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18 janvier 2013
Cour d’appel de Paris
RG n°
12/01583
Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 2
ARRET DU 18 JANVIER 2013
(n° 013, 12 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 12/01583.
Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Octobre 2011 – Tribunal de Grande Instance de PARIS 3ème Chambre 3ème Section – RG n° 10/04284.
APPELANT :
Monsieur [J] [P]
ès-qualités d’administrateur de la succession [C] désigné à ces fonctions par le Juge de l’Indivision, étant précisé que pour satisfaire à l’article 1873-6 du Code civil, ladite succession se compose de Madame [B] [C] [E], Madame [U] [P], Monsieur [M] [P], Madame [A] [P], Monsieur [J] [P],
demeurant [Adresse 2],
représenté par Maître Jean-Jacques NEUER de la SELARL NEUER, avocat au barreau de PARIS, toque : C0362.
INTIMÉE :
SA ARTPRICE.COM
prise en la personne de son représentant légal, Monsieur [I] [F],
ayant son siège [Adresse 3],
représentée par la SCP BOMMART FORSTER-FROMANTIN en la personne de Maître Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151,
assistée de Maître Sophie VIARIS DE LESEGNO de la SELARL PIERRAT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0166.
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 29 novembre 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Eugène LACHACINSKI, président,
Monsieur Dominique COUJARD, président de chambre,
Madame Sylvie NEROT, conseillère.
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Monsieur Truc Lam NGUYEN.
ARRET :
Contradictoire,
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
– signé par Madame Sylvie NEROT, en l’empêchement du Président, et par Monsieur NGUYEN, greffier présent lors du prononcé.
La société anonyme Artprice.com est spécialisée dans l’exploitation de bases de données relatives au marché de l’art et possède un fonds documentaire de plusieurs millions d”uvres d’art qu’elle exploite. En 2007, elle a signé avec une société de perception et de répartition des droits d’auteur, l’ADAGP, une convention portant sur l’exploitation d”uvres des arts visuels.
Reprochant à la société Artprice.com d’avoir, sans son autorisation, constitué une base de données par numérisation des ‘uvres de l’artiste Pablo [C] et d’avoir, de plus, exploité cette base de données par la reproduction de ces ‘uvres dans la mémoire du serveur et la communication au public desdites ‘uvres, la succession de ce peintre, qui n’est pas adhérente de l’ADAGP, a notamment fait procéder, en 2005, à un constat d’huissier, mis en demeure la société Artprice.com de cesser ses agissements et fait procéder, dûment autorisée, à deux nouveaux constats portant sur la description du site, lesquels ont été réalisés en janvier et février 2008.
Par acte du 08 mars 2010, Monsieur [J] [P], ès qualités d’administrateur de la succession [C] qui se compose de cinq membres, à savoir : Madame [B] [C] [E], Madame [U] [P], Monsieur [M] [P], Madame [A] [P] et Monsieur [J] [P], a assigné en contrefaçon des droits, moral et patrimonial, d’auteur la société Artprice.com et Monsieur [I] [F], en sa qualité de président du conseil d’administration et directeur général de cette société.
Le juge de la mise en état a prononcé la nullité de l’assignation délivrée à ce dernier du fait de l’absence de signification de l’assignation au curateur de Monsieur [F].
Par jugement rendu le 28 octobre 2011, le tribunal de grande instance de Paris a, en substance, et avec exécution provisoire :
– rejeté la demande de sursis à statuer présentée par la société défenderesse en raison d’une plainte déposée pour dénonciation calomnieuse, rejeté également la demande relative au rejet d’une pièce du demandeur, outre la fin de non-recevoir tirée du défaut de titularité des droits d’auteur de l’indivision [C] en considérant que Monsieur [J] [P] avait qualité à agir,
– dit que la société Artprice.com a commis des actes de contrefaçon au préjudice de la succession [C], rejeté la demande d’expertise et condamné la défenderesse à verser au demandeur, ès qualités, la somme de 55.000 euros en réparation du préjudice subi, avec intérêts au taux légal et anatocisme,
– interdit en tant que de besoin à la société Artprice.com de reproduire, sans autorisation, les ‘uvres de Pablo [C], sur le site qu’elle exploite,
– débouté Monsieur [J] [P], ès qualités, de l’ensemble de ses autres demandes, débouté la défenderesse de ses demandes reconventionnelles en la condamnant à verser au requérant la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
Par dernières conclusions signifiées le 09 août 2012, Monsieur [J] [P], ès qualités d’administrateur de la succession [C] composée de Madame [B] [C] [E], Madame [U] [P], Monsieur [M] [P], Madame [A] [P] et Monsieur [J] [P], appelant, demande en substance à la cour, au visa des articles L 122-2, L 122-3, L 122-4 et L 335-3 du code de la propriété intellectuelle ainsi que de l’article 1382 du code civil, de confirmer le jugement en ses dispositions qui lui sont favorables, pour le surplus, de l’infirmer et :
– de condamner la société Artprice.com à payer à Monsieur [J] [P], ès-qualités :
* la somme provisionnelle d’un million d’euros au titre de la violation des droits patrimoniaux existant sur le monopole artistique de Pablo [C] et du préjudice résultant de l’exploitation illicite,
* la somme de 500.000 euros au titre de l’atteinte au droit moral,
ceci avec intérêts à compter du ‘jugement’ à intervenir et capitalisation de ces intérêts,
* la somme complémentaire de 50.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens qui comprendront les frais de constat et de signification exposés,
– de constater qu’il a légitimement fait usage de sa liberté d’expression en justice pour faire valoir sa position et n’a commis aucune faute dépassant le cadre de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881,
– de débouter l’intimée de ses entières prétentions,
– de prononcer les mesures d’interdiction et de publication d’usage et de lui enjoindre, sous astreinte, d’effacer de ses banques de données l’intégralité des fichiers numériques reproduisant tout ou partie des ‘uvres de Pablo [C].
Par dernières conclusions signifiées le 26 octobre 2012, la société anonyme Artprice.com demande en substance à la cour :
– in limine litis et au visa des articles 4 du code de procédure pénale, 1315 et suivants du code civil, d’infirmer le jugement en ses dispositions relatives à sa demande de sursis à statuer, de rejet de la pièce n° 36 dont l’appelant est l’auteur et à la qualité pour agir au nom de la succession de Monsieur [J] [P],
– d’infirmer également le jugement en ce qu’il reconnaît aux appelants la titularité des droits moraux et patrimoniaux,
– à titre principal : de confirmer le jugement en ses dispositions qui lui sont favorables ; de prendre acte que l’appelant renonce à sa demande relative à la désignation d’un expert ; pour le surplus, de constater, d’une part, l’absence de contrefaçon des ‘uvres de [C] ou d’usage illicite de la marque ‘[C]’ dans les rubriques Artprice Images et Artprice Catalog Library sur le site Artprice.com et, d’autre part, l’absence de preuve concernant à la fois la reproduction d”uvres de [C] sur ce site dans la rubrique Artprice Intelligence Links, le développement d’une application pour les appareils iPhone et Androïd, la signature du peintre sur internet dans son entier, la création de logos publicitaires et de bandeaux téléchargeables titrés ‘Pablo [C]’ (Art-onlin) et enfin l’utilisation des ‘uvres, du nom et de la notoriété de Pablo [C] à titre publicitaire,
– subsidiairement : de constater que les 19 ‘uvres de Pablo [C] revendiquées ne sont pas identifiables dans les photographies reproduites par le constat d’huissier, que ces éléments sont accessoires au sujet, que le préjudice patrimonial et moral invoqué n’est ni démontré ni effectif et de débouter l’appelant, ès qualités, de ses demandes,
– reconventionnellement : d’infirmer le jugement et de condamner l’appelant, ès qualités, à lui verser la somme indemnitaire de 450.000 euros pour abus de droit en réparation de ses préjudices économique, financier et d’image,
– en tout état de cause : de condamner l’appelant à lui verser la somme de 30.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.
