Your cart is currently empty!
Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 5
ARRET DU 19 MAI 2022
(n° 2022/ , 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/11330 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CA6NT
Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Septembre 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F18/09677
APPELANT
Monsieur [C] [O]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Dimitri MONFORTE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0028
INTIMEE
Association FÉDÉRATION FRANÇAISE DE DANSE
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Marie-thérèse LECLERC DE HAUTECLOCQUE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : NAN282
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Février 2022, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Lydie PATOUKIAN, Conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre,
Madame Nelly CAYOT, Conseillère
Madame Lydie PATOUKIAN, Conseillère
Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats
ARRÊT :
– contradictoire,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– signé par Madame Marie-Christine HERVIER, présidente et par Madame Manon FONDRIESCHI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Par contrat de travail à durée indéterminée écrit à temps complet du 13 novembre 2017, à effet du même jour, M. [C] [O] a été engagé par l’association Fédération française de danse en qualité de chargé de formation, catégorie agent de maîtrise, groupe D de la grille de classification de la convention collective nationale de l’animation. M. [O] percevait une rémunération mensuelle brute de 2 000 euros pour 151, 67 heures travaillées.
Une période d’essai de 2 mois était stipulée dans le contrat de travail de sorte que celle-ci devait prendre fin le 12 janvier 2018. Par courrier avec accusé de réception du 21 décembre 2017, la Fédération Française de Danse a notifié à M. [O] la rupture anticipée de sa période d’essai à effet du 5 janvier 2018 et lui adressait les documents de fin de contrat par lettre recommandée avec accusé de réception du 11 janvier 2018.
M. [O] a contesté la rupture de son contrat par courrier du 29 décembre 2017 et sollicité sa réintégration.
La Fédération Française de danse occupait moins de 11 salariés lors de la rupture du contrat et est soumise à la convention collective de l’animation.
Sollicitant sa réintégration et estimant ne pas être rempli de ses droits, M. [O] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris par requête du 18 decembre 2018 enregistrée au greffe le 20 décembre 2018, afin d’obtenir la condamnation de l’employeur à lui payer diverses sommes au titre de l’exécution et de la rupture du contrat de travail.
Par jugement du 26 septembre 2019, auquel il convient de se reporter pour l’exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, le conseil de prud’hommes de Paris, section activités diverses, a :
– débouté M. [O] de l’ensemble de ses demandes ;
– débouté l’association Fédération française de danse de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– laissé les dépens à la charge de M. [O].
M. [O] a régulièrement relevé appel du jugement le 15 novembre 2019.
Aux termes de ses derniéres conclusions d’appelant, transmises par voie électronique le 26 janvier 2021, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l`article 455 du code de procédure civile, M. [O] prie la cour de:
– infirmer le jugement entrepris ;
A titre principal :
– prononcer la nullité de la rupture en cours d’essai de son contrat de travail résultant d’une discrimination fondée sur son état de santé et son handicap ;
– ordonner sa réintégration ;
– condamner la Fédération française de danse à lui verser la somme de 34 000 euros, sauf à parfaire, à titre de rappel de salaire depuis janvier 2018 et jusqu’à l’arrêt à intervenir et la somme de 3 400 euros, sauf à parfaire, au titre des congés payés afférents ;
A titre subsidiaire :
– dire et juger abusive la rupture en cours d’essai de son contrat de travail ;
– condamner la Fédération française de danse à lui verser la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail ;
En tout état de cause :
– condamner la Fédération française de danse à lui verser la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral lié aux circonstances brutales et vexatoires de la rupture ;
– condamner la Fédération française de danse à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ;
– condamner la Fédération française de danse aux entiers dépens de l’instance.
Aux termes de ses dernières conclusions d’intimée, transmises par voie électronique le 25 février 2021, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l`article 455 du code de procédure civile, la Fédération française de danse prie la cour de :
– débouter M. [O] de son appel et l’y déclarer mal fondé ;
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [O] de l’ensemble de ses demandes ;
– condamner M. [O] au paiement de la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner M. [O] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 1er décembre 2021.
