Gilles X… et Mahmood Y… à Dubaï intitulé “protocole” expose au préalable que Gilles X… a conçu un véhicule 4×4 dont le prototype est en cours de mise au point” ; que “Mahmood Y… est intéressé par l’achat à Gilles X… à titre exclusif de tous les droits de fabrication et de commercialisation de ce véhicule dans les conditions ci-après, soit (article 1) à un prix global et forfaitaire de 2,5 millions de francs, dont un premier acompte de 500 000 francs doit être versé dans les 15 jours de la signature du présent protocole, et sera effectivement versé en mars 1990” ; que “la société Véhicules X… SA vend à Mahmood Y… son savoir-faire concernant une série de véhicules dont la liste et la description sont prévues en annexe 2 au présent protocole ainsi que tous les droits exclusifs de fabrication et de commercialisation des dits véhicules” ; que “l’annexe 2 concerne la “liste des véhicules dont le savoir-faire est vendu en exclusivité (véhicules 4×4 et 6×6)” ;
que “la société Véhicules X… s’engageait en outre à livrer 2 véhicules prototypes 4×4 à Mahmood Y… correspondant aux véhicules qui lui avaient été présentés (et qui seront effectivement livrés), et à lui vendre un troisième véhicule prototype” ; qu’aussi, et sans qu’il y ait lieu d’examiner l’article 9 (qui renvoie à une annexe 16) qui ne fait pas partie de l’exemplaire paraphé page par page par les parties (auquel manquent les articles 7 à 10), ce contrat prévoit clairement la cession à titre exclusif de tous droits de fabrication et de commercialisation desdits véhicules, sans limitation de durée ou d’espace et par suite, il vidait nécessairement la société Véhicules X… de sa substance, s’agissant de la cession à Mahmood Y… de la quasi-intégralité du fonds de commerce de la société Véhicules X…, et il n’existe à ce sujet aucune incertitude” ; qu’ “il n’est pas inutile de faire observer que s’il y a plusieurs versions du contrat (en photocopies) remise à des tiers, ceux-ci ne peuvent émaner que de Gilles X…, signataire du contrat lequel a remis des exemplaires différents à Jean-Paul Z…, à l’expert comptable et au commissaire aux comptes, notamment une version dont seule une page (article 7 à 10 du contrat) n’est pas paraphée, et une version intégralement paraphée mais où il manque la page en question, le contrat ne comportant que les articles 1 à 6 suivis des articles 11 et suivants, ce qui tend à conforter une volonté de fraude de sa part et en tout cas, Gilles X… ne peut se prévaloir de sa propre turpitude pour exciper de ce fait une incertitude du contrat quant au fait de savoir si celui-ci avait pour effet de vider l’entreprise de sa substance, incertitude qui n’existe pas” ; que “c’est à tort que le tribunal a considéré que ce contrat était nul et non avenu du fait du non-paiement par Mahmood Y… du solde de la cession des droits de 2 000 000 francs” ; que “le contrat prévoit en effet expressément en son article 16 qu’il entrera en vigueur dès le premier versement effectué par Mahmood Y… ; or, ce versement a été effectué par le paiement de la somme de 500.000 francs le 22 mars 1990” ; que “le contrat ne prévoit aucune condition résolutoire à défaut de paiement du solde et ce contrat n’a pas davantage fait l’objet d’une résolution amiable ou judiciaire et l’article 1184 du code civil énonce, par ailleurs, clairement que si
la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques lorsqu’une partie ne satisfait pas à son engagement, cet article énonce ensuite que le contrat n’est pas résolu de plein droit, la résolution devant être demandée en justice” ; que “Gilles X… n’est donc pas fondé à soutenir que ledit contrat est devenu caduc et au demeurant rien ne lui permettait de le considérer comme tel, les termes de la télécopie de Mahmood Y… adressée à Gilles X… le 16 janvier 1993 démontrent que Mahmood Y… lui-même n’avait quant à lui pas considéré ce contrat comme caduc” ; que “Jean-Paul Z… établit suffisamment que Gilles X… lui a volontairement dissimulé ce contrat ; qu’en effet, contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges, les auditions de Jean-Paul A… et de son épouse ne permettent pas d’établir que Jean-Paul Z… avait connaissance dudit contrat, ce qui est démenti par divers témoignages et autres
