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1 juillet 2022
Cour d’appel d’Aix-en-Provence
RG n°
18/20107
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 4-1
ARRÊT AU FOND
DU 01 JUILLET 2022
N° 2022/252
Rôle N° RG 18/20107 – N° Portalis DBVB-V-B7C-BDQPZ
[RO] [N] liquidateur de la SAS EVALINKA
C/
[B] [D]
Association CGEA AGS DE [Localité 4]
Copie exécutoire délivrée le :
01 JUILLET 2022
à :
Me François ARNOULD, avocat au barreau de MARSEILLE
Me Benjamin CORDIEZ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE en date du 07 Décembre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° F 16/02751.
APPELANT
Maître [RO] [N] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS EVALINKA, demeurant [Adresse 2]
représentée par Me François ARNOULD, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMES
Monsieur [B] [D], demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Benjamin CORDIEZ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
Association CGEA AGS DE [Localité 4], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me François ARNOULD, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président
Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller
Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller
Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 17 Juin 2022 et prorogé au 01 Juillet 2022.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 01 Juillet 2022
Signé par Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller, pour le Président empêché et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Monsieur [B] [D] a été embauché en qualité de magasinier-gardien le 1er février 1993 par la SAS EVALINKA (selon emploi mentionné sur les bulletins de paie).
Il percevait en dernier lieu une rémunération mensuelle brute de 2500,34 euros, incluant outre le salaire de base, la prime d’ancienneté, l’avantage en nature et le paiement de 15,75 heures supplémentaires (selon bulletins de paie de 2015).
La relation contractuelle était régie par la Convention collective nationale de commerce de gros.
Par courrier du 13 mars 2015, Monsieur [D] a été convoqué à un entretien préalable fixé le 25 mars 2015, puis il a été licencié pour motif économique le 3 avril 2015, le salarié ayant accepté le contrat de sécurisation professionnelle le 8 avril 2015.
Contestant le bien fondé de la mesure ainsi prise à son encontre, Monsieur [B] [D] a saisi la juridiction prud’homale par requête du 23 juillet 2015.
Par jugement du 8 décembre 2016, le tribunal de commerce de Marseille a placé la SAS EVALINKA en redressement judiciaire et désigné Maître [RO] [N] en qualité de mandataire judiciaire. Par jugement du 14 décembre 2017, le même tribunal a homologué le plan de continuation et désigné Maître [RO] [N] en qualité de commissaire à l’exécution du plan.
Par jugement du 7 décembre 2018, le conseil de prud’hommes de Marseille a dit que le licenciement de Monsieur [B] [D] était dépourvu de cause réelle et sérieuse, a fixé la créance de Monsieur [B] [D] au passif de la SAS EVALINKA aux sommes suivantes :
-28 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-20 000 euros au titre de la violation des critères d’ordre,
-5000,68 euros au titre du préavis,
-506,80 euros au titre des congés payés afférents,
-1200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
a dit que Maître [RO] [N] ès qualités de commissaire à l’exécution du plan, devra faire figurer ces sommes sur le relevé des créances, a débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires, a déclaré le jugement opposable au CGEA-ASSEDIC en qualité de gestionnaire de l’AGS, dans les limites de l’article L.3253-8 du code du travail et a dit que les dépens seraient prélevés sur l’actif de la société.
La SAS EVALINKA a interjeté appel par déclaration d’appel du 20 décembre 2018.
Maître [RO] [N] est intervenu volontairement en la cause en qualité de mandataire liquidateur de la SAS EVALINKA, désigné par jugement du tribunal de commerce de Marseille en date du 6 février 2019.
L’UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 4] et Maître [RO] [N] en sa qualité de mandataire liquidateur de la SAS EVALINKA demandent à la Cour, aux termes de leurs conclusions notifiées par voie électronique le 6 mars 2019, au visa des articles L.3253-6 à L.3253-21 du code du travail régissant le régime de garantie des salaires, de l’article L.624-4 du code de commerce et des articles 6 et 9 du code de procédure civile, de :
Vu la mise en cause de l’AGS/CGEA par Monsieur [D] sur le fondement de l’article L.625-1 du code de commerce,
Recevoir Me [RO] [N] en son intervention volontaire en sa qualité de mandataire liquidateur de la société EVALINKA,
Infirmer le jugement attaqué en ce qui concerne les sommes allouées au titre du préavis et des congés y afférents, des DI pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des DI au titre de la violation des critères d’ordre de licenciement,
En tout état, rejeter les demandes infondées et injustifiées et ramener à de plus justes proportions les indemnités susceptibles d’être allouées au salarié,
Dire et juger que la décision à intervenir ne pourra que prononcer une fixation au passif de la procédure collective en vertu de l’article L.622-21 du code de commerce, et dire et juger qu’il sera fait application des dispositions légales relatives :
-Aux plafond de garanties (articles L.3253-17 et D.3253-5 du code du travail) qui incluent les cotisations et contributions sociales et salariales,
-A la procédure applicable aux avances faites par l’AGS (article L.3253-20 du code du travail),
-Aux créances garanties en fonction de la date de leurs naissances (article L.3253-8 du code du travail),
Réformer la décision concernant la condamnation sous astreinte et en tout état déclarer inopposable à l’AGS CGEA une éventuelle condamnation à ce titre,
Dire et juger que le jugement d’ouverture de la procédure collective a arrêté le cours des intérêts légaux et conventionnels.
Monsieur [B] [D] demande à la Cour, aux termes de ses conclusions d’intimé notifiées par voie électronique le 5 juin 2019, de :
DIRE Me [N] mal fondé en son appel,
DIRE que Monsieur [D] occupait des fonctions de magasinier et vendeur,
DIRE que la société EVALINKA n’a pas supprimé le poste de travail de Monsieur [D],
DIRE que la société EVALINKA n’a pas satisfait à son obligation de reclassement,
DIRE le licenciement de Monsieur [D] dépourvu de cause réelle et sérieuse,
DIRE que la société EVALINKA n’a pas respecté les dispositions en matière d’ordre des licenciements,
EN CONSÉQUENCE,
CONFIRMER le jugement entrepris du chef de l’absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, de la violation des critères d’ordre de licenciement, et de la fixation des créances suivantes au passif de la liquidation judiciaire de la société EVALINKA :
– 5000,68 euros à titre d’indemnité de préavis,
– 500,06 euros à titre d’incidence congés payés sur indemnité précitée,
L’INFIRMER du chef du quantum des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et pour violation des critères d’ordre des licenciements,
STATUANT A NOUVEAU,
FIXER au passif de la liquidation judiciaire de la société EVALINKA les sommes suivantes :
– 35 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 35 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation des dispositions relatives aux critères d’ordre des licenciements,
DIRE l’ensemble des créances précitées opposables au CGEA dans les limites de sa garantie,
Y AJOUTANT,
FIXER au passif de la liquidation judiciaire de la société EVALINKA la somme de 1500 euros à titre d’indemnité sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
DIRE que les dépens seront inscrits au passif de la liquidation judiciaire.
La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée par ordonnance du 3 mars 2022.
SUR CE :
Sur le licenciement :
Monsieur [B] [D] fait valoir qu’il a fait sommation à la SAS EVALINKA de produire ses bilans comptables de 2013, 2014 et 2015 que la société avait refusés spontanément de fournir, ce afin de vérifier l’existence d’une baisse importante de son chiffre d’affaires ayant nécessité une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l’entreprise.
Il soutient, en tout état de cause, que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse au motif d’une part que la société EVALINKA ne justifie pas avoir supprimé son poste, lequel comportait des fonctions de magasinier mais également, tel que cela résulte de nombreuses attestations produites, des fonctions de vente, le salarié effectuant les ventes directes de vêtements en magasin lors d’opérations promotionnelles et les ventes indirectes par internet ou par téléphone, et d’autre part que la société ne justifie d’aucune recherche de reclassement, notamment sur un poste de vendeur, qu’elle ne lui a pas proposé le poste de responsable commercial recruté au mois de novembre 2014. Il précise que l’employeur produit un organigramme réalisé pour les besoins de la cause, dont il n’est pas justifié qu’il a été communiqué au personnel de l’entreprise et spécifiquement au concluant.
Maître [N] ès qualités de liquidateur de la SAS EVALINKA et l’AGS CGEA de [Localité 4] font valoir qu’ils produisent les éléments comptables des exercices 2012 à 2015 démontrant la baisse conséquente du chiffre d’affaires de la société et la réalité des difficultés économiques l’ayant contrainte à se réorganiser pour sauvegarder sa compétitivité, précisant que la société EVALINKA n’appartenait à aucun groupe et que c’est donc au seul niveau de l’entreprise que doit être appréciée la nécessité de sauvegarde de sa compétitivité.
Ils font valoir que la société EVALINKA est une société de ventes en gros de prêt-à-porter exclusivement féminin, celle-ci ne commercialisant plus de vêtements hommes (marque VIAGGIO) depuis plus de 10 ans; que la société n’avait pas de boutique ou de magasin propre et ne vendait pas ses articles directement aux consommatrices, excepté dans le cadre de “e-commerce” et de “ventes usine” qui avaient un caractère exceptionnel, n’ayant lieu que deux fois par an ; que Monsieur [D] occupait le poste de Magasinier/Gardien et ses fonctions consistaient à ce titre à assurer la réception, le stockage et les sorties des marchandises de la société, fonctions exercées au sein de son Service Logistique, tel que cela résulte de ses bulletins de paie et de sa fiche de poste, dont la diffusion à l’ensemble des salariés est attestée par Mesdames [MV] et [GC] ; que la plupart des attestations produites par Monsieur [D] font référence à des opérations exceptionnelles de ventes privées (uniquement 3 jours dans l’année) et qui ne sauraient évidemment conférer au salarié les fonctions de vendeur ; que les attestations produites par Monsieur [D] et qui font aussi état de la vente à distance par téléphone ne présentent pas toute la garantie de crédibilité et pour certaines sont mensongères ou ne respectent pas le formalisme imposé par l’article 202 du code de procédure civile ; que Monsieur [D] n’était tout simplement pas vendeur ; que suite à la réorganisation de l’entreprise, le Service Logistique a été externalisé et le poste de Monsieur [B] [D] a donc bien été supprimé.
Le mandataire liquidateur de la SAS EVALINKA et le CGEA font également valoir que la société a bien respecté son obligation de reclassement dans le périmètre limité à l’entreprise ; qu’il n’y a eu aucune embauche sur d’autres postes au sein de la société EVALINKA selon le registre du personnel ; que le poste de Responsable Commercial Export, emploi cadre à haut niveau de responsabilité, ne correspond absolument pas aux attributions de Monsieur [D] et était déjà pourvu depuis plusieurs mois antérieurement à l’engagement de la procédure de licenciement de Monsieur [D] et que la Cour ne pourra dès lors que constater que l’employeur n’a pas violé son obligation de reclassement.
*****
La lettre notifiée à Monsieur [B] [D] le 3 avril 2015 expose la cause économique du licenciement en ces termes :
« Ainsi que nous avons pu vous l’expliquer, notre société subit une perte de chiffre d’affaire récurrente depuis 3 ans au cours desquels nous sommes passés de 6041 K€ de chiffre d’affaires net en 2012 à 3647 K€ de chiffre d’affaires net en 2014. En dépit de ma reprise de la société en juillet 2014 et des changements apportés sur le plan commercial et marketing, nous n’avons pas réussi à inverser la tendance sur 2015, et le carnet de commandes, après la commercialisation de la saison d’hiver 2015 qui constituera notre chiffre d’affaires du 2e semestre 2015, nous donne une perspective de chiffre d’affaires de 2500K€, soit une baisse de 31 % par rapport à l’année précédente.
Cette baisse conséquente fait porter un risque économique réel et sérieux sur l’entreprise EVALINKA puisque qu’après avoir subi une perte financière de 156 571€ en 2014, nous prévoyons une nouvelle perte financière de 429 OOO€ en 2015.
Nous sommes donc dans l’obligation de nous réorganiser pour sauvegarder notre compétitivité.
Notre logistique va être externalisée, nos bureaux déménagés et les services réorganisés, avec pour conséquence la suppression de votre poste.
Nous avons malheureusement été dans l’impossibilité de pourvoir à votre reclassement car il n’y a pas dans l’entreprise, d’emploi disponible que vous soyez susceptible d’occuper… ».
Le mandataire liquidateur de la SAS EVALINKA et le CGEA produisent les bilans comptables de la société EVALINKA des exercices 2012, 2013 et 2014, faisant apparaître une perte régulière du chiffre d’affaires net, lequel était de 6.041.000 euros en 2012 et de 3.647.000 euros en 2014 (avec une perte financière de 151.366 euros en 2014), ainsi que de mauvaises perspectives de chiffre d’affaires sur 2015 (prévision de 2.500.000 euros de chiffre d’affaires en 2015), en sorte que les concluants démontrent la nécessité de procéder à la réorganisation de l’entreprise afin de sauvegarder sa compétitivité.
Les difficultés économiques de la société EVALINKA se sont d’ailleurs par la suite amplifiées, malgré cette réorganisation, conduisant à l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire le 8 décembre 2016, puis à la liquidation judiciaire de la société EVALINKA.
