Ordre des licenciements : 14 septembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/00995

·

·

Ordre des licenciements : 14 septembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/00995
Ce point juridique est utile ?

14 septembre 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/00995

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 8

ARRET DU 14 SEPTEMBRE 2023

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00995 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDBIT

Décision déférée à la Cour : Jugement du 8 décembre 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 19/06208

APPELANTE

Madame [A] [E]

[Adresse 2]

[Localité 4]

(bénéficiaire d’une aide juridictionnelle totale n° 2021/014905 du 28/04/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)

Représentée par Me Alexis FACHE, avocat au barreau de PARIS, toque : D0897

INTIMÉE

ASSOCIATION LE PARTI COMMUNISTE FRANÇAIS

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Laurence CAMBONIE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : BOB183

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 juin 2023, en audience publique, les avocats ne s’étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Nathalie FRENOY, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Nathalie FRENOY, présidente de chambre

Madame Nicolette GUILLAUME, présidente de chambre

Madame Véronique BOST, vice-présidente placée

Greffier, lors des débats : Mme Nolwenn CADIOU

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– signé par Madame Nathalie FRENOY, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [A] [E] a été engagée par l’association Parti Communiste Français à compter du 1er septembre 1991, en qualité de femme de ménage.

Au dernier état de la relation de travail, Madame [E] occupait le poste de secrétaire.

Elle affirme avoir été licenciée verbalement le 21 juin 2018.

Par courrier remis en main propre le 3 juillet 2018, l’association Parti Communiste Français l’a convoquée à un entretien préalable fixé au 11 juillet suivant et lui a notifié son licenciement pour motif économique et impossibilité de reclassement par courrier du 23 juillet 2018.

La salariée a adhéré le 25 juillet 2018 au contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait été proposé.

Contestant la rupture de son contrat de travail, Madame [E] a saisi le 10 juillet 2019 le conseil de prud’hommes de Paris qui, par jugement du 8 décembre 2020, notifié aux parties par lettre du 24 décembre 2020, l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes, a débouté le Parti Communiste Français de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et laissé les dépens à la charge de la demanderesse.

Par déclaration du 12 janvier 2021, elle a interjeté appel de ce jugement.

Par décision du 11 mars 2021, Madame [E] a obtenu une aide juridictionnelle partielle.

Dans ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 6 avril 2023, l’appelante demande à la cour :

-de la déclarer recevable en son appel et bien fondée en ses demandes,

-d’infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris en ce qu’il l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes et qu’il a laissé les dépens à sa charge,

et en conséquence, statuant à nouveau,

à titre principal,

-de juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

-de condamner le Parti Communiste Français à payer à Madame [E] la somme de’150 000 euros au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et subsidiairement la somme de’51 541,55 euros au même titre,

-de condamner le Parti Communiste Français à verser à Madame [E] la somme de’5 572,06 euros, soit deux mois, au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 557,21 euros de congés payés y afférents qu’elle aurait dû percevoir en l’absence d’adhésion au contrat de sécurisation professionnelle,

à titre subsidiaire,

-de condamner le Parti Communiste Français à payer à Madame [E] la somme de’150 000 euros de dommages et intérêts pour non-respect des critères d’ordre,

en tout état de cause’:

-de condamner le PCF à verser à Madame [E] la somme de’2 786,03 euros (un mois) à titre d’indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement pour motif économique,

-de condamner le PCF à verser à Madame [E] la somme de’5 572,06 euros (2 mois) à titre de dommages- intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation d’exécuter de bonne foi le contrat de travail,

-de dire que les condamnations à intervenir porteront intérêts à partir de chaque échéance mensuelle avec capitalisation desdits intérêts selon l’article 1343-2 du Code civil à partir de la date de la saisine,

-de condamner le Parti Communiste Français à verser la somme de’2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-de condamner le Parti Communiste Français aux entiers dépens et aux frais d’exécution éventuels.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 avril 2023, le Parti Communiste Français demande à la cour :

-de déclarer irrecevables les demandes nouvelles formulées le 4 avril 2023 par l’appelante,

-de confirmer le jugement entrepris et en conséquence,

-de débouter Madame [A] [E] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

subsidiairement,

-de juger que les dispositions de l’article L1235-3 du code du travail tel qu’issu de l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 doivent s’appliquer et limiter le quantum éventuellement alloué,

-de la condamner à verser au PCF une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

-de la condamner aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 18 avril 2023 et l’audience de plaidoiries a été fixée au 13 juin 2023.

Il convient de se reporter aux énonciations de la décision déférée pour plus ample exposé des faits et de la procédure antérieure, ainsi qu’aux conclusions susvisées pour l’exposé des moyens des parties devant la cour.

MOTIFS DE L’ARRET

Sur l’irrecevabilité des demandes nouvelles :

Le Parti Communiste Français soutient que les demandes relatives au caractère verbal du licenciement, aux conséquences du licenciement économique contesté justifiant le paiement du préavis, au caractère déloyal de l’exécution du contrat de travail et à l’irrégularité de la procédure de licenciement ont été formulées pour la première fois en cause d’appel par Madame [E], à dix jours de la clôture de la mise en état et sont irrecevables, comme nouvelles.

Madame [E], qui soutient qu’elle a été licenciée verbalement avant de recevoir sa convocation à entretien préalable, ne conclut pas sur l’irrecevabilité de cette demande, ni sur les autres contestées par son adversaire.

L’article 564 du code de procédure civile prévoit qu’ « à peine d’irrecevabilité soulevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait. »

Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges, même si leur fondement juridique est différent, selon l’article 565 du code de procédure civile.

Il résulte de l’article 566 du code de procédure civile que « les parties peuvent aussi expliciter les prétentions qui étaient virtuellement comprises dans les demandes et défenses soumises au premier juge et ajouter à celles-ci toutes les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément . »

En l’espèce, Madame [E] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris, par requête reçue le 10 juillet 2019, de demandes tendant d’une part, à l’indemnisation de son licenciement économique sur le fondement d’une violation de l’obligation d’adaptation et de reclassement, et d’autre part, à la réparation de la violation des critères d’ordre de licenciement.

Les dernières demandes de la salariée devant le conseil de prud’hommes tendaient à titre principal à l’indemnisation de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, à titre subsidiaire à la même indemnisation pour un montant inférieur, à titre très subsidiaire à l’indemnisation du non-respect des critères d’ordre de licenciement.

Si la demande en vue de l’indemnisation du licenciement a reçu un nouveau fondement en cause d’appel de la part de la salariée, qui fait état désormais de licenciement verbal antérieur au licenciement par courrier qu’elle a critiqué jusque-là, cette demande tend aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges et doit donc être déclarée recevable.

Il en va de même de la demande d’indemnité compensatrice de préavis, qui apparaît comme étant l’accessoire ou le complément des demandes premières de la salariée.

En revanche, à défaut d’avoir présenté une quelconque prétention au titre de l’exécution de mauvaise foi du contrat de travail, Madame [E] ne saurait présenter cette demande nouvelle en cause d’appel, et ce même si elle invoque à ce titre des griefs liés au respect de la procédure de licenciement, aux motifs du licenciement et à l’absence d’application des critères d’ordre.

Le même constat doit être fait relativement à la demande, nouvelle en cause d’appel, tendant à l’indemnisation de l’irrégularité de la procédure de licenciement.

La fin de non-recevoir opposée par l’association Parti Communiste Français doit donc être accueillie pour ces deux dernières demandes.

Sur le licenciement :

Madame [E] affirme que son licenciement a été prononcé verbalement, avant sa notification par écrit, et qu’il est donc dépourvu de cause réelle et sérieuse. Elle critique également le motif économique de la rupture, la situation financière du Parti Communiste Français n’étant pas nouvelle et la structure fonctionnant ainsi depuis des années, grâce à des assises financières et immobilières très importantes. Elle fait état en outre d’un manquement aux obligations d’adaptation et de reclassement, son employeur ne lui ayant proposé aucun poste alors que l’association PCF fait partie d’un groupe composé de plusieurs structures permettant une permutabilité de personnel, que plusieurs postes (accueil/standard et secrétaire notamment) étaient disponibles et que des recrutements concomitamment à la rupture ont eu lieu au service comptabilité dans lequel elle avait déjà travaillé.

L’association Parti Communiste Français conteste tout licenciement verbal – lequel n’a été invoqué que dans les dernières écritures d’appel de la salariée-, affirme que le motif économique tiré de la réorganisation du parti est réel et considère avoir rempli ses obligations en matière de reclassement, puisqu’il n’appartient à aucun groupe.

*

Selon l’article L 1232-6 du code du travail, l’employeur qui décide de licencier un salarié doit lui notifier sa décision par lettre recommandée avec avis de réception.

Il en résulte qu’un licenciement notifié verbalement, ne mettant pas le salarié en mesure de connaître les motifs de la rupture, est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Un licenciement verbal suppose qu’une décision irrévocable de rupture définitive du lien contractuel ait été prise par l’employeur.

En l’espèce, si Madame [E] a effectivement été convoquée par courriel du 20 juin 2018 par le DRH ‘pour une information concernant (son) poste de travail’et si la responsable RH – en litige avec l’employeur elle aussi- a attesté avoir vu sa collègue en larmes et choquée après ledit rendez-vous, ces éléments peuvent être tout autrement interprétés, notamment dans un contexte de restructuration des missions pour le nouvel organigramme fonctionnel du siège du PCF, et ne contiennent pas intrinsèquement la preuve d’une notification de licenciement, le témoin n’ayant pas assisté au rendez-vous et répétant les déclarations de l’appelante, laquelle n’a fait état de sa ‘répudiation’ qu’en cause d’appel, c’est-à-dire près de cinq ans après son licenciement et donc particulièrement tardivement pour une annonce et une irrégularité de procédure si remarquables.

Au surplus, il convient de relever à ce sujet que non seulement Madame [E] a continué à travailler du 21 juin au 31 juillet 2018 mais encore, alors qu’elle a détaillé avec précision tous les éléments de son licenciement et son contexte sur un site de presse en ligne (cf sa pièce 31), qu’elle n’y a nullement évoqué le caractère verbal de la rupture.

*

Selon l’article L 1233-3 du code du travail dans sa version applicable au litige, ‘constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l’évolution significative d’au moins un indicateur économique tel qu’une baisse des commandes ou du chiffre d’affaires, des pertes d’exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l’excédent brut d’exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, au moins égale à :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;

2° A des mutations technologiques ;

3° A une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

4° A la cessation d’activité de l’entreprise.

La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise.

Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise s’apprécient au niveau de cette entreprise si elle n’appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d’activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.

Pour l’application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce.’

La lettre de licenciement adressée le 23 janvier 2018 à Madame [E] contient les motifs suivants :

‘La situation économique du parti nous a obligés depuis plusieurs années à effectuer des réorganisations rendues indispensables à la suite de la baisse de nos financements.

[…]

De 2016 au 31 décembre 2017, le nombre de postes salariés est passé de 41 à 36, sur la base de départs en retraite ou de ruptures conventionnelles.

Malheureusement, les prévisions qui sont à l’origine de la réflexion menée en 2016 se sont avérées encore trop optimistes en raison notamment des résultats des élections législatives de juin 2017.[…]

En effet, nous avons disposé en 2016 d’un budget de 8,5 millions, qui s’est élevé pour 2017 à un total de 7,5 millions et les prévisions pour l’année 2018 le définissent au mieux à hauteur de 5,62 millions.

Nous allons donc subir une perte de 1,6 millions, soit une baisse de 27 % par rapport à 2017, et nos prévisionnels d’exploitation démontrent qu’à défaut d’économies substantielles, nous risquons d’être en état de cessation des paiements dès l’année 2019 !

Nous ne pouvons prendre ce risque et il est de notre responsabilité de rééquilibrer notre budget.

Afin d’éviter cette situation de cessation des paiements et pour rechercher la mise en place d’une structure pérenne, le conseil national a souhaité procéder à une refonte totale de l’organisation, prévoyant d’une part la suppression de certaines catégories de postes, mais également la définition de nouvelles missions, plus polyvalentes et recentrées sur le travail du Comité exécutif national.

Cette réaffectation des missions et cette redéfinition des postes de travail prioritaires dans le cadre budgétaire contraint, concernent au total 6 salariés dont les postes sont supprimés.

Ces éléments ont été portés à la connaissance des élus et délégués du personnel, réunis en DUP le 20 juin 2018, après une première information générale faite à la DUP du 12 juin 2018.

Ils ont également été présentés à l’ensemble du personnel, lors d’une réunion en date du mardi 3 juillet 2018.

C’est donc dans le cadre de cette situation que j’envisage de procéder à votre licenciement économique pour motif de suppression de poste.

Cette suppression de poste ne permet pas de solution de reclassement au sein du CN compte tenu des éléments budgétaires évoqués et des profils de poste correspondant au nouvel organigramme du CN.

Après vous avoir exposé ces éléments, j’ai entendu vos propres observations qui malheureusement ne m’ont pas permis de modifier mon appréciation de la situation.

Dans ces conditions, je suis au regret de vous informer que je suis contraint de vous notifier votre licenciement pour motif économique, à savoir suppression de poste.’

À la lecture des pièces comptables produites aux débats par l’association PCF mais également du rapport au Comité exécutif en date du 14 novembre 2018 présentant des données portant sur la globalité des ressources financières des fédérations et du Conseil National en 2017, il est manifeste que les ressources de l’employeur ont baissé de près de 35 % à la suite des élections législatives mais également eu égard au montant des indemnités parlementaires et de l’aide publique obtenue.

Si la situation financière de l’association PCF était plutôt dans une tendance baissière depuis plusieurs années, la chute drastique de ses revenus à compter de 2017- restés très bas jusqu’au licenciement- doit être prise en considération au titre du motif économique avancé, à juste titre, par l’employeur pour éviter toute cessation des paiements.

Par conséquent, il est établi que la diminution des ressources de l’association PCF a été effective et d’importance, de nature à entraîner la suppression du poste de secrétaire administrative de Madame [E], dont certaines des fonctions ont été réparties entre d’autres salariés de la structure.

*

L’article L 1233-4 du code du travail dispose que ‘le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Pour l’application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce.

Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure.

L’employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l’ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret.

Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises.’

Aucune offre de reclassement n’a été proposée à Madame [E] en l’espèce.

Cependant, en raison de la nouvelle répartition des moyens en personnel et du maintien des seules assistantes de direction auprès des membres du Secrétariat National du parti, de la présidence du Conseil National et des pôles de coordination des activités, il n’apparaît pas qu’un poste correspondant à la qualification et à l’expérience de Madame [E] ait été vacant, à la période de son licenciement.

L’extrait du registre des entrées et sorties du personnel, versé aux débats par la salariée, montre pour la fin de l’année 2017 et le début de 2018 l’embauche d’un seul salarié non cadre.

En ce qui concerne ce recrutement, celui de Monsieur [I] au service comptabilité, il a été effectif au 1er mars 2018, soit antérieurement à la rupture du contrat de travail de Madame [E] laquelle au surplus, si elle avait déjà participé à des levées de fonds et avait été vue dans ce service notamment lors de souscriptions, ne justifie d’aucune compétence en matière de comptabilité, même au titre d’une validation des acquis de l’expérience – qu’ elle invoque sans en démontrer l’effectivité -.

L’intérêt affirmé de l’appelante pour la comptabilité, qui ne s’était pourtant pas reflété dans ses demandes de formation jusque-là , n’aurait pu suffire à lui attribuer le poste investi par Monsieur [I] – qui avait plusieurs années d’expérience dans la gestion d’une trésorerie – puisqu’il requérait des compétences techniques particulières pour assurer la tenue de la comptabilité d’une ou plusieurs structures et garantir la régularité et la fiabilité des comptes, ce qui n’aurait pu être atteint par Madame [E] au moyen d’une simple formation dans le cadre du reclassement et des efforts d’adaptation au sens de l’article L1233-4 du code du travail.

Il est justifié par ailleurs de ce que les deux postes invoqués par Madame [E] comme vacants au sein de la Société [Adresse 5] (SICC) correspondaient à des emplois d’assistante de direction et d’agent d’accueil et de sécurité, déjà pourvus au jour du licenciement et ce, depuis le 1er janvier 2016.

En tout état de cause, il n’est pas démontré, au vu des éléments produits, que la SICC soit une entreprise dominante au sens de l’article L 1233-4 al 2 du code du travail, contrôlant l’association intimée, et fasse donc partie du périmètre de recherche de reclassement, et ce bien que cette dernière soit locataire de locaux appartenant à la SICC et que des salariés de cette structure soient amenés à travailler à des activités d’accueil, de gestion administrative et d’entretien, prestations refacturées au PCF.

Il n’est donc pas justifié de manquements de l’employeur à son obligation de recherche de reclassement dans le cadre de ce licenciement économique, d’autant qu’ il n’est pas contesté que Madame [E] a refusé l’accompagnement pendant 12 mois d’un cabinet d’outplacement, qui lui avait été proposé dans l’optique d’une réorientation professionnelle.

Sur l’ordre des licenciements:

Madame [E] soutient que l’association Parti Communiste Français n’a pas respecté les critères d’ordre des licenciements, lesquels devaient être appréciés puisque, contrairement à ce qu’indique son employeur, tous les postes de secrétariat n’ont pas été supprimés ; elle évoque celui de Madame [H], qui n’était pas assistante de direction et qui, célibataire sans enfant à charge avait une ancienneté inférieure à la sienne. Elle soutient par ailleurs avoir été elle-même chargée de missions, ce qui correspond en réalité à un poste d’assistante d’un cadre dirigeant.

L’association intimée estime qu’elle n’avait pas à apprécier les critères d’ordre des licenciements dans la mesure où tous les postes de secrétaires ont été supprimés.

Il résulte de l’article L 1233-5 du code du travail que ‘lorsque l’employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l’absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l’ordre des licenciements, après consultation du comité social et économique.

Ces critères prennent notamment en compte :

1° Les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ;

2° L’ancienneté de service dans l’établissement ou l’entreprise ;

3° La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ;

4° Les qualités professionnelles appréciées par catégorie.

L’employeur peut privilégier un de ces critères, à condition de tenir compte de l’ensemble des autres critères prévus au présent article.[…]’

En application de cet article et de l’article L. 1233-31 du code du travail, les critères d’ordre de licenciement doivent être appliqués à tous les salariés qui relèvent de la même catégorie professionnelle.

Si tous les emplois d’une catégorie professionnelle sont supprimés, il n’y a pas lieu d’établir un ordre des licenciements.

Il convient de s’assurer que ces catégories regroupent, en tenant compte des acquis de l’expérience professionnelle qui excèdent l’obligation d’adaptation qui incombe à l’employeur, l’ensemble des salariés qui exercent, au sein de l’entreprise, des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune.

En l’espèce, Madame [E] affirme qu’aucune différence n’existe entre les fonctions de secrétaire et d’assistante de direction, peu important que la prestation de travail s’accomplisse ou non auprès d’un responsable de pôle, de service ou de secteur.

Elle ne saurait cependant se comparer aux salariées dont elle invoque la situation, qui n’étaient pas, comme elle, secrétaire administrative, mais assistantes de direction, comme Madame [P] et Madame [N], la première attachée au président du Conseil National, la seconde au Trésorier national.

En effet, Madame [E] affirme avoir été l’assistante de Monsieur [C], chargé du secteur de l’agriculture, de la pêche et de la forêt, mais elle ne le démontre pas, alors que l’association Parti Communiste Français indique qu’elle travaillait au secrétariat du pôle Projet, comme d’autres salariés, et avait eu à collaborer avec Monsieur [C] mais également avec un autre membre du parti chargé de l’écologie, et produit un organigramme (pour la période 2016-2019) qui est le reflet de cette organisation.

Si certaines tâches de la salariée pouvaient être similaires à celles de ces collègues, bien d’autres exercées par ces dernières s’avéraient différentes et d’un niveau autre, relevant des missions liées au positionnement hiérarchique de la personne assistée, à savoir le chef du parti (assisté par Madame [P]) et un coordinateur de pôle (Monsieur [F], chargé de la coordination de l’exécution au niveau du Secrétariat National, assisté par Madame [N]).

L’appelante invoque également l’absence de suppression du poste de Madame [H] chargée, comme elle, d’un secrétariat.

Cependant, les pièces produites permettent de vérifier que cette collègue était attachée à Madame [M], chargée de la coordination du Pôle international – Europe et avait, à ce niveau distinct de celui sur lequel était positionnée l’appelante, des attributions spécifiques au-delà des tâches de secrétariat. En effet, au-delà du périmètre d’intervention plus étendu, le descriptif de poste produit aux débats par l’employeur fait état de tâches relatives à la gestion de l’agenda de la responsable du Pôle et des activités du secteur, à la préparation et l’organisation de ses déplacements mais aussi de ceux des délégations internationales et européennes officielles du PCF, à l’accueil par le parti des délégations étrangères, attributions en lien avec la spécificité internationale du pôle et induisant la maîtrise de l’anglais. L’employeur justifie enfin de la formation professionnelle dispensée à Madame [H] dans cette langue à partir du 9 janvier 2014.

Il n’est pas justifié par Madame [E] que ses fonctions de secrétaire administrative au sein du Pôle Projet, quelle que soit son expérience et nonobstant ses compétences démontrées, aient été de même nature et basées sur la même formation professionnelle.

Par conséquent, le poste de Madame [H], distinct de celui des secrétaires administratives et très similaire à celui des assistantes de direction, ne pouvait être considéré comme entrant dans la même catégorie professionnelle que celui de Madame [E].

C’est donc à juste titre que l’employeur n’a pas fixé de critères d’ordre des licenciements en l’espèce.

La demande d’indemnisation présentée par Madame [E] doit être rejetée, par confirmation du jugement entrepris.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Madame [E], qui succombe, doit être tenue aux dépens de première instance, par confirmation du jugement entrepris, et d’appel, et ce conformément aux règles applicables en matière d’aide juridictionnelle.

L’équité commande de ne pas faire application de l’article 37 bis de la loi du 10 juillet 1991 et de l’article 700 du code de procédure civile aux parties ni pour la procédure de première instance, ni pour celle d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe à une date dont les parties ont été avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME le jugement déféré,

Y ajoutant,

CONSTATE l’irrecevabilité des demandes présentées en cause d’appel au titre de l’exécution de mauvaise foi du contrat de travail et de l’irrégularité de la procédure de licenciement,

REJETTE le surplus des demandes,

CONDAMNE Madame [A] [E] aux dépens d’appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions relatives à l’aide juridictionnelle dont elle a bénéficié.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x