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28 juin 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/16190
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 4
ARRÊT DU 28 JUIN 2023
(n° 128 , 19 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 21/16190 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEKMJ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 juillet 2021 – Tribunal de commerce de PARIS – RG n° 2019022615
APPELANTES
S.A.R.L. FINANCIERE SJH, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège
Immatriculée au RCS de POINTE-A-PITRE sous le numéro 492 754 502
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 8]
S.A.S. M3 ANTILLES, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège
Immatriculée au RCS de FORT-DE-FRANCE sous le numéro 498 054 303,
[Adresse 11]
[Adresse 11]
[Localité 9]
S.A.R.L. M3 GUADELOUPE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège
Immatriculée au RCS de POINTE-A-PITRE sous le numéro 821 242 286,
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 8]
S.A.R.L. M3 GUYANE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège
Immatriculée au RCS de CAYENNE sous le numéro 821 103 751,
[Adresse 2],
[Adresse 2]
[Localité 10]
S.A.R.L. M3 ANTILLES TECHNIQUES, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège
Immatriculée au RCS de FORT-DE-FRANCE sous le numéro 529 242 554,
[Adresse 11]
[Adresse 11]
[Localité 9]
Représentées par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477,
Assistées de Me Thibault BRENTI de la SELAS SELAS JABERSON, avocat au barreau de MARSEILLE,
INTIMÉES
La société de droit anglais JCB SALES LTD, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 12]
[Adresse 12]
ROYAUME UNI
La société de droit anglais JCB SERVICE LTD, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 12]
[Adresse 12]
ROYAUME UNI
S.A.S. JCB, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PONTOISE sous le numéro 398 375 329,
Dont le siège social est situé [Adresse 3]
[Localité 7]
Représentées par Me Nathalie LESENECHAL, avocate au barreau de PARIS, toque : D2090, avocat postulant
Assistées de Me Thierry PARIENTE de la SELARL ARMAND Associés, avocat au barreau de PARIS, toque K 153, avocat plaidant
S.A.S. JCB FINANCE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 398 051 045
Dont le siège social est situé [Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Eric ALLERIT de la SELEURL TBA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0241, avocat postulant
Assistée de Me Olivier DROUOT de la SELARL ROULOT, DROUOT.ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0535, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 mai 2023, en audience publique, devant la cour, composée de:
Madame Marie-Laure Dallery, présidente de la chambre 5.4,
Madame Sophie Depelley, conseillère,
Monsieur Julien Richaud, conseiller,
qui en ont délibéré.
Un rapport a été présenté à l’audience par Madame Sophie Depelley dans le respect des conditions prévues à l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Liselotte Fenouil
ARRÊT :
– Contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Marie-Laure Dallery, présidente de la chambre 5.4, et par Monsieur Martinez, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Les sociétés M3 Antilles, M3 Guadeloupe, M3 Guyane et M3 Antilles Techniques sont des filiales de la société Financière SJH (dénommées ci-après ensemble « les sociétés M3 ») qui ont pour activité la distribution de véhicules et matériels agricoles, industriels et de travaux publics sur l’archipel des Antilles et de la Guyane.
Les sociétés JCB Sales, JCB Service et JCB (ci-après « les sociétés JCB ») ont une activité de construction et de fourniture d’engins et matériels de construction, manutention et d’agriculture :
– la société JCB Sales, de droit anglais, agissant pour son propre compte et pour les différentes entités de fabrication JCB, a pour activité la vente des machines JCB aux concessionnaires,
– la société JCB Services, de droit anglais, est l’entité JCB responsable du support après-vente et de la vente de pièces détachées auprès des concessionnaires,
– la société JCB SAS, de droit français, assure des fonctions de back office entre le constructeur et les concessionnaires situés sur le territoire français.
La société JCB Finance est une filiale commune des sociétés BNP Paribas Lease Group et JCB qui est spécialisée dans les opérations de crédit, d’affacturage et de financement court terme pour les clients de JCB.
La société M3 Antilles qui a été crée en 2007 a noué des relations commerciales de distribution avec la société JCB sur le territoire de la Martinique. La société M3 Antilles technique assurait l’activité de réparation des produits distribués.
Le 6 décembre 2012, le société JCB Sales et M3 Antilles ont régularisé plusieurs accords de concessionnaire à compter du 1er janvier 2013 pour une durée de 4 ans, soit jusqu’au 31 décembre 2016.
Lors de son acquisition par la société Financière SJH, M3 Antilles a conclu le 24 août 2015 avec la société JCB Sales de nouveaux contrats de distribution courant jusqu’au 31 décembre 2016 pour les gammes de produits Industrie, Agri et BTP.
Courant 2016, les deux filiales M3 Guadeloupe et M3 Guyane ont été crées pour la distribution des produits JCB sur les territoires de la Guadeloupe et de la Guyane.
Le 7 novembre 2016, douze contrats ont été conclus entre la société JCB Sales et les sociétés M3 Antilles, M3 Guadeloupe et M3 Guyane, couvrant la distribution de quatre différentes gammes de produits JCB, avec prise d’effet au 1er janvier 2017 pour une durée de quatre ans, soit jusqu’au 31 décembre 2020.
Dans le cadre de la réorganisation du groupe, les sociétés M3 se sont accordées sur :
– la centralisation des commandes de produits JCB par la société M3 Antilles agissant pour le compte des sociétés M3,
– la centralisation des paiements, par M3 Antilles, des commandes de produits JCB pour les sociétés M3.
Souhaitant intégrer les sociétés M3 au programme de gestion des ventes JCB via une convention d’affacturage conclu avec la société JCB Finance, une convention dite «’de paiement des ventes de JCB Service LTD et JCB Sales LTD’» a été conclu le 2 mars 2017 entre la société JCB Finance et la société M3 Antilles.
A la suite d’une série d’incidents et retards de paiement sur le compte de M3 Antilles, un interlocuteur de la société JCB a indiqué à la société M3 Antilles dans un courriel du 21 décembre 2018 qu’elle ne souhaitait plus enregistrer de nouvelles commandes tant que celles en cours n’étaient pas soldées.
Reprochant aux sociétés JCB une diminution drastique et subite des encours pratiqués dans le cadre de la relation commerciale, et à la suite d’un courriel de la société JCB du 21 décembre 2018 indiquant ne plus enregistrer de nouvelles commandes tant que celles encours n’étaient pas soldées, les sociétés M3 ont pris acte de la rupture brutale des relations commerciales par lettre de leur conseil notifié le 23 janvier 2019 aux sociétés JCB sales, JCB Service, JCB Finance et JCB.
Par lettre du 31 janvier 2019, le conseil des sociétés JCB sales, JCB Service et JCB ont contesté toute rupture de la relation commerciale entre les parties.
Par actes des 6,8 et 11 mars 2019, les sociétés Financière SJH, M3 Antilles, M3 Guadeloupe, M3 Guyane et M3 Antilles Techniques ont assigné les sociétés JCB Sales, JCB Service, JCB et JCB Finance afin d’obtenir la nullité des contrats de distribution et la condamnation in solidum des sociétés JCB à payer diverses sommes au titre d’une rupture brutale de la relation commerciale.
Par jugement du 8 juillet 2021 le tribunal de commerce de Paris a’:
– Dit la SAS JCB hors de cause sans dépens,
– Dit que les contrats de distribution signés entre les parties sont valides,
– Débouté Financière SJH, M3 Antilles, M3 Guadeloupe, M3 Guyane et M3 Antilles Techniques de leurs demandes de dommages et intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale établie,
– Débouté la société de droit anglais JCB Sales Ltd et la société de droit anglais JCB Service Ltd de de leurs demandes de dommages et intérêts pour résiliation fautive des conventions de distribution,
– Condamné solidairement la Sarl Financière SJH, la SAS M3 Antilles, la SARL M3 Guadeloupe, la SARL M3 Guyane et la SARL M3 Antilles Techniques à payer aux sociétés JCB, JCB Sales et JCB Service la somme de 25.000€ et à à la société JCB Finance la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples et contraires,
– Ordonné l’exécution provisoire du présent jugement,
Condamné solidairement les sociétés Financière SJH, M3 Antilles, M3 Guadeloupe, la M3 Guyane et M3 Antilles Techniques aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 222,34 € dont 36,84 € de TVA.
