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12 mai 1998
Cour de cassation
Pourvoi n°
96-42.394
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur les pourvois n° P 96-42.394 à Z 96-42.404 formés par la société Cap Sesa tertiaire, dont le siège est …Université, 75007 Paris, en cassation d’un même arrêt rendu le 12 janvier 1996 par la cour d’appel de Paris (21e Chambre, Section B) , au profit :
1°/ de M. Bruno B…, demeurant …,
2°/ de M. David I…, demeurant …,
3°/ de M. Sid-Ahmed Y…, demeurant …,
4°/ de M. Jean-Marie G…, demeurant …,
5°/ de M. Gérard A…, demeurant …, demeurant 75020 Paris,
6°/ de M. Michel H…, demeurant …,
7°/ de M. K… Dang Nguyen, demeurant …,
8°/ de M. Jean-Pierre X…, demeurant …,
9°/ de M. Menelaos J…
D…, demeurant …,
10°/ de M. Zen Tao F…, demeurant … de Bièvre, 92340 Bourg-la-Reine,
11°/ de M. Jean-Baptiste C…, demeurant …, defendeurs à la cassation ;
LA COUR, en l’audience publique du 17 mars 1998, où étaient présents : M. Carmet, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président et rapporteur, MM. Le Roux-Cocheril, Lanquetin, conseillers, Mme Barberot, conseiller référendaire, M. de Caigny, avocat général, Mlle Lambert, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Carmet, conseiller, les observations de Me Roger, avocat de la société Cap Sesa tertiaire, de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de M. G…, M. Z…, M. A…, de M. H…, de M. E…, de M. X…, de M. Tzima D…, de M. F…, de M. C…, de M. B… et de M. I…, les conclusions de M. de Caigny, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu leur connexité, joint les pourvois n°s P 96-42.394 à Z 96-42.404 ;
Sur le moyen unique :
Attendu que les salariés ont été licenciés pour motif économique, le 3 février 1993, par la société Cap Sesa tertiaire ;
Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt attaqué (Paris, 12 janvier 1996) d’avoir décidé que ces licenciements étaient dépourvus de cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que l’article L. 122-14-2, alinéa 2, du Code du travail, prévoit que lorsque le licenciement est prononcé pour motif économique, la lettre de licenciement doit énoncer les motifs économiques ou de changements technologiques invoqués par l’employeur;
que ce texte n’impose pas de préciser impérativement que le licenciement “est lié à une suppression de poste, à une transformation d’emploi ou à une modification substantielle du contrat de travail”;
que la cour d’appel, qui a affirmé le contraire tout en constatant d’ailleurs que le licenciement des salariés était intervenu dans le cadre d’une “compression d’effectifs”, a violé le texte susvisé, ensemble l’article L. 321-1 du Code du travail;
alors, ensuite, qu’aux termes de l’article L. 122-14-3 du même Code, il appartient aux juges du fond de vérifier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur;
qu’en l’espèce, la société Cap Sesa tertiaire avait motivé le licenciement des salariés par “la diminution du chiffre d’affaires de la société consécutive à une diminution des prises de commande entraînant la chute du plan de charge”;
que, dans ses écritures d’appel, en exposant le fonctionnement d’une société de services informatiques, société Cap Sesa tertiaire avait explicité ces motifs en rappelant que “les salariés étaient affectés à des missions particulières en fonction des commandes (“plan de charge”) et qu’en dehors de ces périodes de mission, la rémunération de ces salariés n’avait pas de véritable contrepartie”;
qu’en l’espèce, la cour d’appel s’est bornée à affirmer que :
“l’explication fournie par l’employeur selon laquelle les salariés n’auraient pas eu de poste fixe à la date de la rupture, aucune mission particulière ne lui étant confiée, n’est pas sérieux dans la mesure où les salariés ne seraient pas des travailleurs intérimaires” sans rechercher, comme l’y invitaient longuement les écritures de la société, si les motifs invoqués par l’employeur à l’appui du licenciement et notamment la chute du plan de charge étaient réels et sérieux et ne permettaient pas de constater qu’aucune mission ne pouvait plus leur être confiée, en raison de la baisse des commandes;
qu’elle a, dès lors, privé son arrêt de base légale au regard de l’article susvisé;
et alors que, d’une part, l’obligation de reclassement des salariés licenciés pour motif économique est une obligation de moyen et non de résultat qui s’apprécie au regard du licenciement collectif effectué;
