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AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-six avril deux mille, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller LE CORROLLER, les observations de la société civile professionnelle DELAPORTE et BRIARD, et de la société civile professionnelle TIFFREAU, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général GERONIMI ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
– X… Gérard,
contre l’arrêt de la cour d’appel de LYON, 4ème chambre, en date du 21 juillet 1999, qui, pour diffusion non autorisée de l’image d’une personne privée, l’a condamné à 1 an d’emprisonnement dont 6 mois avec sursis et mise à l’épreuve pendant 3 ans, 10 000 francs d’amende, 5 ans d’interdiction des droits civiques, civils et de famille, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 131-26, 226-1, 226-2, 226-6 et 226-31 du Code pénal, 6. 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, 2, 427, 485, 512, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
” en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Gérard X… coupable d’atteinte à l’intimité de la vie privée ;
” aux motifs propres que si Gérard X… conteste, à présent, être l’auteur des photographies rendues publiques, il avait reconnu devant les militaires de la gendarmerie d’Auch (Gers) qu’il avait pris personnellement la photographie de la partie civile, posant nue ” chez elle sur son canapé ” ; que cette déclaration est particulièrement probante car, d’une part, le prévenu avait déclaré aux enquêteurs, qu’avisé par son avocat, il s’attendait à leur visite, et car, d’autre part, Gérard X… est lui-même un ancien militaire, ayant servi pendant une vingtaine d’années au commissariat de l’armée de Terre, ayant obtenu le grade d’adjudant-chef, rompu de par sa carrière militaire aux pratiques administratives et qui, de surcroît, était entendu par deux simples gendarmes, placés à la base de la hiérarchie des sous-officiers ; que la Cour ne peut suivre le prévenu qui soutient qu’il aurait confondu les photographies présentées furtivement par les enquêteurs avec celles dont il était l’auteur, prises alors que la partie civile était allongée sur un lit et non sur un canapé ; qu’au demeurant Gérard X… ne fournit aucune indication sur l’identité de la personne qui aurait photographié son ancienne maîtresse allongée sur le canapé ; que si celle-ci avait entendu ourdir une machination contre lui, elle aurait très certainement pris soin, afin de lui imputer la responsabilité des photographies, de poser sur son lit et non sur son canapé ; qu’il n’est pas nécessaire, dès lors, de faire droit à la demande d’expertise sollicitée par le prévenu qui soutient que la partie civile ayant subi une intervention chirurgicale en décembre 1993, ne pouvait présenter en janvier ou février 1994 la pilosité figurant sur les photographies ;
que les renseignements d’ordre militaire apposés sur les photographies litigieuses (numéro d’identification, numéro d’immatriculation au recrutement, lieu d’affectation) permettent de conclure que seules deux personnes, la partie civile et le prévenu, à l’exclusion de tout tiers, peuvent être les auteurs de la divulgation de ces images ; que Gérard X… a manifesté tout au long de la procédure son goût pour les solutions quelque peu excessives ;
qu’il a adressé, le 8 janvier 1995, à la mère de la partie civile une lettre dans laquelle, en termes ignobles, il s’en prenait à son ancienne maîtresse ; qu’il précisait qu’il l’avait photographiée plusieurs fois toute nue, jambes et cuisses écartées et le sexe rasé ;
qu’il ajoutait ” on va avoir bonne mine si quelqu’un lui pique ! ” (les photographies) ; qu’à la fin de sa lettre et dans la pure tradition de l’administration militaire, Gérard X… avait mentionné une rubrique : destinataires : Marguerite (la partie civile), M. le chef de corps de l’ENSOCAT (école nationale des sous-officiers du commissariat de l’armée de Terre), plusieurs cadres de l’ENSOCAT ;
que l’analyse de ce document permet de constater que Gérard X… nourrissait à l’égard de Marguerite Y… des sentiments de haine extrêmement violents, que dès le début de l’année 1995, l’idée avait germé chez lui que des photographies érotiques de la partie civile pouvaient être ” piquées “, lui-même étant disposé à porter à la connaissance des cadres militaires les détails les plus intimes de sa vie commune avec son ancienne maîtresse ; que le même goût de l’excès est apparu lors de l’audience devant la Cour, Gérard X… exposant qu’il allait entreprendre, le 5 septembre prochain, une course à pied en solitaire de 16 600 kilomètres le conduisant de Paris au Cap (Afrique du Sud), au bénéfice de l’association pour la recherche sur le cancer et répétant qu’il lui était indifférent de perdre la vie dans des territoires peu sûrs d’Afrique, du moment qu’il s’agissait de lutter contre le cancer ; qu’un homme animé d’un tel tempérament ne peut, assurément, affirmer qu’il n’aurait pas eu le loisir d’examiner les photographies que lui présentaient les gendarmes d’Auch ; que l’examen de l’emploi du temps de Gérard X… ne permet pas d’exclure qu’il ait personnellement posté à Marseille ou à Lyon les lettres contenant les photographies intimes de Marguerite Y…, ni même qu’il ait pu les apposer au quartier général Frère à Lyon ; que, de surcroît, comme l’a relevé le tribunal, Gérard X… a pu aisément avoir recours à un tiers pour déposer des lettres à la poste ; que, pour envisager d’écarter la culpabilité du prévenu, il faudrait admettre que Marguerite Y…, elle-même adjudant au commissariat à l’armée de Terre, sous-officier bien noté, ait divulgué dans son milieu professionnel, parmi ses amis et ses relations, des photographies particulièrement humiliantes la montrant nue dans des positions érotiques, images de nature à attirer sur elle moqueries et quolibets, à déchaîner un certain humour de caserne, voir à obérer le déroulement de sa carrière et ce afin de nuire (?) à son ancien amant qu’elle avait délaissé plus d’un an auparavant ; que cette hypothèse, formulée pour les besoins du raisonnement, ne pouvait être admise, il
convient, tout comme l’a fait le tribunal, de s’en tenir aux éléments du dossier qui permettent de conclure, sans le moindre doute, que Gérard X… a volontairement attenté à l’intimité de la vie privée de Marguerite Y…, en portant à la connaissance du public, sans le consentement de celle-ci, des photographies la présentant posant nue, dans un lieu privé, en l’espèce allongée sur un canapé à son domicile (arrêt, pages 5 à 7) ;
” et aux motifs, adoptés, des premiers juges que Gérard X… avait reconnu devant les gendarmes d’Auch qu’il était l’auteur des clichés photographiques diffusés avant de se rétracter ultérieurement ; Marguerite Y… a précisé avoir déchiré ces photos avant de les jeter à la poubelle ; Gérard X… est le seul à avoir pu les récupérer ; les expéditions des courriers en cause à partir de plusieurs points du territoire, malgré les alibis fournis par Gérard X…, ne permettent pas de l’exonérer de sa responsabilité ; son histoire, ses relations peuvent laisser penser que des amis ont pu lui rendre service (jugement page 9) ;
” 1) alors qu’il résulte des propres motifs du jugement (page 9), confirmé par l’arrêt attaqué, que Marguerite Y… a précisé avoir déchiré la photographie litigieuse qui, selon ses dires, saurait être prise par le prévenu avant d’être reconstituée puis diffusée par ce dernier, tandis que l’arrêt constate, par ailleurs, que ” l’examen des différentes reproductions photographiques montrait que le document original avait été découpé et reconstitué “, ce qui tend à démontrer qu’en réalité, la photographie diffusée n’était pas celle dont la plaignante attribuait la paternité au demandeur ;
” qu’ainsi, en se bornant à relever que le prévenu avait initialement reconnu, au cours de l’enquête, être l’auteur de la photographie litigieuse, pour en déduire que serait inutile l’expertise sollicitée en vue d’apprécier si la partie civile pouvait présenter en janvier ou février 1994, c’est-à-dire avant la séparation du couple, la pilosité figurant sur ladite photographie, tout en relevant la contradiction existant entre la thèse soutenue par la partie civile et la configuration du document litigieux, dont, en cet état, le prévenu ne pouvait être l’auteur, la cour d’appel a omis de tirer les conséquences légales de ses propres constatations et, partant, a violé les textes susvisés ;
” 2) alors que, conformément au principe du respect de la présomption d’innocence, la charge de la preuve de la culpabilité incombe à la partie poursuivante et le doute, à cet égard, doit profiter au prévenu et justifier sa relaxe ;
” qu’en l’espèce, pour déclarer le demandeur coupable d’atteinte à l’intimité de la vie privée, la cour d’appel s’est bornée à relever, d’une part, que l’examen de l’emploi du temps de Gérard X… ne permet pas d’exclure qu’il ait personnellement posté à Marseille ou à Lyon les lettres contenant les photographies intimes de Marguerite Y…, ni même qu’il ait pu les apposer au quartier général Frère à Lyon, ou a pu aisément avoir recours à un tiers pour déposer des lettres à la poste, d’autre part, que l’hypothèse d’une machination ourdie par la partie civile n’était pas avérée ;
” qu’en l’état de ces seules constatations, d’où il résulte seulement que la culpabilité du prévenu était possible, et non que la preuve en aurait été rapportée par la partie poursuivante, la cour d’appel a méconnu le principe du respect de la présomption d’innocence ” ;
Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments, tant matériels qu’intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l’allocation, au profit de la partie civile, de l’indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;
D’où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en question l’appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l’article L. 131-6, alinéa 4, du Code de l’organisation judiciaire : M. Gomez président, M. Le Corroller conseiller rapporteur, M. Roman conseiller de la chambre ;
Avocat général : M. Géronimi ;
Greffier de chambre : Mme Daudé ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;