Par déclaration reçue au greffe le 3 septembre 2021, les sociétés Financière SJH, M3 Antilles, M3 Guadeloupe, M3 Guyane et M3 Antilles Techniques ont interjeté appel du jugement.
Aux termes de leurs dernières conclusions, notifiées le 30 mars 2023, les sociétés Financière SJH, M3 Antilles, M3 Guadeloupe, M3 Guyane et M3 Antilles Techniques demandent à la Cour de’:
Vu l’article L. 442-6 du code du commerce dans sa version applicable aux faits d’espèce ;
Vu les articles L. 420-2-1 et L. 420-3 du code de commerce ;
Vu les articles 1186, 1240 et 1241 (anciennement 1382 et 1383) du code civil ;
Vu les articles 515 et 699 et suivants du code de procédure civile ;
Infirmer le jugement rendu le 08 juillet 2021 par le tribunal de commerce de Paris (RG n° 2019022615) en ce qu’il a :
– Dit la SAS JCB hors de cause sans dépens;
– Dit que les contrats de distribution signés entre les parties sont valides ;
– Débouté la SARL FINANCIERE SJH, la SAS M3 ANTILLES, la SARL M3 GUADELOUPE, la SARL M3 GUYANE et la SARL M3 ANTILLES TECHNIQUES de leurs demandes de dommages et intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale établie ;
– Condamne solidairement la SARL FINANCIERE SJH, la SAS M3 ANTILLES, la SARL M3 GUADELOUPE, la SARL M3 GUYANE et la SARL M3 ANTILLES TECHNIQUES à payer aux sociétés la SAS J C 8, la Société de droit anglais JCB SALES Ltd et la Société de droit anglais JCB SERVICE Ltd la somme de 25.000 € et à la SAS JCB FINANCE la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples et contraires, mais uniquement lorsqu’il a débouté totalement ou partiellement les Sociétés M3 et SJH de leurs demandes tendant à voir :
Dire et juger nuls les contrats de distribution conclus en 2015 et 2016 entre les sociétés JCB SALES et JCB SERVICE et M3 ANTILLES, M3 GUADELOUPE et M3 GUYANE, eu égard aux droits exclusifs d’importation sur des territoires d’outre-mer qui y sont stipulés ;
Dire et juger qu’un accord de volonté existait entre les sociétés JCB SALES, JCB SERVICE, JCB FINANCE, J C B et la société M3 ANTILLES, pour qu’une ligne d’encours à hauteur d’un million d’euros soit mise en place au profit de cette dernière et des sociétés M3 GUYANE et M3 GUADELOUPE, dans le cadre de la relation commerciale globale existant entre ces sociétés et les différentes entités du groupe JCB ;
Dire et juger que les sociétés JCB SALES, JCB SERVICE et J C B ont entretenu une relation commerciale établie de l’année 1997 jusqu’au 21 décembre 2018 avec le groupe de sociétés constitué par les sociétés M3 ANTILLES, M3 GUADELOUPE, M3 GUYANE, M3 ANTILLES TECHNIQUES, ainsi que par la société FINANCIERE SJH ;
Dire et juger qu’aucune notification de rupture de la relation commerciale n’a valablement été adressée aux sociétés M3 ANTILLES, M3 GUADELOUPE et M3 GUYANE par JCB SALES, JCB SERVICE ou J C B ;
Dire et juger qu’il appartenait pourtant aux sociétés JCB SALES, JCB SERVICE ou J C B de notifier la rupture de la relation commerciale aux sociétés M3 ANTILLES, M3 GUADELOUPE et M3 GUYANE moyennant le respect d’un délai de préavis de vingt-quatre mois ;
Dire et juger que les sociétés JCB SALES, JCB SERVICE, JCB FINANCE et J C B responsables in solidum des agissements fautifs commis dans le cadre de la rupture de la relation commerciale établie avec les sociétés M3 ANTILLES, M3 GUADELOUPE et M3 GUYANE ;
Dire et juger que les sociétés M3 ANTILLES, M3 GUADELOUPE, M3 GUYANE, M3 ANTILLES TECHNIQUE, ainsi que la société FINANCIERE SJH ont subi des préjudices directement liés à la rupture brutale de la relation commerciale établie ;
En conséquence
Condamner in solidum les sociétés JCB SALES, JCB SERVICE, JCB FINANCE et J C B au paiement des sommes suivantes au profit de la Société M3 ANTILLES :
Perte de marge brute sur une durée de 24 mois’: 1 920 630,82 €
Stock de pièces’: 1 092 500,49 €
Poursuite du bail commercial jusqu’à sa prochaine échéance triennale’: 247.250,00 €
Frais de licenciement’: 268 058,01 €
Préjudice moral’: 38 412,62 €
Condamner in solidum les sociétés JCB SALES, JCB SERVICE, JCB FINANCE et J C B au paiement des sommes suivantes au profit de la Société M3 ANTILLES TECHNIQUE : Frais de licenciement 213.702,17 €
Condamner in solidum les sociétés JCB SALES, JCB SERVICE, JCB FINANCE et J C B au paiement des sommes suivantes au profit de la société FINANCIERE SJH :
Investissement SJH (compte courant associé M3 ANTILLES) 1 077 403,28 €
Condamner in solidum et à titre subsidiaire sur ce dernier point, les sociétés JCB SALES, JCB SERVICE, JCB FINANCE et J C B au paiement des sommes suivantes au profit de la société FINANCIERE SJH :
Investissement SJH (compte courant associé M3 ANTILLES) 717.873.80 €
Le tout en réparation des divers postes de préjudices directement subis par ces sociétés du fait du caractère brutal de la rupture de la relation commerciale établie entre les sociétés M3 ANTILLES, M3 GUYANE, M3 GUADELOUPE et les sociétés JCB SALES, JCB SERVICE et J C B, à laquelle a participé la société JCB FINANCE.
En toute état de cause,
Dire et juger recevable et bien fondée l’action introduite, les conclusions, demandes et moyens formulés par les sociétés M3 ANTILLES, M3 GUYADELOUPE, M3 GUYANE, M3 ANTILLES TECHNIQUE et FINANCIERE SJH ;
Débouter les sociétés JCB SALES, JCB SERVICE, JCB FINANCE et J C B de toutes leurs demandes, fins, conclusions ;
Condamner in solidum les sociétés JCB SALES, JCB SERVICE, JCB FINANCE et J C B au paiement de la somme de 5.000 euros au profit de chacune des demanderesses, en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais non compris dans les dépens et exposés par ces dernières dans la présente instance ;
Condamner in solidum les sociétés JCB SALES, JCB SERVICE, JCB FINANCE et J C B au paiement des entiers dépens ;
Ordonner l’exécution provisoire et sans consignation des condamnations prononcées au profit des demanderesses.
– Condamné solidairement la SARL FINANCIERE SJH, la SAS M3 ANTILLES, la SARL M3 GUADELOUPE, la SARL M3 GUYANE et la SARL M3 ANTILLES TECHNIQUES aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 222,34 € dont 36,84 € de TVA.
