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14 juin 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/09577
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 1
ARRET DU 14 JUIN 2023
(n° 086/2023, 23 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 21/09577 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDWTN
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Mars 2021 -Tribunal judiciaire de PARIS – 3ème chambre 1ère section – RG n° 19/05928 – Jonction avec le dossier 21/09707
APPELANTES
S.A.R.L. AGRO TRANSMISSION
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NANTERRE sous le numéro 480 176 122
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège,
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
Assistée de Me Anaïs ARNAL du cabinet CMS FRANCIS LEFEBVRE, avocat au barreau des HAUTS DE SEINE, toque : 1701
S.A.R.L. MTI INTERNATIONAL
Société au capital de 37 120 euros
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés du PUY EN VELAY sous le numéro 409 611 696
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 6]
[Adresse 6]
S.A.R.L. MANAGEMENT TRANSMISSION INVESTISSEMENT SUD-OUEST
Société au capital de 8 000 euros
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés d’AGENS sous le numéro 799 349 709
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 8]
[Adresse 8]
S.A.R.L. MTI RHONE-ALPES- AUVERGNE – BOURGOGNE-FRANCHE COMTE
Société au capital de de 40 000 euros
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de ROANNE sous le numéro 483 334 348
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 5]
[Adresse 5]
S.A.R.L. MTI MEDITERRANEE
Société au capital de 10 000 euros
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de MARSEILLE sous le numéro 483 334 298
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 3]
[Adresse 3]
S.A.R.L. MTI [Localité 13] MANAGEMENT TRANSACTION INVESTISSEMENT
Société au capital de 10 000 euros
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés du PUY EN VELAY sous le numéro 490 793 080
Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
La Pépinière d’Entreprises
[Adresse 9]
[Adresse 9]
Représentées par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GALLAND VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010
Assistées de Me Pierrick JUPILE-BOISVERD substituant Me Caroline JOLY, tous deux de la SELARL BARO ALTO, avocats au barreau de PARIS, toque : G0020
INTIMÉS
Monsieur [Y], [M], [X] [J]
Né le 8 novembre 1954 à [Localité 21]
De nationalité française
Gérant de société
Demeurant [Adresse 2]
[Adresse 2]
Monsieur [R], [M], [W] [U]
Né le 30 aout 1964 à [Localité 12]
De nationalité française
Gérant de société
Demeurant [Adresse 1]
[Adresse 1]
Monsieur [Z], [W], [B] [N]
Né le 06 octobre 1965 à [Localité 22]
De nationalité française
Gérant de société
Demeurant [Adresse 7]
[Adresse 7]
S.A.R.L. AGRO TRANSMISSION
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NANTERRE sous le numéro 480 176 122
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège,
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représentés par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111
Assistés de Me Anaïs ARNAL du cabinet CMS FRANCIS LEFEBVRE, avocat au barreau des HAUTS DE SEINE, toque : 1701
S.A.R.L. MTI INTERNATIONAL
Société au capital de 37 120 euros
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés du PUY EN VELAY sous le numéro 409 611 696
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 6]
[Adresse 6]
S.A.R.L. MANAGEMENT TRANSMISSION INVESTISSEMENT SUD-OUEST
Société au capital de 8 000 euros
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés d’AGENS sous le numéro 799 349 709
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 8]
[Adresse 8]
S.A.R.L. MTI RHONE-ALPES- AUVERGNE – BOURGOGNE-FRANCHE COMTE
Société au capital de de 40 000 euros
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de ROANNE sous le numéro 483 334 348
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 5]
[Adresse 5]
S.A.R.L. MTI MEDITERRANEE
Société au capital de 10 000 euros
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de MARSEILLE sous le numéro 483 334 298
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 3]
[Adresse 3]
S.A.R.L. MTI [Localité 13] MANAGEMENT TRANSACTION INVESTISSEMENT
Société au capital de 10 000 euros
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés du PUY EN VELAY sous le numéro 490 793 080
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
La Pépinière d’Entreprises
[Adresse 9]
[Adresse 9]
Représentées par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GALLAND VIGNES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010
Assistées de Me Pierrick JUPILE-BOISVERD substituant Me Caroline JOLY, tous deux de la SELARL BARO ALTO, avocats au barreau de PARIS, toque : G0020
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 avril 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Françoise BARUTEL, conseillère et Mme Isabelle DOUILLET, présidente, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.
Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre,
Mme Françoise BARUTEL, conseillère,
Mme Déborah BOHEE, conseillère.
Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON
ARRET :
Contradictoire
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
signé par Françoise BARUTEL, conseillère, faisant fonction de Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
La société MTI INTERNATIONAL exerce une activité de conseil, d’audit et de courtage, dans le domaine de l’agro-alimentaire. Elle est en particulier spécialisée dans le rapprochement d’entreprises de ce secteur industriel en vue de la réalisation, entre elles, de toutes opérations économiques et financières.
Elle est titulaire des marques suivantes :
– la marque semi-figurative française « MTI » déposée le 5 juillet 2005, enregistrée sous le n° 5 3 368 847 en classes 35, 36 et 42 et dûment renouvelée ;
– la marque verbale française « MTI MANAGEMENT TRANSMISSION INVESTISSEMENT », déposée le 5 juillet 2005, enregistrée sous le n° 5 3 368 848 en classes 35, 36, 42 et 45 et dûment renouvelée ;
Elle est également titulaire du nom de domaine par le biais duquel elle exploite un site internet, depuis le 20 juillet 2005.
La société MTI INTERNATIONAL a cédé progressivement des parts de son capital social afin de créer le réseau français et européen « MTI » spécialisé dans la mise en relation et le rapprochement des acteurs du secteur agro-alimentaire. Ce réseau comprend notamment les entités MTI ILE DE FRANCE, MTI SUD-OUEST, MTI RHONE-ALPES-AUVERGNE-BOURGOGNE-FRANCHE-COMTE, MTI MÉDITERRANÉE, MTI [Localité 15], MTI [Localité 16], MTI [Localité 14] et MTI [Localité 13], toutes associées de la société MTI INTERNATIONAL et toutes bénéficiaires d’une licence implicite de marques.
C’est dans ce cadre que, par une cession de parts du 22 août 2005, la société MTI ILE DE FRANCE, ayant pour gérants MM. [Y] [J] et [R] [U], est devenue associée de la société MTI INTERNATIONAL.
Le 24 janvier 2006, les associés de la société MTI INTERNATIONAL ont signé un pacte d’associés, ainsi qu’un règlement intérieur, définissant les modalités d’actionnariat des sociétés MTI au sein de la société MTI INTERNATIONAL et le fonctionnement du réseau MTI.
Le 28 avril 2014, lors d’une assemblée générale extraordinaire des associés de la société MTI INTERNATIONAL, a été votée la caducité de ce pacte d’associés et du règlement intérieur.
La société MTI INTERNATIONAL expose qu’en juillet 2016, la société MTI ILE DE FRANCE a procédé au changement de sa dénomination, pour devenir MTI FRANCE, se présentant alors comme l’interlocuteur français du réseau international MTI et ouvrant le 13 juillet 2016 des bureaux à [Localité 10], [Localité 18] et [Localité 23], en dépit de l’existence des entités MTI [Localité 16], MTI [Localité 15] et MTI [Localité 14], en charge de ces secteurs géographiques.
A la suite de cette modification, la société MTI FRANCE a déposé en son nom une marque semi-figurative française n° 16 4 294 960 le 26 août 2016 pour désigner des services des classes 35 et 36 :
La société MTI INTERNATIONAL a formé opposition le 16 novembre 2016 à l’enregistrement de cette demande de marque semi-figurative française et par une décision du 24 avril 2017, le directeur général de l’INPI a reconnu l’opposition justifiée et rejeté la demande d’enregistrement.
Par une lettre recommandée du 6 décembre 2017, la société MTI INTERNATIONAL a mis en demeure la société MTI FRANCE de cesser ce qu’elle estimait être des actes de contrefaçon de marques et de concurrence déloyale.
La société MTI FRANCE a contesté, par une lettre du 21 décembre 2017, les faits qui lui étaient reprochés et les parties se sont ensuite rapprochées aux fins de procéder entre elles par voie de médiation mais sans parvenir à un accord mettant fin à leur litige.
C’est dans ce contexte que le 25 avril 2019, la société MTI INTERNATIONAL a signifié par acte d’huissier à la société MTI FRANCE la résiliation de la licence portant sur ses marques avec un délai de préavis de 12 mois.