MOTIVATION
Sur la nullité de la rupture du contrat de travail :
M. [O] sollicite la nullité de la rupture de son contrat de travail durant sa période d’essai, sa réintégration et la condamnation de la Fédération française de danse à lui verser la somme de 34 000 euros, sauf à parfaire, à titre de rappel de salaires depuis le mois de janvier 2018 et jusqu’à l’arrêt à intervenir ainsi que la somme de 3 400 euros, sauf à parfaire, au titre des congés payés afférents. Il se réfère aux dispositions conjuguées des articles 1132-1 et 1134-1 du code du travail et de l’article 1 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.
Aux termes de l’article L. 1132-1 du code du travail, en sa version applicable au litige :
‘Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunérations, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d’autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français.’.
Il résulte par ailleurs de l’article L. 1134-1 du code du travail, en sa version applicable au litige, que lorsque survient un litige dans le cadre précité, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
En l’espèce, M. [O] fait valoir que la Fédération française de danse était parfaitement informée :
– de son état de santé, alors que la relation de travail était entrecoupée par ses absences liées à ses problèmes de santé, notamment par l’envoi de la copie de l’ensemble des convocations médicales justifié par les courriels adressés à l’employeur entre le 21 novembre 2017 et le 7 décembre 2017;
– de son statut de travailleur handicapé reconnu pour la période du 4 octobre 2016 au 3 octobre 2021, par la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées le 4 octobre 2016 dont la notification de la décision à M. [O] est communiquée aux débats.
Il allègue en outre que, préalablement à la rupture de son contrat de travail en cours d’essai, la Fédération française de danse ne lui a jamais fait part de sa prétendue insuffisance professionnelle ou de son inadéquation avec le poste occupé.
M. [O] se réfère aux conclusions du Défenseur des droits qui a retenu dans un courrier du 3 avril 2019 une présomption d’existence d’une discrimination fondée sur son état de santé et son handicap et qu’il appartenait à la Fédération française de danse de démontrer le caractère objectif de sa décision de rompre la période d’essai, relevant que cette dernière s’était uniquement prévalue de son pouvoir discrétionnaire sans démontrer ni expliquer les raisons pour lesquelles il n’était pas apte à pourvoir le poste de chargé de formation.
La cour retient dès lors que M. [O] présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination à l’origine de la rupture de sa période d’essai. Au vu de ces éléments, il incombe à la Fédération française de danse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’une telle discrimination et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
La Fédération française de danse soutient qu’elle n’a jamais été informée de la qualité de travailleur handicapé de M. [O] et s’étonne que ce dernier ne lui en ait pas fait état lors de son embauche. S’agissant de ses ennuis de santé, elle relève que M. [O] ne s’est pas manifesté auprès d’elle ni auprès de la médecine du travail suite à ses examens médicaux subis les 28 novembre, 4 et 12 décembre 2017 et qu’il était présent lors du colloque fédéral des 16 et 17 décembre 2017. Elle réfute les conclusions du Défenseur des droits.
La Fédération française de danse produit à cet égard les témoignages de huit collaborateurs de l’association, à savoir le responsable développement, l’assistante de communication, le chef comptable, l’aide comptable, la chargée de mission, l’assistante DTN, l’assistante administrative et M. [T] [N], président de la commission de la formation et des ressources documentaires, dont quatre attestations non conformes aux dispositions de l’article 202 du code de procédure civile et pour lesquels la cour appréciant souverainement la force probante, retient celle-ci, ces témoignages certifiant que M. [O] ne leur avait jamais fait état de son statut de travailleur handicapé ni évoqué un quelconque handicap physique et mental.
En outre, il ne résulte d’aucune des pièces produites, qu’antérieurement au courrier de contestation de M. [O] du 29 décembre 2017, la Fédération française de danse ait été avisée de quelque manière que ce soit du handicap dont ce dernier est atteint, de sorte que ce moyen ne peut être invoqué utilement à son encontre.
Ainsi, le témoignage de M. [N] décrivant M. [O] brandissant une feuille de papier lors de son intervention au cours du colloque de l’association des 16 et 17 décembre 2017, est insuffisant pour démontrer le contraire comme le soutient M. [O].
S’agissant des problèmes de santé de M. [O] ayant donné lieu à divers examens et consultations les 28 novembre 2017, 4 décembre et 12 décembre 2017, au sein du service de physiologie explorations fonctionnelles du CHU GRP [5] – [7] de [Localité 6], la cour observe que la Fédération française de danse en a été régulièrement avisée par courriels de M. [O] ainsi que par ses bulletins de présence, sans pour autant qu’il y soit mentionné la pathologie dont souffrait ce dernier et alors que le salarié précisait le 7 décembre 2017 qu’il restait dans l’incertitude quant à la nécessité ou pas d’une opération ‘légère’.
En outre, la rupture du contrat de travail est intervenue le 21 décembre 2017, soit 9 jours après le dernier examen médical, sans que M. [O] ait fait l’objet d’un arrêt de travail, de sorte que le lien entre ses problèmes de santé et l’arrêt de la période d’essai n’est pas établi ; qu’en outre, l’employeur a sollicité l’intervention de M. [O] aux fins de sa présentation en sa qualité de chargé de formation dans le but de le faire connaître des élus de l’association au cours du colloque fédéral des 16 et 17 décembre 2017, démontrant ainsi sa volonté de pérenniser la relation de travail alors même que la Fédération française de danse était au fait des ennuis de santé de M. [O].
En revanche, il résulte des témoignages produits par la Fédération française de danse que la décision de rompre le contrat est née à l’issue de ce colloque en raison du comportement de M. [O] considéré comme inadapté à cette occasion, de sorte que la cour retient que la décision de la Fédération française de danse est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
M. [O] sera conséquemment débouté de sa demande tendant à la nullité de la rupture du contrat de travail pour discrimination et à sa réintégration ainsi que de ses demandes financières subséquentes, le jugement étant confirmé à cet égard.
Sur le caractère abusif de la rupture du contrat de travail :
M. [O] sollicite la condamnation de la Fédération française de danse à lui verser la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail.
Il soutient que la lettre de rupture ne fait pas mention de l’inadéquation de ses compétences et qualités professionnelles avec le poste de chargé de formation mais qu’au contraire, elle fait ressortir que la Fédération française de danse n’a pas été en mesure d’apprécier au cours de cette période cette adéquation. Il allègue que lorsque la résiliation d’un contrat de travail est intervenue au cours de la période d’essai pour un motif sans rapport avec l’appréciation des qualités professionnelles du salarié, l’employeur commet un abus dans l’exercice de son droit de résiliation et que tel est le cas en l’espèce.
Il conteste le prétendu comportement inapproprié lors des journées de formation des 16 et 17 décembre 2017, invoqué par la Fédération française de danse et se réfère à la vidéo de son intervention annexée à un constat d’huissier de justice, pour contester la teneur des témoignages versés aux débats par l’employeur. Il souligne que ce motif disciplinaire est sans rapport avec l’appréciation de ses compétences professionnelles.
La Fédération française de danse fait valoir que M. [O] ne caractérise à l’encontre de l’employeur, aucun détournement de la finalité de la période d’essai, ni aucune légèreté blâmable, ni intention de nuire à son encontre. Elle soutient que M. [O] a adopté un comportement non professionnel en public lors du colloque fédéral des 16 et 17 décembre 2017 et se réfère aux attestations qu’elle produit aux débats émanant de ses collaborateurs et de membres de l’association présents lors du colloque.
Aux termes de l’article L. 1221-20 du code du travail, la période d’essai permet à l’employeur d’évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent.
Il résulte de l’article L. 1231-1 dudit code que les dispositions applicables à la rupture d’un contrat de travail à durée indéterminée ne sont pas applicables pendant la période d’essai.
Cependant, si l’interruption de l’essai n’a pas à être motivée, les circonstances de la rupture peuvent révéler une attitude fautive de l’employeur ou du salarié. Ainsi, la période d’essai étant destinée à apprécier la valeur professionnelle du salarié, sa rupture par l’employeur pour un motif non inhérent à la personne du salarié est abusive.
En l’espèce, la lettre de rupture est rédigée comme suit :
‘ En application de l’article 2 de votre contrat de travail, vous êtes actuellement en période d’essai jusqu’au 12 janvier 2018.
Celle-ci ne permettant pas de juger de l’adéquation de votre profil avec celui attendu, nous vous annonçons que nos relations contractuelles se termineront le 5 janvier 2018 au soir, au terme du délai de prévenance prévu par l’article L. 1221-25 du Code du Travail. (…)’.
Il ressort des termes utilisés par l’employeur qu’il n’a pas été en mesure d’apprécier les compétences professionnelles de M. [O] alors que M. [O] a travaillé un mois au sein de l’association.
En outre, les témoignages que la Fédération française de danse produit aux débats et son argumentation reposent sur la critique de l’attitude adoptée par M. [O] lors de son intervention au colloque des 16 et 17 décembre 2017, dont il résulte que ce dernier serait ‘devenu complètement paranoïaque et instable du jour au lendemain allant jusqu’à menacer certains de ses collègues’, qu’il se serait engagé ‘dans un exposé particulièrement obscur émaillé de sous-entendus et de citations philosophiques incompréhensibles qui ont créés un malaise dans la salle’, que son intervention avait paru ‘complètement inadaptée, négligée’, qu’il est apparu ‘non professionnel, avec des propos inadaptés’, qu’après un début de présentation habituel, ‘il est parti dans des propos qui semblaient de plus en plus dépasser le cadre de ça fonction’ et a tenu des propos de plus en plus ‘incohérents et parfaitement incompréhensibles’ et que sa présentation ‘délirante’ et ‘irréaliste’ a surpris l’assemblée.
Par ailleurs, M. [N] indique avoir sollicité de M. [O] des explications à l’issue de son intervention, que ce dernier aurait évoqué ‘une possible intervention auprès du premier ministre’ et une ‘carte à jouer’ ‘qu’il avait dans sa manche nous assurant le succès’ en brandissant une feuille avec ‘un en-tête d’allure officielle’.
Cependant, la vidéo de l’intervention litigieuse enregistrée sur une clé USB communiquée aux débats par M. [O] et annexée au constat dressé le 7 août 2020 par Me [I], huissier de justice à [Localité 8], si elle reflète un certain malaise chez M. [O] dans l’exposé de sa mission, sans doute motivé par le stress généré par une intervention publique, est empreinte d’un humour qu’une partie du public a appécié au regard des applaudissements et des rires que les déclarations de M. [O] ont suscité et ne justifie pas les critiques acerbes et outrancières émanant des témoignages versés aux débats par la Fédération française de danse.
En outre, M. [O] disposait de plusieurs feuillets auxquels il se reportait régulièrement démontrant ainsi la préparation de son discours.
En conséquence, la cour retient que la rupture du contrat de travail de M. [O] durant sa période d’essai est abusive car étrangère à l’appréciation de sa valeur professionnelle, dès lors qu’elle résulte d’une présentation publique du salarié et non de la mauvaise exécution de ses fonctions.
Compte tenu notamment de l’effectif de l’entreprise (moins de 10 salariés), des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [O], de son âge à la date du licenciement, soit 47 ans, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle, M. [O] justifiant de son statut de travailleur handicapé mais pas de sa situation postérieure au 21 décembre 2017, la cour condamne la Fédération française de danse à payer à M. [O] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour ruture abusive de son contrat de travail en période d’essai, suffisant à réparer son entier préjudice, le jugement étant infirmé en ce qu’il a débouté M. [O] de cette prétention.
Sur les dommages et intérêts en réparation du préjudice moral :
M. [O] sollicite la condamnation de la Fédération française de danse à lui verser la somme de 25 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral lié aux circonstances brutales et vexatoires de la rupture. Il rappelle que lors d’un entretien en date du 21 décembre 2017, M. [R] [P], représentant de l’employeur en charge des ressources humaines, a notifié à M. [O], la rupture de son contrat de travail, précisant que celle-ci sera effective au 5 janvier 2018, mais que le 21 décembre 2017 sera son dernier jour travaillé après imputation de ses congés payés et de jours de récupération et exigeant la remise des clefs des locaux de la Fédération française de danse qu’il possédait le privant de tout accès à ceux-ci à compter de cette date.
Il reproche à l’employeur de lui avoir imposé sa prise de congés en infraction avec les dispositions des articles L. 3141-16 et D. 3141-6 du code du travail dans le but de l’écarter brutalement de l’entreprise.
La Fédération française de danse s’oppose à la demande et souligne qu’elle a respecté le délai de prévenance de deux semaines et a pris en compte les jours de congés payés et de jours de récupération et réfute le caractère abusif de cette imputation. Elle allègue que M. [O] avait fait le ‘forcing’ le 25 mars 2018 pour rentrer dans la salle dans laquelle se tenait son assemblée générale et, se voyant stoppé à l’entrée de la salle, il avait distribué des documents ‘agressifs’ qu’il a tenté de distribuer aux membres qui se rendaient à cette assemblée.
Aux termes de l’article L. 3141-16 du code du travail, en sa version applicable au litige, l’employeur définit la période de congés payés et ne peut, sauf circonstances exceptionnelles, modifier l’ordre et les dates de départ moins d’un mois avant la date de départ prévue et de l’article D. 3141-6 du code du travail que l’ordre des départs en congé est communiqué, par tout moyen, à chaque salarié un mois avant son départ.
Il résulte en outre des dispositions de l’article L. 1221-25 du code du travail que lorsque le délai de prévenance qu’il prévoit, soit en l’espèce 2 semaines après un mois de prévenance, n’est pas respecté, son inexécution ouvre droit pour le salarié, sauf faute grave, à une indemnité compensatrice égale au montant des salaires et avantages qu’il aurait perçu s’il avait accompli son travail jusqu’à l’expiration du délai de prévenance, indemnité compensatrice de congés payés comprise.
Le fait pour la Fédération française de danse d’avoir imposé au salarié la prise de ses congés durant le délai de prévenance prive celui-ci de tout effet, le contrat étant rompu brutalement et M. [O] se voyant interdit d’accès aux locaux de l’association dans des conditions humiliantes et subissant une perte de salaire proportionnelle aux congés payés.
Dès lors, il lui sera alloué la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral issu des conditions vexatoires de la rupture du contrat de travail, suffisant à réparer son entier préjudice, la Fédération française de danse étant condamnée à son paiement et le jugement infirmé en ce qu’il a débouté M. [O] de ce chef de demande.
Sur les intérêts :
La cour rappelle qu’en application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les intérêts au taux légal portant sur les créances salariales sont dus à compter de la date de réception de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation et d’orientation et les intérêts au taux légal portant sur les créances de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce.
Sur les mesures accessoires :
La Fédération française de danse succombant à l’instance sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel, le jugement étant infirmé en ce qu’il a condamné M. [O] aux dépens de première instance.
En application des dispositions de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, la Fédération française de danse sera condamnée au paiement de la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés tant en première instance qu’en cause d’appel par M. [O], le jugement étant infirmé en ce qu’il l’a débouté de ce chef de prétention.
La Fédération française de danse sera en outre déboutée de sa demande formée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, le jugement étant confirmé en ce qu’il l’a déboutée de ce chef de demande en première instance.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
INFIRME le jugement sauf en ce qu’il a débouté M. [C] [O] de ses demandes tendant à la nullité de la rupture du contrat de travail pour discrimination et à sa réintégration ainsi que de ses demandes financières subséquentes, et en ce qu’il a débouté l’association Fédération française de danse de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
DIT que la rupture du contrat de travail de M. [C] [O] le 21 décembre 2017 par l’association Fédération française de danse durant la période d’essai de ce dernier est abusive,
CONDAMNE l’association Fédération française de danse à payer à M. [C] [O] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour ruture abusive de son contrat de travail en période d’essai,
CONDAMNE l’association Fédération française de danse à payer à M. [C] [O] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
RAPPELLE que les intérêts au taux légal portant sur les créances salariales sont dus à compter de la date de réception de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes et les intérêts au taux légal portant sur les créances de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce,
CONDAMNE l’association Fédération française de danse à payer à M. [C] [O] la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique,
DÉBOUTE l’association Fédération française de danse de sa demande formée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
CONDAMNE l’association Fédération française de danse aux dépens de première instance et d’appel, lesquels seront recouvrés conformément à la loi sur l’aide juridictionnelle.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE