Humour | Parodie : 3 octobre 2012 Cour d’appel de Paris RG n° 10/10366

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Humour | Parodie : 3 octobre 2012 Cour d’appel de Paris RG n° 10/10366
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 6

ARRÊT DU 03 Octobre 2012

(n° 2 , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S 10/10366-CR

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 Octobre 2010 par le conseil de prud’hommes de PARIS section commerce RG n° 08/14140

APPELANTE

Madame [J] [G]-[D]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

comparant en personne, assistée de Me Khalil MIHOUBI, avocat au barreau de PARIS, toque : E1234

INTIMÉE

SCP BTSG – Mandataire liquidateur de la SA KERTEL

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Nadège HOUDU, avocat au barreau de NICE substituée par Me Alexandra HAUFF, avocat au barreau de PARIS, toque : L0097

PARTIE INTERVENANTE :

Le Centre de Gestion et d’Etude AGS (CGEA) d'[Localité 6]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Sabine NIVOIT, avocat au barreau de PARIS, toque : T10 (de la SELARL LAFARGE ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 Juin 2012, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Claudine ROYER, Conseillère, chargée d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Conseillère faisant fonction de Présidente

Madame Claudine ROYER, Conseillère

Madame Marie-Antoinette COLAS, Conseillère

Greffier : Mme Evelyne MUDRY, lors des débats

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Evelyne MUDRY, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

Par jugement de départage du 14 octobre 2010 auquel la Cour se réfère pour l’exposé des faits, de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud’hommes de PARIS a :

– débouté Madame [J] [G] épouse [D] de l’intégralité de ses demandes,

– condamné Madame [J] [G] épouse [D] à payer à la société KERTEL la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Madame [J] [G] épouse [D] aux dépens.

Madame [J] [G]-[D] a relevé appel de ce jugement par déclaration parvenue au greffe de la cour le 22 novembre 2010.

Vu les dispositions de l’article 455 du code de procédure civile et les conclusions des parties régulièrement communiquées, oralement soutenues et visées par le greffe à l’audience du 25 juin 2012, conclusions auxquelles il est renvoyé pour l’exposé de leurs demandes, moyens et arguments ;

* * *

Il résulte des pièces et des écritures des parties les faits constants suivants:

Suivant contrat de travail à durée déterminée du 29 octobre 2002, la société LCTC Carte Téléphonique 365 a embauché pour une durée de six mois Madame [J] [G] en qualité d’attachée commerciale. Ce contrat s’est poursuivi à son issue en contrat à durée indéterminée et a été transféré le 8 novembre 2002 à la société STEAMO en application de l’article L.1224-1 du code du travail puis à la société KERTEL après la dissolution le 24 janvier 2008 de la société KERTEL.

Le 29 septembre 2008, Madame [G], désignée depuis son mariage sous le nom de [D], a fait l’objet d’une mise à pied à titre conservatoire avec convocation à un entretien préalable en vue d’un licenciement éventuel. Puis elle a été licenciée par faute grave par lettre du 15 octobre 2008 son employeur lui reprochant des propos inadmissibles et déplacés tenus à l’encontre de certains de ses collègues, propos estimés intolérables et méprisants, susceptibles de porter atteinte à l’intégrité morale des salariés auxquels ils ont été adressés.

Après avoir contesté ce licenciement par lettre recommandée du 23 octobre 2008, Madame [D] a saisi le 28 novembre 2008, le conseil de prud’hommes de Paris, qui a rendu la décision déférée, à l’issue d’une procédure de départage.

L’ouverture d’une procédure collective à l’encontre de la Société KERTEL puis la liquidation judiciaire de cette dernière prononcée le 8 septembre 2011 ont entraîné la mise en cause de l’administrateur judiciaire désigné (Maître [L] [U]), de son mandataire liquidateur (Maître [B] [K] de la SCP BTSG), ainsi que celle de l’AGS CGEA [Localité 5].

* * *

MOTIFS

Sur le bien-fondé du licenciement

Madame [D] soulève le caractère mensonger et infamant des accusations portées contre elle et prétend en substance que la SA KERTEL n’en rapporte pas la preuve ; que les allégations ne sont ni datées ni précisées ; qu’aucune enquête interne n’a été diligentée ; que les prétendues victimes n’ont pas versé le moindre commencement de preuve de ces allégations. Elle verse aux débats trois témoignages contredisant selon elle les accusations portées contre elle et prétend que la société a procédé à un climat de « tendance » pouvant exister au sein de la société ; que ces propos sur les origines culturelles de chacun étaient uniquement humoristiques.

Faisant état de son absence d’antécédents disciplinaires ainsi que des promotions et nouvelles responsabilités envisagées pour elle, la salariée soutient qu’il y a une curieuse coïncidence entre le conflit sur la modification de son contrat de travail (qu’elle avait refusée) et le licenciement pour faute grave.

La SCP BTSG, mandataire liquidateur de la SA KERTEL, soutient au contraire que le licenciement pour faute grave était parfaitement justifié et demande la confirmation de la décision entreprise. Elle rappelle les témoignages concordants des salariés versés aux débats établissant la réalité des faits, et fait observer que Madame [D] n’en a toujours pas mesuré la gravité ; que compte tenu de l’obligation de sécurité de résultat pesant sur l’employeur en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, notamment en matière de harcèlement moral, la société KERTEL n’avait pas d’autre choix que de procéder au licenciement de l’appelante. Elle réfute en outre l’existence d’un lien entre le refus de la salariée d’accepter les propositions de modification de son contrat, qu’elle avait elle-même demandées, et le licenciement.

Selon la lettre de licenciement, les griefs reprochés à Madame [D] ont été exprimés en ces termes :

« Vous avez été engagée en qualité d’Attachée Commerciale en date du 29 octobre 2002.
Pour rappel, à votre retour de congé maternité, vous aviez positionné votre candidature à l’offre de mobilité interne au poste d’Assistante Administration des Ventes au sein de notre entité L.COM.

Après quelques entretiens tant au sein de Kertel qu’avec le Directeur Général d’L.COM, nous avions consenti à vous transférer au sein d’L.COM et nous nous étions organisés en conséquence.

Une journée sur place vous a suffit à changer d’avis et de décider, finalement, de reprendre votre poste au sein de Kertel. Nous avons là encore, accédé à votre demande.

Dans les mois qui ont suivi votre retour au sein de Kertel, vous avez fait savoir que vous souhaitiez, dorénavant, vous orienter vers un poste de recouvrement, ce que votre responsable hiérarchique vous a, là aussi accordé puisque depuis le mois de septembre dernier vous avez basculé vers le recouvrement au sein de l’administration des ventes.

Avant même que nous ayons eu le temps de formaliser cette nouvelle fonction, comme nous avons pu vous l’indiquer, plusieurs salariés sont venus, notamment le jeudi 25 septembre 2008 et le vendredi 26 septembre 2008 porter à notre connaissance des faits particulièrement graves vous concernant.

Ceux-ci nous ont indiqué avoir été victimes pour certains et témoins pour d’autres, de propos inadmissibles et déplacés que vous avez tenus à l’encontre de certains de vos collègues.

Pour n’en citer que certains, concernant vos collègues d’origine marocaine : « Vous les marocaines, n’êtes que des pétasses, des sorcières et des arriérées » ; et du même niveau en ce qui concerne les personnes de confession juive ou bien les homosexuels.

En plus de ces propos déplacés, vous n’avez pas hésité à dénigrer le travail de vos collègues, qui nous vous le rappelons étaient les vôtres il y a peu de temps encore, en avançant par exemple « je suis très contente de ne plus faire votre travail de merde ».

Déstabilisées et choquées, ces personnes ont fini par s’en ouvrir à nous et nous ne vous cachons pas avoir été consternés par un tel comportement.

La concordance des témoignages que nous avons recueillis ne laisse malheureusement aucune place au doute sur la réalité et la gravité des faits relatés.

Nous sommes d’autant plus consternés que nous avions déjà dû vous alerter il y a quelques mois à peine sur votre attitude à l’égard de certains de vos collègues, et sur vos remarques particulièrement désobligeantes visant à les rabaisser.

Les propos que vous avez tenus sont intolérables et susceptibles notamment de porter atteinte à l’équilibre et à l’intégrité morale des salariés à qui ils sont adressés.

Ils révèlent en outre un mépris des obligations élémentaires que doit respecter tout salarié dans son environnement professionnel, notamment à l’égard de ses collègues de travail et ne peut que ruiner les relations professionnelles indispensables au bon fonctionnement de notre société.

Nous ne vous cachons pas être particulièrement choqués par votre comportement surtout au regard de nos valeurs et notre volonté à souligner et mettre en avant la diversité qui existe au sein des différentes entités du groupe.

Nous avons toujours été attentifs à votre situation et à vos attentes y compris lorsque vous changiez d’avis en l’espace de 24 heures sans même donner une chance à une nouvelle opportunité que vous aviez pourtant souhaitée au sein d’L.COM.

Vous comprendrez donc que nous ne pouvons envisager que nos salariés puissent subir ce genre de propos et nous sommes contraints de dresser le constat suivant : la situation est irrémédiablement bloquée de votre seul fait, et elle ne saurait perdurer.

Nous sommes donc contraints de vous signifier votre licenciement pour faute grave qui prendra effet immédiatement dès réception de cette lettre. Votre solde de tout compte sera arrêté sans indemnité de préavis, ni de licenciement. (…) »

Il ressort des écritures et des pièces versées aux débats que Madame [J] [D] n’a fourni aucun élément ni moyen nouveau de nature à remettre en cause la décision du juge départiteur, lequel a fait une exacte appréciation tant en droit qu’en fait des circonstances de la cause par des motifs pertinents que la cour adopte , étant encore observé que :

– la faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits, imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise même pendant la durée limitée du préavis sans risque de compromettre les intérêts légitimes de l’employeur ; qu’il appartient à ce dernier, qui s’est placé sur sur le terrain disciplinaire, de prouver les faits fautifs invoqués dans la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, et de démontrer en quoi ils rendaient immédiatement impossible le maintien du salarié dans l’entreprise ;

– qu’en l’espèce, les propos tenus par la salariée sont établis par les attestations précises et circonstanciées de Madame [F] [E] (responsable de l’administration des ventes), de Madame [C] [I] épouse [A] (assistante administration des ventes) confirmant avoir entendu des propos violents et mal placés revêtant parfois un caractère raciste et antisémite envers plusieurs collègues, ces propos étant « déguisés par des touches d’humour », et de Monsieur [H] montrant le mépris exprimé par Madame [D] lors de la promotion de Madame [E] ;

– que contrairement à ce que soutient l’appelante, il s’agit de faits parfaitement datés par la dénonciation faite à l’employeur les 25 et 26 septembre 2008 par plusieurs salariés dénonçant des faits dont ils étaient victimes depuis plusieurs semaines, et par l’attestation notamment de Madame [E] qui en confirme les circonstances précises, ainsi que les noms des salariées visées par ces propos ; qu’aucune enquête supplémentaire n’était en l’espèce nécessaire pour les établir ;

– que ces propos, d’un humour douteux comme l’a relevé le magistrat départiteur, sont dépourvus d’ambiguïté, et étaient parfaitement désobligeants et insultants pour les salariés qu’ils visaient et ne pouvaient en tout état de cause être tolérés par l’employeur, tenu à une obligation de sécurité et de résultat en ce qui concerne la santé des travailleurs dans l’entreprise, notamment en ce qui concerne la prévention de faits de harcèlement moral ;

– que ces faits, sans rapport avec les propositions de modifications de contrat, sollicitées par la salariée elle-même, ont été à juste titre qualifiés de faute grave et empêchaient le maintien de Madame [D] dans la société, même pendant la durée limitée du préavis.

Il y a donc lieu de confirmer la décision de première instance en ce qu’elle a rejeté les demandes au titre de la rupture de son contrat de travail.

Sur la clause de non-concurrence

Madame [D] a invoqué pour la première fois en cause d’appel la nullité de la clause de non concurrence incluse dans son contrat de travail et non levée lors de la rupture de ce contrat.

Le contrat de travail initial de la salarié prévoyait effectivement en son article 11 une clause de non-concurrence ainsi libellée :

« Compte tenu de la nature des fonctions exercées par Madame [J] [G] au sein de la société LCTC CARTE TELEPHONIQUE 365, [J] [G] s’engage, postérieurement à la rupture de son contrat de travail quelle qu’en soit la cause, à ne pas exercer directement ou indirectement de fonctions similaires ou concurrentes de celles exercées au sein de la société LCTC CARTE TELEPHONIQUE 365.

Elle s’engage donc à ne pas travailler en qualité de salariée ou de non-salariée pour une entreprise concurrente et à ne pas créer, directement ou indirectement par personne interposée, d’entreprise ayant des activités concurrentes à celles de la société LCTC CARTE TELEPHONIQUE 365, c’est-à-dire les télécommunications.

Cet engagement est limité au territoire français et à une durée de deux ans ».

Contrairement à ce que soutient le mandataire liquidateur, ce contrat initial, à l’origine à durée déterminée a continué à régir les relations entre les parties lorsqu’il s’est transformé en contrat à durée indéterminée, la clause de non-concurrence ayant par ailleurs, été transmise avec le contrat lors de la modification de la situation juridique de l’employeur et du transfert du contrat en application de l’article L.1224-1 du code du travail. Il faut constater en tout état de cause, qu’à aucun moment, la clause de non-concurrence n’a été expressément supprimée.

Si la nullité de la clause peut être soulevée par la salariée en raison du fait qu’elle était dépourvue de contrepartie pécuniaire, il lui appartient cependant de démontrer, comme le fait observer l’UNEDIC, qu’elle a respecté cette clause nulle pour prétendre au versement de dommages et intérêts.

Or en l’espèce, il ressort des pièces versées aux débats que Madame [D] a été embauchée le 2 mars 2009 par la société MIDI TELECOM, entreprise concurrente, exerçant une activité similaire à celle de la société KERTEL, en qualité d’assistante administrative.

La salariée sera donc déboutée de sa demande en paiement de la somme de 18000 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Chacune des parties en cause supportera la charge de ses frais irréptibles. Les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile formées tant par l’appelante que par le mandataire de la SA KERTEL seront donc rejetées.

Madame [D] qui succombe, supportera les entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Déboute Madame [J] [G] épouse [D] de l’intégralité de ses demandes,

Déboute la SA KERTEL, représentée par son mandataire liquidateur, de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Déclare le jugement opposable à l’UNEDIC AGS CGEA [Localité 5],

Condamne Madame [J] [G] épouse [D] aux entiers dépens.

LE GREFFIER, P/ LE PRÉSIDENT,

 


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