SUR CE,
Sur la demande de sursis à statuer :
Considérant que la société Artprice.com réitère cette demande en cause d’appel en se fondant sur les dispositions de l’article 4 du code de procédure civile et en invoquant une plainte pour dénonciation calomnieuse adressée en juin 2011 au Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris dont elle précise qu’elle fait l’objet d’une enquête toujours en cours ;
Qu’elle fait grief au tribunal d’avoir rejeté sa demande en considérant qu’elle était étrangère au présent litige alors que le demandeur à l’action a pour dessein de lui nuire, en particulier auprès de l’Autorité des Marchés Financiers à la surveillance de laquelle elle est soumise du fait de sa cotation en bourse ;
Mais considérant qu’outre le fait que les premiers juges ont, à juste titre, énoncé que cette plainte était étrangère non point, comme il est dit, au litige mais à la solution du litige, il convient de relever que le Procureur de la République tient de la loi le pouvoir d’apprécier la suite qu’il convient de donner aux plaintes et dénonciations qu’il reçoit et qu’une simple plainte ne met pas en mouvement l’action publique ; qu’ainsi, l’article 4 alinéa 2 du code de procédure pénale selon lequel ‘il est sursis au jugement de cette action (civile) tant qu’il n’a pas été prononcé définitivement sur l’action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement’ n’a pas vocation à trouver application ;
Que le jugement doit donc être confirmé ;
Sur le moyen tiré du défaut de qualité à agir de Monsieur [J] [P] :
Considérant que la société Artprice.com reproche encore au tribunal de s’être satisfait des pièces versées par Monsieur [J] [P] pour démontrer qu’il avait qualité à agir au nom de la succession alors que l’ordonnance de référé rendue le 24 mars 1989 et les décisions ultérieures ne sont que provisoires et dépourvues de l’autorité de la chose jugée au principal et qu’elles ont bien pu être contestées ultérieurement devant une juridiction de fond ;
Qu’elle ajoute que l’affirmation de Monsieur [J] [P] selon laquelle il est de notoriété publique l’administrateur de la succession est insuffisante ; que le mandat qu’il a confié à l’EURL [C] et qu’il produit en pièce 36 n’est qu’une preuve qu’il se fait à lui-même, sans valeur probante ; qu’enfin, la presse s’est fait l’écho des conflits virulents entre les héritiers [C] (pièce 21) ;
Mais considérant que ce n’est qu’en termes hypothétiques que sont contestées les différentes décisions de justice rendues, en ce compris un arrêt rendu le 04 avril 1991 par la Cour de cassation (pièce 32 bis de l’appelant) ;
Qu’il n’est produit aux débats aucune décision désignant comme représentant de la succession une autre personne que le demandeur à l’action, désigné comme tel par le Président du tribunal de grande instance de Paris sur le fondement de l’article 815-6 du code civil, non point en référé mais en la forme des référés, et dans l’intérêt commun des indivisaires, sans que cette désignation n’ait fait l’objet d’une censure ; qu’en revanche, l’appelant verse aux débats l’ordonnance présidentielle rendue le 25 janvier 1999 (pièce 35) qui étend le mandat judiciaire confié à [J] [P]; que les informations véhiculées par la presse ne peuvent, à l’évidence, y faire échec ;
Qu’enfin, le mandat de gestion donné le 19 juin 1996 par [J] [P] à l’EURL [C] (pièce 36) et dont la force probante ne peut ressortir que de l’examen du fond du litige ou la notoriété publique dont il est fait état ne viennent que corroborer la situation créée par ces différentes décisions judiciaires ;
Que sur cet autre point le jugement mérite confirmation ;
Sur le moyen d’irrecevabilité tiré du défaut de preuve de la titularité des droits, moraux et patrimoniaux, ‘des parties demanderesses’ :
Considérant que la société Artprice.com reproche à l’appelant de ne pas établir la qualité d’ayants droit des parties au présent litige et leur titularité des droits moraux et patrimoniaux invoqués, le simple port du patronyme de [C] ne suffisant pas, selon elle, pour revendiquer des droits sur l”uvre de l’artiste ;
