Conditions Générales de Vente : 15 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/01359

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Conditions Générales de Vente : 15 mars 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/01359

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 3

ARRET DU 15 MARS 2023

(n° , 12 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/01359 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBOTB

Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Janvier 2020 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CRETEIL – RG n°19/00900

APPELANTE

Madame [O], [S] [D]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Annie BARLAGUET, avocat au barreau d’ESSONNE

INTIMEE

SARL COTE NATURE [Localité 3]

[Adresse 6]

[Localité 3]

Représentée par Me Jérôme WATRELOT, avocat au barreau de PARIS, toque : K0100

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 31 Janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Véronique MARMORAT, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Véronique MARMORAT, présidente

Madame Fabienne ROUGE, présidente

Madame Anne MENARD, présidente

Lors des débats : Madame Sarah SEBBAK, greffière en préaffectation sur poste

ARRÊT :

– contradictoire

– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– signé par Madame Véronique MARMORAT, présidente et par Madame Sarah SEBBAK, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Embauché selon un contrat à durée indéterminée du 12 mars 2014 par la société Côté Nature [Localité 3], ayant comme activité la commercialisation des végétaux, d’animaux et d’autres produits s’y rapportant, en qualité de responsable point de vente, coefficient 260, agent de maîtrise, ayant une rémunération moyenne mensuelle brut égale à la somme de 2 541,36 euros, monsieur [P] [D] devenu madame [O] [S] [D], née le 1er septembre 1970 a été licenciée le 22 décembre 2014 pour faute grave pour avoir notamment dépassé le budget alloué pour les dépenses et procédé à des achats non conformes, procédé au dépôt de la recette à un rythme irrégulier, ne pas avoir transmis tous les jours le rapport d’activité, d’avoir présenté à la vente des produits périmés et d’avoir pris ses congés sans demande préalable.

La salariée saisit en contestation de ce licenciement et en demande de rappels de salaire, le Conseil des prud’hommes de [Localité 7] le 12 janvier 2015 qui renverra, le 22 mars 2015, l’affaire au Conseil des prud’hommes de Créteil lequel, par jugement du 31 janvier 2020, a dit que le licenciement de monsieur [D] était fondé sur une cause réelle et sérieuse et a condamné la société Côté Nature [Localité 3] aux dépens et à verser à madame [D] les sommes suivantes :

1 386.63 au titre de rappel de salaire correspondant à la mise à pied conservatoire et 138.66 euros au titre des congés payés y afférents

2 600 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis d’un mois de salaire et 260 euros au titre de congés payés y afférents

346.22 euros au titre de rappel de salaire pour le travail le dimanche et 34.62 euros au titre des congés payés y afférents

483.81 euros au titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires et 48.38 euros au titre des congés payés y afférents

1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La salariée a interjeté appel de cette décision le 17 février 2020.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 18 juillet 2022, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, madame [D] demande à la Cour de juger que sa déclaration d’appel est conforme aux exigences de l’article 901 du code de procédure civile, avec toutes ses conséquences de droit, de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la société Côté Nature [Localité 3] a lui verser 1 386,63 euros au titre du rappel de salaire correspondant à la mise à pied conservatoire, 136,66 euros au titre de congés payés y afférents, 2 600 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 260 euros au titre des congés payés y afférents, de l’infirmer pour le surplus et statuant à nouveau de juger que son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et abusif et de

Condamner la société Côté Nature [Localité 3] à lui régler les sommes suivantes :

titre

montant en euros

dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

35 000,00

rappel de salaires pour les heures supplémentaires

Congés payés y afférents

1 958,56

195,86

rappel de salaires pour le travail le dimanche

Congés payés y afférents

820,96

82,10

Subsidiairement, lui voir attribuer le coefficient 350 et condamner la société Côté Nature [Localité 3] à lui verser la somme de 8 134.08 euros à titre de rappel de salaire et 813.41 euros de congés payés y afférents

Condamner la société Côté Nature [Localité 3] à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, pour la procédure de première instance

Condamner la société Côté Nature [Localité 3] aux dépens et à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, pour la procédure d’appel.