Par actes d’huissier des 2 et 7 mai 2019, la société MTI INTERNATIONAL et les sociétés du réseau MTI ont ensuite fait assigner la société MTI FRANCE et ses dirigeants, MM. [Y] [J], [R] [U] et [Z] [N], devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de marques, ainsi qu’en concurrence déloyale et parasitisme.
Le 2 décembre 2019, la société MTI FRANCE a procédé à un changement de dénomination sociale devenant la société AGRO TRANSMISSION.
Dans un jugement rendu le 25 mars 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :
– dit qu’en faisant usage du signe MTI dans des conditions excédant les limites, en particulier territoriales, de la licence qui lui avait été consentie sur les marques, la société AGRO TRANSMISSION a commis des actes de contrefaçon de marques ;
– dit qu’en adoptant le nom commercial MTI FRANCE et en ouvrant des bureaux sur les territoires des autres entités du réseau, la société AGRO TRANSMISSION a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire, au préjudice des sociétés MTI INTERNATIONAL, MTI RHONE-ALPES-AUVERGNE-BOURGOGNE-FRANCHE – COMTE, MTI MÉDITERRANÉE et MTI [Localité 13] ;
– condamné la société AGRO TRANSMISSION à payer à la société MTI INTERNATIONAL la somme de 100.000 euros, avec intérêt au taux légal à compter du 6 décembre 2017, en réparation du préjudice causé par les faits de contrefaçon, et de concurrence déloyale et parasitaire ;
– condamné la société AGRO TRANSMISSION à payer à la société MTI RHONE-ALPES-AUVERGNE-BOURGOGNE-FRANCHE-COMTE la somme de 10.000 euros, avec intérêt au taux légal à compter du 6 décembre 2017, en réparation du préjudice causé par les faits de concurrence déloyale ;
– condamné la société AGRO TRANSMISSION à payer à la société MTI [Localité 13] la somme de 10.000 euros, avec intérêt au taux légal à compter du 6 décembre 2017, en réparation du préjudice causé par les faits de concurrence déloyale ;
– condamné la société AGRO TRANSMISSION à payer à la société MTI SUD OUEST la somme de 10.000 euros, avec intérêt au taux légal à compter du 6 décembre 2017, en réparation du préjudice causé par les faits de concurrence déloyale ;
– condamné la société AGRO TRANSMISSION à payer à la société MTI MEDITERRANNEE la somme de 10.000 euros, avec intérêt au taux légal à compter du 6 décembre 2017, en réparation du préjudice causé par les faits de concurrence déloyale ;
– enjoint en tant que de besoin à la société AGRO TRANSMISSION de cesser tout usage des marques MTI ;
– dit n’y avoir lieu à ce stade d’assortir cette injonction d’une astreinte ;
– rejeté les demandes de publication du jugement, et de condamnation personnelle des dirigeants de la société AGRO TRANSMISSION, ainsi que toutes les demandes reconventionnelles de la société AGRO TRANSMISSION (aux fins d’obtenir que la résiliation de la licence de marques soit déclarée fautive, que soit ordonnée une expertise et que les demanderesses soient condamnées à lui verser des dommages-intérêts pour procédure abusive) ;
– condamné la société AGRO TRANSMISSION aux dépens ;
– condamné la société AGRO TRANSMISSION à payer aux sociétés MTI INTERNATIONAL, MTI SUD-OUEST, MTI RHONE-ALPES-AUVERGNE-BOURGOGNE-FRANCHE COMTE, MTI MÉDITERRANÉE et MTI [Localité 13], la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– ordonné l’exécution provisoire.
Le 21 mai 2021, les sociétés MTI INTERNATIONAL, MANAGEMENT TRANSMISSION INVESTISSEMENT SUD-OUEST, MTI RHONE-ALPES-AUVERGNE-BOURGOGNE-FRANCHE-COMTE, MTI MEDITERRANEE, et MTI [Localité 13] MANAGEMENT TRANSACTION INVESTISSEMENT, d’une part, la société AGRO TRANSMISSION, MM. [J], [U] et [N], d’autre part, ont interjeté appel de ce jugement. Les deux procédures d’appel ont été jointes.
Dans leurs dernières conclusions, transmises le 10 janvier 2023, les sociétés MTI INTERNATIONAL, MANAGEMENT TRANSMISSION INVESTISSEMENT SUD-OUEST, MTI RHONE-ALPES-AUVERGNE-BOURGOGNE-FRANCHE-COMTE, MTI MEDITERRANEE et MTI [Localité 13] MANAGEMENT TRANSACTION INVESTISSEMENT (ci-après, les sociétés MTI) demandent à la cour de :
Vu les articles L.713-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle,
Vu les articles 1240, 1241 et 1843-5 du code civil,
Vu les articles 232 et 700 du code de procédure civile,
– confirmer le jugement en ce qu’il a :
– dit qu’en faisant usage du signe MTI dans des conditions excédant les limites, en particulier territoriales, de la licence qui lui avait été consentie sur les marques, la société AGRO TRANSMISSION a commis des actes de contrefaçon de marques ;
– y ajouter que la contrefaçon est également caractérisée par :
o le dépôt de la demande de marque semi-figurative française n°16 4 294 960 du 26 août 2016, destinée à distinguer des services identiques et similaires à ceux couverts par la marque française antérieure n°05 3 368 847 ;
o la violation de la licence consentie sur la marque semi-figurative française n°05 3 368 847, en l’utilisant sous une forme modifiée non autorisée ;
o la violation de la licence consentie sur la marque semi-figurative française n°05 3 368 847, en élargissant le périmètre d’exploitation à d’autres services non couverts par l’enregistrement lors du dépôt litigieux ;
o l’adoption et l’usage du signe MTI FRANCE, à titre de dénomination sociale, nom commercial, enseigne et nom de domaine, pour des activités identiques et/ou similaires à celles protégées par les marques françaises n°05 3 368 847 et n°05 3 368 848 depuis juillet 2016 ;
– dit qu’en adoptant le nom commercial MTI FRANCE et en ouvrant des bureaux sur les territoires des autres entités du réseau, la société AGRO TRANSMISSION a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire, au préjudice des sociétés MTI INTERNATIONAL, MTI SUD -OUEST, MTI RHONE-ALPES-AUVERGNE-BOURGOGNE-FRANCHE-COMTE, MTI MÉDITERRANÉE et MTI [Localité 13] ;
– enjoint en tant que de besoin à la société à la société AGRO TRANSMISSION de cesser tout usage des marques MTI ;
– pour le surplus, infirmer le jugement entrepris en ce qu’il dispose :
– condamne la société AGRO TRANSMISSION à payer à la société MTI INTERNATIONAL la somme de 100.000 euros avec intérêt au taux légal à compter du 6 décembre 2017 en réparation du préjudice causé par les faits de contrefaçon et de concurrence déloyale et parasitaire ;
– condamne la société AGRO TRANSMISSION à payer 10.000 à la société MTI RHONE-ALPES-AUVERGNE- BOURGOGNE-FRANCHE avec intérêt au taux légal à compter du 6 décembre 2017, en réparation du préjudice causé par les faits de concurrence déloyale ;
– condamne la société AGRO TRANSMISSION à payer à la société MTI [Localité 13] la somme de 10.000 euros, avec intérêt au taux légal à compter du 6 décembre 2017, en réparation du préjudice causé par les faits de concurrence déloyale ;
– condamne la société AGRO TRANSMISSION à payer à la société MTI SUD OUEST la somme de 10.000 euros, avec intérêt au taux légal à compter du 6 décembre 2017, en réparation du préjudice causé par les faits de concurrence déloyale ;
– condamne la société AGRO TRANSMISSION à payer à la société MTI MEDITERRANNEE la somme de 10.000 euros, avec intérêt au taux légal à compter du 6 décembre 2017, en réparation du préjudice causé par les faits de concurrence déloyale ;
– dit n’y avoir lieu à ce stade d’assortir cette injonction d’une astreinte ;
– rejette les demandes de publication du présent jugement, et de condamnation personnelle des dirigeants de la société AGRO TRANSMISSION ;
– condamne la société AGRO TRANSMISSION à payer aux sociétés MTI INTERNATIONAL, MTI SUD-OUEST, MTI RHONE-ALPES-AUVERGNE – BOURGOGNE-FRANCHE COMTE, MTI MÉDITERRANÉE et MTI [Localité 13], la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– y faisant droit et statuant à nouveau :
– juger que les dirigeants de la société AGRO TRANSMISSION, MM. [J], [U] et [N], ont commis des actes de concurrence déloyale et de parasitisme, au préjudice de MTI INTERNATIONAL, MTI SUD-OUEST, MTI RHONE-ALPES-AUVERGNE-BOURGOGNE-FRANCHE COMTE, MTI MÉDITERRANÉE, MTI [Localité 13], à compter du mois de juillet 2015 jusqu’à ce jour et ont engagé à ce titre leur responsabilité personnelle ;
– condamner in solidum AGRO TRANSMISSION et ses dirigeants, MM. [J], [U] et [N], à payer à MTI INTERNATIONAL la somme de 565.361,27 euros, à parfaire, avec intérêt au taux légal à compter du 6 décembre 2017, à titre de réparation pour le préjudice causé du fait de leurs agissements de contrefaçon, concurrence déloyale et parasitisme ;
– condamner in solidum AGRO TRANSMISSION et ses dirigeants, MM. [J], [U] et [N], à payer à MTI RHONE-ALPES-AUVERGNE-BOURGOGNE-FRANCHE COMTE la somme de 46.232,83 euros, à parfaire, avec intérêt au taux légal à compter du 6 décembre 2017, à titre de réparation pour le préjudice causé du fait de leurs agissements de contrefaçon, concurrence déloyale et parasitisme ;
– condamner in solidum AGRO TRANSMISSION et ses dirigeants, MM. [J], [U] et [N], à payer à MTI [Localité 13] la somme de 18.567,40 euros, à parfaire, avec intérêt au taux légal à compter du 6 décembre 2017, à titre de réparation pour le préjudice causé du fait de leurs agissements de contrefaçon, concurrence déloyale et parasitisme ;
– condamner in solidum AGRO TRANSMISSION et ses dirigeants, MM. [J], [U] et [N], à payer à MTI SUD OUEST la somme de 445.757,47 euros, à parfaire, avec intérêt au taux légal à compter du 6 décembre 2017, à titre de réparation pour le préjudice causé du fait de leurs agissements de contrefaçon, concurrence déloyale et parasitisme;
– condamner in solidum AGRO TRANSMISSION et ses dirigeants, MM. [J], [U] et [N], à payer à MTI MEDITERRANNEE la somme de 69.382,67 euros, à parfaire, avec intérêt au taux légal à compter du 6 décembre 2017, à titre de réparation pour le préjudice causé du fait de leurs agissements de contrefaçon, concurrence déloyale et parasitisme ;
– ordonner la capitalisation des intérêts, par application de l’article 1343-2 du code civil ;
– ordonner la publication par AGRO TRANSMISSION de l’arrêt à intervenir en intégralité sur la première page des sites internet exploités par AGRO TRANSMISSION et notamment des sites internet www.mti-france.net et www.agrotransmission.com et ce pendant 6 mois sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard dans un délai de 8 jours à compter de sa signification à AGRO TRANSMISSION ;
– en tout état de cause :
– confirmer le jugement en toutes ses autres dispositions qui ne font pas grief aux concluants,
– débouter AGRO TRANSMISSION et ses dirigeants, MM. [J], [U] et [N], de leurs demandes plus amples ou contraires ;
– condamner in solidum AGRO TRANSMISSION et ses dirigeants, MM. [J], [U] et [N], à payer à MTI INTERNATIONAL, MTI SUD-OUEST, MTI RHONE-ALPES-AUVERGNE-BOURGOGNE-FRANCHE COMTE, MTI MÉDITERRANÉE et MTI [Localité 13], la somme de 15.000 euros chacune sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner in solidum AGRO TRANSMISSION et ses dirigeants, MM. [J], [U] et [N], aux entiers dépens de l’instance.
Dans leurs dernières conclusions, transmses le 15 décembre 2022, la société AGRO TRANSMISSION (anciennement MTI ILE DE FRANCE puis MTI FRANCE), et MM. [J], [U] et [N] demandent à la cour de :
Vu les articles L.713-2 et L.713-3 du code de la propriété intellectuelle ;
Vu les articles 1240 (anciennement 1382), 1241 (anciennement 1383) et 1843-5 du code civil ;
Vu les articles 32-1 et 559 du code de procédure civile ;
Vu la jurisprudence citée,
– à titre principal :
– déclarer recevable et bien fondé l’appel incident de la société AGRO TRANSMISSION, MM. [J], [U] et [N] ;
– juger que ni la société AGRO TRANSMISSION ni MM. [J], [U] et [N] n’ont commis aucun acte de contrefaçon, ni aucun acte de concurrence déloyale ou parasitaire à l’égard des sociétés MTI INTERNATIONAL, MANAGEMENT TRANSMISSION INVESTISSEMENT SUD-OUEST, MTI RHONE ALPES-AUVERGNE-BOURGOGNE-FRANCHE COMTE, MTI MÉDITERRANÉE et MTI [Localité 13] MANAGEMENT TRANSACTION INVESTISSEMENT ;
– en conséquence :
– infirmer la décision de première instance en ce qu’elle a :
– dit qu’en faisant usage du signe MTI dans des conditions excédant les limites, en particulier territoriales, de la licence qui lui avait été consentie sur les marques, la société AGRO TRANSMISSION a commis des actes de contrefaçon de marques ;
– dit qu’en adoptant le nom commercial MTI FRANCE et en ouvrant des bureaux sur les territoires des autres entités du réseau, la société AGRO TRANSMISSION a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire, au préjudice des sociétés MTI INTERNATIONAL, MTI S U D – O U E S T, M T I RHONE-ALPES-AUVERGNE-BOURGOGNE-FRANCHE COMTE, MTI MÉDITERRANÉE et MTI [Localité 13] ;
– condamné la société AGRO TRANSMISSION à payer à la société MTI INTERNATIONAL la somme de 100.000 euros, avec intérêt au taux légal à compter du 6 décembre 2017, en réparation du préjudice causé par les faits de contrefaçon, et de concurrence déloyale et parasitaire ;
– condamné la société AGRO TRANSMISSION à payer à la société MTI RHONE-ALPES-AUVERGNE- BOURGOGNE-FRANCHE COMTE la somme de 10.000 euros, avec intérêt au taux légal à compter du 6 décembre 2017, en réparation du préjudice causé par les faits de concurrence déloyale ;
– condamné la société AGRO TRANSMISSION à payer à la société MTI [Localité 13] la somme de 10.000 euros, avec intérêt au taux légal à compter du 6 décembre 2017, en réparation du préjudice causé par les faits de concurrence déloyale ;
– condamné la société AGRO TRANSMISSION à payer à la société MTI SUD OUEST la somme de 10.000 euros, avec intérêt au taux légal à compter du 6 décembre 2017, en réparation du préjudice causé par les faits de concurrence déloyale ;
– condamné la société AGRO TRANSMISSION à payer à la société MTI MEDITERRANNEE la somme de 10.000 euros, avec intérêt au taux légal à compter du 6 décembre 2017, en réparation du préjudice causé par les faits de concurrence déloyale ;
– enjoint en tant que de besoin à la société AGRO TRANSMISSION de cesser tout usage des marques MTI ;
– rejeté toutes les demandes reconventionnelles de la société AGRO TRANSMISSION (aux fins d’obtenir que la résiliation de la licence de marques soit déclarée fautive, que soit ordonnée une expertise et que les demanderesses soient condamnées à lui verser une somme à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive) ;
– condamné la société AGRO TRANSMISSION aux dépens ;
– condamné la société AGRO TRANSMISSION à payer aux sociétés MTI INTERNATIONAL, MTI SUD-OUEST, MTI RHONE-ALPES-AUVERGNE-BOURGOGNE-FRANCHE COMTE, MTI MÉDITERRANÉE et MTI [Localité 13], la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté les demandes de publication du jugement et de condamnation personnelle des dirigeants de la société AGRO TRANSMISSION ;
– à titre subsidiaire :
– confirmer la décision de première instance en ce qu’elle a rejeté les demandes de condamnation personnelle des dirigeants de la société AGRO TRANSMISSION, à savoir MM. [J], [U] et [N] ;
– confirmer la décision de première instance en ce qu’elle a rejeté les demandes de publication de la décision ;
– confirmer la décision de première instance en ce qu’elle n’a pas fait droit aux demandes d’indemnisation au titre de préjudices de « pertes de rétrocessions », « pertes de redevances annuelles » et « surcoût de gestion du litige » invoqués par les sociétés MTI INTERNATIONAL, MANAGEMENT TRANSMISSION INVESTISSEMENT SUD-OUEST, MTI RHONE ALPES-AUVERGNE-BOURGOGNE-FRANCHE COMTE, MTI MÉDITERRANÉE et MTI [Localité 13] MANAGEMENT TRANSACTION INVESTISSEMENT ;
– infirmer la décision de première instance en ce qu’elle a considéré que les sociétés MTI INTERNATIONAL, MANAGEMENT TRANSMISSION INVESTISSEMENT SUD-OUEST, MTI RHONE ALPES-AUVERGNE-BOURGOGNE-FRANCHE COMTE, MTI MÉDITERRANÉE et MTI [Localité 13] MANAGEMENT TRANSACTION INVESTISSEMENT ont subi un préjudice de « perte de chance de développement » ou de « désorganisation » du réseau MTI, alors que ces préjudices ne sont ni fondés, ni justifiés ;
– ou, à titre très subsidiaire :
– infirmer la décision de première instance en ce qu’elle a considéré que les préjudices de « perte de chance de développement » et de « désorganisation » du réseau étaient subis, en plus de la société MTI INTERNATIONAL, par les sociétés MANAGEMENT TRANSMISSION INVESTISSEMENT SUD-OUEST, MTI RHONE ALPES-AUVERGNE-BOURGOGNE-FRANCHE COMTE, MTI MÉDITERRANÉE et MTI [Localité 13] MANAGEMENT TRANSACTION INVESTISSEMENT, alors même que ces préjudices n’étaient invoqués qu’à l’égard de MTI INTERNATIONAL ;
– réduire les sommes allouées à MTI INTERNATIONAL à des sommes symboliques compte tenu de l’absence de démonstration et justification du quantum du préjudice subi ;
– reconventionnellement,
– juger que la résiliation de la licence de marques MTI à l’égard d’AGRO TRANSMISSION (anciennement MTI FRANCE) est arbitraire et constitue de facto une exclusion du réseau MTI ;
– nommer un expert pour évaluer l’indemnisation à verser à AGRO TRANSMISSION (anciennement MTI FRANCE) au titre de son exclusion du réseau MTI et FIXER la mission de l’expert comme suit :
– prendre connaissance de tous les documents utiles et particulièrement des documents comptables de MTI INTERNATIONAL et des sociétés du réseau MTI sur les dix dernières années aux fins d’évaluer la valeur de marché des titres d’AGRO TRANSMISSION (anciennement MTI FRANCE) à la date du 25 avril 2020 ;
– prendre connaissance de tous les documents utiles aux fins d’évaluer la contribution d’AGRO TRANSMISSION (anciennement MTI FRANCE) à la notoriété de la marque MTI depuis 2005 ;
– rechercher les autres conséquences dommageables liées à l’exclusion du réseau, notamment en termes de perte de clientèle, et les évaluer au regard de tous les documents utiles ;
– condamner solidairement les sociétés MTI INTERNATIONAL, MANAGEMENT TRANSMISSION INVESTISSEMENT SUD-OUEST, MTI RHONE ALPES-AUVERGNE-BOURGOGNE-FRANCHE COMTE, MTI MÉDITERRANÉE et MTI [Localité 13] MANAGEMENT TRANSACTION INVESTISSEMENT à payer à la société AGRO TRANSMISSION (anciennement MTI FRANCE) la somme de 25.000 € au titre des dépenses relatives à l’adoption et à la promotion de nouveaux signes distinctifs ;
– en tout état de cause,
– condamner solidairement les sociétés MTI INTERNATIONAL, MANAGEMENT TRANSMISSION INVESTISSEMENT SUD-OUEST, MTI RHONE ALPES-AUVERGNE-BOURGOGNE-FRANCHE COMTE, MTI MÉDITERRANÉE et MTI [Localité 13] MANAGEMENT TRANSACTION INVESTISSEMENT à payer à la société AGRO TRANSMISSION (anciennement MTI FRANCE), MM. [J], [U] et [N] la somme de 50.000 €, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner solidairement les sociétés MTI INTERNATIONAL, MANAGEMENT TRANSMISSION INVESTISSEMENT SUD-OUEST, MTI RHONE ALPES-AUVERGNE-BOURGOGNE-FRANCHE COMTE, MTI MÉDITERRANÉE et MTI [Localité 13] MANAGEMENT TRANSACTION INVESTISSEMENT aux entiers dépens de la procédure de première instance et d’appel, dont distraction au profit de Me GRAPPOTTE BENETREAU, en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 28 mars 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées.
Sur les demandes de la société MTI INTERNATIONAL en contrefaçon de marques
Sur la matérialité des faits
La société AGRO TRANSMISSION (anciennement MTI ILE DE FRANCE, puis MTI FRANCE), MM. [J], [U] et [N] soutiennent qu’après le vote de l’assemblée générale du 28 avril 2014, la licence tacite de marque consentie aux membres du réseau MTI doit s’interpréter comme une licence sans aucune limite territoriale, permettant la pleine liberté d’action des membres ; que, comme l’a retenu le tribunal, lors de cette assemblée générale, les associés de MTI INTERNATIONAL ont en effet voté, à l’unanimité, la résolution prévoyant la caducité de l’exclusivité des territoires géographiques et ainsi mis fin à l’interdiction pour chacun des associés d’exercer son activité en dehors du territoire concédé, et partant, à l’interdiction d’utiliser les marques en dehors de ce territoire ; que le tribunal aurait donc dû en déduire que la licence tacite de marque devait s’interpréter comme une licence concédée sans aucune limitation territoriale ; que le tribunal a pourtant retenu de façon contradictoire que la licence tacite de marque avait conservé des limites territoriales et qu’elle continuait de s’inscrire dans le cadre d’une organisation du réseau par grandes régions ; que le tribunal a semble-t-il considéré que la révocation de l’exclusivité n’a pas entraîné la suppression du fonctionnement par régions ; que cependant, la commune intention des sociétés MTI était bien de remettre en cause l’organisation par région, ce qui résulte du reste des déclarations du gérant de MTI INTERNATIONAL et de la pratique de plusieurs sociétés MTI à la suite du vote d’avril 2014 ; que la société MTI ILE DE FRANCE (aujourd’hui AGRO TRANSMISSION) a utilisé les marques concédées licitement, dans le cadre de la licence ; que chaque membre du réseau ayant désormais le droit d’utiliser les marques MTI sans restriction, en particulier territoriale, l’adoption de la nouvelle dénomination sociale MTI FRANCE ne peut être qualifiée d’usage non autorisé excédant les limites de la licence tacite des marques ; que MTI INTERNATIONAL a d’ailleurs attendu plus de 16 mois avant de prétendre s’y opposer ; que par ailleurs le dépôt de la demande de marque “MTI” n° 16 4 294 960, portant sur une légère évolution du logo MTI et qui n’a pas été suivi par un enregistrement, ne révèle aucune intention de s’approprier le signe de MTI INTERNATIONAL ; qu’en effet, d’une part, les droits de licence tacite concédés à MTI ILE DE FRANCE n’excluaient pas le droit de déposer une demande de marque protégeant une évolution de l’élément graphique de la marque initiale, la licence concédée ayant toujours été assez souple, et d’autre part, il n’y a eu aucun usage du signe dans la vie des affaires, ce qui exclut toute contrefaçon (Cass.13 octobre 2021, n°19-20.504 et 19-20.959) ; que c’est donc à juste raison que le tribunal n’a pas retenu que ce dépôt pour des services non couverts par la licence caractérisait un acte de contrefaçon ; que c’est également à juste raison que le tribunal n’a pas retenu que l’usage reproché de la marque “MTI” sous une forme très légèrement modifiée, n’altérant pas le caractère distinctif de la marque enregistrée, caractérisait un acte de contrefaçon, d’autant que la licence tacite n’interdisait en aucun cas cet usage légèrement modifié et que d’autres membres du réseau recouraient eux aussi à des usages légèrement modifiés, ce qui était toléré par MTI INTERNATIONAL qui utilisait elle-même le logo soit-disant litigieux sur le site officiel du réseau.
La société MTI INTERNATIONAL demande la confirmation du jugement en ce qu’il a dit que MTI FRANCE a commis des actes de contrefaçon de marques à son préjudice, non seulement, comme retenu par le tribunal, par la violation territoriale de la licence tacite consentie sur les marques MTI pour la seule région Ile-de-France, en l’exploitant au-delà de ce territoire autorisé depuis 2014, et par le dépôt de la demande de marque semi-figurative française n°16 4 294 960, destinée à distinguer des services identiques et similaires à ceux couverts par la marque française antérieure n°05 3 368 847, mais également :
– par la violation de la licence consentie sur la marque semi-figurative française n°05 3 368 847, en l’utilisant sous une forme modifiée non autorisée,
– par la violation de la licence consentie sur la marque semi-figurative française n°05 3 368 847, en élargissant le périmètre d’exploitation à d’autres services non couverts par l’enregistrement lors du dépôt litigieux,
– par l’adoption et l’usage du signe MTI FRANCE, à titre de dénomination sociale, nom commercial, enseigne et nom de domaine, pour des activités identiques et/ou similaires à celles protégées par les marques françaises n°05 3 368 847 et n°05 3 368 848 depuis juillet 2016.
Elle maintient que MM. [J], [U] et [N] ont engagé leur responsabilité personnelle, en portant atteinte aux droits exclusifs attachés à ses marques, en tentant malicieusement de déposer une demande de marque française qui constituait d’évidence la contrefaçon quasi-servile de sa marque semi-figurative et en renouvelant leurs actes de contrefaçon malgré la mise en demeure du 6 décembre 2017 ; qu’ils se sont rendus coupables de l’infraction intentionnelle de contrefaçon, laquelle constitue une faute séparable de leurs fonctions de co-gérants de MTI FRANCE ; que contrairement à ce que le tribunal a retenu, ces actes graves sont indépendants de l’interprétation donnée de la décision de l’assemblée générale du 28 avril 2014 et traduisent par leur répétition la volonté de nuire et s’approprier le bien d’autrui.
Ceci étant exposé, aux termes de l’article L.713-1 premier alinéa du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n°2019-1 169 du I3 novembre 2019 applicable à l’espèce, ‘L’enregistrement de la marque confere à son son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les produits ou services qu’il a désignés.’
Il résulte en outre de l’article L.713-2 du même code qu”Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :
1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;
2° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque.’
Aux termes enfin de l’article L.714-1, quatrième et cinquième alinéas, de ce même code, ‘Les droits attachés à une marque peuvent faire l’objet, pour tout on partie du territoire et des produits ou services protégés, d’une concession de licence d’exploitation exclusive ou non exclusive.
Les droits conférés par la marque peuvent être invoqués à l’encontre d’un licencié qui enfreint l’une des limites de sa licence en ce qui concerne sa durée, la forme couverte par l’enregistrement sous laquelle la marque peut être utilisée, la nature des produits ou des services pour lesquels la licence est octroyée, le territoire sur lequel la marque peut être apposée ou la qualité des produits fabriqués ou des services fournis par le licencié.’
En l’espèce, il est constant que les licences d’exploitation de marques concédées aux différentes entités du groupe MTI par la société MTI INTERNATIONAL, titulaire desdites marques, étaient à l’origine afférentes à un territoire donné et que les différentes entités bénéficiaient, chacune sur son territoire, d’un droit exclusif d’exploiter les marques MTI. Le règlement intérieur joint au pacte d’associés du 24 janvier 2006 prévoyait ainsi que “chaque région ‘MTI’ a l’exclusivité de l’exploitation de la marque “MTI” sur son territoire géographique mais (…) il existe un intérêt pour l’ensemble des soussignés de veiller à la performance de l’image de la marque ‘MTI’”.
Il est tout aussi constant que lors d’une assemblée générale extraordinaire du 28 avril 2014, ayant comme ordre du jour l’”annulation du pacte d’associé et de l’ensemble de ses usages”, les sociétés membres du réseau MTI, associées de la société MTI INTERNATIONAL, ont, à l’unanimité,voté la résolution suivante : ‘L’Assemblée Générale, après avoir entendu la lecture du rapport de la gérance et avoir pris connaissance du souhait des associés d’entériner la caducité du pacte et du réglement intérieur au 31/12/2011 décide d’annuler le pacte d’associés et le règlement intérieur datés du 24 janvier 2006 et les différents avenants s’y rattachant et de mettre un terme, avec effet immédiat, à tous les usages issus de ce pacte. En conséquence de cette décision, l’ensemble des usages et notamment la notion d’exclusivité des territoires géographiques et la répartition d’honoraires devient caduc à compter de ce jour.”
1: Mises en gras rajoutées par la cour.
Il a ainsi été mis fin notamment au mode de fonctionnement du réseau par territoires exclusifs
et à l’interdiction qui pesait sur chaque membre d’exercer son activité en dehors de son territoire,
ce que confirme le rapport de la gérance de cette assemblée générale, établi par M. [G], gérant de la société MTI INTERNATIONAL, qui indique : “Ainsi, il n’existera plus, à compter de cette décision, de notion d’exclusivité de territoires géographiques et de modalités de répartition d’honoraires. Chaque société ‘MTI’ sera libre de contracter avec d’autres entreprises sur l’ensemble des territoires français et étrangers ».
Comme le plaident la société AGRO TRANSMISSION et ses dirigeants, par ce vote, les associés ont entendu mettre un terme à l’existence de territoires exclusifs et de partage d’honoraires et créer un réseau où les membres seraient en libre concurrence pour exercer leur activité sur le territoire français comme à l’étanger. Il est d’ailleurs justifié que plusieurs sociétés MTI ont, postérieurement au vote du 28 avril 2014, exercé leur activité en dehors de leur territoire exclusif initial : ainsi, pour ne citer que quelques exemples, en juin 2016, la société MTI MEDITERRANEE a proposé une collaboration avec une société espagnole TAE ; en 2017, les gérants des sociétés MTI MEDITERRANEE et MTI RHONE ALPES, AUVERGNE, BOURGOGNE FRANCHE COMTE ont rencontré un directeur du groupe SAVENCIA, dont le siège social est situé dans les Yvelines, pour présenter le dossier d’une société espagnole ; en janvier 2017, M. [G], gérant de MTI INTERNATIONAL, indique dans un courrier que la sciété MTI [Localité 13] intervient dans le cadre du projet de cession d’une société SAVOR située à [Localité 20], etc. (pièces AGRO TRANSMISSION 7b, 7c, 7d).
Il s’en déduit nécessairement qu’il a aussi été mis fin à l’interdiction pesant sur chaque membre du réseau d’utiliser, dans le cadre de son activité, les marques objets des licences concédées en dehors de son territoire. Il est en effet vain pour la société MTI INTERNATIONAL d’admettre que les membres du réseau MTI n’étaient plus, à compter du 28 avril 2014, limités dans leur activité à un territoire donné, et de soutenir en même temps que la licence tacite de marque dont ils bénéficiaient pour l’exercice de cette même activité restait néanmoins limitée à un territoire donné. La licence de marque tacite était étroitement liée au pacte d’associés et au règlement intérieur datés du 24 janvier 2006, ce dernier, comme il a été relevé, étant joint au pacte d’associés et visant expressément l’exclusivité bénéficiant à chaque entité régionale sur son territoire pour l’exploitation de la marque “MTI”. Or, ces pacte et règlement ont tous deux été déclarés caducs au terme du vote du 28 avril 2014. Rien ne vient corroborer l’affirmation de la société MTI INTERNATIONAL selon laquelle “la licence de marque préexistait au pacte d’associés et au règlement intérieur”.
S’il est vrai que la société MTI INTERNATIONAL, titulaire des marques ayant concédé les licences, n’a pas pris part au vote le 28 avril 2014, son gérant, M. [G], a établi le rapport de gérance annonçant la fin de la notion d’exclusivité de territoires géographiques à compter du vote de la résolution, a assisté à la réunion et a en outre pris part au vote en qualité de représentant de la société MTI [Localité 13]. Aucune réserve n’a été exprimée lors de l’assemblée générale quant à l’exploitation des marques sous licence tacite et aucune décision n’est intervenue ultérieurement pour limiter la portée de la résolution votée quant à cette exploitation. En outre, la licence en cause étant tacite, la société MTI INTERNATIONAL ne peut se prévaloir d’une absence de formalisme pour la modification de l’étendue des droits accordés alors qu’il ressort de l’ensemble des éléments examinés que la commune intention des associées était de mettre fin au fonctionnement du réseau par territoires exclusifs et à l’obligation corrélative pour chaque membre du réseau d’exploiter les marques sur son seul territoire.
Contrairement à ce que le tribunal a retenu, la société MTI ne peut donc reprocher à la société AGRO TRANSMISSION (précédemment MTI FRANCE) d’avoir commis des actes de contrefaçon en exploitant les marques au-delà de la zone géographique de l’Ile-de-France sans y être préalablement autorisée.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a dit qu’en faisant usage du signe MTI dans des conditions excédant les limites, “en particulier territoriales”, de la licence qui lui avait été consentie sur les marques, la société AGRO TRANSMISSION a commis des actes de contrefaçon de marques.
Le dépôt par la société MTI FRANCE, le 26 août 2016, d’une demande d’enregistrement n° 16 4 294 960 portant sur un signe semi-figuratif “MTI”, très proche graphiquement de la marque semi-figurative n° 05 3 368 847 de la société MTI INTERNATIONAL, pour désigner des services en classes 35 et 36, qui, à la suite de l’opposition formée par la société MTI INTERNATIONAL, a été intégralement rejetée par le directeur général de l’INPI, ne peut être constitutif d’un acte de contrefaçon par imitation, en l’absence d’usage du signe dans la vie des affaires, faute de toute commercialisation des services concernés sous le signe litigieux.
Pour cette raison, doit être également écarté le grief relatif au dépôt de la demande de marque semi-figurative française n°16 4 294 960 pour des services non couverts par la licence.
Par ailleurs, l’adoption et l’usage, à compter de juillet 2016, par la société MTI ILE DE FRANCE du signe distinctif MTI FRANCE à titre de dénomination sociale, nom commercial, enseigne et nom de domaine, pour des activités identiques et/ou similaires à celles couvertes par les marques françaises n° 053368 847 et n° 053368 848 de la sociétés MTI INTERNATIONAL, comme le révèlent notamment le procès-verbal de l’assemblée générale extraordinaire de la société MTI ILE DE FRANCE du 5 juillet 2016 et le procès-verbal d’huissier de justice établi le 24 janvier 2019 sur le site www.mti-france.net, ne peuvent être considérés comme des actes enfreignant les limites de la licence au sens de l’article L. 714-1 alinéa 5 du code de la propriété intellectuelle qui vise seulement les “limites de sa licence en ce qui concerne sa durée, la forme couverte par l’enregistrement sous laquelle la marque peut être utilisée, la nature des produits ou des services pour lesquels la licence est octroyée, le territoire sur lequel la marque peut être apposée ou la qualité des produits fabriqués ou des services fournis par le licencié”. Les signes en comparaison produisent en outre une impression d’ensemble distincte, les marques sous licence étant pour l’une une marque semi-figurative (marque n° 3 368 847) et l’autre une marque verbale comportant les termes MTI MANAGEMENT TRANSMISSION INVESTISSEMENT (marque n° 5 3 368 848), de sorte que le risque de confusion allégué pour le consommateur d’attention moyenne n’est pas démontré.
En revanche, le procès-verbal d’huissier de justice précité du 24 janvier 2019, une capture d’écran du site internet d’archivage électronique www.archive.org relative à la page web du site internet www.mti-france.net en date du 6 mai 2017 (pièce 11 MTI), un courrier de la société MTI FRANCE à IP SHERE du 21 décembre 2017 et les cartes de visite de MM. [J], [U] et [N] (pièce 22 MTI), montrent l’utilisation par la société MTI FRANCE d’un signe semi-figuratif un peu différent de la marque semi-figurative n° 05 3 368 847 donnée en licence par la société MTI INTERNATIONAL (mêmes formes mais couleurs différentes des flèches incurvées autour du rond vert), ce qui constitue un usage de la marque sous une forme modifiée non autorisée, et des actes de contrefaçon au sens des articles précités du code de la propriété intellectuelle. Il est à cet égard indifférent que le signe litigieux diffère seulement très légèrement de la marque donnée en licence par la société MTI INTERNATIONAL ou que la titulaire de la marque ait elle-même utilisé ou toléré l’usage par d’autres membres du réseau , qui n’avaient pas le comportement de la société MTI FRANCE, d’un signe légèrement modifié.
En définitive, pour les motifs qui viennent d’être exposés, il sera retenu que la société AGRO TRANSMISSION (précédemment MTI ILE DE FRANCE, puis MTI FRANCE) a commis des actes de contrefaçon de la marque française semi-figurative n° 05 3 368 847 dont est titulaire la société MTI INTERNATIONAL.
Le jugement sera réformé en ce sens.
Sur la responsabilité personnelle de MM. [J], [U] et [N]
C’est à juste raison que le tribunal a écarté la responsabilité personnelle des dirigeants de la société AGRO TRANSMISSION en retenant que la contrefaçon invoquée procède d’une interprétation erronnée de la portée de la résolution de l’assemblée générale du 28 avril 2014, ce qui ne saurait être regardée comme une faute détachable de leurs fonctions.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les demandes des sociétés MTI en concurrence déloyale et parasitaire
Pour contester tout comportement déloyal et parasitaire, la société AGRO TRANSMISSION et ses dirigeants font valoir que l’adoption de la dénomination sociale MTI FRANCE ne peut être reprochée dès lors que c’est la conséquence naturelle de la décision prise à l’unanimité lors de l’AG du 28 avril 2014 de mettre un terme aux restrictions nationales, “couplée à la nécessité de gommer un risque de ‘parisianisme’ auprès d’une clientèle de province tout en minimisant le changement pour sa clientèle existante”, alors que dans le même temps les projets de développements et moyens mis en ‘uvre par d’autres associés pour étendre leur activité n’ont jamais fait l’objet d’une quelconque objection de la part de MTI INTERNATIONAL, qu’il s’agisse du risque de confusion pour la marque MTI lié au rapprochement de la société MTI MEDITERRANEE avec une société espagnole concurrence TAE EUROPA ou du choix de la société MTI SUISSE AUTRICHE d’adopter pour dénomination sociale MTI SUISSE INTERNATIONAL concomitamment à la présentation d’un projet de développement en Allemagne ; que l’ouverture de bureaux secondaires dans les régions « [Localité 19] », « [Localité 15] » et « [Localité 14] » n’est pas plus reprochable dans le contexte de l’exercice de son activité sans aucune limite territoriale, dès lors, de plus, que l’ouverture de ces bureaux secondaires s’est faite dans des zones limitrophes à l’Ile-de-France qui avaient été désertées et n’a donc pas préjudicié à d’autres membres ; qu’il ne peut lui être fait grief d’avoir omis de mentionner dans sa communication sur des brochures publicitaires et sur internet les sociétés MTI [Localité 15], MTI [Localité 14] ou MTI [Localité 16] qui n’étaient plus en activité ou sorties du réseau ; qu’elle n’a nulement profité des efforts de MTI INTERNATIONAL sans rien dépenser, comme retenu par le tribunal, affichant au contraire toujours son lien avec le réseau piloté par cette société ; que le dépôt de la marque “MTI” non suivi d’enregistrement, et donc sans impact sur la relation avec les clients, ne constitue pas plus un acte de concurrence déloyale et parasitaire qu’un acte de contrefaçon ; que l’embauche de l’ancien gérant de MTI [Localité 14] liquidée en 2015 ne peut être retenue à faute en l’absence de disposition contractuelle l’interdisant ; que sa prétendue prise de contrôle de MTI [Localité 15] en 2017 n’existe pas et ne serait en tout état de cause pas reprochable ; qu’enfin le dénigrement dénoncé est inexistant.
La société MTI INTERNATIONAL fait reproche à la société AGRO TRANSMISSION (i) de l’adoption du signe MTI FRANCE comme dénomination sociale, nom commercial, enseigne et nom de domaine, (ii) du dépôt d’une marque contrefaisante par imitation, (iii) de l’emploi, qui se poursuit, du signe MTI sur des brochures publicitaires et le site internet de MTI FRANCE reprenant les éléments essentiels de sa propre brochure publicitaire et sur lesquelles MTI FRANCE fait une présentation mensongère à la fois de sa présence sur le territoire français, des opérations réalisées par le réseau et de son positionnmeent au sein de MTI INTERNATIONAL, (iv) de la communication de MTI FRANCE sur des opérations réalisées par elle en violation de ses obligations, montrant la création d’un nouveau réseau MTI parallèle et sous son contrôle, (v) de l’ouverture de bureaux sous le nom MTI hors de la région Ile-de-France, (vi) de l’embauche de l’ancien gérant de MTI [Localité 14] lui ayant permi de récupérer l’ensemble de ses contacts commerciaux, (vii) de la prise de contrôle par les gérants de MTI FRANCE de MTI [Localité 15], (viii) du dénigrement de MTI INTERNATIONAL et de ses associés.
Ceci étant exposé, il est rappelé que la concurrence déloyale et le parasitisme sont pareillement fondés sur l’article 1240 du code civil mais sont caractérisés par application de critères distincts, la concurrence déloyale l’étant au regard du risque de confusion, considération étrangère au parasitisme qui requiert la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique copie une valeur économique d’autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements.
Ces deux notions sont appréciées à l’aune du principe de la liberté du commerce et de l’industrie qui implique que ne sont sanctionnés au titre de la concurrence déloayele et parasitaire que des comportements fautifs créant un dommage, en violation des usages loyaux du commerce.
En l’espèce, si, comme il a été dit, par le vote intervenu le 28 avril 2014, les associés ont entendu mettre un terme à l’existence de territoires exclusifs et de partage d’honoraires et créer ainsi un réseau où les membres seraient en libre concurrence pour exercer leur activité sur le territoire français comme à l’étanger, rien ne démontre que la commune intention des associées s’étendait au-delà de la possibilité donnée à chaque entité d’exercer son activité sur l’ensemble du territoire, voire à l’étranger (Suisse, Autriche, Luxembourg, Italie), et ce y compris en utilisant les marques objets de la licence tacite, et qu’il aurait aussi été décidé, lors du vote du 28 avril 2014, de remettre en cause l’organisation du réseau par grandes régions françaises et étrangères sous la banière de la société MTI INTERNATIONAL, les différentes entités régionales du réseau ayant, de fait, contrairement à la société MTI ILE-DE-FRANCE devenue MTI FRANCE en 2016, conservé leur dénomination liée à une zone déterminée (SUD-OUEST, RHONE-ALPES-AUVERGNE-BOURGOGNE-FRANCHE-COMTE, [Localité 13], MEDITERRANEE, [Localité 15], ITALIA…). Le procès-verbal de l’assemblée générale établit encore moins l’accord des associés pour la création d’une entité MTI FRANCE, et encore moins leur accord pour que l’entité régionale MTI ILE DE FRANCE devienne l’entité nationale MTI FRANCE.
Il s’en déduit que la société MTI ILE-DE-FRANCE, en prenant comme dénomination sociale, nom commercial, enseigne et nom de domaine MTI FRANCE, à compter de juilet 2016, au moment même où, à la suite de l’assemblée générale du 28 avril 2014 ayant mis fin au mode de fonctionnement du réseau par territoires exclusifs, elle ouvrait des bureaux secondaires sur des territoires relevant d’autres entités – ce qui ne peut, en soi, lui être reproché compte tenu de la volonté clairement exprimée par les associées d’instaurer une véritable concurrence entre elles sur l’ensemble du territoire -, a commis, comme l’a jugé le tribunal, des actes de concurrence déloyale vis-à-vis des autres entités du groupe demeurées régionales dans leur désignation, une telle dénomination la plaçant de fait, dans l’esprit de la clientèle, comme à la tête du réseau MTI sur le territoire français.
En outre, la société MTI INTERNATIONAL indique sans être démentie que dans cette communication, la société MTI FRANCE indiquait mensongèrement être présente dans la région “[Localité 17]” alors que son bureau secondaire à [Localité 18] avait été fermé en septembre 2016. Enfin, en indiquant dans la même communication que « MTI FRANCE est implantée sur toute la moitié Nord de la France. Ses associés animent des bureaux régionaux situés au c’ur des territoires agro-alimentaires majeures : [Localité 11]/[Localité 19], Hauts de France/Normandie, Ile de France et [Localité 14] », la société MTI FRANCE n’affiche pas ses liens avec le réseau piloté par MTI INTERNATIONAL ainsi qu’elle le prétend, mais fait référence à ses propres associés personnes physiques, et non aux associés de MTI INTERNATIONAL présents dans les régions.
La société MTI INTERNATIONAL peut être suivie quand elle dénonce la volonté de la société MTI FRANCE de se positionner comme un réseau MTI parallèle, ce qui ressort de son choix d’adopter, en juillet 2016, le nom de domaine mti-france.net, alors que MTI INTERNATIONAL et les autres membres du réseau exploitent le nom de domaine mti-groupe.com, ainsi que de sa tentative de faire enregistrer un signe semi-figuratif très proche de la marque semi-figurative n° 05 3 368 847 de la société MTI INTERNATIONAL en août 2016.
Le grief relatif à l’embauche de l’ancien gérant de la société MTI [Localité 14] sera en revanche écarté dès lors que, comme le soulignent la société AGRO TRANSMISSION et ses dirigeants, ce gérant n’était pas tenu par une clause de non-concurrence et qu’aucune disposition contractuelle ou statutaire n’interdisait à une société du réseau de recruter un ancien gérant de société MTI.
Sera de même écarté le grief relatif à la prise de contrôle par les gérants de MTI FRANCE de MTI [Localité 15] en avril 2017, afin, selon les sociétés MTI, “d’étendre irrégulièrement son activité sur le territoire du nord, en s’assurant du silence de MTI [Localité 15]”. Selon les statuts de la société MTI [Localité 15] à la date du 18 avril 2017, le capital de cette société est en effet détenu par M. [J] (190 parts et usufruit de 10 parts sociales), une société ADELE MANAGEMENT ET INVESTISSEMENTS (190 parts et usufruit de 10 parts) et la société MTI INTERNATIONAL (20 parts en nue-propriété), ce qui ne démontre pas la prise de contrôle prétendue, à supposer que celle-ci soit critiquable.
Enfin, le dénigrement allégué n’est pas suffisamment caractérisé au vu d’un unique courriel adressé par une société ZECOA COURTAGE au gérant de la société MTI INTERNATIONAL dans lequel elle indique : ” (…) Votre communication va contrer les dires de vos amis « parisiens » qui annonçait auprès de vos clients industriels la disparition prochaine du groupe MTI (…)”, la société ZECOA COURTAGE ne faisant que rapporter des propos de clients industriels qui ne sont pas même identifiés.
Les actes de parasitisme, insuffisamment caractérisés et étayés dans les écritures des sociétés MTI, ne peuvent être retenus.
En définitive, pour les motifs qui viennent d’être exposés, il sera retenu que la société AGRO TRANSMISSION (précédemment MTI ILE DE FRANCE, puis MTI FRANCE) a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société MTI INTERNATIONAL et des sociétés MTI SUD-OUEST, MTI RHONE-ALPES-AUVERGNE-BOURGOGNE-FRANCHE COMTE, MTI MÉDITERRANÉE et MTI [Localité 13].
Le jugement sera réformé en ce sens.
Sur les mesures réparatrices
Sur les demandes indemnitaires
Les sociétés MTI ont fait évaluer leur préjudice par un expert de leur choix. Elles font valoir que le préjudice qu’elles ont subi s’élève à 1.109.669,96 euros, chiffre très proche de la projection établie par l’expert (1.145.301,64 euros) ; que la détermination de leurs préjudices résulte pour partie du bénéfice indûment réalisé par MTI FRANCE qui a minoré ses comptes (220 981,16 €) ; que la société MTI INTERNATIONAL a subi personnellement une perte d’opportunité d’un développement complémentaire du réseau, chiffrée sur la base des droits d’entrée non facturés, diminués des frais (276.000 €), la perte des redevances annuelles non versées par MTI FRANCE (36.653 €), le surcoût de gestion du litige (35.200 €) ; que ses associées membres du réseau ont elles subi des pertes de rétrocessions sur les affaires facturées par MTI FRANCE, ces rétrocessions n’ayant pas été abandonnées du fait de la résolution votée le 28 avril 2014 puisque, à l’exception de MTI FRANCE, les membres du réseau ont continué à se facturer des commissions perçues au titre de transactions réalisées en dehors de leur territoires dans les mêmes conditions que celles stipulées dans le pacte d’associés du 24 janvier 2006 et du règlement intérieur y annexé, selon des usages établis postérieurement à la caducité du pacte ; qu’ainsi, les opérations effectuées par MTI FRANCE en dehors de sa zone géographique auraient dû donner lieu au versement de commissions aux titulaires des régions concernées (au total, 292 127, 65 €).
La société AGRO TRANSMISSION et ses dirigants objectent que les chiffres avancés ont été “inventés” par les sociétés MTI et validés au terme d’une expertise non contradictoire ; que le préjudice de pertes de rétrocessions doit être écarté, le pacte d’associés prévoyant la répartition d’honoraires étant devenu caduc à la suite du vote d’avril 2014 et aucun usage n’étant resté en vigueur à ce titre postérieurement ; que le préjudice de pertes de redevances annuelles pour MTI INTERNATIONAL doit être également écarté, cette société n’assurant aucune prestation d’animation de réseau et n’ayant plus d’activité ni de revenus depuis le départ du fondateur historique en 2011 ; que le préjudice de surcoût de gestion du litige fait double emploi avec la demande présentée par les sociétés MTI sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ; que contrairement à ce que le tribunal a retenu, il n’y a pas davantage de perte de chance de développement du réseau MTI dès lors que depuis 2014, chaque société MTI est libre d’opérer sur l’ensemble du territoire national ; que la désorganisation du réseau est tout aussi inexistante compte tenu de la réorganisation votée en 2014 alors qu’aucune perturbation n’a été démontrée ni remontée par les clients du réseau, les sociétés MTI ayant même continué de collaborer avec MTI IDF (aujourd’hui AGRO TRANSMISSION) sur certaines opérations.