Qu’elle fait valoir que la société [C] Administration dont Monsieur [J] [P] est l’associé unique, ‘détiendrait des droits en lieu et place de la succession [C]’ et que la faiblesse de son résultat d’exploitation révèle ‘nécessairement’ que d’autres personnes, physiques ou morales, détiennent des droits d’exploitation sur les ‘uvres de l’artiste ;
Mais considérant que le tribunal, se référant aux décisions précitées retenant que l’indivision est titulaire du ‘monopole de propriété artistique’ attaché à l”uvre de [C], a, par motifs pertinents que la cour fait siens, rejeté cette fin de non recevoir ;
Que les assertions de la société Artprice.com, formulées sur le mode conditionnel et non étayées par des éléments de preuve, doivent être considérées comme inopérantes si bien que cette disposition du jugement sera également confirmée ;
Sur la contrefaçon :
Considérant que l’appelant soutient qu’à tort le tribunal n’a retenu que 55 faits de contrefaçon alors que le nombre de reproductions illicites pour le seul service Personnal Research peut être évalué à 22.707 ; que de manière erronée, poursuit-il, les premiers juges ont dénié aux captures d’écran sur Artprice.com, aux dossiers Personal Research, Artprice Images et Artpricing issus de ce site ou envoyés par la société Artprice.com à ses clients – lesquels constituent ses pièces n° 1 à 8 – une valeur probante ;
Que, s’appuyant sur les constats d’huissiers dressés le 11 octobre 2005 (pièce 5) puis les 09 janvier 2008 et le 18 février 2008 (pièces 10 et 11), il incrimine comme suit les différents actes contrefaisants :
‘ l’apparition, s’agissant du service Personal Research et sur requête de l’huissier ‘Pablo [C]’ de 22.707 résultats d’adjudication répertoriés en différents onglets intitulés ‘dessins/aquarelles, peinture, estampe, céramique, etc … pour lesquels un visuel de l”uvre est numérisé, mis en ligne et à la disposition des abonnés ; il précise qu’eu égard à leur masse, l’huissier n’a pu mettre en exergue qu’un certain nombre d’exemples, ajoutant que ces constats démontrent l’illicéité de la numérisation, de la mise en ligne, de la communication au public et que, le constat du 09 janvier 2008 faisant suite à un constat dressé en 2005, elles sont consubstantielles au site internet ; il produit en pièces 12 à 15 différents tableaux de synthèse portant sur les ‘uvres, sur les photographies incorporant ces ‘uvres, sur le service en ligne Artprice Personal Research et sur le service en ligne Artprincing, faisant apparaître, dans chaque cas, un visuel de l”uvre concernée,
‘ l’utilisation de la signature de Pablo [C] accompagnée, qui plus est, d’un copyright Artprice,
‘ la contrefaçon de la marque ‘[C]’,
‘ la création de logos/bandeaux téléchargeables titrés ‘Pablo [C]’ (Art online),
‘ l’utilisation des ‘uvres, du nom et de la notoriété de Pablo [C] à titre publicitaire pour vanter les mérites d’Artprice dans les journaux,
‘ l’utilisation des ‘uvres et du nom de [C] à des fins de support publicitaire : Artprice Intelligence Links,
‘ le service Artprice sur iPhone et bientôt Artprice sur Androïd de Google,
‘ la reproduction illicite d”uvres de [C] lors de la Biennale d’art contemporain à [Localité 6] ;
Que, se fondant sur les dispositions des articles L 122-4, L 122-3 et aussi de l’article L 335-3 du code de la propriété intellectuelle, l’appelant fait valoir que la numérisation sans autorisation est un premier acte de reproduction illicite et que l’installation de l”uvre en ligne en est un second ;
Considérant que la société Artprice.com intimée, stigmatisant la cupidité de l’appelant soucieux de battre monnaie sur les 60.000 ‘uvres répertoriées de son père et soulignant que, premier fournisseur mondial de l’information sur le marché de l’art, elle respecte scrupuleusement les droits de représentation et de reproduction des auteurs, lui oppose en premier lieu l’exception au monopole légal de l’auteur sur son ‘uvre prévue à l’article L 122-5 (9°) du code précité ;
Qu’elle ajoute que le service Artpricing qui permet d’obtenir des informations sur les adjudications des ‘uvres d’art ou leur estimation, avec une reproduction comme simple élément d’information, jouit du statut de correspondance privée ;
Qu’elle met plus généralement en avant le déficit probatoire de l’appelant pour caractériser la contrefaçon alléguée outre sa mauvaise foi ;
Sur l’exception au droit exclusif de l’auteur :
Considérant que la société Artprice.com qui ne conteste pas l’existence, sur son site internet, d’un petit nombre de reproductions de l”uvre de Pablo [C] relevées par l’huissier mais l’ampleur alléguée, soutient qu’elles s’inscrivent dans le cadre légitime d’information du public; qu’elle permet aux internautes d’être informés en temps réel de l’actualité relative aux ‘uvres d’art et d’acquérir ainsi des informations sur le marché de l’art de manière très précise ;
Mais considérant que s’il est vrai que l’article L 122-5 (9°) soustrait au monopole de l’auteur l’utilisation d”uvres graphiques et plastiques, encore faut-il qu’en soient satisfaites les conditions, à savoir ‘par voie de presse’ et ‘dans un but exclusif d’information immédiate et en relation directe avec cette dernière’ ; qu’à cet égard, c’est avec pertinence que Monsieur [P], ès-qualités, fait valoir que tel n’est pas le cas ;
Qu’en effet, la société Artprice.com se présente elle-même (en page 2 de ses dernières conclusions) comme exploitant l’ensemble des informations relatives au marché de l’art mondial afin de les livrer à ses clients sur son site internet ; que celui-ci s’est ainsi constitué grâce aux fruits de son travail sur une base de données de plus de 27 millions d’indices et de résultats de ventes couvrant 500.000 artistes du IV ème siècle à nos jours ;
Que son site ne peut être assimilé à un organe de presse ayant pour seule vocation d’informer le public en lui rendant compte de l’actualité immédiate ; que l’utilisation des ‘uvres n’est ni exceptionnelle, ni incidente et encore moins liée à la seule actualité ;
Qu’elle ne saurait, par conséquent, se prévaloir de cette exception ;
Sur le moyen tiré du statut de correspondance privée :
Que la société Artprice.com fait valoir que le service Artpricing proposant aux abonnés des évaluations d”uvres d’art peut se prévaloir du statut particulier bénéficiant aux correspondances privées ;
Mais considérant qu’en procédant aux actes de reproduction distincts que constituent la numérisation des ‘uvres afin de les placer sur son site puis à sa fixation dans la mémoire pour constituer une base de données, la société Artprice.com s’est placée en situation d’offre permanente au public ;
Qu’elle ne peut prétendre échapper aux conséquences d’une atteinte aux droits exclusifs de l’auteur qui incrimine des faits de reproduction illicites, ceci en se prévalant de l’existence de correspondances privées, dès lors qu’elle agit en qualité de prestataire d’un service contractuellement lié au public particulier que constitue la masse de ses abonnés, fût-ce au moyen de courriels adressés à des personnes physiques ou morales sollicitant personnellement ses services dans le cadre de cette convention ;
Sur les faits de contrefaçon incriminés :
Considérant, s’agissant des utilisations relevées par les constats d’huissier des 09 janvier et 18 février 2008, qu’alors que Monsieur [P], ès qualités, soutient que la société Artprice.com répertorie actuellement sur son site près de 29.000 résultats d’adjudications concernant l”uvre de Pablo [C] listés dans ses bases de données et accompagnées des visuels correspondants, cette dernière objecte que les pièces versées aux débats par la partie adverse ne font état que de 22 ‘uvres reproduites dans les rubriques Artprice Images et Artprice Catalog Library et de 13 ‘uvres reproduites pour les rubriques Personal Research et Artpricing il y a quatre ans, ajoutant que les ‘uvres de l’artiste incorporées dans des photographies ne sont pas identifiables et que les autres demandes, notamment celles relatives aux rubriques Petites annonces Artprice, Artprice Intelligence Links ou les applications iPhone ne résultent que d’allégations dénuées de fondement ;
Qu’il convient, toutefois, de relever que la société Artprice.com n’affirme pas que le nombre d”uvres figurant dans le constat dressé par l’huissier le 09 janvier 2008 ne correspond à aucune réalité et qu’à la date du constat les 22.707 occurences découvertes n’étaient pas stockées par ses soins dans sa base de données pour être mises en ligne ; qu’elle fait d’ailleurs état pour s’en prévaloir, comme précédemment indiqué, d’un article du journal Le Monde du 11 août 2012 (pièce 22) évoquant l’exploitation par l’appelant des 60.000 ‘uvres répertoriées de son père ;
Que l’examen du constat dressé la 09 janvier 2008 permet de constater que la méthode adoptée par l’huissier a consisté, après acquittement en ligne d’un abonnement annuel au montant annoncé de 329 euros, à sélectionner le nom ‘Pablo [C]’ sur la page-sommaire afin d’accéder à une rubrique intitulée ‘ses résultats d’adjudications’ dont le nombre était chiffré à 22.707 (page 25 / 190 du constat) ; que cette rubrique était décomposée en sous-rubriques, à savoir :
– dessin-aquarelle (3.340)
– peinture (1.064)
– tapisserie (29)
– estampe (12.947)
– sculpture-volume ( 4.484)
– céramiques (808)
– photo (35) ;
Qu’il a ensuite procédé par sondage en sélectionnant une ‘uvre dans les listes apparaissant à l’ouverture de chacune de ces rubriques ; qu’il a pu établir, en procédant à l’impression de ce qu’il constatait sur l’écran, qu’à chaque recherche était associé un visuel de l”uvre de [C] ;
Que Monsieur [P], ès-qualités, verse aux débats (en pièces 12 à 15) différents tableaux de synthèse résultant des constats des 09 janvier et 18 février 2008 relatifs aux ‘uvres de [C], aux ‘uvres de photographes incorporant des ‘uvres de [C], aux services en ligne Artprice Personal Research et Artpricing, informations accompagnées d’un visuel de l”uvre concernée ;
Qu’ainsi, eu égard à l’importance quantitative des faits incriminés qui ont donné lieu à des recherches de l’huissier selon une méthode dont la société Artprice.com ne tente pas de contester la pertinence au moyen de preuves contraires – si ce n’est par la production d’un constat réalisé deux ans plus tard, le 29 avril 2010, en cours de procédure (pièce 7 de l’intimée) – il y a lieu de considérer que l’appelant est fondé à prétendre qu’en ne retenant que la contrefaçon de 55 ‘uvres et non de 22.707 ‘uvres, le tribunal n’a pas pris la juste mesure des faits de contrefaçon allégués ;
Considérant que l’appelant poursuit, par ailleurs, l’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté ses demandes au titre d’autres utilisations non autorisées qu’il incrimine ;
Que, s’agissant de la reproduction de la signature de Pablo [C], il verse à nouveau (en pièce 1) la photocopie d’une capture d’écran donnant à voir – avec l’entête Artprice et la mention ‘accès membres – Bonjour Madame [A] [G] – Votre compte : 200324441 – Consultation/ déconnexion’ – dans une rubrique ‘signature, monogrammes, symboles’ [C] Pablo (1881-1973) cinq signatures de l’artiste ; qu’il est indiqué en bas de page : ‘copyrignt Artprice – ces signatures, monogrammes et/ou symboles font partie de banques de données créées par Artprice- toutes reproductions ou représentations intégrales ou partielles, par quelque procédé que ce soit, faites sans l’autorisation de Artprice sont illicites et constituent une contrefaçon (loi du 11 mars 1957 article 40/41 code pénal art. 425)’ ;
Qu’il convient, toutefois de considérer qu’alors que le tribunal a rejeté sa demande à ce titre en énonçant qu’il était impossible de donner date certaine à ce document, que rien ne permettait de s’assurer des conditions de fiabilité technique de la capture de cette page et qu’en conséquence elle ne pouvait suffire à rapporter la preuve de la contrefaçon illicite, l’appelant reprend son argumentation en négligeant de répondre aux motifs qui ont conduit le tribunal à statuer comme il l’a fait ; que la demande ne saurait donc prospérer ;
Que, s’agissant de la création de logos/bandeaux téléchargeables titrés ‘Pablo [C]’ (sur Artonline), si l’appelant évoque des logos publicitaires qu’Artprice.com offre sur internet et soutient qu’il s’agit d’une manière de véhiculer l’image et l’identité d’Artprice.com, chaque internaute devenant ainsi son ‘commercial’, force est de relever, comme le fait valoir l’intimée, qu’il ne vise aucune pièce venant étayer son argumentation (page 16/46 de ses dernières conclusions) ;
Qu’il est vrai que la pièce 3 est une capture d’écran du site Artprice Images sur la partie gauche de laquelle figurent des bandeaux composés de vignettes semblant figurer des ‘uvres de [C]; que ces documents appellent toutefois les mêmes réserves que le document 1 précité et ne permettent donc pas de retenir les faits incriminés ;
Que, s’agissant de l’utilisation des ‘uvres, du nom et de la notoriété de Pablo [C] à titre publicitaire pour vanter les mérites d’Artprice.com dans les journaux, Monsieur [P], ès qualités, fait valoir qu’Artprice.com a fait la promotion dans différents journaux en prenant [C] en exemple, que ces images n’ont pas été licitées et que cette publicité est réalisée au préjudice du droit d’auteur ; qu’il s’agit, de plus, d’un détournement de notoriété au bénéfice d’une société commerciale sans autorisation ;
Que la pièce 6 qu’il vise pour soutenir son moyen se présente comme une capture d’écran faisant apparaître un onglet ‘My Artprice store’, le visuel d’une ‘uvre qui paraît correspondre aux mentions ‘[C] … Des hombres desnudes’ placé sous le titre de la page :'[Adresse 1]’ ; que la mention manuscrite figurant en bas de page ‘Artpress, n° 318, décembre 2005″ ne saurait suffire pour donner date certaine à ce document qui ne permet pas de caractériser la contrefaçon alléguée ;
Que, s’agissant de l’utilisation des ‘uvres et du nom de [C] à des fins de support publicitaire (Artprice intelligence links), l’appelant soutient que l”uvre et le nom de l’artiste sont détournés au profit d’une activité commerciale puisque le communiqué figurant sur cette page indique que la home page de l’artiste est mise aux enchères et sert alors de support publicitaire aux trois premiers et meilleurs enchérisseurs ;
Que la pièce 7 à laquelle il renvoie (intitulée dans son bordereau de communication de pièces: ‘Artprice intelligence link’ ) ne correspond pas à la description qu’il fait de ce document (en page 17/46 de ses écritures) ;
Que la cour relève incidemment que cette pièce 7 qui porte sur des résultats d’adjudications contient, comme la pièce 1, une mention ‘accès membres’ avec le même numéro de compte qu’en pièce 1, à savoir : n° 2000324441, mais alors qu’en pièce 1 il était indiqué ‘Bonjour [A] [G]’, la pièce 7 mentionne : ‘Bonjour [O] [W]’ ; que cet élément ne peut qu’ajouter aux réserves de la cour sur la force probante de l’ensemble de ces documents ;
Que, s’agissant de la diffusion des ‘uvres sur de nouveaux supports tels iPhone et Androïd de Google, l’appelant fait état d’un communiqué diffusé sur le propre site de l’intimée (pièces 24) et d’un communiqué de presse ‘Numerama'(pièce 25) annonçant que l’accès à l’intégralité des services d’Artprice est possible au moyen de ces supports ; qu’il s’agit, selon lui, de nouvelles atteintes au droit d’exploitation de la succession [C] ;
Que l’exploitation non autorisée d’une ‘uvre sur un nouveau support constitue, certes, un acte de contrefaçon ; qu’il n’en demeure pas moins, en l’espèce, que les documents produits ne sont que des annonces et que l’appelant se trouve, ici aussi, défaillant dans l’administration de la preuve des faits effectivement réalisés qu’il dénonce ;
Que, s’agissant enfin, de l’utilisation non autorisée de l”uvre dans des bandeaux défilants ‘Artprice TV’ dont le lancement a été annoncé en avant-première à la Biennale d’Art Contemporain de [Localité 6] de septembre à décembre 2005, l’EURL [C] Administration a fait dresser un procès-verbal de constat par un huissier le 11 octobre 2005 ;
Que, cependant, celui-ci s’est borné à indiquer le nom d”uvres de [C] et leur heure de passage sur l’écran sans procéder à aucune reproduction, si ce n’est celle d’une borne comportant des écrans de télévision ; qu’en contemplation de ces éléments, le tribunal a justement conclu que ces constatations étaient insuffisantes pour retenir les faits d’utilisation incriminés ;
Sur les mesures réparatrices :
Considérant que Monsieur [P], précisant qu’il a abandonné sa demande d’expertise, se prévaut d’un important préjudice patrimonial, évoquant un ‘pillage’ de l”uvre selon un volume inégalé qui se retrouve dans le monde entier grâce à un site accessible en cinq langues; qu’il met l’accent sur les profits réalisés par cette société cotée en bourse ;
Que si l’intimée ne peut être suivie lorsqu’elle soutient que la contrefaçon massive alléguée n’est qu’une invention ou laisse entendre que devrait être pris en considération le fait qu’elle participe à la valorisation patrimoniale de l”uvre, il n’en demeure pas moins que le montant de la somme réclamée paraît excessif et qu’il sera alloué à l’appelant, ès qualités, la somme de 300.000 euros en réparation du préjudice subi ;
Considérant, par ailleurs, que l’appelant poursuit l’infirmation du jugement en ce qu’il a rejeté sa demande d’indemnisation du préjudice moral qu’a causé aux ayants droit de l’artiste qu’il représente l’utilisation de l”uvre de [C] par la société Artprice.com ;
Qu’il convient de considérer qu’ils peuvent se prévaloir d’une atteinte à l’esprit de l”uvre du fait de son utilisation par une société qui la fait coexister avec une importante quantité d’autres, sans avoir sollicité leur accord, et qu’ils déconsidèrent en la qualifiant de ‘première société anti-droits d’auteur’ puisqu’elle les confisque et se les approprie à grande échelle, grâce aux nouvelles technologies, ceci à des fins capitalistiques ;
Qu’en réparation de ce préjudice, il sera alloué à Monsieur [P], ès-qualités, la somme de 30.000 euros ;
Que ces diverses sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt ; qu’ils seront capitalisés dans les conditions de l’article 1154 du code civil, ainsi que requis ;
Considérant, s’agissant des mesures de publication et d’interdiction à nouveau sollicitées, à l’instar de la demande tendant à voir enjoindre à la société Artprice.com d’effacer l’intégralité des fichiers numériques contenant l”uvre de [C], que c’est par justes motifs que la cour adopte que le tribunal a statué comme il l’a fait, prenant notamment en considération le fait que cette dernière prouve par un constat d’huissier du 29 avril 2010, sans être contredite par un constat d’huissier contraire, que les bases de données litigieuses ne sont plus mises à la disposition du public ;
Sur les demandes complémentaires :
Considérant que la teneur du présent arrêt conduit à débouter la société Artprice.com de sa demande indemnitaire fondée sur l’abus de droit des ayants droit de Pablo [C] dans l’exploitation de son ‘uvre ;
Que l’équité commande de condamner la société Artprice.com à verser à Monsieur [P], ès-qualités, la somme complémentaire de 10.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Que, déboutée de ce dernier chef de prétentions, la société intimée supportera les dépens d’appel ;
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement à l’exception de ses dispositions portant sur l’évaluation du préjudice patrimonial, sur le préjudice moral, sur la capitalisation des intérêts et, statuant à nouveau dans cette limite en y ajoutant ;
Condamne la société anonyme Artprice.com à verser à Monsieur [J] [P], ès qualités d’administrateur de la succession [C] composée de Madame [B] [C] [E], Madame [U] [P], Monsieur [M] [P], Madame [A] [P] et Monsieur [J] [P] :
– la somme de 300.000 euros en réparation du préjudice patrimonial résultant de la contrefaçon,
– la somme de 30.000 euros en réparation du préjudice moral résultant de la contrefaçon,
Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt et ordonne la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1154 du code civil ;
Déboute la société Artprice.com de ses prétentions ;
Condamne la société anonyme Artprice.com à verser à Monsieur [J] [P], ès qualités d’administrateur de la succession [C] composée de Madame [B] [C] [E], Madame [U] [P], Monsieur [M] [P], Madame [A] [P] et Monsieur [J] [P] la somme complémentaire de 10.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Le greffier,Le Président,