Et statuant de nouveau,
– Déclarer nuls les contrats de distribution conclus en 2015 et 2016 entre les sociétés JCB SALES et JCB SERVICE et M3 ANTILLES, M3 GUADELOUPE et M3 GUYANE, eu égard aux droits exclusifs d’importation sur des territoires d’outre-mer qui y sont stipulés ;
– Prononcer la caducité la convention de paiement des ventes de JCB SERVICE et JCB SALES conclue entre JCB FINANCE et la Société M3 ANTILLES le 02 mars 2017 eu égard à son interdépendance avec les contrats de distribution susvisés ;
– Juger que les sociétés JCB SALES, JCB SERVICE et J C B ont entretenu une relation commerciale établie de l’année 1997 jusqu’au 21 décembre 2018 avec les sociétés M3 ANTILLES, M3 GUADELOUPE, M3 GUYANE ;
– Juger qu’aucune notification de rupture de la relation commerciale n’a valablement été adressée aux sociétés M3 ANTILLES, M3 GUADELOUPE et M3 GUYANE par les sociétés JCB SALES, JCB SERVICE ou J CB ;
– Juger qu’il appartenait pourtant aux sociétés JCB SALES, JCB SERVICE ou J C B de notifier la rupture de la relation commerciale aux sociétés M3 ANTILLES, M3 GUADELOUPE et M3 GUYANE moyennant le respect d’un de’lai de pre’avis de vingt-quatre mois ;
En conséquence
Condamner in solidum les sociétés JCB SALES, JCB SERVICE et J C B au paiement des sommes suivantes au profit de la Société M3 ANTILLES :
– Perte de marge brute sur une durée de 24 mois’: 1 920 630,82 €
– Stock de pièces’: 1 092 500,49 €
– Poursuite du bail commercial jusqu’à sa prochaine échéance triennale’: 247.250,00 €
– Frais de licenciement’: 268 058,01 €
– Préjudice moral’: 38 412,62 €
Condamner in solidum les sociétés JCB SALES, JCB SERVICE et J C B au paiement suivantes au profit de la Société M3 ANTILLES TECHNIQUE :
– Frais de licenciement’: 213.702,17 €
Condamner in solidum les sociétés JCB SALES, JCB SERVICE et J C B au paiement des sommes suivantes au profit de la société FINANCIERE SJH :
– Investissement SJH (compte courant associé M3 ANTILLES)’: 1 077 403,28 €
Condamner in solidum et à titre subsidiaire sur ce dernier point, les sociétés JCB SALES, JCB SERVICE et J C B au paiement des sommes suivantes au profit de la société FINANCIERE SJH :
– Investissement SJH (compte courant associé M3 ANTILLES)’: 717.873.80 €
Le tout en réparation des divers postes de préjudices directement subis par ces sociétés du fait du caractère brutal de la rupture de la relation commerciale établie entre les sociétés M3 ANTILLES, M3 GUYANE, M3 GUADELOUPE et les sociétés JCB SALES, JCB SERVICE et J C B.
En tout état de cause :
– Débouter les sociétés JCB SALES, JCB SERVICE, JCB FINANCE et J C B de leurs appels incidents ;
– Débouter les sociétés JCB SALES, JCB SERVICE, JCB FINANCE et J C B de toutes leurs demandes, fins, conclusions ;
– Juger recevable et bien fondée l’appel interjeté par les sociétés M3 ANTILLES, M3 GUADELOUPE, M3 GUYANE, M3 ANTILLES TECHNIQUE et FINANCIERE SJH, ainsi que les conclusions, demandes et moyens formulés par ces dernières ;
– Confirmer le jugement rendu en ce qu’il a débouté la société de droit anglais JCB SALES Ltd et la société de droit anglais JCB SERVICE Ltd de de leurs demandes de dommages et intérêts pour résiliation fautive des conventions de distribution ;
Et y ajoutant :
– Condamner in solidum les sociétés JCB SALES, JCB SERVICE et J C B au paiement de la somme de 7.000 euros au profit de chacune des appelantes, en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais non compris dans les dépens et exposés par ces dernières dans la présente instance ;
– Condamner in solidum les sociétés JCB SALES, JCB SERVICE et J C B au paiement des entiers dépens de première instance et d’appel ;
Aux termes de leurs dernières conclusions, déposées et notifiées le 12 avril 2023, les sociétés JCB, JCB Sales et JCB Services demandent à la Cour de’:
A titre principal :
Vu l’article L442-6 I-5° du code de commerce,
Vu les articles 1212 et 1231-2 du code civil,
Confirmer le jugement du 8 juillet 2021 en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a débouté les sociétés JCB SALES et JCB SERVICES de leurs demandes de réparation,
En conséquence :
Réformer le jugement du 8 juillet 2021 en ce qu’il a débouté les sociétés JCB SALES et JCB SERVICE de leurs demandes de réparation,
Sur l’appel incident des sociétés JCB Sales Ltd et JCB Service et statuant à nouveau’:
Recevoir les sociétés JCB SALES Ltd et JCB SERVICE en leur appel incident et les déclarer bien fondées,
En conséquence :
Condamner solidairement les sociétés SJH, M3 Antilles, M3 Guadeloupe, M3 Guyane et M3 Antilles Techniques à titre de dommages et intérêts pour résiliation unilatérale et abusive des accords de distribution, au paiement des sommes suivantes :
– au titre du préjudice financier à la somme de :
* 630 120 € au profit de JCB SALES Ltd,
* 953 684 € au profit de JCB SERVICE.
– au titre du préjudice commercial à la somme de 250 000 € au profit des sociétés JCB SALES Ltd et JCB SERVICE,
A titre subsidiaire et si la Cour venait à juger les accords de distribution nuls :
Vu l’article 1211 du code civil,
Condamner solidairement les sociétés SJH, M3 Antilles, M3 Guadeloupe, M3 Guyane et M3 Antilles Techniques à titre de dommages et intérêts pour résiliation unilatérale et abusive des accords de distribution, au paiement des sommes suivantes :
– au titre du préjudice financier à la somme de :
* 630 120 € au profit de JCB SALES Ltd,
* 953 684 € au profit de JCB SERVICE.
– au titre du préjudice commercial à la somme de 250 000 € au profit des sociétés JCB SALES Ltd et JCB SERVICE,
A titre plus subsidiaire,
Vu l’article L442-I-II du code de commerce,
Condamner solidairement les sociétés SJH, M3 Antilles, M3 Guadeloupe, M3 Guyane et M3 Antilles Techniques à titre de dommages et intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale, au paiement des sommes suivantes :
– 754 192 € au titre du préjudice lié à la perte de marge sur une année de préavis.
A titre subsidiaire et si la Cour venait à juger JCB responsable d’une rupture brutale de relations commerciales :
Débouter les sociétés SJH, M3 Antilles, M3 Guadeloupe, M3 Guyane et M3 Antilles Techniques de l’ensemble de leurs prétentions,
En tout état de cause :
Condamner les sociétés SJH, M3 Antilles, M3 Guadeloupe, M3 Guyane et M3 Antilles Techniques solidairement à la somme de 40 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du CPC.
Aux termes de leurs dernières conclusions, déposées et notifiées le 3 avril 2023, la société JCB Finance demande à la Cour de’:
Vu la convention de paiement des ventes de JCB SALES LTD et JCB SERVICE LTD en date du 2 mars 2017,
Vu les autres pièces et observations présentées par la société JCB FINANCE,
Vu la renonciation des appelantes à formuler une demande de condamnation à paiement à l’encontre de la société JCB FINANCE,
Vu l’évolution des demandes des appelantes au stade de l’appel vis-à-vis de la société JCB FINANCE,
Vu notamment les articles 122 et 564 du Code de Procédure Civile,
Déclarer irrecevable la demande de caducité de la convention de paiement des ventes en date du 2 MARS 2017 nouvellement formulées par les sociétés FINANCIERE SJH, M3 ANTILLES, M3 GUADELOUPE, M3 GUYANE et M3 ANTILLES TECHNIQUES en cause d’appel, sur le fondement de l’article 564 du Code de Procédure Civile.
Vu que les appelantes ne tirent aucune conséquence de leur demande visant à voir prononcer la caducité de la convention de paiement des ventes du 2 mars 2017
Déclarer irrecevables l’action et les demandes des sociétés FINANCIERE SJH, M3 ANTILLES, M3 GUADELOUPE, M3 GUYANE et M3 ANTILLES TECHNIQUES pour défaut d’intérêt à agir en cause d’appel à l’encontre de la société JCB FINANCE, sur le fondement de l’article 122 du Code de Procédure Civile.
En tout état de cause,
Débouter les sociétés FINANCIERE SJH, M3 ANTILLES, M3 GUADELOUPE, M3 GUYANE et M3 ANTILLES TECHNIQUES de leur demande visant à voir prononcer la caducité de la convention de paiement des ventes en date du 2 MARS 2017,
Ordonner la mise hors de cause de la société JCB FINANCE.
Subsidiairement,
Débouter les sociétés FINANCIERE SJH, M3 ANTILLES, M3 GUADELOUPE, M3 GUYANE et M3 ANTILLES TECHNIQUES de l’intégralité de leurs prétentions, fins et conclusions, notamment dirigées à l’encontre de la société M3 ANTILLES,
Confirmer le jugement prononcé par le Tribunal de Commerce de PARIS le 8 JUILLET 2021 en ce qu’il a débouté les sociétés FINANCIERE SJH, M3 ANTILLES, M3 GUADELOUPE, M3 GUYANE et M3 ANTILLES TECHNIQUES de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, notamment dirigées à l’encontre de la société JCB FINANCE,
Débouter toute partie de l’intégralité de ses prétentions, fins et conclusions contraires à celles de la société JCB FINANCE ou dirigées à l’encontre de cette dernière,
Plus généralement, débouter toute partie de l’intégralité de ses prétentions, fins et conclusions, dirigées à l’encontre de la société JCB FINANCE.
Vu l’article 700 du Code de Procédure Civile,
Dire qu’il serait particulièrement inéquitable de laisser à la charge de la société JCB FINANCE les frais irrépétibles qu’elle a été contrainte d’engager afin d’assurer la défense de ses intérêts,
En conséquence,
Condamner solidairement les sociétés FINANCIERE SJH, M3 ANTILLES, M3 GUADELOUPE, M3 GUYANE et M3 ANTILLES TECHNIQUES à payer à la société JCB FINANCE la somme de 10.000,00 €, outre tous dépens, avec faculté de recouvrement au profit de la SCP TAZE-BERNARD-ALLERIT, prise en la personne de Maître Eric ALLERIT, Avocat au barreau de PARIS, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 mai 2023.
La Cour renvoie à la décision entreprise et aux conclusions susvisées pour un exposé détaillé du litige et des prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
Sur les demandes de mises hors de cause
La société JCB demande la confirmation du jugement en ce qu’il l’a mise hors de cause aux motifs que les derniers contrats de distribution ont été conclus entre la société JCB Sales et les sociétés M3 Antilles, que la société JCB n’est donc plus en relation contractuelle avec ces sociétés et qu’elle n’a pas non plus noué de relation commerciale avec celles-ci.
Toutefois, la société JCB est intervenue dans la relation commerciale nouée entre les sociétés M3 Antilles et les sociétés JCB, en ce qu’elle prenait les commandes et les exécutait en expédiant les produits de métropole vers les Antilles, et à cet effet le courriel litigieux du 21 décembre 2018 provient d’un collaborateur de cette société. Aussi, les sociétés M3 disposent d’un intérêt légitime à attraire cette société dans la cause et à formuler des demandes à son encontre, dont il appartient à la Cour d’apprécier le bien-fondé.
Le jugement sera infirmé en ce qu’il a mis hors de cause la société JCB.
La société JCB Finance demande sa mise hors de cause à hauteur d’appel aux motifs que l’évolution des demandes formulées par les sociétés M3 entre la première instance et l’appel suffit à démontrer qu’elles n’ont plus d’intérêt à agir à son encontre. Elle fait valoir que les sociétés M3 ne formulent plus de demande à son encontre à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l’article L.442-6, I, 5° du code de commerce, mais soulèvent la caducité de la convention, demande nouvelle en appel et partant irrecevable, pour justifier son maintien dans la présente procédure et ne peut prospérer.
La société JCB Finance a conclu une convention de paiement avec la société M3 Antilles dans le cadre de relation contractuelle et commerciale nouée avec les sociétés JCB. Au regard de l’objet du litige opposant les sociétés M3 aux sociétés JCB, les premières ont un intérêt légitime à maintenir la société JCB Finance dans la cause et formuler une demande de caducité de ladite convention, dont il appartient à la Cour d’apprécier la recevabilité ou le bien-fondé.
Il n’y a donc pas lieu d’ordonner la mise hors de cause de la société JCB Finance.
Sur la validité des contrats de distribution et de la convention de paiement
Exposé des moyens des parties
Les sociétés M3 font principalement valoir que les contrats de distribution exclusive des produits JCB ont pour effet de leur accorder des droits exclusifs d’importation sur les territoires concernés des produits JCB, en ce qu’elles sont les seules à pouvoir vendre des produits JCB en Martinique, Guadeloupe et en Guyane et, pour ce faire, d’importer ces mêmes produits. Elles soutiennent que cette pratique de distribution exclusive est prohibée par les dispositions de l’article L.420-2-1 du code de commerce. En application de l’article L. 420-3 du même code, elles en déduisent que les clauses (article 3.2 et 5.1.3) des contrats prévoyant l’exclusivité de la distribution sur les territoires concernés sont nulles et emportant la nullité des conventions pour être essentielles et déterminantes. Dès lors que les contrats de distribution sont nuls, les sociétés M3 soutiennent que toute argumentation visant à invoquer un délai contractuel de paiement comptant est inopposable.
De surcroît, les sociétés M3 font valoir que les contrats de distribution exclusive étant interdépendants avec la convention de paiement signée avec la société JCB Finance à laquelle ils font référence, la nullité des premiers entraînent la caducité de la seconde en application de l’article 1186 du code civil.
Les sociétés JCB répliquent pour l’essentiel que le contrat de distribution exclusive n’est pas assimilable à des droits exclusifs d’importation sur un territoire d’outre-mer. Elles se réfèrent à la décision 16-D-15 du 6 juillet 2016 de l’Autorité de la concurrence ayant caractérisé, selon elle, les éléments constituant un « droit d’importation exclusif’» au sens de l’article L.420-2-1 du code de commerce, s’agissant (i) du découpage géographique du territoire réservé au distributeur (ii) de l’interdiction faite au distributeur de réaliser des ventes actives hors du territoire concerné (iii) de la clause de non-concurrence qui empêche le distributeur de vendre des produits concurrents à ceux de son fournisseur. A cet effet, elles relèvent que les contrats de distribution en cause prévoient que :
– JCB se réserve la possibilité de commercialiser directement des produits sur le territoire en cause (article 4) et un autre distributeur peut être désigné sur le territoire (article 3.2),
– que les ventes actives ne sont aucunement limitées (articles 5.1.1, 5.1.8, 6.2),
– que M3 n’est pas liée par un quelconque engagement d’approvisionnement exclusif et pouvait tout à fait commercialiser des produits autres que ceux de la marque JCB (article 5.1.2, 5.1.13), ce qui est bien le cas, puisque 40% de son chiffre d’affaires avait pour origine la vente de produits d’autres marques constructeur.
Dans ces conditions, les sociétés JCB soutiennent que les contrats liant les parties ne prévoient pas de droit d’importation exclusif. Elles ajoutent que la clause litigieuse porte seulement sur l’exclusivité territoriale mais n’affecte par l’accord de distribution en lui-même, à savoir d’une part, les conditions de vente des produits JCB entre JCB et M3, d’autre part, l’organisation de la revente par M3 des produits JCB et l’exécution des services associés (service après vente et mise en oeuvre de la garantie constructeur). Elles précisent, que seuls les articles 3.2 et 5.1.3 seraient entachés de nullité, les autres stipulations des accords de distribution demeurant valables entre les parties et en particulier l’opposabilité des conditions générales de vente de JCB et de son article 10 prévoyant un règlement comptant des factures.
Concernant la demande de caducité de la convention de paiement, les sociétés JCB font observer qu’il s’agit d’une prétention nouvelle et partant irrecevable en application de l’article 564 du code de procédure civile. En toute hypothèse, elles soulignent qu’il n’existe aucune référence expresse dans la convention de paiement aux accords de distribution conclus entre les parties mais uniquement à la relation commerciale entre le distributeur et le constructeur, et par là-même aucune interdépendance.
La société JCB Finance soulève l’irrecevabilité de la prétention des sociétés M3 tendant à voire prononcer la caducité de la convention de paiement des ventes du 2 mars 2017, en ce qu’elle est nouvelle en cause d’appel, aucune demande n’ayant été formulée en ce sens devant les premiers juges. Ensuite la société JCB Finance avance que l’interdépendance avec les contrats de distribution est inexistante, car le simple fait que les contrats de distribution ont été régularisés et ont fonctionné à compter de 2015 avec M3 Antilles, alors que la convention des paiements de vente de JCBF n’avait pas été régularisée, suffit à démontrer l’absence d’interdépendance entre (i) la convention de paiement des ventes et (ii) les contrats de distribution, et donc leur caractère autonome. Elle ajoute que la convention du 2 mars 2017 ne fait à aucun moment référence aux « contrats de distribution » régularisés entre les sociétés JCB et les appelantes, mais uniquement aux « relations », voire aux «relations commerciales», entretenues entre les sociétés JCB et leurs distributeurs.
Réponse de la Cour,
Aux termes de l’article L.420-2-1 du code de commerce, sont prohibés dans les collectivités relevant de l’article 73 de la Constitution les accords ou pratiques concertées ayant pour objet ou pour effet d’accorder des droits exclusifs d’importation à une entreprise ou à un groupe d’entreprise.
Pour alléguer de la nullité des clauses d’exclusivité territoriale et par là-même des contrats de distribution, les sociétés M3 se bornent à soutenir qu’aux termes des clauses 3.2 et 5.1.3 des contrats de 2016, elles avaient l’obligation de se fournir auprès de JCB et elles étaient les seules à pouvoir vendre des produits JCB en Martinique, Guadeloupe et en Guyane et, pour ce faire, d’importer ces mêmes produits, la Cour observant par ailleurs que celles-ci ont été les bénéficiaires de la clause d’exclusivité territoriale et qu’elles contestent la brutalité de la rupture de la relation commerciale développée dans le cadre de ces contrats.
Les contrats de distribution signés en novembre 2016 (pièces M3 n°12.1 à 14.4) prévoient à l’article 3.2 que pendant toute la durée du contrat, JCB s’engage à ne vendre les produits JCB sur le territoire concédé en vue de leur revente qu’au seul distributeur, avec cependant cette réserve que cette obligation ne fait pas obstacle à ce que JCB désigne d’autres distributeurs JCB sur le territoire aux fins de la distribution de produits JCB commercialisés par JCB dans d’autres gammes de produits que la gamme lourde, nonobstant le fait que certains de ces produits JCB soient également commercialisés comme des produits de la gamme lourde. L’article 4 précise par ailleurs que JCB se réserve le droit de fournir (4.1.1) des produits JCB directement dans le territoire aux autorités compétentes et aux centrales d’achat (4.1.2) des machines JCB complètement ou partiellement assemblées ou en kits ainsi que des pièces JCB aux fabricants d’autres équipements dans le territoire, ainsi qu’à tout sous-distributeur ou distributeur qu’ils ont nommé pour la revente (4.1.3) les produits JCB à tout client final sous réserve du versement par JCB au distributeur d’une commission de service après-vente.
Au titre des obligations et restriction de vente applicables au distributeur, l’article 5.1.3 stipule que le distributeur s’engage à ne se fournir en produits JCB neufs en vue de leur revente qu’auprès de JCB ou d’un autre distributeur JCB et l’article 5.1.1 stipule que le distributeur s’engage à vendre les produits JCB et à consacrer ses meilleurs efforts à promouvoir la vente des produits JCB, tout en précisant que rien dans le présent article ne doit être interprété comme restreignant la possibilité pour le distributeur de vendre des produits JCB en-dehors du territoire concédé.
Enfin l’article 5.1.2 prévoit que pendant toute la durée du contrat, le distributeur s’engage à ne pas vendre ou ne pas être directement ou indirectement impliqué dans la vente de machines autres que des machines d’occasion qui, selon l’avis raisonnable de JCB, concurrencent les machines JCB, sauf à avoir obtenu au préalable l’autorisation écrite d’un dirigeant de JCB Sales, étant précisé par ce même article que cette autorisation est présumée avoir été accordée pour les machines déjà commercialisées par le distributeur à la date du contrat. L’article 5.1.13 organise par ailleurs la vente par le distributeur d’un produit concurrent.
Sur ce dernier point, il y a lieu d’observer (pièce JCB n°24) que les sociétés M3 sur les territoires de Guadeloupe, Martinique et Guyane sont des distributeurs multi- marques (notamment Hyndaï) et qu’il n’est pas contesté que plus de 40% de leur chiffre d’affaires était réalisé au moment de leur restructuration avec d’autres marques que JCB.
Les contrats de distribution signés en 2015 comportent le même type de clauses.
En l’état des éléments soumis à l’appréciation de la Cour, il n’est pas démontré que les clauses et contrats litigieux avaient pour objet ou pour effet d’accorder des droit exclusifs d’importation au sens des dispositions de l’article L.420-2,1 précité.
Dès lors, les sociétés M3 seront déboutées de leur demande de nullité des contrats de distribution. Le jugement sera confirmé de ce chef de demande.
A hauteur d’appel, la société M3 Antilles demande de voir prononcer la caducité de la convention de paiement des ventes conclue le 2 mars 2017 avec la société JCB Finance en application de l’article 1186 du code civil.
Dès lors que les contrats de distribution litigieux ne sont pas annulés, la demande subséquente de caducité de la convention de paiement des ventes devient sans objet.
Sur la rupture de la relation commerciale
Exposé des moyens des parties,
Les sociétés M3 font principalement valoir, qu’en raison de la particularité de leur activité et pour favoriser le développement de la marque JCB, elles ont bénéficié depuis le début de la relation commerciale d’une ligne d’encours permettant de ne pas souffrir d’un décalage de trésorerie trop important entre le moment de la commande et celui de la revente du produit au client final. Selon elles, afin d’augmenter cette ligne d’encours lors la restructuration des activités M3 Antilles et la création des sociétés M3 Guadeloupe et M3 Guyane, les sociétés JCB ont demandé de recourir à une solution d’affacturage, et que dans le cadre de la signature de la convention de paiement du 2 mars 2017 avec JCB Finance, les parties se sont accordées sur une augmentation d’une ligne d’encours à un million d’euros. Elles soutiennent que cet accord est démontré par les échanges de courriels entre les parties au moment de la signature de la convention de paiement et de l’enregistrement d’encours bien supérieur à 500 000 euros après mars 2017. Elles expliquent ensuite que cette ligne d’encours a subitement et drastiquement diminué au cours de l’été 2018, qu’un refus de toutes nouvelles commandes a été acté par le courriel de M. [W] de la société JCB du 21 décembre 2018 et que par la suite a été exigé un paiement comptant des matériels commandés. Elles précisent que la société M3 Antilles a vainement tenté d’entrer en discussion avec les sociétés JCB pour obtenir des explications. Elles maintiennent que seules deux difficultés minimes postérieures à la mise en place de la convention JCB Finance ont eu lieu au cours de la relation et que ces difficultés n’ont jamais remis en cause le principe de ladite relation, jusqu’à ce que les sociétés JCB décident sans explication ni concertation de diminuer drastiquement le volume des encours convenus et pratiqué, alors même que la plus importante période de commercialisation de l’exercice allait débuter. Elles prétendent que ce changement sans préavis des conditions substantielles de la relation commerciale est constitutif d’une rupture brutale imputable aux sociétés JCB et gravement préjudiciable à leur activité dont 65% de leur chiffre d’affaires dépend des produits JCB.
Les sociétés JCB Sales, JCB Service et JCB, répliquent pour l’essentiel que les parties ont conclu des contrats de distributions sélectives auxquels étaient annexées les conditions générales de vente JCB prévoyant en leur article 10 un paiement comptant par le distributeur avant l’expédition des produits JCB. A compter de la signature des accords de distribution en août 2015 et jusqu’en avril 2017, date d’intervention d’un factor, elles expliquent que JCB a accepté de déroger à ces CGV et d’accorder à M3 un délai de règlement différé à 60 jours (pour le matériel)/ 90 jours (pour les pièces) de ses factures, et un crédit fournisseur permettant de passer en valeur des commandes de produits JCB à hauteur d’un certain plafond. Elles ne contestent pas que ce crédit fournisseur a varié dans le temps entre 180 000 et 600 000 euros, mais elles soutiennent que cette pratique a pris fin par la mise en place d’un processus d’affacturage en mars/avril 2017 avec l’intervention d’un factor. Elles insistent sur le fait que l’objectif de l’opération d’affacturage n’était pas d’octroyer une ligne d’encours au distributeur mais de mettre en place un mécanisme financier permettant aux sociétés JCB de bénéficier d’une garantie d’insolvabilité du distributeur. Aussi, elles soutiennent que les échanges entre les parties au moment de la signature de la convention de paiement n’avaient pas pour objet d’accorder un encours à la société M3 Antilles à hauteur d’un million d’euros mais d’évaluer la situation de cette dernière pour déterminer la couverture ou la garantie contre l’insolvabilité de l’établissement financier auprès de son adhérent, JCB, sur le débiteur cédé. Elles ajoutent que la convention de paiement signée entre la société JCB Finance et la société M3 Antilles n’avait pour seul objet que de fixer les modalités d’exécution du transfert par les sociétés JCB au profit de JCB Finance des créances représentées par les factures qu’elles émettaient sur M3 Antilles et que la société M3 avait parfaitement connaissance de l’évolution de la ligne de couverture dont bénéficiait JCB auprès de son factor par les informations auxquelles elle avait accès par le système JDS ou directement par JCB. Elles font ensuite valoir que le courriel du 21 décembre 2018, replacé dans le contexte des modalités d’exécution de la relation commerciale depuis 2016, ne traduit nullement l’intention de JCB de rompre la relation d’affaires avec M3, qui par ailleurs a poursuivi la relation commerciale par la passation de nouvelles commandes début 2019. En revanche, elles soutiennent que la prise d’acte par M3 de la rupture brutale de la relation commerciale au 21 décembre 2018 traduit non seulement une mauvaise foi évidente, mais matérialise la preuve d’une rupture unilatérale et abusive des relations contractuelles à ses torts.
La société JCB Finance, tout en constatant l’évolution du litige en appel et l’absence de toute demande de condamnation en paiement formulée par les sociétés M3 à son encontre, fait valoir à titre subsidiaire divers moyens sur le fond. Elle insiste sur le fait que la convention dite «’ de paiement des ventes’» ne prévoit nullement l’octroi d’un encours à M3 Antilles débiteur cédé, mais vise seulement à organiser les modalités de paiement proprement dites des créances détenues par JCB Finance sur M3 Antilles et qu’aucune faute ne peut lui être imputée dans l’exécution de cette convention. Elle relève que la société M3 Antilles a rencontré des difficultés structurelles liées au marché des travaux publics sur l’année 2017 qui se sont traduites par des incidents de paiement dès le mois de février 2018, devenus récurrents, pour aboutir à un montant d’impayés pour des factures émises entre le 12 novembre et le 31 décembre 2018 et venant à échéance en février 2019 pour un montant de 498 834,83 euros, alors que la convention de paiement des ventes n’avait pas vocation à pallier les difficultés de trésorerie des sociétés M3 Antilles et ne constituait pas une autorisation de découvert ou une facilité de caisse. Elle soutient que non seulement la convention de paiement des ventes du 2 mars 2017 ne comporte aucun engagement en termes de ligne d’encours autorisée, a fortiori à hauteur de 1.000.000 euros, mais encore que les modalités d’exécution de la relation contractuelle démontrent une moyenne de l’encours mobilisé par les sociétés JCB auprès de JCBF sur M3 Antillles très inférieure aux montants avancés par cette dernière. Elle en conclut que les sociétés appelantes tentent par la présente procédure fondée sur une rupture brutale de la relation commerciale de faire supporter leurs difficultés financières structurelles avérées aux sociétés JCB.
Réponse de la Cour,
A la suite du rachat de la société M3 Antilles par la société holding Financière SJH et de la création des filiales M3 Guadeloupe et M3 Martinique, des contrats de distribution ont été conclus le 24 août 2015 entre la société M3 Antilles et JCB Sales, puis de nouveaux contrats de distribution ont été régularisés le 7 novembre 2016 avec chacune des sociétés M3. Dans le cadre de cette réorganisation, il n’est pas contesté par les parties que la société M3 Antilles centralisait les commandes de produits JCB pour le compte de l’ensemble des sociétés M3 ainsi que leur paiement, et bénéficiait à cet effet d’une ligne d’encours (crédit fournisseur) auprès des sociétés JCB Sales et JCB Service (pièce M3 n°23) pour pallier en trésorerie le temps écoulé entre la passation d’une commande d’un produit, le délai de livraison depuis la métropole et sa revente à l’utilisateur final.
Les relations entre les parties étaient organisées au moyen d’un système informatique de gestion et de paiement des commandes dit «’système JDS’» permettant d’une part au distributeur M3 Antilles de passer ses commandes de matériels et de pièces, de vérifier leurs disponibilités en stock chez JCB Sales ou JCB Service, de contrôler les dates de livraison et de gérer ses paiements, d’autre part à la société JCB Sales de confirmer auprès de la société M3 Antilles les commandes passées, la date de livraison, la date de la facture et son échéance et de déclencher les processus de fabrication. Au travers de ce système JDS, les sociétés JCB pouvaient procéder au blocage des commandes de la société M3 Antilles en cas de retard de règlement de facture ou de dépassement de l’encours ou crédit fournisseur. Ainsi, il ressort des échanges de courriels produits aux débats sur la période 2015 à 2016 (pièces JCB n°3 et 4) que la société M3 Antilles était régulièrement invitée à payer ses factures à leur échéance pour éviter le blocage de son compte et de permettre la mise en production ou leur livraison des matériels et pièces commandées.
Par la suite, les sociétés JCB Sales et JCB Service ont pris la décision de mobiliser leur compte client M3 Antilles auprès d’un factor, la société JCB Finance. A cet effet, la société M3 Antilles, devenue débiteur cédé, a signé une convention de paiement le 2 mars 2017 avec la société JCB Finance, dont l’objet est stipulé à l’article 1 en ces termes :
«’1.1 le constructeur cède par voie de subrogation à JCB Finance les factures émises par lui au nom du Distributeur. Cette subrogation entraîne le transfert en faveur de JCB Finance de tous les droits attachés à la créance, et notamment la réserve de propriété des biens objets des factures.2.2 Toute livraison et facturation par le constructeur, à compter de la signature de la présente convention, d’un bien, est soumise sans exception au mode de paiement convenu dans les conditions particulières ci-après.’»
Les conditions particulières stipulent des délais de paiement maximum et précisent que «’cette convention ne porte sur aucun montant et ne constitue en aucune façon une autorisation de découvert confirmé ou non, ni une facilité de caisse’».
Dans le cadre de la mise en place de l’opération d’affacturage, la société JCB, mandatée par JCB Sales, et la société M3 Antilles ont eu des échanges fin novembre 2016 et début 2017, desquels il ressort une discussion «’sur la mise en place d’un encours à hauteur d’un million d’euros’» (pièce M3 n° 19 à 22). Toutefois, la teneur de ces échanges ne permettent pas d’en déduire, comme le soutient la société M3 Antilles, qu’à l’occasion de la signature de la convention de paiement avec la société JCB Finance, la ligne d’encours accordée par les sociétés JCB a été augmentée pour la porter à la somme d’un million d’euros. Ces échanges, avaient en effet pour objet de déterminer la ligne d’encours «’portée par JCB Finance’» (pièce n°19), à savoir dans le cadre de la mise en place de l’opération d’affacturage de déterminer la ligne de couverture (ou garantie) dont allait bénéficier JCB auprès de son factor JCB Finance sur le client M3 Antilles. La ligne d’encours évaluée dans ces échanges à hauteur d’un million d’euros, portait bien sur une ligne de couverture des sociétés JCB par le factor, mais non pas une augmentation de la ligne d’encours octroyée par les sociétés JCB sur leur client M3 Antilles, devenu débiteur cédé.
D’ailleurs, l’analyse du montant des encours dont a bénéficié la société M3 Antilles depuis 2016 (pièce M3 n°24) montre une variabilité équivalente avant et après la mise en place de l’affacturage, étant observé que le montant des encours était régulièrement au dessus de 500.000 euros courant 2016, accréditant le fait que les échanges lors de la mise en place de l’affacturage ne portaient pas sur une augmentation de l’encours mais sur la détermination du niveau de couverture de JCB Sales et JCB Service contre l’insolvabilité du débiteur cédé.
Aussi, l’intervention du factor JCB Finance n’a pas dans les faits modifié la possibilité pour M3 Antilles de bénéficier d’un encours sur ses commandes, mais cet encours était porté par la société JCB Finance au lieu et place des sociétés JCB Sales et JCB Service. Il n’est pas non plus contesté que par le système JDS, la société M3 Antilles pouvait toujours subir le blocage de ses commandes non plus en raison d’un dépassement de l’encours auprès des sociétés JCB mais suivant le montant garanti par le factor.
C’est ainsi que dès le 7 mars 2017, la société Antilles M3 demandait à son interlocuteur JCB le déblocage de son compte pour obtenir des pièces en commandes (Pièce JCB n°7), et constatait de même le 12 avril 2017 que le «’compte serait de nouveau bloqué car il dépasserait l’encours limite de JCB Finance’» (Pièce JCB n°8). Cette situation de blocage s’est renouvelée le 7 juin et le 12 décembre 2017 (pièce n°8). En février 2018, JCB attend la confirmation de paiement de factures afin de pouvoir «’donner le départ’» de deux machines en attente d’embarquement (pièce JCB n°9). En mars 2018, JCB Finance rappelle à la société M3 Antilles l’échéance de factures au 1er février 2018 pour la somme de 276 048 euros, puis en juin 2018 M3 Antilles informe JCB Finance de son incapacité en raison de sa situation de trésorerie à honorer les échéances de fin juin étant dans l’attente d’un règlement important d’un client et a sollicité de repousser les prélèvements des factures au 15 juillet (pièce JCB n°11).
En août 2018, la société M3 Antilles est de nouveau alertée par JCB en ces termes « ses encours pièces et machines ne permettent pas actuellement de faire partir les machines ou pièces. Pour permettre de pallier la carence, vous est-il possible de :
1. nous autoriser à transférer un montant d’avoirs non imputés de 14 520 euros sur le compte machine. Les machines à faire partir ce mois-ci seront donc en mesure de quitter l’usine en temps et en heure. 2. régler la facture de pièce qui est à échéance au 31 août par virement à JCB Finance au plus vite de manière à débloquer vos commandes de pièces.’» (pièce M3 n°33). En septembre, le compte pièce de la société M3 Antilles a de nouveau été bloqué puis régularisé auprès de JCB Finance (Pièce JCB n°13 ‘ M3 n° 35). Le 9 octobre 2018, JCB a informé la société M3 Antilles que des machines sont à livrer en octobre pour un montant de 593 307 euros, mais que l’encours «’disponible’» ne le permet pas (pièce M3 n° 36). Le 10 octobre 2018, la société M3 Antilles répond en ces termes : «’ Mme R… nous informe que notre encours disponible ne permettra pas la livraison des machines prêtes en octobre et nous demande d’indiquer ce que nous avons prévu de faire. Compte tenu de la forte baisse d’activité du BTP en 2017 que nous avons subie, nous avons utilisé la trésorerie du groupe pour passer le cap. Je n’ai pas de solution de règlement à apporter. Avez-vous la possibilité d’intervenir afin que nous ayons une extension de couverture de ligne ponctuelle sur la fin de l’année.’» (pièce JCB n° 15). Le 25 octobre 2018, la société M3 Antilles propose pour débloquer la situation la remise d’une caution personnelle de son dirigeant ou de la holding, alerte sur les difficultés rencontrées auprès des clients par le blocage du compte pièces et remercie «’pour l’accompagnement pendant cette période de restructuration’» (pièce M3 n°38). Le 12 novembre 2018, JCB a informé la société M3 Antilles que l’encours disponible ne permet pas de livrer les machines à livrer en novembre pour un montant de 553 632 euros et a sollicité des indications sur «’les priorités’» et en ce qui concerne les pièces il est indiqué « la limite de l’encours est bientôt atteinte, afin d’anticiper pouvez-vous si possible régler un relevé pièce via Copilote’» (pièce M3 n°39). Le 12 décembre 2018, JCB a de nouveau interrogé M3 Antilles sur le sort de commandes en cours suivant ses possibilités de financement (pièce JCB n°17). Le même jour, M3 Antilles répond « Je vous prie de trouver en fichiers joints les virements effectués ce jour par anticipation des factures de pièces et matériels d’échéance fin décembre, afin de libérer de l’encours pour l’expédition des machines urgentes citées ci-dessous’» (pièce JCB n°18). Le 21 décembre 2018, la société M3 Antilles a transmis à JCB la copie d’un courrier de l’un de ses clients souhaitant commander du matériel spécifique pour une livraison impérative en juin 2019, et a interrogé JCB sur la possibilité pour le constructeur de respecter ce délai (Pièce JCB n°19). En réponse, le directeur général de JCB écrit « [L], je te laisse gérer avec tes équipes…quel message veux-tu leur passer mais je ne prends plus de commandes nouvelles tant que j’ai les anciennes sur les bras-celles qui me valent personnellement tant d’ennui ;’» (pièce JCB n°19).
A la suite de ce dernier courriel du 21 décembre 2018, le dirigeant de la société M3 Antilles a tenté d’obtenir des explications par ses messages des 24 décembre 2018 et 3 janvier 2019 (pièces M3 n° 42 et 43). Puis par lettre de son conseil adressée aux sociétés JCB Sales, JCB services, JCB Finance et JCB du 23 janvier 2019 (pièce M3 n° 44), la société M3 Antilles a pris acte de la rupture unilatérale de la relation commerciale établie à l’initiative de celles-ci et les a mises en demeure de lui adresser dans le délai de quinze jours une proposition sérieuse de dédommagement en réparation de la rupture brutale de la relation sur le fondement des dispositions de l’article L.442-6, I, 5° du code de commerce.
A partir de la chronologie des événements depuis mars 2017 et de la teneur des échanges entre les parties ci-dessus rapportée, il ne peut être déduit, comme le soutiennent les sociétés M3 qu’à compter du mois d’août 2018, les sociétés JCB ont bloqué toute nouvelle commande dès lors que l’encours dépassait 500 000 euros et par là-même ont diminué drastiquement et subitement l’encours de 500 000 euros au regard des un million d’euros négocié lors de la signature de la convention de paiement.
En effet, il ressort des circonstances précitées que ce ne sont pas les sociétés JCB qui ont modifié les modalités d’exécution de la relation commerciale telle que organisée entre les parties, mais la société M3 Antilles qui a subi une nette dégradation de sa situation financière entre 2016 et 2017, liée à une forte baisse de l’activité du BTP en 2017 et entrainant une dégradation de la trésorerie du groupe déjà tendue en 2016 ( pièces JCBF n°8 et 9). Comme le souligne la société JCB Finance, les comptes de la société M3 Antilles clôturés au 31 décembre 2017 montrent une chute brutale du chiffre d’affaires de 47 % passant de 6 322 825 euros en 2016 à 3 305 186 euros en 2017, une diminution de 53% de la marge commerciale et un résultat courant passant d’un résultat bénéficiaire en 2016 de 228 880 euros à une perte en 217 de 236 961 euros. La société JCB Finance en déduit, sans être contredite par la société M3 Antilles, que ces baisses du chiffre d’affaires, de la marge commerciale et du résultat courant, conjuguées à un stock devenu trop lourd, ont eu un impact très négatif sur la trésorerie se traduisant par des difficultés de paiement des commandes récurrentes depuis mars 2017.
Par ailleurs, au cours des échanges à compter d’août 2018, à aucun moment la société M3 Antilles n’a fait observer une modification des montants des encours, ni fait valoir lors des blocages de son compte dans le système JDS d’un encours à hauteur d’un million d’euros, mais a plutôt fait état de ses difficultés de trésorerie liées à la baisse d’activité. En outre, il n’apparaît pas dans les messages des 9 octobre et 12 novembre 2018 que la ligne d’encours dont bénéficiait la société M3 Antilles avait été limitée à 500 000 euros, mais plutôt que «’l’encours disponible’» ne permettait pas la livraison des commandes pour le mois en cours et dont le montant s’élevait à plus de 500 000 euros.
Aussi, non seulement il n’est pas établi de modification substantielle des conditions financières de la relation commerciale entre août 2018 et décembre 2018 de la part des sociétés JCB et JCB Finance, mais il s’avère que la dégradation structurelle de la situation financière de la société M3 Antilles ne lui permettait plus d’honorer ses commandes 2018 en attente d’exécution dans le système JDS et a conduit à la situation de blocage en décembre 2018. Dans ces circonstances, la cessation de la relation commerciale n’est pas imputable aux sociétés JCB et le courriel du 21 décembre 2018, replacé dans son contexte, ne peut manifester une intention de rompre la relation d’affaires de la part des sociétés JCB.
Enfin, c’est après réception du courrier des sociétés M3 Antilles actant la rupture de la relation commerciale et mettant en demeure les sociétés JCB de l’indemniser de son préjudice, que celles-ci ont rappelé dans un courrier du 31 janvier 2019 les conditions contractuelles de paiement comptant des commandes et fait observer que 8 commandes passées en février, mai, juillet, août et octobre 2018 n’étaient pas honorées en l’absence de paiement et que la reprise des relations «’interviendra immédiatement dès que M3 Antilles sera en mesure de procéder au paiement des commandes de matériels sus visées pour ceux actuellement en stock ou de fournir à JCB toute garantie de paiement lui permettant de procéder à leurs livraisons’».
Il s’ensuit, que les sociétés M3 échouent à démontrer que les sociétés JCB sont à l’origine d’une rupture brutale de la relation commerciale établie.
Dès lors, les sociétés Financière SJH, M3 Antilles, M3 Guadeloupe, M3 Guyane et M3 Antilles Techniques seront déboutées de l’ensemble de leurs demandes en réparation de préjudices pour rupture brutale de la relation commerciale établie. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté les sociétés Financière SJH, M3 Antilles, M3 Guadeloupe, M3 Guyane et M3 Antilles Techniques de leurs demandes de dommages-intérêts pour rupture brutale de la relation commerciale établie.
Sur les demandes en réparation des sociétés JCB Sales et JCB Service
Exposé des moyens des parties
Les sociétés JCB Sales et JCB Service font valoir qu’en prenant l’initiative d’acter une rupture des accords le 21 décembre 2018, sans aucune mise en demeure préalable au sens de l’article 1226 du code civil ou sans se prévaloir de la clause résolutoire prévue par l’article 16 du contrat, les sociétés M3 ont résilié de manière abusive et unilatérale les conventions de concession conclu pour une durée de quatre années pour expirer le 31 décembre 2020. Elles soutiennent qu’il s’infère nécessairement de la rupture abusive des accords de distribution un préjudice pour les sociétés JCB Sales et JCB Service. A ce titre elles sollicitent la condamnation solidaire des sociétés Financière SJH, M3 Antilles, M3 Guadeloupe, M3 Guyane, M3 Antilles Techniques au paiement des sommes suivantes :
– au titre du préjudice financier (ou manque à gagner) la somme de 630 120 euros au profit de JCB Sales et 953 684 euros au profit de JCB Service,
– au titre d’un préjudice commercial la somme de 250 000 euros au profit des sociétés JCB Sales et JCB Service, la marque n’ayant plus été représentée sur les territoires concédés alors qu’elle était présente depuis 22 années,
Les sociétés M3 répliquent pour l’essentiel, outre le fait que la rupture de la relation commerciale ne leur est pas imputable, que les sociétés JCB ne produisent aux débats aucune pièce justifiant de l’existence et du montant des préjudices allégués.
Réponse de la Cour,
Au titre de leur demande de réparation d’un manque à gagner qu’elles auraient été en droit d’escompter si les contrats de distribution s’étaient poursuivis jusqu’à leur terme le 31 décembre 2020, les sociétés JCB Sales et JCB Service se bornent à déclarer les montants des ventes effectuées auprès des sociétés M3 sur les exercices 2016 à 2018 et à se référer à une fiche de l’INSEE pour le taux de marge en 2017 et une présentation de l’évolution générale des ventes de JCB de 2015 à 2019 (pièces JCB n°22 et 22bis). Aucune pièce comptable n’est versée aux débats, ni aucune analyse particulière de l’activité sur les territoires concédés n’est produite, permettant d’apprécier les perspectives de chiffre d’affaires en cas de poursuite des contrats de distribution et de déterminer un taux de marge réaliste. En l’état des éléments soumis à l’appréciation de la Cour, les sociétés JCB ne démontrent pas le préjudice allégué, ni dans son existence ni dans son montant. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté les sociétés JCB de leur demande de ce chef de préjudice.
Au titre de leur demande de réparation d’un préjudice commercial, les sociétés JCB invoquent la perte de la représentation de la marque JCB sur les territoires concédés et l’absence de solution technique à offrir aux clients utilisateurs de ses produits avant l’installation d’un nouveau concessionnaire en novembre 2020. Elles produisent à cet effet divers courriers de clients les interrogeant sur les conditions d’exécution du service après-vente ou pour obtenir des pièces détachées (pièce JCB n° 23).
En l’état de ces éléments, il y a lieu d’évaluer un préjudice commercial pour les sociétés JCB Sales et JCB Service à hauteur de 10 000 euros en réparation de la cessation anticipée des contrats de distribution imputable aux sociétés contractantes M3 Antilles, M3 Guadeloupe et M3 Guyane à la suite de leur courrier du 23 janvier 2019. Aucun fait précis n’est invoqué à l’égard des sociétés Financière SJH et M3 Antilles Techniques.
Dès lors, il y a lieu de condamner in solidum les sociétés M3 Antilles, M3 Guadeloupe et M3 Guyane à payer aux sociétés JCB Sales et JCB Service la somme globale de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation d’un préjudice commercial. Le jugement sera infirmé de ce chef de préjudice.
Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné solidairement les sociétés Financière SJH, M3 Antilles, M3 Guadeloupe, M3 Guyane et M3 Antilles Techniques aux dépens de première instance et à payer la somme de 25 000 euros aux sociétés JCB, JCB Sales et JCB Service et la somme de 5 000 euros à la société JCB Finance.
Les sociétés Financière SJH, M3 Antilles, M3 Guadeloupe, M3 Guyane et M3 Antilles Techniques, parties perdantes, seront condamnées in solidum aux dépens d’appel.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, les sociétés Financière SJH, M3 Antilles, M3 Guadeloupe, M3 Guyane et M3 Antilles Techniques seront déboutées de leur demande et condamnées in solidum à payer aux sociétés JCB Sales, JCB Service et JCB la somme globale de 15 000 euros et à la société JCB Finance la somme de 8 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la Cour sauf en ce qu’il a :
– mis hors de cause la société JCB,
– débouté les sociétés JCB Sales et JCB Service de leur demande de dommages-intérêts en réparation d’un préjudice commercial formulée à l’encontre des sociétés M3 Antilles, M3 Guadeloupe et M3 Guyane,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Dit sans objet la demande de caducité de la convention de paiement ;
Dit n’y avoir lieu de mettre hors de cause la société JCB Finance ;
Déboute les sociétés Financière SJH, M3 Antilles, M3 Guadeloupe, M3 Guyane et M3 Antilles Techniques de l’ensemble de leurs demandes formulées à l’encontre de la société JCB ;
Condamne in solidum les sociétés M3 Antilles, M3 Guadeloupe et M3 Guyane à payer aux sociétés JCB Sales et JCB Service la somme globale de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation d’un préjudice commercial ;
Condamne in solidum les sociétés Financière SJH, M3 Antilles, M3 Guadeloupe, M3 Guyane et M3 Antilles Techniques aux dépens d’appel qui seront recouvrés en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum les sociétés Financière SJH, M3 Antilles, M3 Guadeloupe, M3 Guyane et M3 Antilles Techniques à payer aux sociétés JCB Sales, JCB Service et JCB la somme globale de 15 000 euros et à la société JCB Finance la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toute autre demande.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE