Édition musicale : 22 novembre 2017 Cour de cassation Pourvoi n° 16-24.771

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Édition musicale : 22 novembre 2017 Cour de cassation Pourvoi n° 16-24.771

22 novembre 2017
Cour de cassation
Pourvoi n°
16-24.771

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 22 novembre 2017

Rejet non spécialement motivé

Mme BATUT, président

Décision n° 10717 F

Pourvoi n° F 16-24.771

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par :

1°/ Mme Erika X… ,

2°/ Mme Esther X…,

toutes deux domiciliées […]                                   ,

3°/ M. Jean-Marc X…, domicilié […]                               ,

4°/ Mme Alison X…,

5°/ M. Franky X…,

6°/ M. Thomas X…,

tous trois domiciliés […]                                            ,

7°/ Mme Cheyenne X…,

8°/ Mme Nina X…,

toutes deux domiciliées […]                                            ,

9°/ Mme Nadine Y…, épouse X…, domiciliée […]                                            ,

contre l’arrêt rendu le 15 septembre 2016 par la cour d’appel de Versailles (1re chambre, 1re section), dans le litige les opposant :

1°/ à la Société des auteurs compositeurs et éditeurs de musique (SACEM), dont le siège est […]                                                ,

2°/ à Mme Elodie Z…, épouse A…, domiciliée […]                                 , prise en qualité d’héritière légale de Patrick Z… dit Patrick B…,

3°/ à Mme Chantal C…, domiciliée […]                                                            , prise en qualité de légataire à titre particulier de Patrick Z… dit Patrick B…,

défenderesses à la cassation ;

Mmes Z… et C…, ès qualités, ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 17 octobre 2017, où étaient présentes : Mme Batut, président, Mme D…, conseiller référendaire rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Randouin, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de la SCP Delvolvé et Trichet, avocat des consorts X…, de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de Mmes Z… et C…, de la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat de la Société des auteurs compositeurs et éditeurs de musique ;

Sur le rapport de Mme D…, conseiller référendaire, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu l’article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que le moyen unique de cassation du pourvoi principal et celui du pourvoi incident annexés, qui sont invoqués à l’encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu’il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;

REJETTE les pourvois tant principal qu’incident ;

Laisse à chaque demandeur la charge des dépens afférents à son pourvoi ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux novembre deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES à la présente décision

Moyen produit par la SCP Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour les consorts X…, demandeurs au pourvoi principal .

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir déclaré prescrite l’action en paiement des consorts X… à l’encontre de la Sacem et d’avoir déclaré, en conséquence, irrecevables les demandes des consorts X… tendant à ce qu’il soit enjoint à la Sacem de procéder rétroactivement au calcul des redevances dues aux héritiers de Django X… et à ce que la Sacem soit condamnée à leur payer les sommes non perçues, pendant une période de dix ans pour l’exploitation de l’oeuvre première instrumentale ;

Aux motifs que « considérant que le guitariste compositeur Jean-Baptiste dit Django X… est décédé le […] laissant pour lui succéder Jean-Jacques X…, son fils, décédé à son tour le […]            ; que le 27 janvier 2010, les héritiers de ce dernier ont mis en demeure la Sacem de régulariser « sa gestion de l’oeuvre « Nuages » en considérant qu’elle est l’oeuvre exclusive de Django X… » et non, comme enregistrée par ses services depuis 1943, une oeuvre de collaboration avec Jacques Z… dit B…, de leur verser les redevances perçues depuis 10 ans au titre de la version instrumentale originale et de modifier les clés de répartition des oeuvres dérivées ; que n’ayant pas obtenu gain de cause, ils ont assigné la Sacem, le 30 mars 2010 devant le tribunal de grande instance de Nanterre, qui, après les interventions volontaires successives de Patrick Z…, héritier de Jacques Z… dit B… et de Mme Elodie Z…, héritière de Patrick B… décédé le […]           , a, par le jugement déféré, statué dans les termes sus-rappelés (arrêt, p.6 , § 2-3) (
) ; que sur la prescription [la Sacem] soutient à titre subsidiaire, qu’à supposer que l’action en requalification touche au droit moral de Django X… comme le prétendent ses ayants droit, elle n’en serait pas pour autant « imprescriptible » ; que l’attribution d’une copaternité de l’oeuvre à Jacques B… constituerait en effet, selon la thèse même des intimés, une « atteinte portée au droit moral » de Django X… ; que les atteintes au droit moral, à l’instar des atteintes aux droits patrimoniaux se prescrivent selon le droit commun ; que la prescription applicable est de dix ans à compter du 4 mai 1943, en vertu de l’article 2270-1 du code civil dans sa rédaction applicable au jour de la délivrance de l’assignation ; que l’action est donc prescrite depuis le 4 mai 1953 et la requalification ne peut plus être opérée ; qu’elle estime qu’en tout état de cause, l’action en paiement à son encontre, en ce qu’elle concerne la période passée, se fonde sur la faute qui lui est imputée d’avoir attribué à l’oeuvre une qualification erronée ; que cette prétendue erreur date du 27 mai 1943, jour de réception par la Sacem de la lettre des Publications Francis-F… lui transmettant la « formule spéciale » signée par Django X… ; que l’action des consorts X… à son encontre se trouve en conséquence prescrite depuis le 27 mai 1953 par application du délai de 10 ns de l’article 2270-1 précité du code civil ; considérant que Mmes Z… et C… soutiennent également que l’action des consorts X… n’est pas fondée sur le droit moral de Django X… dont la qualité d’auteur de l’oeuvre « Nuages » n’est pas contestée mais sur ses droits patrimoniaux d’auteur et que les règles de prescription de droit commun s’appliquent ; qu’elles ajoutent que l’action des consorts X… s’apparente en réalité à une action en nullité pour vice du consentement, de l’acte du 4 mai 1943, formalisant le « lien contractuel » entre Django X… et Jacques B… pour l’oeuvre de collaboration Nuages ; qu’une telle action, soumise à la prescription quinquennale est prescrite depuis le 4 mai 1948 ; qu’elles ajoutent qu’à supposer que l’action soit fondée sur le droit moral de Django X…, elle serait néanmoins prescrite, rendant ainsi sans objet la demande en paiement de droits d’auteur sur les dix années précédant l’assignation ; qu’en effet, si le droit moral d’un auteur est imprescriptible, toute action fondée sur une atteinte à ce droit moral est soumise à la prescription de droit commun ; que le délai de prescription étant de dix ans à compter du 4 mai 1943, l’action introduite en 2010, est prescrite en application de l’article 2270-1 du code civil dans sa rédaction de l’époque (arrêt, p. 8 , § 3 et s.) (
) ; que contrairement à ce que soutiennent les consorts X…, l’absence de prescription de l’action en revendication qu’ils forment n’implique nullement celle des demandes en paiement qu’ils forment par voie de conséquence ; qu’il importe de relever que les consorts X… ne dirigent aucune demande pécuniaire conte les ayants droit de Jacques B… au titre, notamment, d’une atteinte portée au droit moral de Django X… ; que le surplus de l’argumentation de Mmes Z… et C… est donc sans objet ; que les consorts X… sollicitent expressément de la cour qu’elle dise que « la Sacem a commis une faute dans la qualification juridique de l’oeuvre « Nuages » composée par Django X… et dans l’application du régime qui en découle » et juge « que la faute commise par la Sacem leur a causé un préjudice direct » ; que leur demande tendant à la confirmation du jugement en ce qu’il a enjoint à la Sacem de procéder, rétroactivement, au calcul des redevances qui leur sont dus en distinguant selon l’exploitation de l’oeuvre instrumentale seule et l’exploitation de l’oeuvre avec paroles depuis le 13 mars 2000 et en ce qu’il a condamné la Sacem à leur payer les sommes non-perçues, pendant une période de 10 ans pour l’exploitation de l’oeuvre première instrumentale, repose sur un fondement délictuel ; que leur action en responsabilité civile extra contractuelle à l’encontre de la Sacem était soumise avant l’entrée en vigueur le 1er janvier 1986, de la loi du 5 juillet 1985 dont est issu le premier alinéa de l’article 2270-1 du code civil invoqué par la Sacem, à la prescription trentenaire en vertu de l’article 2262 ancien du code civil ; que la faute prétendue remonte à l’année 1943, date à partir de laquelle la Sacem a tenu compte de la nature de l’oeuvre de collaboration pour ses clés de répartition des produits de l’exploitation de l’oeuvre ; que les conséquences de cette faute prétendue et le dommage allégué ont été immédiatement perceptibles et immédiatement connus de Django X…, y compris avant 1951 par le biais de la société d’auteurs britannique dont il était membre, puis de ses ayants droit au vu tant des redevances perçues que des bulletins de répartition des droits adressés par la Sacem ; que l’action tendant à voir engagée la responsabilité civile de la Sacem était donc prescrite au 30 mars 2010, date d’introduction de l’instance ; que les demandes à ce titre étant irrecevables du fait de la prescription acquise, ce qui rend sans objet le moyen tiré de l’éventuelle application de l’article 1240 du code civil, le jugement sera infirmé en ce qu’il a enjoint à la Sacem de procéder rétroactivement au calcul des redevances dues aux héritiers de Django X… conformément aux clés de répartitions applicables selon le règlement de la Sacem aux oeuvres composites en distinguant selon l’exploitation de l’oeuvre instrumentale seule et l’exploitation de l’oeuvre avec paroles depuis le 13 mars 2000, en ce qu’il a condamné la Sacem à payer aux consorts X… les sommes non-perçues, pendant une période de 10 ans pour l’exploitation de l’oeuvre première instrumentale et en ce qu’il a dit que les sommes dues porteront intérêt au taux légal à compter du jugement (arrêt, p. 10, § 4 – p. 5, § 2) ;

Alors, d’une part, que selon les dispositions de l’article L. 321-1 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction applicable au litige, toute action en paiement des droits perçus par les sociétés de perception et de répartition des droits d’auteur se prescrit par dix ans à compter de la date de leur perception, ce délai étant suspendu jusqu’à la date de leur mise en répartition ; que tel est le cas de l’action tendant au paiement des redevances restant dues aux ayants droit d’un auteur par suite de la restauration d’une oeuvre gérée par la Sacem dans sa véritable nature ; qu’en conséquence, les consorts X… étaient recevables à solliciter le paiement des droits patrimoniaux leur revenant au titre de l’exploitation dans sa version instrumentale de l’oeuvre composite « Nuages », et perçus par la Sacem au cours des dix années précédant la délivrance de l’assignation, le 30 mars 2010 ; qu’en déclarant néanmoins que l’action en paiement des consorts X… à l’encontre de la Sacem était prescrite, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

Alors, d’autre part, que l’objet du litige est fixé par les prétentions respectives des parties ; que, dans leurs conclusions d’appel, les consorts X… sollicitaient le paiement de l’arriéré de droits d’auteur leur revenant perçus par la Sacem au titre des dix dernières années d’exploitation de l’oeuvre instrumentale « Nuages », en se prévalant expressément de la prescription décennale édictée par l’ancien article L. 321-1 du code de la propriété intellectuelle ; qu’en retenant néanmoins, pour déclarer prescrite leur action en paiement, que les ayants droit de Django X… fondaient leurs demandes sur la responsabilité délictuelle de la Sacem à leur égard, la cour d’appel a méconnu les termes du litige et violé l’article 4 du code de procédure civile ;

Alors, subsidiairement, qu’il appartient au juge de restituer leur exacte qualification aux demandes dont il est saisi sans s’arrêter à celle proposée par les parties ; qu’en se bornant à relever que les consorts X… sollicitaient « expressément de la cour qu’elle dise que la Sacem a commis une faute dans la qualification de l’oeuvre « Nuages » composée par Django X… et dans l’application du régime juridique qui en découle » et juge « que la faute commise par la Sacem leur a causé un préjudice direct » », pour en déduire que les demandes dont elle était saisie avaient un fondement délictuel cependant que l’action exercée par les consorts X… constituait une demande de paiement des droits perçus par la Sacem au titre de l’exploitation de leurs droits patrimoniaux sur l’oeuvre composite instrumentale « Nuages », la cour d’appel a violé l’article 12 du code de procédure civile ensemble l’article L. 321-1 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction applicable au litige ;

Alors, subsidiairement, que la prescription d’une action en responsabilité extracontractuelle court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu’elle n’en avait pas eu précédemment connaissance ; que, par ailleurs, chaque mise en répartition erronée des droits patrimoniaux par la Sacem constitue pour les auteurs et ayants droit titulaires de ces droits, un dommage distinct, dont la réalisation fait courir un délai de prescription qui lui est propre ; qu’en faisant courir la prescription des demandes en paiement, formées par les consorts X…, des droits patrimoniaux qui leur restaient dus au titre de l’exploitation de l’oeuvre instrumentale « Nuages » au cours des dix années précédant leur demande, à la date à laquelle les conséquences de la faute de la Sacem et le dommage allégué auraient été immédiatement perceptibles et connus de Django X… et de ses ayants droit, la cour d’appel a violé l’article 2270-1 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, et l’article 2224 du même code ;

Alors, enfin et toujours aussi subsidiairement, que les juges du fond ne peuvent déclarer une action prescrite sans préciser la date à laquelle la prescription a commencé à courir ; qu’en se bornant, pour déclarer prescrite l’action des consorts X…, à relever que le dommage avait été immédiatement perceptible et connu des ayants droit de Django X… au vu des redevances perçues et des bulletins de répartition des droits adressés par la Sacem, sans préciser la date à laquelle la prescription avait commencé à courir, la cour d’appel a privé sa décision de base au regard de l’article 2270-1 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, et de l’article 2224 du même code. Moyen produit par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de Mmes Z… et C…, ès qualités, demanderesses au pourvoi incident.

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’AVOIR confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre du 15 mai 2014 en ce qu’il a, au regard de la nature de l’oeuvre composite « Nuages », enjoint à la Sacem de rétablir pour l’avenir la répartition des redevances applicables à une oeuvre composite pour l’exploitation de l’oeuvre première instrumentale, soit :

. 8/12e pour les redevances de droit d’exécution publique,
. 50 % pour les redevances en matière de fabrication et d’usage de reproduction mécanique,
. 37,50 % pour les redevances en matière de fabrication et d’usage de reproduction mécanique de l’oeuvre première instrumentale arrangée ;

AUX MOTIFS QUE le point, ici en litige, de savoir si l’oeuvre « Nuages » est, soit une oeuvre de collaboration pour la création de laquelle Django X… et Jacques B… auraient convenu de faire converger leurs apports séparés, l’un de la musique, l’autre des paroles, au regard l’un de l’autre, dans le but de faire une chanson, soit une oeuvre composite incorporant, sans sa collaboration, l’oeuvre première instrumentale du seul Django X…, relève du droit de paternité de celui-ci et donc de son droit moral ; que les appelants invoquent vainement le fait que la qualité de seul auteur de la musique de la chanson « Nuages » de Django X… n’est pas remise en cause ainsi que les dispositions de l’article L. 113-3 du code de la propriété intellectuelle autorisant chacun des coauteurs d’une oeuvre de collaboration à exploiter séparément sa contribution personnelle dès lors qu’elle relève de genres différents ; qu’en effet, notamment, ce même texte pose aux coauteurs d’une oeuvre de collaboration les contraintes liées à la nature d’une telle oeuvre, ces contraintes étant incompatibles avec le droit moral de l’auteur d’une oeuvre première incorporée dans l’oeuvre composite, dérivée de cette oeuvre première dont il est le seul auteur ; qu’indépendamment de son bien fondé et de ses conséquences pécuniaires, l’action en requalification de la chanson « Nuages » en oeuvre composite concerne bien le droit moral de Django X… sur l’oeuvre « Nuages » ; qu’aux termes de l’article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle, le droit moral de l’auteur est perpétuel, inaliénable, imprescriptible et transmissible à cause de mort à ses héritiers ; que l’action des consorts X… tendant à voir reconnaître la paternité de Django X… sur une oeuvre instrumentale première « Nuages » incorporée, sans sa collaboration dans la chanson du même nom et à voir requalifier cette oeuvre seconde en oeuvre composite, n’est pas soumise à prescription ; que le débat élevé par les appelants sur la prescription quinquennale d’une action en nullité de la “formule de collaboration” signée le 4 mai 1943 par Django X… est sans portée dès lors que le prononcé de la nullité de cet acte n’est pas demandé, qu’une oeuvre de l’esprit naît du seul fait de sa création et que l’auteur est investi sur cette oeuvre, de par la loi, d’un droit moral attaché à sa personne, perpétuel, inaliénable et imprescriptible ; que la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en revendication sera rejetée ; que les consorts X… sont recevables à demander, d’une part à voir dire que l’oeuvre “Nuages” composée par Django X… est une oeuvre composite et que le régime juridique qui en découle doit lui être applicable, d’autre part à voir confirmer le jugement en ce qu’il a enjoint la Sacem a rétablir pour l’avenir le barème de répartition des redevances applicables à une oeuvre composite pour l’exploitation de l’oeuvre première instrumentale seule ;

ET AUX MOTIFS QUE sur la nature de l’oeuvre « Nuages », Mmes Z… et C… critiquent le jugement en ce qu’il a qualifié la chanson « Nuages » d’oeuvre composite et non d’oeuvre de collaboration contrairement aux bulletins de déclaration non équivoques déposés en 1943 à la Sacem et à la formule de collaboration, sans ambiguïté, signée le 4 mai 1943 par Django X… ; mais qu’en l’absence d’éléments nouveaux soumis à son appréciation, la cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu’elle approuve, ont fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties pour qualifier de composite la chanson « Nuages » tirée de l’oeuvre instrumentale première « Nuages » de Django X… ; que si l’attestation de M. E… ne vaut pas comme telle et n’est qu’un avis donné par un spécialiste de l’oeuvre de Django X…, les documents joints ainsi que les autres pièces versées aux débats par les consorts X… prouvent que l’oeuvre instrumentale Nuages a non seulement été créée mais a été divulguée, déclarée et reproduite notamment sous forme de partition, sous le nom du seul Django X…, en 1941, avant même que cette musique, du fait de son succès, ne devienne une chanson avec l’ajout des paroles de Jacques B… ; que le tribunal a rappelé à juste titre que la détermination de la qualité d’auteur d’une oeuvre protégée résulte exclusivement de la loi et qu’aucun élément n’est versé aux débats pour étayer la thèse selon laquelle l’oeuvre « Nuages » résulterait, paroles et musiques, d’une concertation en Django X… et Jacques B… ; que la cession des droits d’auteur au même éditeur, la signature de Django X… au bas d’une formule de collaboration préimprimée et la tolérance dont le compositeur et après lui, son héritier, ont pu faire preuve envers l’auteur des paroles de la chanson « Nuages » ne permettent pas de combattre le fait que la preuve est rapportée que l’oeuvre purement instrumentale première, dont Django X… est seul auteur, a été divulguée sous son seul nom et exploitée avant la mise en paroles ; que pour ces motifs et ceux pertinents des premiers juges, le jugement sera confirmé en ce qu’il dit que la chanson « Nuages » est une oeuvre composite dérivée de l’oeuvre première « Nuages » ayant Django X… pour auteur et non une oeuvre de collaboration et en ce qu’il a enjoint à la Sacem de rectifier pour l’avenir ses clés de répartition des droits ;

ET AUX MOTIFS DU TRIBUNAL QUE l’article L. 113-1 du code de la propriété intellectuelle énonce que “la qualité d’auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui où à ceux sous le nom de qui l’oeuvre est divulguée” ; qu’il est constant qu’à partir de 1942 l’oeuvre “Nuages” est communiquée au public comme une chanson dont les paroles ont été écrites par Jacques B… et dont le compositeur de la musique est Django X… ; qu’il est également certain que cette oeuvre est considérée par la Sacem comme une oeuvre de collaboration ; que les demandeurs contestent la qualification jusqu’alors appliquée à cette oeuvre par la Sacem ; que selon l’article L. 113-2 du même code “est dite de collaboration l’oeuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques ; est dite composite l’oeuvre nouvelle à laquelle est incorporée une oeuvre préexistante sans la collaboration de l’auteur de cette dernière” ; que la Sacem et Mme Z… considèrent que la qualification d’oeuvre de collaboration est démontrée par les déclarations faites par les intéressés pour l’oeuvre “Nuages” ; que plusieurs dates doivent être rappelées, telles qu’elles ressortent des pièces versées aux débats par les parties :
– le 19 novembre 1940, Django X… a cédé tous droits sur plusieurs oeuvres parmi lesquelles “Nuages” à la société d’édition Francis F…,
– par courrier du 15 décembre 1941, Jacques B… a cédé ses droits à l’éditeur Francis F… pour l’exploitation de l’oeuvre “Nuages” en qualité d’auteur des paroles,
– le 12 avril 1943, l’éditeur Francis F… a fait une déclaration d’éditeur à la Sacem de plusieurs oeuvres parmi lesquelles il est mentionné l’oeuvre “Nuages” dans les termes suivants :
– “Nuages – genre : Piano et Chant – auteur : J. B… – Compositeur Django X…
– Nuages – genre : Orchestre – Auteur J. B… – Compositeur Django X…”,
– à la suite de cette déclaration, la Sacem s’est rapprochée de l’éditeur pour que les formules de collaboration soient renseignées par les auteurs supposés de l’oeuvre,
– c’est ainsi que le 4 mai 1943, Django X… signe une déclaration préimprimée rédigée à l’attention de Jacques B… dans les termes suivants :
“Mon cher collaborateur,
Vous me faites connaître qu’en votre qualité de membre de la Sacem vous êtes tenu de déclarer Nuages (suit une mention illisible) notre oeuvre de collaboration. J’accepte sans réserves les conséquences de votre adhésion aux statuts et règlement de ladite société”,
Dans la marge de ce document est ajoutée une mention manuscrite établie par une personne dont l’identité n’est pas déterminée : “J’affirme que cette formule a été signée par M. Django X…”,
– les éditions Francis F… adressent un courrier à la Sacem reçu le 27 mai 1943 aux fins de transmission des formules de collaboration relatives aux deux oeuvres “Je t’aime” et “Nuages” signée par Django X… ;
Que c’est à la suite de la réception de cette déclaration par la Sacem que cette dernière retient la qualification d’oeuvre de collaboration ; que toutefois, la détermination de la qualité d’auteur d’une oeuvre protégée relève exclusivement de la loi et non des règles posées par les sociétés d’auteurs en vue de la fixation du montant des redevances ; que les ayant droits qui contestent la qualification aujourd’hui en oeuvre doivent caractériser que l’oeuvre “Nuages” ne peut être ainsi considérée et démontrer la réalité prétendue à prendre en compte ; que les consorts X… versent aux débats plusieurs types d’éléments pour critiquer cette qualification ; que d’une part, il soutiennent que l’oeuvre a été exploitée commercialement dans sa version instrumentale seule antérieurement et ainsi a été communiquée et divulguée au public d’abord dans ces conditions ; qu’ensuite seulement, Jacques B… a écrit les paroles incorporées à l’oeuvre première ; que, d’autre part, ils communiquent aux débats des éléments relatifs à la prise en compte par la Sacem des déclarations faites par l’éditeur qu’il faut examiner ; qu’en premier lieu, ils versent aux débats des éléments concernant la communication au public de l’oeuvre qu’ils disent première, c’est-à-dire la version instrumentale de “Nuages” ;
– une copie d’un document daté du 13 décembre 1940 à propos de l’enregistrement pour Swing le même jour par “Django X… et son quintette” de quatre titres : Swing 1941, Nuages, Pour vous, Danse Norvégienne ;
Django X… est mentionné comme le compositeur de ces oeuvres, parmi lesquelles “Nuages” est référencée sous le numéro OSW 146 et portant comme seconde indication SW 88
– la photographie du disque vinyle de la collection Swing par le Quintette du Hot Club de France sur lequel est mentionné l’oeuvre “Nuages” avec le seul nom de Django X…, – la copie de la fiche de stock portant comme date “janvier 1941”, la mention Swing, la référence SW 88,
Que ce document, précisant que la première face du disque comporte l’oeuvre “Nuages” OSW146 du compositeur Django X…, interprétée par le Quintette du Hot Club de France et Alix Combelle, fait état des ventes de ce disque par année de 1941 à 1944 ; qu’il est fait état des sorties pour la France, les colonies, l’étranger et les exemplaires cassés ; qu’en 1941, figure le nombre de 6174 sorites annuelles, pour 1942, 8533 pour 1943 10563 et pour 1944 13389 ; que la page suivante de ce document précise les ventes pour les années 1945 à 1947 ; que l’éditeur mentionné est F. F… ; que ces documents confirment ainsi la commercialisation de ce disque dès 1941, et partant sa communication au public, sous une forme instrumentale uniquement, aucune mention de paroles ou identité d’un parolier n’étant portée sur ces différents éléments ; que les programmes de concerts également communiqués aux débats révèlent qu’en février 1941, se produisaient à la salle Pleyel, Django X… et son quintette, soirées à l’occasion desquelles était jouée en particulier l’oeuvre “Nuages” ; que dans le même lieu, l’oeuvre “Nuages” est également programmée le 2 mars 1941 pour être jouée par Django X… et le même quintette, et Django X… s’y produit également en octobre 1941, jouant le même répertoire, notamment “Nuages” ; que les éditions Francis F… éditent la partition “Nuages” de Django X… en 1941 ; que cette version ne mentionne aucun texte, donnant uniquement des indications instrumentales en particulier des mesures solo pour clarinette ou pour guitare ; que la partition de l’oeuvre “Nuages” comportant les paroles de Jacques B… n’intervient qu’en 1942 par la même société d’édition ; qu’aucun élément n’est produit qui viendrait établir que les paroles ont pu être écrites avant décembre 1941 par Jacques B… ; que, si l’ayant droit de Jacques B… qualifie la chanson d’oeuvre de collaboration, aucun élément n’est versé pour étayer cette hypothèse, laquelle est contredite par les éléments factuels apportés par les ayant droits de Django X… ; que par ailleurs, il est utile de rappeler les termes de courriers adressés par la Sacem au fils de Django X… ou à son conseil ; qu’ainsi, le 15 juin 1982, le chef du service juridique de la Sacem renseigne l’avocat du fils de Django X… sur les éléments relatifs à l’oeuvre “Nuages” tels qu’ils ressortent de la documentation de cette société d’auteurs ; qu’il écrit ainsi que « la version instrumentale de cette oeuvre, composée par Django X…, a fait l’objet d’une déclaration d’éditeur enregistrée à la Sacem le 12 juin 1941 ; qu’aucun bulletin de déclaration de cette oeuvre n’a été enregistré à la Sacem car à l’époque M. X… tétait membre de la PRS ; que la version vocale de Jacques B… a fait l’objet d’un bulletin de déclaration enregistré le 8 juin 1943 et d’un bulletin d’éditeur le 29 avril 1943 ; que la version orchestrale de James H… a fait l’objet d’un bulletin de déclaration en date du 15 mars 1948 et d’un bulletin d’éditeur en date du 31 décembre 1947 » ; que le 1er mars 1989, la même société fait état, dans une lettre adressée à M. Jean Jacques X…, des « clés de répartition qui se sont succédées concernant l’oeuvre de Django X… intitulée “Nuages” : dépôt du 13 juin 1941 (instrumental) compositeur Django X… 8/12 ; éditeur Publication F. F… 4/12 ; dépôt du 8 juin 1943 (chanson), compositeur Django X… 4/12 ; auteur Jacques B… 4/12, éditeur Publication F. F… 4/12 » ; qu’il résulte de ce courrier que la société d’édition Francis F… a elle-même déclaré une version instrumentale avant de faire la déclaration d’une deuxième version de l’oeuvre sous forme d’une chanson ; que ces éléments plaident en faveur de l’existence de plusieurs versions de l’oeuvre, l’une originale et instrumentale créée par Django X… seul, l’autre dérivée de la première par l’adjonction de paroles par Jacques B… ; que si la concomitance des participations des coauteurs n’est pas une condition nécessaire à la qualification d’oeuvre de collaboration, il n’en demeure pas moins qu’il faut une communauté d’inspiration et une concertation entre les artistes ; qu’or, dans le présent litige, aucun élément ne permet de considérer que des échanges ont existé entre le compositeur et le parolier pour collaborer à l’écriture d’une oeuvre commune, dans l’intention de faire oeuvre commune ; que cette communauté d’intérêts nécessaire à la qualification d’oeuvre de collaboration n’apparaît pas pour l’oeuvre “Nuages” ; que l’absence d’élément démontrant la concertation entre les auteurs vient renforcer l’idée d’une qualification comme oeuvre composite ; que le document préimprimé de déclaration à la Sacem soumis à la signature Django X… par Jacques B… en 1943 ne peut pas s’analyser autrement qu’en une autorisation donnée par ce dernier à faire cette déclaration à la Sacem, nonobstant le terme de collaboration, dont Django X… ne pouvait pas mesurer la portée à l’époque ;

ALORS DE PREMIERE PART QUE celui qui doit la garantie de son auteur ne peut évincer ; que la cour d’appel constate que le 4 mai 1943, Django X… avait signé une déclaration à l’attention de Jacques B… ainsi rédigée : « Mon cher collaborateur, vous me faîtes connaitre qu’en votre qualité de membre de la Sacem vous êtes tenu de déclarer Nuages notre oeuvre de collaboration ; j’accepte sans réserves les conséquences de votre adhésion aux statuts et règlement de ladite société », ce dont il résultait que les ayants cause universels de Django X… étaient irrecevables en leur demande tendant à la requalification de l’oeuvre « Nuages » en oeuvre composite à l’égard des ayants cause universels de Jacques B… et qu’en statuant comme elle l’a fait, la cour d’appel a violé l’article 1122 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 ;

ALORS DE DEUXIEME PART ET EN TOUTE HYPOTHESE QUE la transmission à l’ayant cause universel du droit moral de l’auteur investit uniquement l’ayant cause du droit de faire respecter l’oeuvre créée et divulguée par son auteur dans les conditions fixées par ce dernier ; qu’il résulte des constatations des juges du fond que le 4 mai 1943, Django X… avait signé une déclaration préimprimée à l’attention de Jacques B…, dépourvue d’équivoque, par laquelle il reconnaissait que « Nuages » était une oeuvre de collaboration, qualification qu’il n’avait jamais remise en cause sa vie durant ; qu’ainsi, les ayants cause universels de Django X…, pris en leur qualité de dépositaire du droit moral de leur auteur sur l’oeuvre, ne disposaient pas du droit de contester la qualification d’oeuvre de collaboration et qu’en décidant la contraire, la cour d’appel a violé l’article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle ;

ALORS DE TROISIEME PART QUE le juge a l’obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; qu’en affirmant que le document préimprimé de déclaration à la Sacem soumis à la signature de Django X… par Jacques B… en 1943 ne pouvait pas s’analyser autrement qu’en une autorisation donnée par ce dernier à faire cette déclaration à la Sacem, nonobstant le terme de collaboration, dont Django X… ne pouvait pas mesurer la portée à l’époque, quand ce dernier précisait clairement que l’oeuvre « Nuages » était une oeuvre de collaboration, la cour d’appel a dénaturé ledit document en violation de l’obligation ci-dessus rappelée ;

ALORS DE QUATRIEME ET DERNIERE PART QUE tout jugement doit être motivé ; qu’en se bornant à affirmer que Django X… n’avait pu mesurer la portée du terme « collaboration » utilisée dans le document qu’il avait signé le 4 mai 1943, la cour d’appel a privé son arrêt de motifs et violé l’article 455 du code de procédure civile.

 


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