Ceci étant exposé, les actes de contrefaçon de marques commis par la société MTI IDF (aujourd’hui AGRO TRANSMISSION) ont porté préjudice à la société MTI INTERNATIONAL, en ce que la marque n° 05 3 368 847 dont elle est titulaire a été nécessairement banalisée et dépréciée par l’usage qu’en a fait la société MTI FRANCE en l’utilisant sous une forme modifiée non autorisée. Il n’est invoqué aucun manque à gagner du fait du non versement de redevances de marques par la société MTI FRANCE. Le préjudice résultant de la contrefaçon sera réparé par le versement à la société MTI INTERNATIONAL de la somme de 20 000 €.
Les faits de concurrence déloyale ont porté préjudice à la société MTI INTERNATIONAL et aux sociétés du réseau MTI en ce que le changement de dénomination de la société MTI ILE-DE-FRANCE en MTI FRANCE a nécessairement perturbé le réseau et en cela le fonctionnement et l’activité des sociétés membres, en portant à croire, notamment pour la clientèle dans le cadre de la nouvelle organisation mise en place à partir de 2014 où chaque membre pouvait exercer son activité sur l’ensemble du territoire et démarcher des clients sur cet espace, que la société MTI FRANCE était à la tête du réseau national recouvrant les différentes entités qui avaient elles conservé leur dénomination régionale initiale et qu’elle était l’interlocutrice française unique d’un réseau international MTI INTERNATIONAL ou un échelon intermédiaire entre l’échelon régional et la société MTI INTERNATIONAL. Il en est nécessairement résulté une distorsion de concurrence au détriment des entités associées du réseau.
En revanche, aucun préjudice, de perte de chance de développement complémentaire ou de désorganisation, ne peut résulter pour les sociétés MTI de l’activité exercée par la société MTI FRANCE sur d’autres territoires que celui de l’Ile-de-France, cette concurrence étant induite par la suppression en avril 2014 du mode de fonctionnement du réseau selon des territoires exclusifs et la possibilité alors donnée à chaque membre d’exercer son activité en dehors de son territoire.
Comme le tribunal l’a justement jugé, les demandes fondées sur un droit à rétrocession de commissions dues au titre de transactions réalisées par la société MTI FRANCE en dehors de son territoire ne peuvent être que rejetées, le principe de ces rétrocessions ayant été clairement abandonné, comme il a été dit, en avril 2014 (“Ainsi, il n’existera plus, à compter de cette décision, de notion d’exclusivité de territoires géographiques et de modalités de répartition d’honoraires. Chaque société ‘MTI’ sera libre de contracter avec d’autres entreprises sur l’ensemble des territoires français et étrangers”). La dizaine de factures produites par les sociétés MTI (pièce 34) n’est pas suffisante pour démontrer l’existence d’un usage postérieur au vote d’avril 2014 ayant restauré le principe du versement d’honoraires entre associées.
Le “surcoût de gestion du litige” n’est pas justifié, les frais du litige étant pris en compte ci-après au titre de la somme allouée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le préjudice subi par les sociétés MTI au titre des actes de concurrence déloyale sera ainsi indemnisé par le versement à chacune de la somme de 20 000 € (soit 100 000 € au total).
Ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du jugement qui a reconnu le principe d’une créance indemnitaire des sociétés demanderesses et la capitalisation des intérêts sera ordonnée dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil.
Le jugement sera réformé en ce sens.
Sur les autres demandes
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a enjoint en tant que de besoin à la société AGRO TRANSMISSION de cesser tout usage des marques MTI, sans prononcer d’astreinte à ce titre, et rejeté les demandes de publication.
Sur les demandes reconventionnelles de la société AGRO TRANSMISSION
La société AGRO TRANSMISSION demande réparation des conséquences dommagables ayant résulté pour elle de son exclusion du réseau par suite de la résiliation de la licence de marques et de la nécessité d’engager des investissements, après la perte du signe MTI sous lequel elle avait acquis une forte notoriété auprès de sa clientèle, pour se créer une nouvelle identité et faire connaître cette nouvelle identité.
C’est à juste raison que le tribunal a dit que la résilation de la licence de marques notifiée par la société MTI INTERNATIONAL à la société MTI FRANCE était parfaitemet justifiée, de sorte que les demandes reconventionnelles de la société AGRO TRANSMISSION, fondées sur le caractère abusif de cette résiliation et ses conséquences dommageables, ne pouvaient qu’être rejetées.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
La société AGRO TRANSMISSION, MM. [J], [U] et [N], parties perdantes, seront condamnés in solidum aux dépens d’appel et garderont à leur charge les frais non compris dans les dépens qu’ils ont exposés à l’occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées.
La somme qui doit être mise à la charge de la société AGRO TRANSMISSION, MM. [J], [U] et [N] in solidum au titre des frais non compris dans les dépens exposés par les sociétés MTI peut être équitablement fixée globalement à 25 000 €, cette somme complétant celle allouée en première instance.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Infirme le jugement en ce qu’il a :
– dit qu’en faisant usage du signe MTI dans des conditions excédant les limites, en particulier territoriales, de la licence qui lui avait été consentie sur les marques, la société AGRO TRANSMISSION a commis des actes de contrefaçon de marques,
– dit qu’en adoptant le nom commercial MTI FRANCE et en ouvrant des bureaux sur les territoires des autres entités du réseau, la société AGRO TRANSMISSION a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire, au préjudice des sociétés MTI INTERNATIONAL, MTI RHONE-ALPES-AUVERGNE-BOURGOGNE-FRANCHE – COMTE, MTI MÉDITERRANÉE et MTI [Localité 13],
– condamné la société AGRO TRANSMISSION à payer, avec intérêt au taux légal à compter du 6 décembre 2017 :
– à la société MTI INTERNATIONAL, la somme de 100.000 euros en réparation du préjudice causé par les faits de contrefaçon, et de concurrence déloyale et parasitaire ;
– à chacune des sociétés MTI RHONE-ALPES-AUVERGNE-BOURGOGNE-FRANCHE-COMTE, MTI [Localité 13], MTI SUD OUEST et MTI MEDITERRANNEE, la somme de 10.000 euros, en réparation du préjudice causé par les faits de concurrence déloyale,
Statuant à nouveau,
Dit que la société AGRO TRANSMISSION (précédemment MTI FRANCE) a commis des actes de contrefaçon de la marque française semi-figurative n° 05 3 368 847 dont est titulaire la société MTI INTERNATIONAL en en faisant un usage dans des conditions excédant les limites de la licence qui lui avait été accordée sur ces marques,
Dit que la société AGRO TRANSMISSION a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice des sociétés MTI en adoptant la dénomination sociale et le nom commercial MTI FRANCE,
En conséquence, condamne la société AGRO TRANSMISSION à payer, outre intérets au taux légal à compter du jugement, capitalisés dans les conditions de l’article l’article 1343-2 du code civil :
– à la société MTI INTERNATIONAL, la somme de 20 000 € en réparation du préjudice causé par les faits de contrefaçon de marque et celle de 20 000 € en réparation du préjudice causé par les faits de concurrence déloyale,
– à chacune des sociétés MTI SUD-OUEST, MTI RHONE-ALPES-AUVERGNE-BOURGOGNE-FRANCHE COMTE, MTI MÉDITERRANÉE et MTI [Localité 13], la somme de 20 000 € en réparation du préjudice causé par les faits de concurrence déloyale,
Déboute les sociétés MTI du surplus de leurs demandes,
Confirme le jugement pour le surplus,
Y ajoutant,
Condamne in solidum la société AGRO TRANSMISSION et MM. [J], [U] et [N] aux dépens d’appel et au paiement aux sociétés MTI INTERNATIONAL, MTI SUD-OUEST, MTI RHONE-ALPES-AUVERGNE-BOURGOGNE-FRANCHE COMTE, MTI MÉDITERRANÉE et MTI [Localité 13] de la somme globale de 25 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE