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27 octobre 2022
Cour d’appel de Versailles
RG n°
20/02124
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80B
21e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 27 OCTOBRE 2022
N° RG 20/02124 – N° Portalis DBV3-V-B7E-UCMS
AFFAIRE :
[U] [H]
C/
S.A.S. SYLVAL (nom commercial ARIANE CONSEIL)
Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 30 Juillet 2020 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE-BILLANCOURT
N° Chambre :
N° Section : E
N° RG : F18/214
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Julien WETZEL
Me Ophélia FONTAINE
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT SEPT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Madame [U] [H]
née le 06 Octobre 1983 à [Localité 5]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentant : Me Julien WETZEL, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS
APPELANTE
****************
S.A.S. SYLVAL (nom commercial ARIANE CONSEIL)
N° SIRET : 420 622 706
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentant : Me Thomas BERTILLIER, Plaidant, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 2238
Représentant : Me Ophélia FONTAINE, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 672 – N° du dossier 2020.353
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 13 Septembre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,,
Madame Odile CRIQ, Conseiller,
Madame Véronique PITE, Conseiller,
Greffier lors des débats : Monsieur Mohamed EL GOUZI,
FAITS ET PROCÉDURE
Selon contrat de travail à durée indéterminée en date du 25 juin 2012, Mme [H] a été engagée en qualité d’intervenante, par la société Sylval, qui développe une activité de conseil spécialisée sur le déploiement de politiques handicap, santé et qualité de vie au travail en entreprise, sous le nom commercial Ariane Conseil, emploie moins de onze salariés et relève de la convention collective des bureaux d’études techniques, dite Syntec.
Par lettre du 28 avril 2017, Mme [H] a été convoquée à un entretien dans le cadre d’une procédure de rupture conventionnelle.
Convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 10 juillet 2017, Mme [H] a été licenciée à titre conservatoire pour motif économique, par lettre datée du 20 juillet 2017.
Mme [H] a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait été proposé lors de l’entretien préalable, le 18 juillet 2017, de sorte que son contrat de travail a été rompu le 31 juillet 2017.
Sollicitant un rappel de salaire conventionnel et contestant son licenciement, Mme [H] a saisi, le 19 février 2018, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt aux fins d’entendre juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamner la société au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.
La société s’est opposée aux demandes du requérant et a sollicité sa condamnation au paiement d’une somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement rendu le 30 juillet 2020, notifié le 1er septembre 2020, le conseil a statué comme suit :
Juge que le licenciement économique de Mme [H] est fondé sur une cause réelle et sérieuse,
Déboute Mme [H] de l’ensemble de ses demandes,
Reçoit la société en sa demande reconventionnelle formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile et l’en déboute,
Condamne Mme [H] aux éventuels dépens.
Le 30 septembre 2020, Mme [H] a relevé appel de cette décision par voie électronique.
Par ordonnance rendue le 22 juin 2022, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 13 septembre 2022.
‘ Selon ses dernières conclusions notifiées le 4 mai 2022, Mme [H] demande à la cour d’infirmer le jugement et en’conséquence, de :
Fixer le salaire au jour du licenciement à la somme de 4 290,30 euros et son coefficient à 210 ;
Condamner la société à lui payer les sommes de :
– 38 134,80 euros à titre de rappel de salaires pour la période courant de août 2014 à juillet 2017 ;
– 3 813,48 euros au titre des congés payés afférents ;
– 12 870 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
– 1 287 euros à titre d’indemnité de congés payés afférents ;
– 60 064,20 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;
– subsidiairement : 60 064,20 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des critères d’ordre des licenciements ;
– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
Ordonner à la société de lui remettre sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document des bulletins de paie, une attestation Pôle emploi et un certificat de travail rectifiés supportant l’intitulé de poste « chef de projet ‘ consultante ergonome et en psychologie du travail » et les rémunérations afférentes et dire que la cour se réservera la possibilité de liquider l’astreinte ;
Subsidiairement, si par extraordinaire la qualification de chef de projet n’était pas jugée légitime :
Fixer le salaire au jour du licenciement à la somme de 3 473,10 euros et le coefficient à 170 ;
Condamner la société à lui payer les sommes de :
– 8 715,60 euros à titre de rappel de salaires pour la période courant de août 2014 à juillet 2017 ;
– 871,56 euros au titre des congés payés afférents ;
– 10 419,30 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
– 1 041,90 euros à titre d’indemnité de congés payés afférents ;
– 48 623 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;
– subsidiairement : 48 623 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des critères d’ordre des licenciements ;
– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
Ordonner à la société de lui remettre sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document des bulletins de paie, une attestation Pôle emploi et un certificat de travail rectifiés supportant l’intitulé de poste « consultante ergonome et en psychologie du travail » et les rémunérations afférentes et dire que la cour se réservera la possibilité de liquider l’astreinte ;
Très’subsidiairement,’si’aucune’modification’de’coefficient’n’était’jugée’légitime, condamner la société à lui payer les sommes de :
– 10 004,64 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
– 1 000,46 euros à titre d’indemnité de congés payés afférents ;
– 46 688 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ;
– subsidiairement : 46 688 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des critères d’ordre des licenciements ;
– 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
Ordonner à la société de lui remettre sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document des bulletins de paie, une attestation Pôle emploi et un certificat de travail rectifiés supportant l’intitulé de poste « chef de projet ‘ consultante ergonome et en psychologie du travail » et dire que la cour se réservera la possibilité de liquider l’astreinte ;
En’tout’état’de’cause, condamner la société à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, dire que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes et condamner la société aux éventuels entiers dépens de l’instance comprenant les frais éventuels d’exécution de la décision.
‘ Aux termes de ses dernières conclusions, remises au greffe le 17 juin 2022, la société Sylval demande à la cour de :
A titre principal, confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé que le licenciement économique repose sur une cause réelle et sérieuse, jugé qu’aucune preuve n’était rapportée d’une évolution conventionnelle du poste de Mme [H], débouté Mme [H] de l’intégralité de ses demandes.
A titre très subsidiaire, si par extraordinaire la cour de céans considérait que le licenciement n’est pas fondé sur une cause réelle et sérieuse, limiter les dommages et intérêts alloués pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à de plus justes et légitimes proportions en fonction du seul préjudice réellement subi, démontré et lié à la rupture de son contrat de travail, ce dont elle ne justifie aucunement ;
En tout état de cause :
Juger que Mme [H] exerçait les fonctions d’intervenant et non pas de chef de projet ;
Fixer le salaire à la somme de 3 231,25 euros bruts par mois ;
Débouter Mme [H] de toute demande de repositionnement et de rappel de salaire compte tenu tant de la prescription applicable que de l’absence de fondement, au fond, des demandes formulées ;
Débouter Mme [H] de toute demande au titre d’un prétendu préavis outre congés payés afférents, de toute demande d’exécution provisoire, non justifiée, de toute demande d’astreinte, non justifiée ; de ses demandes de rectification de documents, non justifiées, de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et des entiers dépens,
Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné Mme [H] aux dépens de première instance,
Condamner Mme [H] aux dépens d’appel,
Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et, statuant à nouveau, condamner Mme [H] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.
MOTIFS
I – Sur le positionnement conventionnel et le rappel de salaire :
La charge de la preuve de la qualification revendiquée pèse sur la salariée, observations faites que la qualification se détermine relativement aux fonctions réellement exercées par celle-ci, leur appréciation s’effectuant par rapport à la grille de classification fixée par la convention collective.
L’article 39 de la convention collective applicable, relatif aux classifications, des ingénieurs et cadres énonce que :
La classification des cadres sera effectuée en tenant compte des responsabilités assumées et des connaissances mises en application.
Ces classifications s’imposent à toutes les entreprises soumises à la convention. Toute difficulté d’application tenant à l’activité de l’entreprise peut faire l’objet d’un accord de la commission paritaire d’interprétation de la convention.
a) La fonction remplie par l’ingénieur ou cadre est seule prise en considération pour son classement dans les emplois prévus par la classification en cause.
b) L’ingénieur ou cadre dont les fonctions relèvent de façon continue de diverses catégories est considéré comme appartenant à la catégorie la plus élevée parmi celles-ci.
L’annexe auquel renvoie ce texte, établit plusieurs niveaux de positionnement :
‘1.1. Débutants. – Collaborateurs assimilés à des ingénieurs ou cadres techniques et administratifs,
occupant dans le bureau d’études un poste où ils mettent en ‘uvre des connaissances acquises coefficient 95
1.2. Débutants. – Les mêmes que ci-dessus, mais titulaires du diplôme de sortie des écoles visées dans la définition des ingénieurs à l’article 2 c de la présente convention coefficient 100
Position 2 :
2.1. Ingénieurs ou cadres ayant au moins 2 ans de pratique de la profession, qualités intellectuelles et humaines leur permettant de se mettre rapidement au courant des travaux d’études. Coordonnent éventuellement les travaux de techniciens, agents de maîtrise, dessinateurs ou employés, travaillant aux mêmes tâches qu’eux dans les corps d’état étudiés par le bureau d’études :
– âgés de moins de 26 ans – coefficient 105
– âgés de 26 ans au moins – coefficient 115
2.2. Remplissent les conditions de la position 2.1 et, en outre, partant d’instructions précises de leur supérieur, doivent prendre des initiatives et assumer des responsabilités que nécessite la réalisation de ces instructions ; étudient des projets courants et peuvent participer à leur exécution. Ingénieurs d’études ou de recherches, mais sans fonction de commandement – coefficient 130
2.3. Ingénieurs ou cadres ayant au moins 6 ans de pratique en cette qualité et étant en pleine possession de leur métier ; partant des directives données par leur supérieur, ils doivent avoir à prendre des initiatives et assumer des responsabilités pour diriger les employés, techniciens ou ingénieurs travaillant à la même tâche – coefficient 150
3.1. Ingénieurs ou cadres placés généralement sous les ordres d’un chef de service et qui exercent des fonctions dans lesquelles ils mettent en ‘uvre non seulement des connaissances équivalant à celles sanctionnées par un diplôme, mais aussi des connaissances pratiques étendues sans assurer, toutefois, dans leurs fonctions, une responsabilité complète et permanente qui revient en fait à leur chef – 170
3.2. Ingénieurs ou cadres ayant à prendre, dans l’accomplissement de leurs fonctions, les initiatives et les responsabilités qui en découlent, en suscitant, orientant et contrôlant le travail de leurs subordonnés. Cette position implique un commandement sur des collaborateurs et cadres de toute nature – 210″
En l’espèce, Mme [H] a été embauchée en qualité d’intervenant, statut cadre, position 1.2 coefficient 100, moyennant une rémunération mensuelle de 2 750 euros bruts.
Au jour de la rupture, les bulletins de paie de la salariée mentionnent toujours la position 1.2 coefficient 100, le salaire mensuel brut de base s’élevant à 3 231,25 euros.
Les parties s’accordent pour considérer que l’emploi d’intervenant correspond à celui de ‘consultant ergonome’.
Il ressort de l’attestation circonstanciée de Mme [P], ergonome consultante qui a travaillé plusieurs années au sein de l’entreprise que Mme [H] est intervenue en qualité de chef de projet auprès de deux clients, les sociétés CTSB et Pages Jaunes, et qu’à ce titre elle était la référant vis-à-vis du client, qu’elle avait coordonné l’intervention des collaborateurs de l’entreprise et l’avait aidée à rédiger son rapport d’intervention.
Les messages en dates des 26 février et 23 mars 2015 émanant de la direction, confirment que la salariée s’est bien vu confier la responsabilité de chef de projets sur la mission Pages Jaunes, ainsi qu’un projet Allianz. Les documentations internes ‘proposition commerciale’ présentent la salariée en qualité de chef de projet sur les missions ‘Ctsb’ et ‘Hospices de Lyon’.
Le compte-rendu d’évaluation de l’année 2015, dont la salariée se prévaut la présente comme une « consultante d’une grande fiabilité, capable d’intervenir dans de nombreux domaines d’expertise, devenue par son professionnalisme un élément important dans la vie du cabinet, par ses premières expériences en conduite de projet, elle a montré de bonnes capacités à gérer des projets à dimension ‘simple’, elle doit poursuivre cet apprentissage sur de nouveaux projets, plus amples, avant de pouvoir être autonome dans cette mission ».
Elle communique un échange de messages en date du 9 juin 2016 aux termes duquel la directrice-générale de la société lui propose de l’accompagner en rendez-vous commercial auprès de la société Arkema, la salariée étant programmer pour occuper la fonction de chef de projet.
La société, qui concède que Mme [H] s’est vu confier quelques dossiers de faible importance dans le cadre d’un accompagnement aux fonctions de chef de projet, justifie que cette évolution n’intéressait pas la salariée qui avait exprimé lors de l’entretien professionnel du 14 décembre 2016 que son ‘souhait était d’enrichir le périmètre de la fonction de consultant et non de devenir chef de projet’ et de bénéficier ‘d’une montée en compétence sur le coaching’.
En l’état de ces éléments, la salariée est fondée à critiquer son maintien au niveau 1.2 ‘débutant’.
Pour autant, alors que la salariée ne s’est vue confier la responsabilité de chef de projet que ponctuellement, sur quelques missions de dimensions limitées, dans le cadre d’un développement de ses compétences, évolution professionnelle qui ne l’intéressait pas et au titre de laquelle la salariée n’avait pas atteint un degré d’autonomie suffisant, l’appelante ne justifie pas qu’elle occupait concrètement de façon continue cet emploi. Sa demande de requalification de son emploi sur celui de ‘chef de projet’ n’est pas justifiée, ni davantage celle consistant à être classée au coefficient 210 dont elle ne remplissait pas les conditions.
De même, alors qu’elle ne bénéficiait pas d’une expérience de six années dans ses fonctions d’intervenante/ consultante ergonome, la salariée n’est pas fondée à revendiquer, à titre subsidiaire, le positionnement 3.1 coefficient 170.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté Mme [H] de sa demande de requalification de son emploi sur celui de ‘chef de projet’ et de classification aux niveaux 3.2 coefficient 210 à titre principal et 3.1 coefficient 170 à titre subsidiaire et de sa demande de rappel de salaire conventionnel.
Les demandes subséquentes en rectification des bulletins de salaire et documents de fin de contrat seront rejetées.
Alors que la salariée, qui a bénéficié d’une évolution salariale, est déboutée de sa demande de rappel de salaire conventionnel formée des seuls chefs des coefficients 210 et 170, le seul fait que l’employeur a maintenu sa classification sur ses bulletins de salaire au niveau 1.2 ne saurait caractériser une exécution déloyale du contrat de travail ayant généré un préjudice. La demande de dommages-intérêts formée de ce chef sera rejetée.
II – Sur le licenciement
A titre liminaire, il convient de relever que l’appelante ne soutient pas qu’au jour de l’acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, c’est à dire au 18 juillet 2017, l’employeur n’avait pas porté à sa connaissance les motifs économiques présidant à son licenciement, tels qu’ils sont énoncés dans la lettre de licenciement qui lui sera notifiée le 20 juillet 2017 ‘à titre conservatoire’ et dans l’attente qu’elle se positionne sur le contrat de sécurisation professionnelle.
Sur le motif économique :
La lettre de licenciement est ainsi libellée :
‘Vous occupez, depuis le 25 juin 2012, les fonctions d’intervenante, position 1.2, au sein du cabinet.
Nous vous rappelons ci-après les raisons qui nous ont amené un tel projet : la société Ariane Conseil connaît depuis l’année 2016 d’importantes difficultés économiques.
Le chiffre d’affaires ne cesse de se dégrader et se solde depuis quatre trimestres consécutifs par une baisse d’activité particulièrement importante qui conduit inéluctablement à une perte significative au 31 décembre prochain :
-16,4 % pour le 3ème trimestre 2016 par rapport au 3ème trimestre 2015 ;
-6,1 % pour le 4ème trimestre 2016 par rapport au 4ème trimestre 2015 ;
-11,8 % pour le 1er trimestre 2017 par rapport au 1er trimestre 2016 ;
-33,8 % pour le 2ème trimestre 2017 par rapport au 2ème trimestre 2016.
Le volume des commandes gagnées s’élève seulement à 352 592 euros au titre du premier semestre 2017 alors même que notre objectif de chiffre d’affaires mensuel est de 126 499 euros.
Les perspectives de juillet et août 2017 sont préoccupantes : le chiffre d’affaires prévisionnel est de l’ordre de 74 000 euros pour un objectif de 126 499 euros au titre des deux mois précités.
Il sera en recul de 44,5 % en comparaison du chiffre d’affaires des mois de juillet/août 2016 (134 116 euros).
Compte tenu de ces difficultés économiques et afin de permettre la survie de l’entreprise, nous n’avons d’autre choix que de procéder à cette réorganisation, laquelle implique la suppression de différents postes au sein de la société Ariane Conseil et notamment les postes d’intervenants de 1ère position.
Aussi, vous êtes nécessairement impactée par cette réorganisation dès lors que l’intégralité de la catégorie professionnelle des Intervenants de 1ère est supprimée.
À défaut de toute possibilité de reclassement malgré nos recherches, nous sommes par conséquent contraints de vous notifier votre licenciement pour motif économique’.
Selon l’article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, ‘constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :
1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :
a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;
c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;
d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;
2° A des mutations technologiques ;
3° A une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;
4° A la cessation d’activité de l’entreprise.
La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise.
Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail à l’exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants, résultant de l’une des causes énoncées au présent article.
Il suit de ce qui précède que la salariée occupait bien un emploi d’intervenante/consultante en ergonomie, et non celui de chef de projet, de sorte qu’elle n’est pas fondée à soutenir que son poste n’a pas été effectivement supprimé.
Alors que les baisses d’activité visées dans la lettre de licenciement sont confirmées par les correspondances du cabinet d’expertise comptable KPMG, qui atteste de la baisse du chiffre d’affaires sur les 4 trimestres consécutifs (pièces n° 21 et 22 de la société), ainsi que les pièces comptables versées aux débats, le caractère réel et sérieux de la cause économique du licenciement, n’est pas sérieusement discuté par la salariée, qui se contente d’établir que la société a enregistré une amélioration de son activité à compter de septembre 2017, soit postérieurement à son licenciement.
Force est de constater que la société justifie qu’au jour du licenciement, elle était confrontée à des difficultés économiques caractérisées caractérisant le motif économique réel et sérieux.
Sur le reclassement :
Selon l’article L. 1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie.
Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. Le licenciement collectif pour motif économique a visé trois des neuf emplois de l’entreprise.
S’il ressort des éléments du dossier que la société a recherché, dans ce contexte d’amélioration de sa situation économique, deux postes de ‘chef de projet’ senior et junior, à la fin du mois de novembre 2017, soit quatre mois après la notification du licenciement, postes qui seront effectivement pourvus en janvier et mars 2018, ainsi qu’en atteste la communication du registre du personnel, l’examen de cette dernière pièce révèle qu’aucune embauche n’est intervenue durant l’été 2017. Ainsi, aucun reclassement n’était envisageable au sein de cette entreprise qui licenciait 3 de ses 9 postes.
La décision du conseil de prud’hommes sera confirmée en ce qu’il a jugé que la société, qui ne fait pas partie d’un groupe, ne disposait d’aucune solution de reclassement à proposer à l’intéressée au jour de l’engagement de la procédure de licenciement.
Par suite le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit que le licenciement reposait sur une cause économique réelle et sérieuse.
III – Sur l’ordre des licenciements :
Mme [H] critique la décision prise par l’employeur de différencier les salariées occupant les fonctions d’intervenant/consultant en ergonomie, en imaginant deux catégories professionnelles distinctes, à savoir les intervenants de 1ère catégorie et les intervenants de 2ème catégorie, ce qui lui a permis de ne pas appliquer l’ordre des licenciements au prétexte fallacieux que Mme [T] et elle-même étaient les deux seules salariées concernées par la catégorie des emplois supprimés. Elle fait valoir que par cette manoeuvre, l’employeur a écarté Mme [V], récemment recrutée, et qui exerçait les mêmes fonctions qu’elle au prétexte qu’elle aurait relevé, elle, de la 2ème catégorie.
La société intimée objecte qu’elle n’était pas contrainte d’établir un ordre des licenciements dans la mesure où l’ensemble des postes de la catégorie professionnelle à laquelle appartenait Mme [H] était supprimé. Se prévalant d’un document interne datant de 2011 relatif à la mission d’intervenant, elle objecte que ce poste d’intervenant se subdivisait bien en deux catégories, ‘les salariés de catégories 1 exécutant principalement des missions en termes de production et ceux relevant de la catégorie 2 qui au-delà de la production ont une appétence et des compétences en termes de conduite de projet complexe et de développement commercial.
L’article L.1233-5 du code du travail dispose que lorsque l’employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l’absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l’ordre des licenciements, après consultation du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. Ces critères prennent notamment en compte les qualités professionnelles appréciées par catégorie.
Il est de droit que la catégorie professionnelle qui sert de base à l’établissement de l’ordre des licenciements concerne les salariés qui exercent dans l’entreprise des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune, sans qu’il puisse être opéré une distinction, au sein de chaque catégorie, entre les salariés exerçant à temps plein et ceux occupés à temps partiel.
Il ressort des pièces communiquées par l’appelante et notamment de la présentation faite par l’entreprise de ses deux collaboratrices à l’attention de ses clients (pièces n° 25 et 26 de l’appelante), qui faisait état de leur formation, leurs domaines de compétences et expériences professionnelles, que Mmes [H] et [V], qui avaient toutes les deux suivi une formation universitaire similaire en ergonomie, l’appelante ayant en outre une formation en psychologie sociale, exerçaient les mêmes fonctions d’intervenante/consultante ergonome, de sorte que ces deux salariées devaient être intégrées, avec Mme [T] au sein de la même catégorie professionnelle, pour apprécier lesquelles d’entre elles devaient être, sur la base des critères d’ordre, licenciées.
Mme [L], qui a travaillé au sein de l’entreprise en qualité d’assistante de direction, atteste de manière circonstanciée que Mmes [H] et [V] exerçaient les mêmes fonctions dans l’entreprise.
L’expérience acquise par Mme [V] aux fonctions de consultante en ergonomie auprès d’un autre employeur, ne constitue pas un motif pertinent pour l’écarter de la catégorie des consultantes en ergonomie de 1ère position dans laquelle l’employeur a placé Mmes [H] et [T].
Alors qu’il est constant que Mme [H] avait également une activité commerciale, le seul fait que Mme [V] ait développé un chiffre d’affaires supérieur à celui de Mme [H], ce qui aurait pu constituer l’un des critères de l’ordre des licenciements, ne justifie pas la distinction opérée par l’entreprise entre ses intervenants lesquels exerçaient des fonctions de même nature. La pièce n°28, dépourvue de force probante, n’objective pas une telle distinction qui ne figure sur aucune pièce contractuelle.
La distinction ainsi opérée par l’employeur ne repose pas sur des éléments objectifs pertinents. Il s’ensuit que, par cette manoeuvre, la société Sylval s’est abstenue de mettre en oeuvre les règles régissant l’ordre des licenciements, dont l’application aurait pu permettre à la salariée de ne pas être désignée parmi les 2 intervenants à licencier et de conserver ainsi son emploi.
À défaut pour l’employeur d’avoir mis en oeuvre loyalement l’ordre des licenciements en regroupant l’ensemble des salariés occupants les fonctions de même nature supposant une formation commune, la salariée est bien fondée à solliciter une indemnisation au titre de la perte de chance de conserver son emploi, la salariée soulignant qu’elle bénéficiait, contrairement à Mme [V], récemment recrutée (septembre 2016), d’une ancienneté de 5 années, d’une polyvalence, ainsi que d’une situation familiale, de parent isolé.
La mauvaise foi dont a fait preuve l’employeur dans la constitution de la catégorie professionnelle des intervenants de 1ère catégorie milite en faveur d’une volonté dissimulée de l’employeur d’extraire Mme [V] de l’examen comparé de la situation de cette dernière avec celle de Mmes [H] et [T].
Au jour de la rupture, Mme [H] âgée de 33 ans bénéficiait d’une ancienneté de 5 années au sein de la société Sylval qui employait moins de 11 salariés. Elle avait perçu au cours des six derniers mois précédant la rupture une rémunération brute globale de 21 644 euros. Elle ne fournit aucun élément sur l’évolution de sa situation professionnelle.
Ayant adhéré au contrat de sécurisation professionnelle elle a pu bénéficier pendant douze mois de l’allocation de sécurisation professionnelle.
En l’état de l’ensemble de ces éléments, le préjudice subi par la salariée sera réparé par l’allocation de la somme de 18 000 euros.
PAR CES MOTIFS
La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a débouté Mme [H] de sa demande d’indemnisation pour non respect de l’ordre des licenciements et en ce qu’il l’a condamnée aux dépens.
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Condamne la société Sylval à verser à Mme [H] la somme de 18 000 euros de dommages-intérêts pour perte de chance de conserver son emploi dans l’hypothèse où l’employeur aurait loyalement mis en oeuvre l’ordre des licenciements, et ce avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
Condamne la société Sylval à verser à Mme [H] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Monsieur Mohamed EL GOUZI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,