Humour | Parodie : 2 février 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/01247

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Humour | Parodie : 2 février 2023 Cour d’appel de Grenoble RG n° 21/01247
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C 9

N° RG 21/01247

N° Portalis DBVM-V-B7F-KZDK

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée le :

Me Michaël ZAIEM

la SELARL GIBERT-COLPIN

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

Ch. Sociale -Section B

ARRÊT DU JEUDI 02 FEVRIER 2023

Appel d’une décision (N° RG 20/00823)

rendue par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de grenoble

en date du 15 février 2021

suivant déclaration d’appel du 11 mars 2021

APPELANT :

Monsieur [V] [W]

né le 05 Février 1969 à [Localité 5]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Michaël ZAIEM, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE :

Etablissement Public Industriel et Commercial – C.E.A LE COMMISSARIAT A L’ENERGIE ATOMIQUE ET AUX ENERGIES ALTERNATIVES, représenté par M. [G] [Z], administrateur général

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Sylvie GIBERT de la SELARL GIBERT-COLPIN, avocat postulant au barreau de GRENOBLE,

et par Me Laure DREYFUS, avocat plaidant au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président,

Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

DÉBATS :

A l’audience publique du 23 novembre 2022,

M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président chargé du rapport, et Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère, ont entendu les parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistés de Mme Carole COLAS, Greffière, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées ;

Puis l’affaire a été mise en délibéré au 02 février 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.

L’arrêt a été rendu le 02 février 2023.

EXPOSE DU LITIGE’:

M. [V] [W], né le 5 février 1969, a été embauché le 21 septembre 1993 par l’établissement public à caractère technique et industriel Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) suivant contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de technicien supérieur, niveau 10 coefficient 312 de la convention de travail du CEA. La prise de poste a été fixée au 1er octobre 1993.

Par courrier en date du 1er septembre 2016, M. [V] [W] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 12 septembre 2016, assorti d’une mise à pied à titre conservatoire.

Par courrier en date du 20 septembre 2016, le CEA a informé M. [V] [W] de son souhait de le convoquer devant le conseil conventionnel et lui a notifié sa décision de lever la mise à pied à compter du 26 septembre 2016.

Par lettre recommandée en date du 26 septembre 2016, M. [V] [W] a été convoqué devant le conseil conventionnel à un entretien fixé le 6 octobre 2016, visant à examiner une proposition de mise à pied d’un mois.

Par lettre recommandée en date du 11 octobre 2016, le CEA a notifié à M. [V] [W] son licenciement pour faute simple en raison des propos tenus par ce dernier.

Par requête en date du 25 juillet 2018, M. [V] [W] a saisi le conseil de prud’hommes de Grenoble aux fins de contester son licenciement et d’obtenir une indemnité afférente à son licenciement injustifié.

Le CEA s’est opposé aux prétentions adverses.

Par jugement en date du 15 février 2021, le conseil de prud’hommes de Grenoble a’:

DÉBOUTÉ M. [V] [W] de l’ensemble de ses demandes,

CONDAMNÉ M. [V] [W] aux dépens.

La décision a été notifiée par le greffe par lettres recommandées avec accusés de réception signés le 17 février 2021.

Par déclaration en date du 11 mars 2021, M. [V] [W] a interjeté appel à l’encontre dudit jugement.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 10 juin 2021, M. [V] [W] sollicite de la cour de’:

RÉFORMER les dispositions du jugement du conseil de prud’hommes de Grenoble du 15 février 2021 dont il a été relevé appel, et statuant à nouveau :

DIRE les faits prescrits.

DIRE le licenciement de M. [V] [W] dépourvu de cause réelle et sérieuse.

CONDAMNER le CEA à lui verser la somme de 50.000 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

DIRE que la rupture de son contrat de travail a contraint M. [V] [W] à agir en justice pour être rempli de ses droits et il est donc fondé à solliciter la condamnation du CEA à lui verser la somme de 3.500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en première instance et y ajouter la somme de 4.000 € en cause d’appel sur le même fondement.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 6 septembre 2021, le CEA sollicite de la cour de’:

DIRE ET JUGER M. [V] [W] mal fondé en son appel,

CONFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

En conséquence,

DÉBOUTER M. [V] [W] de l’intégralité de ses demandes,

LE CONDAMNER aux dépens.

Pour un exposé complet des moyens et prétentions des parties, il convient au visa de l’article 455 du code de procédure civile de se reporter aux conclusions des parties susvisées.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 20 octobre 2022. L’affaire, fixée pour être plaidée à l’audience du 23 novembre 2022, a été mise en délibérée au 2 février 2023.

EXPOSE DES MOTIFS’:

Sur la demande au titre de la rupture du contrat de travail’:

Aux termes de l’article L.’1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Selon l’article L.’1325-1 du code du travail, en cas de litige relativement au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures instructions qu’il estime utiles’; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi, l’administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n’incombe pas spécialement à l’une ou l’autre des parties, l’employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

Par ailleurs, une faute disciplinaire ne peut être retenue à l’égard du salarié que s’il est établi la matérialité des faits, son imputabilité et une volonté intentionnelle dans leur commission.

Enfin, l’article L.’1332-4 du code du travail dispose qu’aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de sanctions disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales. Il incombe à l’employeur de rapporter la preuve qu’il a eu connaissance des faits fautifs moins de deux mois avant le déclenchement de la procédure de licenciement.

En l’espèce, il ressort de la lettre de licenciement en date du 11 octobre 2016, qui fixe les limites du litige en application de l’article L.’1232-6 du code du travail, que le CEA reproche à M. [V] [W] d’avoir tenu des propos inappropriés à connotation sexuelle à l’égard de certaines de ses collègues de sexe féminin, en particulier les 2 et 3 juillet 2016.

D’une première part, M. [V] [W] produit un courrier en date du 23 avril 2018 de M. [O] [K], délégué du personnel, qui relate la situation de M. [J] [D], chef de laboratoire, quant au fait que les deux autres chefs de laboratoire, M. [L] [X] et Mme [F] [U], lui reproche de ne pas avoir pris parti contre un ancien salarié au moment de son licenciement, M. [P] [C] [A], mais aussi dans le cadre du licenciement de M. [V] [W].

Cependant, ce courrier ne concerne pas le fait que le licenciement de M. [W] aurait pour réel motif le fait qu’il n’a pas souhaité attester pour son employeur à l’encontre de M. [C] [A] et qu’il a, au contraire, attesté en faveur de ce dernier.

Par ailleurs, il verse aux débats un mail de M. [O] [K], adressé au directeur du CEA de [Localité 6] et daté du 14 septembre 2016, par lequel il relate les faits selon son point de vue concernant les griefs reprochés à M. [W] et indique également avoir «’l’impression que [V] [W] est victime d’une machination en représailles de son refus de faire un faux témoignage’».

Toutefois, aucun autre élément ne corrobore cet élément, notamment une attestation de M. [D] ou des autres personnes de l’équipe ayant «’l’impression que s’est une purge qui s’opère’», selon les propos de M. [O] [K].

Ainsi, le seul fait qu’un autre chef de laboratoire, M. [X], était, selon un mail en date du 17 septembre 2016, déjà au courant que M. [W] serait convoqué «’à [Localité 7]’», à savoir devant le conseil conventionnel, ne démontre pas que le licenciement du salarié aurait un autre motif que celui allégué dans la lettre de licenciement.

Dès lors, M. [V] [W] n’établit pas suffisamment que le motif réel de son licenciement porterait sur son refus d’attester contre un ancien salarié.

D’une deuxième part, les seuls faits, identifiés et précis, visés dans la lettre de licenciement, sont datés du 2 et 3 juillet 2016 et ne sont donc pas touchés par la prescription, dès lors que l’employeur a convoqué M. [W] à un entretien préalable par courrier en date du 1er septembre 2016.

D’une troisième part, il ressort des attestations de Mesdames [F] [U] et [I] [Y] que les 2 et 3 juillet 2016, M. [V] [W] a tenu des propos à connotation sexuelle et insultants à leurs égards auprès d’autres collègues de travail. Ainsi, Mme [F] [U] précise que’: «’un de mes collaborateurs qui avait été invité par [V] [W], me rapporte que celui-ci avait dit de moi que j’étais une partouzeuse, que j’avais une belle chatte et que j’aimais les femmes. Il a également parlé en des termes salaces d'[I] [Y] et de sa nouvelle relation masculine.’».

M. [H] [E] atteste également «’qu’au cours du premier week-end de juillet 2016, il est encore revenu sur ces histoires anciennes avec [I] et [F], ce qui a été le facteur déclenchant de la réaction des personnes concernées quand elles ont appris qu’il continuait à parler d’elles en des termes dégradants.’».

M. [J] [D], supérieur hiérarchique de M. [W], atteste l’avoir «’sermonné’» en juillet 2016 pour avoir «’dit, durant une pause, à un collaborateur CDI travaillant dans l’équipe d'[F], des choses désobligeantes concernant [I] et [F]’». Il ajoute que le salarié lui «’a dit explicitement devant moi qu’il ne dirait plus rien sur ces femmes.’».

Par ailleurs, il ressort du compte-rendu de l’entretien préalable, produit par l’employeur, que le salarié a reconnu avoir fait des «’déclarations de début juillet 2016 […]. C’était un mélange de fanfaronnades et de puérilités.’».

De la même manière, il ressort du procès-verbal de la séance du 6 octobre 2016 du conseil conventionnel du CEA que M. [V] [W] «’reconnaît avoir tenu, lors du 1er week-end de juillet 2016, des propos relevant de sa vie privée et de celle des salariées, liés aux relations très proches qu’il a entretenues par le passé avec certaines d’entre elles. Il explique ces agissements par le caractère isolé des équipes travaillant le week-end. Il dit regretter ces propos. M. [V] [W] explique que les «’filles’» ont informé son Chef de laboratoire de ces propos lequel a organisé une réunion entre eux. Il existe, lors de cet entretien, ne pas avoir été en mesure de justifier son comportement mais affirme ne pas avoir cherché à leur nuire’».

Dès lors, il résulte des énonciations précédentes que l’employeur établit suffisamment le grief reproché à M. [V] [W] dans la lettre de licenciement en date du 11 octobre 2016, à savoir avoir tenu des propos à connotation sexuelle, insultants, humiliants et dégradants à l’encontre de deux collègues de sexe féminin.

Finalement, il ressort des attestations de Mesdames [U], [R], [Y] et [N], ainsi que du procès-verbal de la séance du 6 octobre 2016 du conseil conventionnel du CEA que M. [V] [W] avait tenu, par le passé, des propos similaires, à connotation sexuelle, insultants et dégradants, à leurs encontres.

Toutefois, contrairement à ce que soutient l’employeur, il ressort du courriel de M. [S], ancien supérieur hiérarchique de M. [W] jusqu’en 2013 et du courriel en date du 12 septembre 2016 de M. [D], supérieur hiérarchique de M. [W] à compter de 2013, que la hiérarchie de M. [V] [W] était au courant de son «’humour franchouillard’» ou «’provocateur, maniant souvent le second degré, mais il n’y avait aucune volonté de malveillance à l’égard d’autrui, c’est en tout cas la perception que j’en avais et aucune personne en poste ne s’est alors plainte de ces attitudes.’».

M. [M] [B] atteste également que «’Je ne me souviens pas non plus d’un manager de week-end s’offusquant outre mesure de ses blagues, j’ai plutôt le souvenir de managers enclins à rigoler à ses blagues, et j’ose espérer que si l’une d’elle était vraiment limite, ils auraient immédiatement réagi en affirmant leur responsabilité de manager.’».

Ainsi, il convient de considérer que l’employeur de M. [W], par ses responsables hiérarchiques, était au courant qu’il tenait des propos inappropriés à l’égard de certaines de ses collègues auprès de son équipe et d’autres équipes et qu’il n’a pas été sanctionné.

Dès lors, alors que l’employeur envisageait initialement une mise à pied disciplinaire d’un mois lors de la séance du conseil conventionnel du CEA, le licenciement, sollicité par un représentant de la CGT, voté favorablement par le conseil conventionnel et notifié par le CEA le 11 octobre 2016, apparaît disproportionné en ce qu’aucune sanction antérieure n’avait été prononcée pour des faits similaires, alors que l’employeur en avait connaissance et qu’il avait, au demeurant, envisagé initialement une sanction moindre au titre des nouveaux faits, étant observé que le supérieur hiérarchique de M. [W] a indiqué avoir «’sermonné’» celui-ci à ce titre, sans alors avoir déclenché de procédure de disciplinaire.

Par conséquent, il convient, par infirmation du jugement entrepris, de prononcer le licenciement de M. [V] [W], notifié le 11 octobre 2016, sans cause réelle et sérieuse.

Sur les prétentions afférentes à la rupture du contrat de travail’:

L’article L.’1235-3 du code du travail tel qu’applicable au litige, le salarié ayant été licencié le 11 octobre 2016, dispose que si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l’une ou l’autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l’employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Elle est due sans préjudice, le cas échéant, de l’indemnité de licenciement prévue à l’article L.’1234-9.

En considération de l’ancienneté de M. [V] [W], de sa rémunération brute mensuelle, de son âge, de sa formation et de sa capacité à retrouver un nouvel emploi, le salarié s’abstenant de verser aux débats les pièces susceptibles d’établir l’ampleur du préjudice dont il sollicite réparation à raison de la perte injustifiée de son emploi, il convient de condamner l’EPIC CEA à verser à son salarié la somme de 25’000’€ bruts au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes accessoires’:

L’EPIC CEA, partie perdante à l’instance au sens des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, doit être tenue d’en supporter les entiers dépens.

Il serait par ailleurs inéquitable, au regard des circonstances de l’espèce comme des situations économiques des parties, de laisser à la charge de M. [V] [W] l’intégralité des sommes qu’il a été contraint d’exposer en justice pour la défense de ses intérêts, de sorte qu’il convient de condamner l’EPIC CEA à lui verser la somme de 2’500’€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS’:

La cour, statuant publiquement, contradictoirement, dans les limites de l’appel et après en avoir délibéré conformément à la loi’;

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions’;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DECLARE sans cause réelle et sérieuse le licenciement notifié 11 octobre 2016 par l’établissement public CEA à M. [W]

CONDAMNE l’établissement public Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) à payer à M. [V] [W] la somme de vingt-cinq mille euros (25’000’€) bruts à titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse’

CONDAMNE l’établissement public CEA à payer à M. [V] [W] la somme de 2’500’€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile’

REJETTE le surplus des prétentions des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE l’EPIC CEA aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Frédéric BLANC, Conseiller faisant fonction de Président de section, et par Mme Carole COLAS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière Le Président

 


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