L’employeur verse aux débats l’organigramme de la société, tel qu’il a été présenté au personnel le 27 août 2014 par Monsieur [M] [A], PDG (courriel du 21 août 2014 d’invitation du personnel à une réunion du mercredi 27 août au matin ; courriel adressé le 27 août 2014 à 12h51 au responsable administratif, avec “présentation du jour pour partage sur le serveur + tableau avec répartition des tâches à imprimer sur A3 pour les personnes”), et sur lequel [B] [D] est mentionné comme “services généraux & magasinier” dépendant du “Service Achats & Logistique”. Il ressort par ailleurs des attestations de Madame [H] [MV], Chef de produit, et de Madame [F] [GC], Responsable Commercial, que l’organigramme de la société a bien été présenté à l’ensemble du personnel lors de la réunion du 27 août 2014, puis ensuite affiché dans la société.
L’employeur verse également la fiche de poste de “[B] [D]/Magasinier & services généraux”, avec une définition suivante de ses missions : “Assurer la réception, le stockage et les sorties des marchandises, dans le respect des procédures”.
Il ressort toutefois de la fiche de poste qu’il est mentionné les activités suivantes de [B] [D] : “Réassorts (clients sur place et téléphoniques)’ Préparation ventes privée, ventes de soldes, ventes internet, et participations’”, ce dont il résulte que le salarié participait à des ventes (ventes privées, soldes, ventes internet).
Monsieur [D] soutient qu’il accomplissait effectivement des tâches de vendeur lors des ventes privées et soldes qui avaient lieu plusieurs fois par an dans les locaux de l’entreprise et également de ventes par téléphone et par internet auprès de boutiques de vêtements.
Il produit les attestations suivantes :
-l’attestation du 30 avril 2015 de Monsieur [Y] [X], directeur commercial, qui déclare :
« Dans un premier temps fournisseur de chemises de l’entreprise Johnny Maille pour la marque Viaggio (que j’ai finalement lâché à Monsieur [J] M.) je me suis rendu à de nombreuses reprises [Adresse 6] pour acheter des stocks de pulls et autres articles.
C’est principalement Monsieur [B] [D] (plus rarement [S] [E]) qui s ‘est occupé de moi en tant que vendeur et responsable du magasin.
Toujours aimable et de bons conseils j’ai réalisé de bons achats grâce à lui » ;
-l’attestation du 9 mai 2015 de Madame [WV] [K], retraitée, qui déclare :
« Je suis cliente de la société EVALINKA depuis son origine.
Je m ‘y rendais régulièrement aux différentes ventes privées durant l’année.
J’y ai toujours été reçu et servi par [B] [D] et [S] [E] » ;
-l’attestation du 11 mai 2015 de Madame [CN] [G], retraitée, qui déclare :
« Je confirme connaître la société EVALINKA depuis de nombreuses années. J’ai toujours été invitée aux ventes privées et accueillie par Monsieur [E] [S] et Monsieur [D] [B] qui étaient également à la vente et à la caisse » ;
-l’attestation du 5 mai 2015 de Monsieur [I] [ZU], agent commercial, qui témoigne :
« J’ai travaillé comme chef de production dans la même entreprise que Monsieur [B] [D] durant de nombreuses des années. Il occupait un poste aux multiples fonctions.
En plus de la gestion des entrées et sorties de marchandises, il gérait les stocks et les ventes directes et indirectes. Il était toujours en contact avec les clients qui l’appréciaient beaucoup.
Son rôle dans l’entreprise était aussi de préparer et d’installer les salons du prêt à porter féminin de [Localité 5]’» ;
-l’attestation du 15 mai 2015 de Monsieur [JL] [T], qui déclare :
« Lors de ventes privées à la société EVALINKA’ Monsieur [B] [D] me conseillait et encaissait mes achats au titre de mon épouse [CT] [T] » ;
-l’attestation du 2 novembre 2015 de Madame [JW] [U], comptable, qui rapporte :
« Lorsque les clients téléphonaient pour faire du réassortiment, ce sont Messieurs [D] et [E] qui prenaient les appels et s’occupaient de proposer et vendre les articles aux clients. Lorsque la société organisait des ventes privées, Messieurs [D] et [E] effectuaient les ventes en direct aux clients. Celles-ci étaient faites 3 fois par an (Noël + soldes).
Je peux témoigner de ces faits car j’ai été comptable de la société pendant 5 ans de 1996 à 2001 » ;
-l’attestation du 11 décembre 2017 de Madame [R] [W], Responsable logistique, qui témoigne :
« Pendant que j’étais employée de la société EVALINKA en tant qu’assistant export, c’est-à-dire de juin 2011 année 2014, Monsieur [B] [D] et Monsieur [S] [E] recevaient des clients (responsables de boutiques multimarques) à l’entrepôt pour les conseiller et leur vendre de la marchandise. Pour les clients qui étaient un peu plus éloignés ou qui ne pouvaient pas se déplacer, ils vendaient la marchandise par téléphone et leur apportaient également des conseils. Ils s’occupaient ensuite de l’expédition des commandes qu’ils avaient prises. Je pourrais bien sûr en témoigner » ;
-l’attestation du 8 janvier 2018 de Monsieur [EF] [KY], Responsable Commercial, qui rapporte avoir « exploité en tant que responsable de Dépôt, de la période du 24.10.1984 au 17.12.1997 au lieu de simple magasinier pour le compte de la désormais Sté EVALINKA et son dirigeant Mr [J] [RE], atteste sur l’honneur que l’ensemble de l’équipe du dépôt, dont Messieurs [B] [D] et [S] [E], répondaient régulièrement aux consultations des clients toutes France, par téléphone ou réception au magasin pour les ventes de réassort ainsi qu’inciter au solde de printemps et d’hiver.
Ceux-ci connaissaient les limites des remises autorisées par la direction et devaient gérer au mieux les négociations.
Deux à trois fois dans l’année, il leur était demandé d’organiser des ventes privées, laissant transpirer un état de stress sur le stock non écoulé’ ».
Les fonctions de vente de Monsieur [D] sont également confirmées par des attestations et courriers de clients, Mesdames [Z], [W], [WK], [P], [LI], [L], [C], [OS] et [V] (Madame [TB] [V] précise qu’elle était invitée “à plusieurs reprises dans l’année et à l’occasion des soldes, fin de séries, Fête des Mères, etc’”) et Messieurs [UY], [O] et [HO] (pièces 10 à 17, 21 à 25 et 31).
Le courrier du 2 novembre 2016 de Madame [Z] adressée à la SAS EVALINKA précise que le courrier du 2 juin 2015 délivré à Monsieur [B] [D] est une recommandation pour l’aider dans sa recherche d’emploi et qu’il ne s’agit pas d’une attestation destinée à être produite en justice. Il n’en reste pas moins que Madame [Z] énonce dans son courrier du 2 juin 2015 que “c’est [B] [D] qui (lui) livrait toute la marchandise et parfois (la) servait et (la) conseillait au dépôt pour les réassorts de modèles (qu’elle) avait besoin” et elle ne revient pas, dans son second courrier du 2 novembre 2016, sur les fonctions de Monsieur [D] telles que précédemment décrites.
Si l’employeur conteste certaines des attestations versées par Monsieur [D], celles-ci sont toutefois conformes aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile et confortent la version du salarié, et même les pièces 10 à 17, toutes accompagnées d’une copie de pièce d’identité de leurs auteurs, présentent des garanties suffisantes d’authenticité et de crédibilité.
L’employeur, qui soutient que Monsieur [D] ne participait que de manière exceptionnelle aux ventes privées, deux à trois fois par an, au même titre que les autres salariés, verse en ce sens les attestations du 23 octobre 2017 de Madame [H] [MV], responsable de collection, et de Madame [F] [GC], responsable commerciale France.
Cependant, au-delà de sa participation aux ventes privées, Monsieur [D] rapporte également la preuve qu’il faisait de la vente de réassort auprès de clients responsables de boutiques, sur place ou par téléphone, et des ventes par internet.
Pour également contester les fonctions de vendeur de Monsieur [B] [D], Maître [N] ès qualités et l’AGS CGEA soutiennent que l’entreprise n’effectuait aucune remise à ses clients et versent un échantillonnage de 10 factures du 2 au 11 mars 2015, ainsi que l’extraction système de gestion commerciale -commandes par typologie magasin “Fanny aux Mousquetaires (pièces 25).
Cependant, l’échantillonnage produit est insuffisant à retracer la réalité de la facturation de la société EVALINKA, s’agissant d’une extraction sélective sur une courte période, et à contredire le témoignage cité ci-dessus de Monsieur [EF] [KY], ancien Responsable Commercial de la société.
En conséquence, au vu des éléments versés par les parties, la Cour constate que la commercialisation des articles n’était pas réservée à des commerciaux itinérants mais était également effectuée par les deux salariés du service “Achats et Logistique”, dont Monsieur [D].