éléments” , qu’ “il y a lieu de rappeler que Jean-Paul A… était directeur général de la société Véhicules X… et avait créé avec Gilles X… et les époux B… la Holding Ardennes Investissement qui détenait la quasi-totalité des actions de la société Véhicules X…” ; qu’ “ainsi, Jean-Paul A… et son épouse secrétaire salariée de Véhicules X… avaient un intérêt certain à la reprise par Jean-Paul Z… de sorte que leur témoignage est pour le moins sujet à caution” ; que “tout d’abord, la lettre de Jean-Paul Z… à Gilles X… du 19 février 1993 par laquelle il s’estime avoir été abusé de différentes manières par Gilles X… en rappelant à celui-ci que ce n’est que le 20 janvier 1993 que celui-ci lui a remis le contrat Mahmood Y… est confirmée par le fax Y… du 16 janvier 1993 précité ainsi que par les témoignages écrits de Me C… et de M. D…” ; que “tout d’abord, Mahmood Y…, dans la télécopie du 16 janvier 1993 adressée à Gilles X… écrit avoir été “extrêmement surpris de constater lors de sa rencontre avec Jean-Paul Z… que celui-ci ignorait que nous étions liés par contrat ; il s’était efforcé de nous vendre votre “know-how” ; que nous avions acquis depuis quelques temps déjà”, cette dernière phrase ne s’expliquant d’ailleurs que par l’ignorance par Jean-Paul Z… de l’existence du contrat déjà conclu” ; que “Me C… conciliateur, nommé par le président du tribunal de commerce, s’étant rendu dans la société X… afin de connaître la situation de celle-ci atteste que le contrat Y… n’a jamais été porté à sa connaissance pendant les négociations au cours desquelles il a rencontré Gilles X… mais également Jean-Paul A… et Mme A… et que toutes ses demandes d’éclaircissement sur l’origine de la somme de 500 000 francs figurant sur un compte spécial du bilan 1990 ont reçu les explications suivantes: “Il m’a été répondu que la société X… avait cherché un partenariat de distribution dans la région du Golfe Persique (particulièrement dans
les Emirats Arabes) : à cette occasion, deux 4×4 avaient été envoyés à titre expérimental avec facturation; le partenaire présenté avait auparavant envoyé à la société X… cette somme de 500.000 francs. Il m’a été précisé que l’affaire avait capoté et que le seul risque d’ailleurs marginal à craindre était que l’ex-candidat partenaire réclame la différence entre 500.000 francs et la valeur des deux 4X4 dont la facturation n’avait pas été payée”; qu’ “il ne m’a pas été indiqué qu’un contrat ait déjà pu être signé, susceptible de causer une influence sur la bonne fin du règlement amiable. Considérant l’antériorité déjà ancienne de l’opération de 500.000 francs située en 1990, l’absence apparente de toute réclamation, de tout litige et de toute relation commerciale avec la région du Golfe Persique, j’ai effectivement pensé qu’il n’y avait aucune difficulté.
( ) ” ; que “bien après les faits, lorsque la société X…, désormais dirigée par Jean-Paul Z…, a déposé son bilan, j’ai appris que le contrat Y… existait et avait été révélé ( ) ce contrat présentait un caractère définitif qui sacrifiait conventionnellement le droit de produire et de distribuer librement des véhicules 4X4 de l’usine X… – E… et ceci sur le monde entier” ; que “l’attestation de Me C…
démontre encore que non seulement le contrat était dissimulé, mais encore que Gilles X… fournissait à Me C… une explication manifestement erronée sur la somme de 500.000 francs apparaissant dans les comptes” ; qu’ “aussi, le seul fait qu’une somme de 500.000 francs ait figuré dans un compte spécial au bilan sous “Autres produits” dans les “produits d’exploitation” ne saurait exclure toute dissimulation et ce, d’autant moins en l’espèce que Gilles X… a fourni sur ce point une explication erronée à Me C… qui néanmoins pouvait sur un plan comptable “coller” avec cette seule inscription au bilan, sans aucune précision sur l’origine de cette somme dans les comptes”, que, “M. D…, directeur commercial ayant succédé à Jean-Paul A… en juillet 2002 atteste quant à lui que ce dernier, lorsqu’il a quitté la société X…, lui a transmis tous les dossiers et contrats à l’exportation existants ou passés ; la liste de ces contrats lui a été remise et ne fait pas mention d’un quelconque contrat avec Mahmood Y… et il n’a jamais été évoqué un quelconque contrat en vigueur avec Mahmood Y…, pas plus qu’une cession existante de licence” ; que “ce témoin précisera encore que durant sa période d’activité il a été amené à rechercher des intermédiaires et des clients à l’étranger et jamais Gilles X… et Jean-Paul Z… ne lui ont signalé l’existence d’un accord avec Mahmood Y…, ce qui l’a conduit d’ailleurs à conclure divers contrats de distribution exclusive pour certains pays non exclusive pour d’autres, et
notamment les Emirats Arabes Unis” ; qu’ “au surplus, au travers de ce témoignage, la conclusion de tels contrats une fois la reprise effectuée par Jean-Paul Z… à partir de juin 1992 ne s’explique que par l’ignorance, par celui-ci du contrat Y… antérieurement conclu”, qu’enfin, Jean-Paul Z… produit à hauteur d’appel un dossier destiné à lui présenter la société qui lui a été remis lors des négociations en avril 1992 ainsi que diverses pièces qui lui ont été remises, (prévisions de commandes…) tous documents qui ne font aucune référence au contrat Y… et à l’exclusivité des droits résultant de ce contrat il en est de même en ce qui concerne le dossier de presse” ; qu’ “il résulte de ce qui précède que Gilles X… ne rapporte pas la preuve de la connaissance par Jean-Paul Z… de l’existence du contrat Y… lors de la reprise de la société Véhicules X… ; qu’il apparaît au contraire que ce n’est que fortuitement, que Jean-Paul Z… a appris de Mahmood Y… en janvier 1993, soit 7 mois après la reprise, l’existence de ce contrat conclu en son temps par Gilles X…, alors président directeur général” ; que si la dissimulation du contrat Y… ne suffit pas à elle-seule à constituer une manoeuvre de l’escroquerie, en revanche, celle-ci a été accompagnée et confortée par la production sinon d’un bilan inexact, à tout le moins de comptes annuels de l’année 1990 ne donnant pas une image fidèle de la société et l’intervention de tiers puisque les comptes établis par l’expert-comptable ont été certifiés par le commissaire aux comptes, en toute bonne foi donnant ainsi force et crédit à la fraude opérée” ;
qu’ “il convient en effet de rappeler que la seule mention dans les comptes de 1990 d’une somme de 500.000 francs au titre des “Autres Produits” (produits d’exploitation) sans aucune précision où explication complémentaire si elle apparaît comme une écriture comptablement correcte, se révélait en l’espèce totalement impropre à donner une image fidèle du patrimoine puisque l’existence du contrat Y… venant diminuer de façon substantielle l’actif de la société, contrairement à l’apparence donnée par les comptes présentés, ne figurait pas comme il se doit, dans l’annexe du bilan, s’agissant d’une information d’importance significative sur la situation patrimoniale de la société” ; qu’ “il n’est pas inutile de faire observer que ni l’expert-comptable ni le commissaire aux comptes n’ ont décelé quoique ce soit et d’ailleurs Gilles X… fournissait encore ultérieurement à Me C…, conciliateur auquel il avait également caché l’existence dudit contrat, des explications totalement fantaisistes quant à l’origine de ce “produit” de 500 000 francs figurant dans les comptes” ; que “ces manoeuvres ont indiscutablement déterminé Jean-Paul Z… à s’engager à reprendre la société Véhicules X… et à verser des fonds, notamment par l’acquisition d’actions, compte tenu de l’importance de la fraude faussant considérablement l’actif de la société, complètement dévalorisé à raison des droits exclusifs de commercialisation et de fabrication des véhicules 4X4 et 6X6 cédés à Mahmood Y… et Me C… lui-même considérait que “le règlement amiable n’aurait pu prospérer” s’il avait eu connaissance d’un contrat de cette nature” ; que “l’élément intentionnel résulte, par ailleurs, suffisamment des éléments de fait rappelés ci-dessus étant ajouté que tant l’existence du contrat Y… que l’origine du versement des fonds de 500.000 francs ont été dissimulés à de multiples intervenants ; que, s’agissant de la production de bilans inexacts modifiant les comptes de 1987 à 1991, en raison de transferts de charges non mentionnés aux bilans, ” en premier lieu, Gilles X… reconnaissait avoir fait supporter dès les années 86/87 des charges de la société SA Véhicules X… à la SA Ardennes équipement expliquant ses agissements par le manque de trésorerie de la société Véhicules X… et considérant que les deux entités juridiques ne faisaient qu’une en raison de leur caractère familial, Jean-Paul A… confirmait d’ailleurs le transfert des charges sur cette période” ; qu’ “en second lieu, Gilles X… a définitivement été condamné pour abus de biens sociaux par le jugement déféré en l’absence d’appel sur les dispositions pénales,
pour avoir précisément entre le 1er janvier 1989 et le 7 juin 1991, notamment fait de mauvaise foi des biens ou du crédit de la société Ardennes Equipement, un usage ‘contraire à celle-ci pour favoriser une autre société dans laquelle il était directement intéressé en affectant à la SA Ardennes Equipement dont il était également le président directeur général des charges inhérentes à la société Véhicules X… sans contrepartie; (au titre des amortissements non déductibles, des matières premières et fournitures diverses, des prestations mécano-soudure et de mise à disposition du personnel) représentant pour les exercices clos le 30 août 1990 et le 30 août
1991 des montants de 1.250.897 euros, respectivement 803.900 euros” ; qu’”aussi, lors de la négociation de 1992, il a été présenté à Jean-Paul Z… les bilans inexacts des 5 dernières années (87 à 91), dans la mesure où d’importantes charges de la société Véhicules X… (plusieurs millions de francs) avaient été frauduleusement transférés à la société Ardennes Equipement et n’apparaissaient, évidemment pas dans lesdits bilans, faussant ainsi considérablement la situation financière de la société X…, et ce, dès 1987 les résultats bénéficiaires présentés au titre des années 87 à 89 (1.461.000 francs/1.209.000 francs/ 853.000 francs) n’étant également qu’un leurre tandis que les déficits présentés au titre des années 90 et 91 étant en réalité considérablement supérieurs ” ; que ” la présentation par Gilles X… de bilans qu’il savait inexacts, comme ne reflétant pas la réelle situation financière de l’entreprise en raison de charges qu’il avait lui-même frauduleusement transférées sur une autre société et qu’il n’a fait figurer d’aucune manière dans les bilans présentés, en faisant intervenir encore un tiers en la personne du commissaire aux comptes leur donnant force et crédit, notamment au titre de l’exercice 1990, qu’il a certifié, accompagnant la dissimulation du transfert totalement anormal des charges, constitue une manoeuvre frauduleuse de l’escroquerie” ;
que “l’allégation par Gilles X… que le commissaire aux comptes n’a pas participé aux négociations est totalement sans emport” ; qu’ “il convient d’ajouter que contrairement à ce que le tribunal a considéré et que soutient encore Gilles X…, aucun élément probant n’établit que Jean-Paul Z… ait eu connaissance des transferts de charges, laquelle ne saurait être déduite de la présence dans l’entreprise de Jean-Paul Z… durant 2 mois précédant l’accord signé le 29 mai 1992 étant rappelé au surplus que les transferts de charges, sont afférents à plusieurs exercices et d’autres part, les témoignages de Jean-Paul et Mme A… affirmant de manière péremptoire que Jean-Paul Z… en avait connaissance par Gilles X… et Jean-Paul A…, outre qu’ils sont sujets à caution comme il a été dit ci-dessus, sont totalement imprécis – ni la nature des charges, ni leur montant n’étant précisés et les déclarations de Jean-Paul A… au cours de l’instruction démontrent qu’il n’avait pas lui-même une connaissance exacte de l’importance réelle de la pratique du transfert des charges qu’il estimait à 1.000.000 francs sur 5 exercices soit bien en-deça de la réalité” ; que, “par conséquent ces manoeuvres frauduleuses s’ajoutant à celles précédemment évoquées dans le cadre du contrat Y… ne figurant pas à l’annexe du bilan tendant à laisser croire à une situation financière et patrimoniale relativement saine entre les années 87 à 89 (légèrement bénéficiaire) avec un déficit uniquement en 1990 et 1991, soit-disant expliqué par l’abandon des véhicules “VP” et mise à l’étude et la commercialisation des 4X4 notamment, alors qu’en réalité de part le transfert anormal de charges dès 1987, les comptes auraient été déficitaires depuis plusieurs années, et le contrat Y… conclu en 1989 vidait la société Véhicules X… de
sa substance, ont déterminé Jean-Paul Z… à s’engager dans la reprise, alors que dans ces conditions, celle-ci était manifestement vouée à l’échec et la société fera effectivement l’objet très rapidement au bout de quelques mois d’un redressement judiciaire suivi d’une liquidation” ;