que la décision du juge ayant confirmé la validité du plan social s’impose au juge chargé de statuer sur la licéité du licenciement économique;
que la cour d’appel, qui affirme que “l’employeur n’a fait aux salariés aucune proposition de reclassement et ne justifie même pas avoir tenté de leur proposer une autre affectation”, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les mesures mises en place par le plan social et dont la régularité avait été confirmée par le juge des référés ne permettaient pas de considérer que la société CST avait rempli son obligation de reclassement;
que, dès lors, la cour d’appel a privé son arrêt de base légale au regard des articles L. 122-14-3 et L. 321-1 et L. 321-4 et suivants du Code du travail;
et alors que, d’autre part, le licenciement d’un salarié a un motif économique dès lors qu’il est constaté que le nombre d’emplois de sa catégorie a été réduit pour cause de sureffectif et qu’il a été licencié en raison de l’obligation de l’employeur de respecter un ordre des licenciements, peu important que, dans le cadre de la réorganisation de l’entreprise, un autre salarié ait été affecté au poste de travail précédemment occupé par l’intéressé;
qu’il s’ensuit qu’en affirmant que “le reclassement par voie de mutation de 17 salariés provenant d’une autre société du groupe, la société Sogesta, suffit à ôter toute consistance au motif économique invoqué”, la cour d’appel a violé l’article L. 321-1 du Code du travail;
et alors que la société CAP Sesa tertiaire avait exposé dans ses écritures que la mutation des salariés de la société Logista (et non Sogesta), en 1992, était une simple mesure de réorganisation administrative consécutive à une restructuration;
que ces salariés avaient continué à travailler sur les mêmes missions que celles auxquelles ils étaient affectés avant ladite restructuration;
que la cour d’appel, qui s’est bornée à affirmer que “les salariés congédiés auraient pu occuper l’un des emplois attribués à des salariés de la Sogesta concomitamment au licenciement litigieux”, sans rechercher quelle était la nature réelle de ces emplois, a privé son arrêt de base légale au regard de l’article L. 321 du Code du travail;
alors, ensuite, que la société Cap Sesa tertiaire n’avait jamais prétendu que les mutations opérées auraient apporté de nouvelles affaires à l’entreprise, ce qui aurait justifié “la position prise” par l’entreprise, mais seulement que les salariés mutés “étaient déjà affectés sur des missions auprès des clients de Logista et ont donc tout simplement continué à travailler sur ces missions après leur mutation, les contrats ayant été répartis sur la société Cap Sesa tertiaire”;
que, dès lors, en affirmant que l’argumentation de l’employeur consisterait à affirmer que “les mutations opérés auraient apporté de nouvelles affaires à l’entreprise”, la cour d’appel a dénaturé les conclusions de la société et violé l’article 1134 du Code civil, alors que la valeur professionnelle d’un salarié s’apprécie non seulement au regard de la manière dont il a pu exercer ses fonctions par le passé, mais également de ses perspectives de carrière et notamment de ses possibilités d’évolution et d’adaptation aux besoins du marché sur lequel se positionne l’entreprise ;
qu’il s’ensuit que pour avoir affirmé que le critère essentiel pris en compte par l’employeur, soit l’adéquation des salariés “aux besoins en évolution des clients et du positionnement de la société sur le marché” constitue un critère “particulièrement étroit non représentatif de la valeur professionnelle telle que le législateur l’a envisagé aux termes de l’article L. 321-1-1 du Code du travail”, la cour d’appel a violé ce texte;
et alors qu’à le supposer même établi, le non-respect des critères prévus par l’ordre des licenciements ouvre droit non à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais à des dommages-intérêts pour violation de l’article L. 321-1-1 du Code du travail;
qu’en l’espèce, la cour d’appel, qui a affirmé que l’ordre des licenciements n’a pas été respecté pour condamner l’employeur au paiement de la somme de 73 500 francs “en réparation du préjudice résultant d’une manière certaine et directe de la rupture injustifiée de son contrat de travail”, a violé l’article L. 321-1-1, alinéa 3, du Code du travail ;