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22 juin 2022
Cour de cassation
Pourvoi n°
20-22.438
COMM.
FB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 22 juin 2022
Rejet
Mme MOUILLARD, président
Arrêt n° 420 FS-B
Pourvoi n° C 20-22.438
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 22 JUIN 2022
La société Calédonienne de connectivité internationale, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° C 20-22.438 contre l’arrêt rendu le 29 octobre 2020 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 7), dans le litige l’opposant :
1°/ à l’Office des postes et télécommunications de Nouvelle-Calédonie, établissement public à caractère industriel et commercial, dont le siège est [Adresse 4],
2°/ à l’Autorité de la concurrence de la Nouvelle-Calédonie, dont le siège est [Adresse 1],
3°/ au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, dont le siège est [Adresse 2],
4°/ au procureur général près la cour d’appel de Paris, domicilié en son parquet général,10 boulevard du Palais, 75001 Paris,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Champalaune, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de la société Calédonienne de connectivité internationale, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de l’Office des postes et télécommunications de Nouvelle-Calédonie, et l’avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l’audience publique du 10 mai 2022 où étaient présents Mme Mouillard, président, Mme Champalaune, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller doyen, Mmes Poillot-Peruzzetto, Michel-Amsellem, conseillers, M. Blanc, Mmes Comte, Bessaud, Bellino, M. Regis, conseillers référendaires, M. Debacq, avocat général, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 29 octobre 2020), l’Office des postes et télécommunications de Nouvelle-Calédonie (l’OPT-NC), opérateur historique, exploite un câble sous-marin reliant la Nouvelle-Calédonie à l’Australie, qui assure la connexion au réseau mondial et aux opérateurs distants afin de permettre les communications électroniques de longue distance. L’OPT-NC donne accès à son réseau, comportant notamment ce câble, à travers des offres tarifaires soumises à l’approbation du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.
2. La société Hawaïki est propriétaire d’un câble sous-marin qui relie les Etats-Unis à l’Australie et à la Nouvelle-Zélande. Désireuse d’installer par l’intermédiaire de sa filiale, la société Calédonienne de connectivité internationale (la SCCI), un câble sous-marin reliant la Nouvelle-Calédonie à son câble existant, la société Hawaïki a sollicité, au cours de l’année 2019, les autorisations nécessaires à sa construction, en vue de proposer une offre de service alternative à l’offre « liaison internationale » de l’OPT-NC, destinée notamment aux fournisseurs d’accès à l’internet présents en Nouvelle-Calédonie.
3. À compter du 1er mars 2020, une nouvelle offre tarifaire dénommée « offre fusionnée », englobant le trafic local et de proximité avec le trafic international, a été établie par l’OPT-NC.
4. Soutenant que cette offre constituait une pratique de vente liée destinée à l’empêcher d’entrer sur le marché des capacités de connectivité internationale haut-débit par câble sous-marin et qu’elle caractérisait un abus, par l’OPT-NC, de sa position dominante sur ce marché, la SCCI a saisi l’Autorité de la concurrence de Nouvelle-Calédonie (l’AC-NC) de deux plaintes, suivies de deux demandes de mesures conservatoires.
5. L’AC-NC a retenu qu’il existait un marché de gros des services de capacités de connectivité internationale comprenant les services de transmission de communications électroniques extérieures à la Nouvelle-Calédonie, principalement par câble sous-marin, sur lequel l’OPT-NC était le principal opérateur intervenant en tant qu’offreur et en tant que propriétaire de toutes les infrastructures de télécommunications internationales, et que ce marché était ouvert à la concurrence, en ce que les dispositions du code des postes et télécommunications de Nouvelle-Calédonie (le CPTNC) ne conféraient pas expressément à l’OPT-NC des droits exclusifs pour la fourniture de services de capacités de connectivité internationale à haut-débit par câble sous-marin.
6. S’estimant, dès lors, compétente pour apprécier la conformité des décisions prises par l’OPT-NC aux règles de la concurrence, en ce que ces décisions étaient détachables de sa mission de service public, et retenant l’existence de pratiques constituant une atteinte grave et immédiate aux intérêts de la SCCI, l’AC-NC, par une décision n° 2020-MC-01 du 2 juillet 2020 (rectifiée), a prononcé une injonction à l’égard de l’OPT-NC, qui a formé un recours contre cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. La SCCI fait grief à l’arrêt d’annuler la décision n° 2020-MC-01 du 2 juillet 2020 (rectifiée) de l’AC-NC relative à sa demande de mesures conservatoires pour des pratiques mises en oeuvre par l’OPT-NC dans le secteur des télécommunications et de déclarer irrecevables ses saisines de l’AC-NC et ses demandes de mesures conservatoires accessoires, alors :
« 1°/ que conformément aux articles 211-3 et 221-2 du CPTNC, aucun monopole de droit n’est conféré à l’OPT-NC s’agissant des activités qui relèvent du service public des télécommunications ; qu’en l’espèce, en retenant que cet opérateur disposait de droits exclusifs sur ces activités, la cour d’appel a violé les textes précités, ensemble le principe de la liberté du commerce et de l’industrie ;
2°/ qu’en tout état de cause, conformément à l’article 221-2 du CPTNC, le monopole de droit conféré à l’OPT-NC ne couvre pas le marché des services de fourniture de connectivité internationale par câble sous-marin ; qu’en l’espèce, en retenant le contraire, la cour d’appel a violé ce texte, ensemble l’article 211-3 du même code et le principe de la liberté du commerce et de l’industrie ;
3°/ qu’en se bornant à affirmer qu’il n’y avait pas lieu de recourir à l’interprétation stricte de l’article 221-2 du CPTNC proposée par la SCCI, sans rechercher, comme elle y était pourtant expressément invitée, si, d’une part, l’atteinte que ce texte portait au principe de la liberté du commerce et de l’industrie et, d’autre part, le silence de l’article 22 de la loi organique du 19 mars 1999 quant à l’existence d’un monopole de droit conféré à l’OPT-NC ne commandaient pas d’en faire une lecture restrictive, la cour d’appel a entaché sa décision d’un défaut de base légale au regard du texte précité, de l’article 211-3 du même code et du principe de la liberté du commerce et de l’industrie ;
4°/ que la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences de l’article 455 du code de procédure civile en ne répondant pas au moyen, péremptoire, qui faisait valoir que les termes de la délibération du congrès de Nouvelle-Calédonie n° 235 du 15 décembre 2006 confirmaient l’absence d’un quelconque monopole de droit conféré à l’OPT-NC s’agissant du marché des services de connectivité internationale par câble sous-marin ;
5°/ qu’en retenant que le monopole de droit conféré à l’OPT-NC s’étendait à l’activité de fourniture de services de connectivité internationale par câble sous-marin, sans jamais examiner, ne serait-ce que sommairement, l’étude juridique indépendante commandée par le gouvernement de Nouvelle-Calédonie en 2018 produite par la SCCI au soutien de ses prétentions, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
8. En premier lieu, l’arrêt retient d’abord que le CPTNC, institué par délibération n° 236 du 15 décembre 2006 du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, constitue le seul texte pertinent pour déterminer la nature et l’étendue des missions de service public de l’OPT-NC dans le secteur des télécommunications et si ces activités sont exercées dans le cadre d’un monopole de droit. Il énonce ensuite que l’article 211-3 de ce code affirme, en son 1°, que le service public de télécommunications relève de la compétence exclusive de la Nouvelle-Calédonie et qu’il est assuré par l’OPT-NC. Il observe que si cet article ne précise pas que ce service public est assuré exclusivement par cet office, comme le fait l’article 111-3 pour le service public postal, il désigne néanmoins uniquement l’OPT-NC pour assurer ce service ainsi que l’accès aux réseaux et services des télécommunications ouverts au public. Il relève que pour les activités de télécommunications qui ne dépendent pas de ce service public, ce même article 211-3, en son 2°, renvoie aux règles prévues au titre III, lequel prévoit, à l’article 231-1, que certaines de ces activités sont simplement soumises à autorisation du gouvernement, tandis que d’autres, énumérées à l’article 231-3, sont exercées librement, sans intervention de la part de l’OPT-NC. Il relève encore, à la lecture combinée des 1° et 2° de l’article 211-3, et des articles 231-1 et 231-3 du CPTNC, que ces dispositions confèrent à l’OPT-NC, seul, l’exercice et l’exploitation des activités relevant du service public des télécommunications et n’autorisent l’intervention d’autres opérateurs que pour les activités ne relevant pas de ce service et énumérées au titre III. Il relève enfin que cette lecture se trouve confortée par le libellé de l’article 221-1 qui prévoit que « [l]e service public des télécommunications est assuré par l’office des postes et télécommunications dans le respect des principes d’égalité, de continuité, de neutralité et d’adaptabilité », sans envisager d’autre opérateur susceptible d’assumer cette charge.
9. En cet état, c’est exactement que la cour d’appel a retenu que l’OPT-NC disposait d’un monopole de droit sur l’exploitation des réseaux et services des télécommunications ouverts au public qui relèvent du service public des télécommunications en Nouvelle-Calédonie et que, par conséquent, il disposait de droits exclusifs sur ces réseaux et services.
10. En second lieu, l’arrêt relève que l’étendue de ce monopole est déterminée à l’article 221-2 du CPTNC, qui inclut notamment « l’accès au réseau large bande par la fourniture d’une capacité de transmission sur support matériel, radioélectrique, terrestre ou satellitaire ». Il constate que ni l’AC-NC, ni la SCCI ne contestent qu’un réseau large bande est défini, par l’Union internationale des télécommunications, comme un système capable de transmettre des signaux à un débit élevé. Il relève encore que ce texte ne fait aucune distinction entre une transmission externe et interne, de sorte qu’il n’y a pas lieu de distinguer là où le texte ne distingue pas, et en déduit qu’il convient de retenir qu’il vise les transmissions de signaux tant internes à la Nouvelle-Calédonie qu’externes, c’est-à-dire internationales. Il relève enfin que ce texte, en ce qu’il cite « la transmission sur support matériel, radioélectrique, terrestre ou satellitaire », n’énumère pas de manière limitative trois types de support matériel de transmission que seraient les supports radioélectrique, satellitaire ou terrestre, contrairement à ce que soutient l’AC-NC, sauf à faire d’un support radioélectrique un support matériel, ce qu’il n’est pas. Il en déduit que ce texte désigne différents types de support en recourant à des notions très larges, dont celle de support matériel de transmission, cependant qu’il ne peut être sérieusement contesté qu’un câble, même sous-marin, constitue un support matériel de transmission de signaux.
11. En cet état, c’est à bon droit que, par une interprétation stricte des textes en cause, rendant inopérantes les recherches invoquées par la troisième branche, et sans avoir à entrer dans le détail de l’argumentation de la SCCI, la cour d’appel a retenu que le marché de fournitures de service de capacités de connectivité internationale relevait des activités de service public soumises au monopole de droit de l’OPT-NC, ce dont elle a déduit qu’étaient irrecevables les saisines de l’AC-NC par la SCCI et les demandes de mesures conservatoires accessoires formées par celle-ci.
12. Le moyen n’est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Calédonienne de connectivité internationale aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Calédonienne de connectivité internationale et la condamne à payer à l’Office des postes et télécommunications de la Nouvelle-Calédonie la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille vingt-deux.