Ce dernier démontre qu’il exerçait réellement des fonctions de vendeur, de sorte que l’employeur ne justifie pas de la suppression de l’intégralité du poste occupé par Monsieur [D] lorsque le service logistique a été délocalisé.
Il s’ensuit que le licenciement du salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a accordé à Monsieur [D], la somme de 5000,68 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, ainsi que la somme de 500,06 euro au titre des congés payés sur préavis.
Monsieur [D] produit un courrier du 29 avril 2015 de Pôle emploi d’ouverture de droit à l’allocation de sécurisation professionnelle pour un montant journalier net de 60,98 euros, une attestation de Pôle emploi des périodes indemnisées entre le 3 avril 2017 et le 1er février 2018 , un avis d’arrêt de travail du 20 février 2018, un certificat du 20 mars 2018 du Docteur [HZ], médecin psychiatre, certifiant suivre Monsieur [B] [D] pour “des troubles psychologiques sévères réactionnels à un conflit professionnel” et un certificat du 5 juin 2018 du Docteur [HZ] certifiant “suivre régulièrement Monsieur [B] [D] depuis le 8/03/18 pour un état anxio-dépressif sévère réactionnel au décès de son frère et à un licenciement. Il présente des pleurs incontrôlables, une asthénie, des troubles du sommeil, de grandes difficultés à réaliser les actes de la vie quotidienne, une anhédomie, une perte d’intérêt, une incapacité à se projeter dans l’avenir, une perte de l’élan vital, des idées noires et des troubles majeurs de la concentration. Son état thymique persiste malgré un traitement’ Son état clinique est incompatible avec une reprise d’activité professionnelle”.
En considération des éléments versés sur son préjudice, de l’ancienneté du salarié de 22 ans dans l’entreprise, dont il n’est pas discuté qu’elle employait plus de 10 salariés, de son âge lors de la notification du licenciement (54 ans) et du montant de son salaire mensuel brut, la Cour réforme le jugement et accorde à Monsieur [B] [D] la somme brute de 35 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur le respect des critères d’ordre de licenciement :
Monsieur [D] fait valoir que l’employeur ne lui a pas communiqué les critères d’ordre des licenciements, qu’il a d’abord identifié les salariés dont il souhaitait se séparer ; qu’au regard de ses qualités professionnelles, de son âge et de son ancienneté, il n’aurait pas dû être concerné par le licenciement et il sollicite des dommages-intérêts pour violation des dispositions relatives aux critères de l’ordre des licenciements, à hauteur de la somme de 35 000 euros.
Le mandataire liquidateur de la SAS EVALINKA et le CGEA soutiennent que l’obligation d’établir un ordre des licenciements ne s’appliquait pas puisque la société EVALINKA a externalisé son service logistique et supprimé tous les emplois de la même catégorie professionnelle que celui occupé par Monsieur [D].
*****
L’indemnité réparant le préjudice causé par le non-respect des critères d’ordre de licenciement ne se cumule pas avec l’indemnité allouée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il convient donc d’infirmer le jugement de ce chef et de débouter Monsieur [B] [D] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour non respect des critères d’ordre des licenciements.
Sur l’article 700 du code de procédure civile :
Il y a lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, tel que précisé au dispositif.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud’homale,
Confirme le jugement en ce qu’il a dit que le licenciement de Monsieur [B] [D] était dépourvu de cause réelle et sérieuse, en ce qu’il a fixé la créance du salarié au passif de la SAS EVALINKA aux sommes de 5000,68 euros au titre du préavis et de 1200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, sauf à dire que ces sommes sont à fixer au passif de la liquidation judiciaire de la SAS EVALINKA,
L’infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
Fixe la créance de Monsieur [B] [D] au passif de la liquidation judiciaire de la SAS EVALINKA, entre les mains de Maître [RO] [N] ès qualités de mandataire liquidateur, aux sommes suivantes :
-500,06 euros de congés payés sur préavis,
-35 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute Monsieur [B] [D] de sa demande de dommages-intérêts pour violation des dispositions relatives aux critères d’ordre des licenciements,
Déclare le présent arrêt opposable à l’AGS dans la limite des plafonds de ses garanties légales et réglementaires,
Fixe les dépens de première instance et d’appel au passif de la liquidation judiciaire de la SAS EVALINKA.
LE GREFFIER Mme Stéphanie BOUZIGE, Pour le Président empêché