Dans ses conclusions signifiées par voie électronique le 16 mai 2022 auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la société Côté Nature [Localité 3] demande à la Cour:

A titre principal,

Juger que la déclaration d’appel de madame [D], formée par voie électronique le 17 février 2020 est dépourvue de tout effet dévolutif faute de préciser les chefs de jugement critiqués qui ne figurent que dans une annexe et ce en l’absence de tout empêchement technique

Juger en conséquence que la Cour n’est saisie d’aucun chef de jugement critiqué

A titre subsidiaire,

Réformer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la faute grave et pour les condamnations financières prononcées à son encontre

Statuant de nouveau

Juger que le licenciement de madame [D] repose sur une faute grave et la débouter de l’intégralité de ses demandes à ce titre. A titre subsidiaire, réduire substantiellement le montant des dommages et intérêts.

Juger que madame [D] n’apporte aucun élément laissant présumer l’accomplissement d’heures supplémentaires ni d’heures travaillées le dimanche non rémunérées, dire et juger que la demande subsidiaire de classification conventionnelle est infondé et débouter madame [D] de l’intégralité de ses demandes.

Condamner madame [D] à lui payer la somme de 3 000 au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

MOTIFS

Sur l’exception tirée de l’absence d’effet d’évolutif

Principe de droit applicable :

Il résulte des articles 4 et 5 du code de procédure civile que l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties et que le juge ne doit se prononcer que sur ce qui lui est demandé.

Aux termes de l’article 542 du code de procédure civile, l’appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel.

Aux termes de l’article 562 du code de procédure civile, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

Enfin, selon l’article 901 du même code, la déclaration d’appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l’article 54 et par le cinquième alinéa de l’article 57, et à peine de nullité 🙁 ..) 4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.

Application en l’espèce

Il résulte des pièces fournies aux débats que la déclaration d’appel du 17 février 2020 contient la mention suivante : « Appel limité aux chefs de jugement critiqués. Voir lettre en annexe ». Le même jour a été éditée une annexe listant les chefs de jugement expressément critiqués.

Ainsi, cette déclaration d’appel à laquelle est jointe une annexe à laquelle elle se réfère et qui comporte les chefs du dispositif du jugement critiqué constitue un acte d’appel conforme aux exigences de l’article 901 du code de procédure civile.

En conséquence, il convient de rejeter l’exception tirée de l’absence d’effet dévolutif soulevée par la société Côté Nature [Localité 3].

Sur l’exécution du contrat de travail

Sur les heures supplémentaires

Principe de droit applicable :

L’article L 3171-4 du code du travail précise qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, de répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Application en l’espèce

Madame [D] soutient avoir effectuée des heures supplémentaires, indiquant être le plus souvent présente au delà de l’amplitude horaire du magasin ouvert de 9h 30 à 12h30 et de 14h 30 à 19h avec la connaissance de l’employeur puisqu’elles résulteraient d’une procédure spécifique mise en place dans le magasin. En tout état de cause, elle considère que ces heures supplémentaires effectuées étaient inévitables au regard de la charge de travail et d’absences de plusieurs salariés en particulier au cours de l’été 2014 après le licenciement de monsieur [R], pépiniériste, et l’arrêt pour longue maladie de monsieur [U], responsable de l’animalerie.

Pour établir des éléments laissant supposer l’accomplissement d’heures supplémentaires, madame [D] produit des plannings prévisionnels et un tableau récapitulatif des horaires de travail établi ou feuille de présence pour les mois de mars, avril, mai, juin, juillet, août et septembre 2014 et développe dans ses écritures un décompte ventilé entre la semaine commençant le 10 mars et s’achevant par celle commençant le 24 novembre 2014 ne pouvant être retenu s’agissant pas de pièces mais de ses seules affirmations.

Ainsi, seul le tableau récapitulatif pourrait être retenu étant observé qu’il ne recouvre pas toute la période sur laquelle porte la demande de la salariée. Ce tableau comprend soit un volume horaire global hebdomadaire soit les heures d’arrivée, de pause méridienne et de départ laissant apparaître un volume horaire hebdomadaire variable pouvant comprendre des heures supplémentaires.

Le contrat de travail qui fait la loi des parties prévoit dans son article 5  » la durée hebdomadaire de travail est de 35 heures de travail correspondant à un temps de présence de 37 heures et 30 minutes. Les heures d’équivalence sont rémunérées au taux normal mais ne son pas assimilées à du travail effectif. Compte tenu de la répartition hebdomadaire des ventes la présence du salarié peut être obligatoire le samedi, le dimanche et les jours fériés si la législation l’autorise, sauf organisation différente prévue par la société. »

Selon l’article 6 de l’accord du 2 juin 1999 relatif à la réduction du temps de travail applicable aux relations de travail régi par la Convention collective nationale des jardineries et graineteries « Le travail effectif est défini selon les dispositions de l’article L. 212-4 du code du travail. Toutefois, et à la date d’application de la réduction du temps de travail, il est décidé de prendre en considération le fait que dans les entreprises du secteur, les aléas de la commercialisation font que le temps de présence ne constitue pas, pour sa totalité du travail effectif, de sorte que, dans la limite de 37 h 30 par semaine, le temps de présence équivaut à 35 heures de travail effectif, il est cependant totalement rémunéré. »

L’employeur expose avoir mis en place une procédure destinée à vérifier les heures de travail effectué par ses salariés avec dans un premier temps, les plannings qui auront été affichés 7 jours avant le début du mois, signés par le responsable du magasin doivent être adressés au siège le 20 de chaque mois pour l’établissement de la paie sur la base de 37,50 heures hebdomadaires et le 5 de chaque mois suivant, le responsable envoie les décomptes d’heures de chaque salarié au service social. Ainsi deux documents sont utilisés le planning et les feuilles d’heures.

La société Côté Nature [Localité 3] produit également une série de courriels de relance par monsieur [T] à madame [D] en particulier pour les mois d’avril, de mai et de juin 2014 pour demander que les plannings fournis soient complets en particulier pour les propres horaires de cette dernière ainsi qu’une attestation de madame [A] épouse [I] indiquant :  » monsieur [D], directeur du magasin de [Localité 3] ne respectait pas les plannings affichés ; ceci est arrivé plusieurs fois sur plusieurs mois. Il indiquait être présent et partait une ou deux heures avant la fermeture. »

Il résulte de ce qui précède que les plannings et les feuilles d’heures versées aux débats n’établissent pas un dépassement des 37,50 heures hebdomadaires prévues par le contrat de travail.

En conséquence, la décision du Conseil des prud’hommes sera réformée sur ce point.

Sur le travail dominical

Principe de droit applicable :

Selon les articles L 3132-3 et Le 3132-12 du code du travail, dans l’intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche. Certains établissements, dont le fonctionnement ou l’ouverture est rendu nécessaire par les contraintes de la production, de l’activité ou les besoins du public, peuvent de droit déroger à la règle du repos dominical en attribuant le repos hebdomadaire par roulement.

Selon l’article 5-7 de la Convention collective nationale des jardineries et graineteries, dans sa version applicable, le repos hebdomadaire est pris par roulement en vertu des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur. Les heures effectuées le dimanche bénéficient d’une majoration de 25 % du taux horaire de base du salarié concerné.

Les modalités pratiques d’application de cette majoration sont définies dans chaque établissement après consultation des institutions représentatives du personnel lorsqu’elles existent. Son paiement sous forme de repos compensateur ne peut se faire sans l’accord du salarié.

Chaque salarié bénéficie du repos du dimanche, au moins 1 dimanche sur 2 en moyenne sur l’année.

Application en l’espèce

Madame [D] soutient avoir travaillé 32 dimanches alors seuls 18 d’entre eux ont été rémunérés. Pour établir cette demande, la salariée produit les plannings prévisionnels et un tableau récapitulatif des horaires de travail établi ou feuille de présence pour les mois de mars, avril, mai, juin, juillet, août et septembre 2014 et développe dans ses écritures un décompte pour les mois de mars à novembre 2014.

Le contrat de travail qui fait la loi des parties prévoit dans son article 6  » le salaire mensuel brut est fixé à 2.500 €. Cette rémunération comprend le paiement des majorations dues pour le travail de deux dimanches par mois. »

Les feuilles de présence versées aux débats permettent de ne comptabiliser que 19 dimanches, étant observé que pour le mois d’avril, la salariée n’a pas ventilé ces heures par jour mais a indiqué un volume horaire hebdomadaire pour chaque semaine.

En conséquence, la décision du Conseil des prud’hommes sera réformée sur ce point.

Sur la demande subsidiaire portant sur la revalorisation indiciaire

Madame [D] revendique le statut cadre (coefficient 350), avec les conséquences qui en découlent, en raison de ses responsabilités dans le magasin, de l’absence d’un directeur, des faibles visites de monsieur [E] au magasin…

Selon la classification des emplois définie par l’avenant du 16 juin 2011 à la Convention collective nationale le coefficient 350 correspond à la description suivante « Assume, dans le cadre de la délégation de pouvoirs qu’il (elle) détient du chef d’entreprise et en fonction des objectifs qui lui ont été assignés, la responsabilité de son (ses) point (s) de vente, ceux-ci devant regrouper une équipe d’au moins 15 salariés. Fait preuve de compétence en matière d’animation et d’encadrement du personnel. Développe l’esprit d’entreprise du personnel. Accorde une attention particulière à la formation. Participe à l’application et au respect des consignes de sécurité. »

Or, il est établi et non contesté que l’équipe que dirigeait comportait moins de 15 salariés, ce point de vente comportait en tout au plus 5 salariés.

Le coefficient 260 prévu dans le contrat à durée indéterminée prévu pour le poste de responsable de point de vente est ainsi défini : « Assure la direction d’un point de vente avec l’aide des services centraux de son entreprise dans le cadre d’une délégation de fonctions et de responsabilités. Participe au respect des lignes directrices de la politique de l’entreprise. Fait preuve de compétence en matière d’animation et d’encadrement du personnel. Développe l’esprit d’entreprise. Participe à l’application et au respect des consignes de sécurité. » Le contrat de travail énumère bien ces délégations et l’ensemble des pièces de la procédure permettent d’établir l’aide et le contrôle des services centraux dans l’activité professionnelle de madame [D].

En conséquence, cette demande est rejetée.

Sur la rupture du contrat de travail

Principe de droit applicable :

Aux termes des dispositions de l’article L 1232-1 du Code du travail, tout licenciement motivé dans les conditions prévues par ce code doit être justifié par une cause réelle et sérieuse ; en vertu des dispositions de l’article L 1235-1 du même code, en cas de litige, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié, qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, même pendant la durée du préavis ; l’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Par application des dispositions de l’article L 1232-6 du Code du travail, la lettre de licenciement, notifiée par lettre recommandée avec avis de réception, comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur ; la motivation de cette lettre, précisée le cas échéant dans les conditions prévues par l’article L 1235-2 du même code, fixe les limites du litige.

Application en l’espèce

En l’espèce, la lettre de licenciement est motivée de la manière suivante

« Or, à ce jour et malgré de nombreux rappels à l’ordre nous sommes contraints de constater que, dans les différents aspects des missions qui vous sont confiées, de graves défaillances et dysfonctionnement sont à déplorer :

– Vous ne respectez pas les règles relatives au budget achat. Alors qu’aucune autorisation de dépassement ne vous vous a été donnée, vos achats sont en dépassement par rapport au budget pour les mois de septembre, octobre et novembre 2014

– Nous nous sommes rendu compte au mois de novembre 2014, que vous ne respectiez toujours pas l’obligation de dépôt de recette deux fois par semaine, situation d’autant moins admissible que le magasin a récemment été victime de cambriolage

– Vous ne transmettez pas quotidiennement au siège les tableaux de suivi du ticket moyen de la marge client et des commandes, ces informations étant essentielles au suivi de l’activité du magasin. De même, vous persistez à ne pas réaliser les relevés hebdomadaires  » énergie » qui vous sont commandés

– En contradiction avec nos règles d’achat, vous avez acheté au cours du mois de novembre 2014 des produits non référencés par le siège en changeant le code barre et la dénomination pour pouvoir intégrer le produit dans le système informatique, ce qui rend le stock non conforme à la réalité et fait courir un risque pour l’entreprise en cas de contrôle

– De plus, nous avons constaté au mois de novembre la présence en rayon de produits périmés ( pet food) pour une valeur de 2 300 euros, ce qui démontre que vous ne respectez pas ou ne faites pas respecter la procédure de présentation marchande au sein du magasin

– Enfin, vous avez pris des congés en novembre sans en avoir fait préalablement la demande écrite conformément à la procédure interne.

De plus, le magasin de [Localité 3] se retrouve dans un état qui n’est pas acceptable.

Alors même que votre responsable est venu régulièrement tout au long de l’automne pour remettre le magasin en ordre, nous avons été contraints d’organiser, lors de la première semaine du mois de décembre, un nettoyage du magasin en mobilisant une dizaine de collaborateurs de deux autres magasins et du siège.

En effet, la cour arrière était dans un état de saleté catastrophique, comme le parking où des papiers jonchaient le sol. Le rayon des terreaux était laissé à l’abandon, la pépinière, complètement abandonnée elle aussi, offrait une vision de désolation depuis l’axe principal visible depuis la route nationale. Les rolls de la Toussaint n’étaient pas rangé et se trouvaient en file indienne dans la réserve à laquelle on ne pouvait pas accéder, les implantations de nombreux rayons ont dû être refaites, ainsi que l’étiquetage pour être conforme à la législation (absence ou étiquetage erroné).

Le local animalerie était par ailleurs dans un état de saleté inacceptable, de même que votre bureau dans un état de désordre intolérable.

Les produits de motoculture qui devaient être rétrocédés étaient cachés par d’autres produits et oubliés au fond de la réserve.

Cette situation est d’autant moins admissible qu’au cours du mois d’août 2014, nous avions déjà fait intervenir une équipe du siège pour aider les collaborateurs de votre magasin à remettre celui-ci en l’état en nettoyant, vidant et ré agençant notamment la pépinière et l’animalerie.

Outre l’aspect pas du tout engageant du magasin pour notre clientèle, cette situation et votre persistance à ne pas respecter les procédures internes de notre groupe ont des conséquences directes sur l’activité du magasin qui a connu une baisse importante de sa marge et de ses résultats.

Force est de constater que votre comportement s’inscrit dans un contexte plus général de manque d’exemplarité auprès de votre équipe et de non-respect de votre hiérarchie à l’égard de laquelle vous n’hésitez pas à vous placer en confrontation directe, ce qui est inadmissible au regard de votre positionnement dans notre entreprise.

En effet, vous n’acceptez pas les observations pourtant constructives qui vous sont faites par le responsable du groupe et vous vous emportez régulièrement contre lui.

Cette situation est d’autant moins acceptable que nous avons été contraints de vous notifier oralement de nombreuses fois notre mécontentement sur votre travail, sur votre mépris de la hiérarchie, des règles et procédures. Vous n’entendez manifestement pas modifier votre comportement. »

Madame [D] soutient que le magasin dont la direction lui a été confiée était avant son arrivée dans un état déplorable ce qui entraînait une chute dans ses résultats commerciaux et qu’elle s’est investie pour relancer l’activité avec un projet ambitieux qui nécessitait des investissements et également de déstocker. La salariée insiste aussi sur le fait qu’elle était peu soutenue par sa hiérarchie qui se déplaçait très irrégulièrement à [Localité 3] et qu’elle a dû cumuler plusieurs postes au cours de l’été 2014 après le licenciement de monsieur [R], pépiniériste et l’arrêt en longue maladie de monsieur [U] en charge du rayon animalerie.

La société Côté Nature [Localité 3] sur ce dernier point produit les contrats à durée déterminée de monsieur [G], de madame [L], de monsieur [J] et monsieur [X] qui ont été recrutés pour pallier ces absences et produit les tableaux des postes en équivalent temps plein des magasins de [Localité 5] (5,2 pour un chiffre d’affaires annuel moyen de 540 000 euros ht) d'[Localité 4] (5,4 pour un chiffre d’affaires annuel supérieur à 600 000 euros ht) et de [Localité 3] (5,84 en 2018) pour estimer que les moyens humains était suffisants pour ce magasin de petite taille. L’employeur considère que madame [D] se comportait de manière indépendante, souhaitait s’affranchir des procédures internes de contrôle de l’activité, n’écoutait pas les conseils nombreux qui lui étaient donnée lors des visites sur place notamment de monsieur [E] qui s’est déplacé 13 fois dans ce magasin pour superviser et manager madame [D] entre le 15 avril et le 27 novembre 2014 et estime que les faits consignés dans la lettre de licenciement et cette insubordination ne pouvaient que le conduire à ce licenciement pour faute grave.

Sur le budget d’achat non respecté,

Dans la lettre de licenciement, la société Côté Nature [Localité 3] reproche à madame [D] de ne pas respecter les règles relatives au budget achat en procédant à des achats dépassant le budget alloué sans autorisation préalable pour les mois de septembre, octobre et novembre 2014.

Madame [D] explique qu’au regard de son contrat de travail et de l’état de délabrement des rayons, elle avait une marge de manoeuvre lui permettant de ne pas respecter certains budgets si elle estimait devoir le faire. De plus, elle prétend que les dépassements budgétaires se faisaient avec un accord, une information préalable.

Pour établir ce grief, l’employeur produit des courriels de monsieur [T], directeur administratif et financier signalant à madame [D] des dépassements de budgets de 2000 euros pour la semaine (courriel du 3 juillet 2014), de 5 100 euros pour la semaine (courriel du 5 juillet 2014) et l’extrait du logiciel de suivi budgétaire (authentifié par monsieur [T]) faisant état d’un dépassement total en novembre 2014 égal à la somme de 26 300 euros par rapport au budget arrêté. Cette tendance au dépassement sans autorisation était d’ailleurs reconnue par la salariée qui dans un courriel du 13 mai 2014 répondait à monsieur [E]  » concernant la gestion des achats, je suis d’accord avec toi, je me suis laissé un peu emballé ».

Ainsi, ce grief est constitué.

Sur le dépôt des recettes effectué une fois par semaine au lieu de deux,

Dans la lettre de licenciement, la société Côté Nature [Localité 3] reproche à madame [D] de ne pas respecter l’obligation de dépôt de recette deux fois par semaine, situation qui serait d’autant moins admissible que le magasin a récemment été victime de cambriolage.

Sur ce dernier point, les parties s’accordent sur le fait que le magasin a été victime d’un cambriolage avec la précision que madame [D] ajoute sans l’établir que le magasin a été victime de deux cambriolages en juin 2014 et que le coffre-fort aurait été rendu inutilisable.

Madame [D] prétend que ce n’est qu’à partir de l’absence de monsieur [U] qu’on lui a demandé d’accomplir cette tâche en prenant sur ses heures de travail et qu’elle avait décidé d’amener la recette chez elle et de la déposer une fois par semaine.

Pour établir cette obligation et sa violation, l’employeur produit un courriel de monsieur [H] à l’ensemble des responsables de magasin du groupe en date du 25 novembre 2014 comportant un tableau et la mention suivante : » Ci-dessous point sur le contrôle des dépôts bancaires pour la semaine 47. Pour 14 magasins, les dépôts semblent corrects. Le magasin de [Localité 3] doit suivre la procédure soit (termes écrits en gras et rouge les 4 derniers termes étant soulignés)  » Basse saison = au minimum 2 fois par semaine. » Ce courriel fait suite à de nombreux courriels de relance émanant de monsieur [E] sur ce point précis produits.

En conséquence, ce grief est avéré.

Sur le fait qu’il n’aurait pas envoyé des tableaux de suivi de marge,

Dans la lettre de licenciement, la société Côté Nature [Localité 3] reproche à madame [D] de ne pas transmettre quotidiennement au siège les tableaux de suivi du ticket moyen de la marge client et des commandes, ces informations étant essentielles au suivi de l’activité du magasin et de ne pas réaliser les relevés hebdomadaires  » énergie » qui lui sont commandés.

Madame [D] soutient que ce grief est tout simplement mensonger et que monsieur [T] avait accès depuis le siège à ces tableaux.

Pour établir ces défauts de transmission, la société Côté Nature [Localité 3] produit des courriels des 17 octobre 2014, 22 octobre 2014, 10 novembre de monsieur [E] demandant à la salarié de lui transmettre les tableaux journaliers et un courriel de madame [K] en date du 24 octobre 2014 lui demandant les relevés d’eau, de gaz et d’électricité.

La cour ne peut considérer que ces quelquels courriels établissent la régularité de cet oubli.

Sur les achats de produits non référencés et le changement des codes barres,

Dans la lettre de licenciement, la société Côté Nature [Localité 3] reproche à madame [D] d’avoir en contradiction avec les règles d’achat du groupe, acheté au cours du mois de novembre 2014 des produits non référencés par le siège en changeant le code barre et la dénomination pour pouvoir intégrer le produit dans le système informatique, ce qui rend le stock non conforme à la réalité et fait courir un risque pour l’entreprise en cas de contrôle.

Madame [D] reconnaît cette pratique qu’elle explique par un usage préexistant et par sa volonté de donner un aspect plus haut de gamme au magasin afin d’attirer une nouvelle clientèle et compte tenu du pouvoir d’achat des personnes fréquentant le magasin.

Pour établir ce grief que la salariée reconnaît par ailleurs, la société Côté Nature [Localité 3] produit un courriel du 14 novembre 2014de madame [F], chef de marché décoration, après un passage le 13 novembre 2014 au sein du magasin de [Localité 3], dans lequel elle écrit à madame [D] :  » Plus aucune commande hors référencement ne sera tolérée (que ce soit en déco ou dans d’autres secteurs) « . Ce constat est d’ailleurs partagé par monsieur [N] qui dans son attestation, chef du marché jardin, déclare  » utilisation de code prix et/ou fournisseurs sur des articles interdit d’achat pouvant entraîner (à la moindre visite de la répression des fraudes) l’établissement d’un pv et d’une amende immédiate pour non respect des conditions générales de vente de plusieurs de nos fournisseurs et tromperie vis à vis des clients. Je n’ai pas manqué de lui faire toucher du doigt ce point précis pour qu’il y ait une réaction immédiate ! Ce qui ne fut pas le cas. »

Ainsi ce grief est établi.

Sur la perte de 2 300 euros de produits perdus en ‘petfood’,

Dans la lettre de licenciement, la société Côté Nature [Localité 3] reproche à madame [D] d’avoir laissé au mois de novembre en rayon de produits périmés ( pet food) pour une valeur de 2 300 euros, ce qui démontrerait le fait qu’elle ne respecte pas ou ne fait pas respecter la procédure de présentation marchande au sein du magasin.

La salariée prétend que les problèmes rencontrés dans la gestion du rayon animalerie existaient avant son arrivée et qu’elle ne peut être tenue responsable du grief invoqué.

Pour établir ces faits dont la matérialité est admise par madame [D], la société Côté Nature [Localité 3] produit notamment une attestation de monsieur [C], chef du marché, qui mentionne  » le volume important de marchandise périmée, en particulier sur l’alimentation canine et féline dont le montant de démarque s’élève à 1352,89 € minimum. Aucune action mise en oeuvre en vue de la reprise des marchandises. »

Ce grief est avéré.

Sur l’absence de demande écrite sur les congés payés

Dans la lettre de licenciement, la société Côté Nature [Localité 3] reproche à madame [D] d’avoir pris des congés en novembre sans en avoir fait préalablement la demande écrite conformément à la procédure interne.

Madame [D] soutient que dès lors que ses congés payés ont été payés normalement, il ne pouvait être déduit aucune négligence et explique que les prises de congés payés résultaient des indications fournies par les plannings adressés par le salarié à l’employeur.

L’employeur ne produit pas l’extrait de ces documents internes exigeant une autorisation spécifique autre que la mention de la position des salariés dans les plannings mensuels. Le contrat à durée indéterminée se contentant d’indiquer  » la date des congés sera fixée en accord avec la société, de façon à ce que la bonne marche de la société ou du service n’en soit affectée. »

En conséquence, ce grief n’est pas établi.

Sans qu’il ne soit nécessaire d’examiner les autres griefs, la cour estime que les griefs retenus pris dans leur ensemble constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement mais ne caractérise une faute grave rendant immédiatement impossible la poursuite des relations contractuelles.

En conséquence, il convient de confirmer la décision du Conseil des prud’hommes sur ce point ainsi que sur les montants alloués aux titres du rappel de salaires correspondant à la mise à pied, aux congés payés afférents, à l’indemnité compensatrice de préavis, aux congés payés afférents correspondant aux pièces de la procédure et aux dispositions conventionnelles, étant observé que madame [D] a travaillé moins d’une année au sein de la société Côté Nature [Localité 3].

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l’article 450 du code de procédure civile,

REJETTE l’exception tirée de l’absence d’effet dévolutif soulevée par la société Côté Nature [Localité 3].

CONFIRME le jugement sauf en ce qu’il a condamné la société Côté Nature [Localité 3] à payer à madame [D] des rappels de salaires et les congés payés afférents aux titres des heures supplémentaires et de la majoration pour le travail dominical.

Statuant à nouveau sur ce point,

DÉBOUTE madame [D] de ces demandes relatives aux rappels de salaires et les congés payés afférents aux titres des heures supplémentaires et de la majoration pour le travail dominical.

CONFIRME le surplus de la décision.

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

DIT n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du code de procédure civile

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.

LAISSE à chacune des parties la charge de ses dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 


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