“alors que, d’une part, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision et répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ; que l’insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que les manoeuvres frauduleuses résultent d’actes positifs de nature à tromper la victime ; que la cour d’appel considère que les manoeuvres frauduleuses résultent de la dissimulation du contrat passé en 1989 avec Mahmood Y… ; que dès lors que la cour d’appel constatait qu’à l’occasion du règlement amiable, devant aboutir à l’accord amiable passé avec Jean-Paul Z…, le conciliateur avait demandé des explications sur la cause de la somme de 500 000 francs portée au bilan 1990 de la société VP, que l’intimé aurait fait état d’un projet de contrat de distribution, qu’elle constatait que le contrat passé avec Mahmood Y… pouvait être obtenu et que des exemplaires en avaient été remis à l’expert-comptable et au commissaire aux comptes, exemplaires dont elle ne nie pas qu’ils comportaient les mentions permettant de considérer qu’était en cause un contrat portant sur l’exploitation universelle des prototypes, la Cour d’appel ne pouvait sans se contredire considérer que ledit contrat avait été dissimulé pour tromper la partie civile ;
“alors que, d’autre part, un simple mensonge ne peut à lui seul être constitutif de manoeuvres frauduleuses ; qu’en constatant que le prévenu n’avait pas indiqué au conciliateur chargé du règlement amiable que le contrat passé avec Mahmood Y… transférait tous les droits de fabrication de certains véhicules de la société VP, la cour d’appel ne constate qu’un simple mensonge insuffisant pour caractériser les manoeuvres frauduleuses ;
“alors qu’en tout état de cause, les manoeuvres frauduleuses doivent être commises intentionnellement ; que la cour d’appel n’a pas recherché si Gilles X… avait pu croire que le contrat Y… ne recevrait pas application compte tenu du fait que Mahmood Y… n’avait pas versé la totalité de la somme prévue au contrat, ce qui excluait nécessairement toute volonté de tromper la partie civile pour la déterminer à remettre les fonds ; qu’elle a privé sa décision de base légale ;
“alors qu’à titre subsidiaire, s’il était considéré que la cour d’appel n’a pas considéré que les différentes versions du contrat permettaient de constater que l’exclusivité intégrale de l’exploitation des véhicules était cédée à Mahmood Y…, il appartenait à la cour d’appel de préciser quels éléments permettaient de considérer que la version de Jean-Paul Z… était la version reflétant l’original du contrat au besoin en ordonnant un supplément d’information ;
“alors qu’enfin il était soutenu dans les conclusions régulièrement déposées pour le prévenu, que la situation de la société étant particulièrement obérée au jour de l’accord amiable et que le fait que les bilans des années 1987 à 1989 qui auraient été artificiellement présentés comme créditeurs n’avaient pu être déterminants de la remise des fonds ; que faute d’avoir répondu à ce chef péremptoire de conclusions, la cour d’appel a privé son arrêt de base légale” ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 1382 du code civil, 2, 459, 591 et 593 du code de procédure pénale ; défaut de motifs et manque de base légale ;
“en ce que l’arrêt attaqué a condamné Gilles X… à verser à la société VPK la somme de 487 958, 81 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts légaux à compter du 1er juin 1992, à verser à Jean-Paul Z… la somme de 76 946,45 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts légaux à compter de la décision ;
“aux motifs que “le préjudice subi par Jean-Paul Z… à titre personnel et au nom de la société VPK trouve sa source directement dans les manoeuvres frauduleuses de Gilles X… qui l’ont déterminé à verser de fonds” ; que “Jean-Paul Z… justifie que la société VPK qui s’est substituée aux engagements que Jean-Paul Z… a pris dans le cadre de l’accord amiable approuvé par M. le président du tribunal de commerce de E…, a acquis des actions dont le coût s’est élevé à 534.800 francs et a apporté la somme de 2 666 000 francs en augmentation de capital soit un total de 3.200.800 francs, soit 487 958,81 euros qui correspond au préjudice réellement subi du fait des manoeuvres frauduleuses” ;
que “Gilles X… n’est pas fondé à se prévaloir d’une condamnation purement civile mise à la charge de la société d’expertise J.P. Vaution résultant d’un arrêt de la chambre civile de la cour d’appel de Reims du 27 septembre 2000 pour estimer que la demande en paiement de la somme de 487 958,81 euros ne serait pas justifiée par l’étendue du préjudice réellement subi” ; que “la victime a en effet droit à la réparation intégrale de son préjudice trouvant sa source dans les manoeuvres frauduleuses et la condamnation civile susvisée n’a en effet aucune incidence sur la détermination des dommages intérêts au pénal, s’agissant de personnes et de fondements différents” ; qu’enfin, aucune disposition de la loi ne permet de réduire, en raison d’une faute de la victime, le montant des réparations civiles dues à celle-ci par l’auteur d’une infraction intentionnelle contre les biens et la partie civile est en droit d’obtenir la réparation intégrale de son préjudice sans que sa prétendue négligence puisse lui être opposée” ; qu’il appartient à la cour d’évaluer le dommage au moment de la décision” ; qu’ “aussi, et à ce titre la somme de 487.958,81 euros portera intérêt au taux légal à compter de la remise des fonds le 1er juin 1992, ces intérêts ayant un caractère compensatoire et sont accordés à titre de dommages-intérêts de manière à réparer l’intégralité du préjudice tel qu’il apparaît à ce jour” ; que “Jean-Paul Z… justifie, par ailleurs, avoir pris des engagements de caution vis à vis du Crédit Agricole et payé à ce titre la somme de 209.555 francs soit 31.946.45 euros” ; qu’il justifie également avoir pris des inscriptions d’hypothèque provisoire et déboursé des frais ainsi que d’un préjudice moral et commercial dans la mesure où il est établi que Jean-Paul Z… qui dirige plusieurs sociétés a vu sa cotation auprès de la Banque de France chuter, dommages qui découlent des faits, objets de la poursuite ; qu’”au vu des justificatifs présentés, la cour estime devoir fixer à la somme de 35.000 euros le préjudice matériel résultant des frais et déboursés et à celle de 10.000 euros le préjudice moral et commercial” ; que “Gilles X… sera donc condamné à payer à Jean-Paul Z… agissant en son nom personnel la somme de 76.946.45 euros avec les intérêts légaux à compter du présent arrêt” ; qu’ ” enfin, l’équité commande d’allouer à Jean-Paul Z… au titre des frais exposés non pris en charge par l’Etat, un montant de 7.000 euros sur le fondement de l’article 475-1 du code de procédure pénale” ;
“alors que, d’une part, le préjudice doit être réparé sans perte ni profit pour aucune des parties ; que, dès lors que le préjudice résultant d’une infraction a été en partie réparé dans le cadre d’une autre instance, aurait-elle un autre fondement, les juges répressifs ne peuvent que limiter la réparation du préjudice due par l’auteur de l’infraction, compte tenu de la condamnation antérieure ;
que, dès lors que la condamnation de la société d’expertise comptable par le juge civil résultait de négligences ayant permis l’établissement de faux bilans et la dissimulation du contrat passé avec Mahmood Y…, ce qui était également constitutif des manoeuvres frauduleuses reprochées à l’intimé, la cour d’appel ne pouvait exclure de limiter la réparation due par ce dernier, compte tenu de cette condamnation, sans porter atteinte au principe ci-dessus énoncé ;
“alors que, d’autre part, si les juges apprécient souverainement le montant des dommages et intérêts attribués à la partie civile en réparation du préjudice résultant pour elle de l’infraction constatée, c’est à la condition de fonder leur décision sur l’importance réelle de ce dommage, qu’ils sont tenus d’évaluer exactement afin de le réparer dans son intégralité et sans profit pour aucune des parties ; que dans ses conclusions déposées pour Jean-Paul Z…, il était réclamé une somme de 600 000 francs au titre de frais et déboursés dont il ne justifiait pas comme cela était prétendu dans les conclusions déposées pour l’intimé ; qu’en accordant une somme de 35 000 euros au titre de ce poste de préjudice sans justifier des éléments sur lesquels elle avait pu s’appuyer pour établir l’importance du préjudice en cause, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;
“alors qu’enfin, selon l’article 2 du code de procédure pénale, la partie civile ne peut obtenir réparation que du préjudice qu’elle a subi personnellement et résultant directement de l’infraction ; que la cour d’appel qui reconnaît que Jean-Paul Z… a subi un préjudice commercial du fait de la perte de cote de crédit de ses sociétés, comme cela résulte des conclusions qu’il avait déposées, a réparé le préjudice éventuellement subi par lesdites sociétés résultant indirectement de l’infraction et non un préjudice personnel subi par Jean-Paul Z…” ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel, le délit d’escroquerie reproché au prévenu, et a ainsi justifié l’allocation au profit des parties civiles, des indemnités propres à réparer le préjudice en découlant ;
D’où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Cotte président, M. Dulin conseiller rapporteur, Mme Thin conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;