COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 59C
12e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 20 AVRIL 2023
N° RG 21/06791 – N° Portalis DBV3-V-B7F-U2ZR
AFFAIRE :
S.A.S. SPORT BOUTIQ
C/
S.A.R.L. NIKE RETAIL BV
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Septembre 2021 par le Tribunal de Commerce de PONTOISE
N° Chambre : 5
N° RG : 2019F00754
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Marion DESPLANCHE
Me Martine DUPUIS
TC PONTOISE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT AVRIL DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A.S. SPORT BOUTIQ
RCS Val de Briey n° 434 048 286
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Marion DESPLANCHE, Postulant, avocat au barreau de VAL D’OISE, vestiaire : 98 et Me Jean-Elie DRAI, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A946
APPELANTE
****************
S.A.R.L. NIKE RETAIL BV venant aux droits de NIKE FRANCE dissoute sans liquidation et radiée du Registre du Commerce et des Sociétés de Paris à la suite d’une transmission universelle de patrimoine
Chambre de commerce des Pays-Bas n° 320 608 74
[Adresse 2]
PAYS-BAS
Représentée par Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 et Me Flore MAHIEU et Me Marie DANIS de la SCP AUGUST & DEBOUZY et associés, Plaidants, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : P438
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 14 Février 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur François THOMAS, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur François THOMAS, Président,
Madame Nathalie GAUTRON-AUDIC, Conseiller,
Madame Bérangère MEURANT, Conseiller,
Greffier, lors des débats : M. Hugo BELLANCOURT,
EXPOSE DU LITIGE
Depuis 2001, la société Sport Boutiq est un distributeur agréé des produits Nike.
Par courrier du 14 mai 2019, la société Neon (Nike European Operations Netherlands B.V) a informé la société Sport Boutiq qu’elle avait décidé de mettre un terme à leurs relations commerciales, à compter de l’automne 2020, en lui reconnaissant un préavis de 17 mois.
Par acte du 20 septembre 2019, la société Sport Boutiq a fait assigner la société Nike France devant le tribunal de commerce de Pontoise, aux fins d’obtenir la poursuite de leurs relations commerciales.
Par jugement du 17 septembre 2021, le tribunal de commerce de Pontoise a :
– déclaré la société Nike France bien fondée en sa fin de non-recevoir ;
– déclaré la société Sport Boutiq irrecevable en toutes ses demandes, fins et prétentions ;
– condamné la société Sport Boutiq à payer à la société Nike France la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– déclaré la société Sport Boutiq mal fondée en sa demande en paiement sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, l’en a déboutée ;
– condamné la société Sport Boutiq aux entiers dépens de l’instance, en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme de 73,22 € TTC.
Par déclaration du 15 novembre 2021, la société Sport Boutiq a interjeté appel du jugement.
La société néerlandaise Neon a été absorbée par la société Nike Retail B.V (Nrbv) le 1er mai 2022.
La société Nike France a été dissoute le 24 juin 2022 et son patrimoine transféré à la société Nrbv.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 11 août 2022, la société Sport Boutiq demande à la cour de :
– Déclarer la société Sport Boutiq recevable et bien fondée en ses demandes,
En conséquence,
– Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
A titre principal,
– Ordonner à la société Nike France de poursuivre les relations commerciales avec Sport Boutiq au-delà de la saison automne 2020, et de permettre à la société Sport Boutiq de continuer d’acheter des produits de la marque Nike auprès de la société Nike European Operations Netherlands B.V (Neon) afin de les distribuer dans son magasin,
A titre subsidiaire,
– Condamner la société Nike France à payer à la société Sport Boutiq la somme de 100.000 €, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice issu de la rupture unilatérale des relations commerciales entre les parties à l’initiative de la société Nike France,
– Ordonner l’exécution provisoire, avec intérêt légal et capitalisation des intérêts à compter de l’arrêt à intervenir,
En tout état de cause,
– Débouter la société Nike France de sa demande de 10.000 € au titre du préjudice financier pour procédure abusive,
– Débouter la société Nike France de sa demande de condamner la société Sport Boutiq au paiement d’une amende civile,
– Débouter la société Nike France de toutes ses demandes, fins et conclusions, plus amples ou contraires,
– Condamner la société Nike France à payer à la société Sport Boutiq la somme de 4.800 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 15 novembre 2022, la société Nike Retail Bv venant aux droits de la société Nike France demande à la cour de :
A titre principal,
– Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Pontoise le 17 septembre 2021 en toutes ses dispositions ;
En conséquence,
– Déclarer irrecevable l’action de la société Sport Boutiq à l’encontre de la société Nrbv, venant aux droits de la société Nike France ;
Subsidiairement dans l’hypothèse où la Cour ne confirmerait pas le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré bien fondée la fin de non-recevoir soulevée par la société Nrbv venant aux droits de la sociéte Nike France :
– Débouter la société Sport Boutiq de l’ensemble des demandes, fins et prétentions dirigées contre la société Nrbv venant aux droits de la société Nike France ;
A titre reconventionnel,
– Condamner la société Sport Boutiq à verser à la société Nrbv, venant aux droits de la société Nike France la somme de 10.000 € de dommages et intérêts du fait de la procédure abusive initiée par la société Sport Boutiq ;
En tout état de cause,
– Condamner la société Sport Boutiq à verser à la société Nrbv, venant aux droits de la société Nike France la somme de 6.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamner la société Sport Boutiq aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 5 janvier 2023.
Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
Sur la fin de non-recevoir
Le jugement a retenu que le cocontractant de la société Sport Boutiq était la société Neon, ainsi que l’établissaient notamment les conditions générales de vente annexées aux commandes de produits Nike passées par la société Sport Boutiq, et a estimé que les pièces versées par celle-ci ne suffisaient pas à démontrer que son cocontractant était la société Nike France et non la société Neon, ce d’autant que la société Sport Boutiq sollicitait dans le dispositif de ses conclusions de pouvoir continuer à acheter des produits Nike auprès de la société Neon et de les distribuer, reconnaissant ainsi que son fournisseur était la société Neon et l’existence d’une relation commerciale avec cette société. Il a en conséquence déclaré la société Nike France fondée en sa fin de non-recevoir.
La société Sport Boutiq indique que la société Nike France lui a adressé un document d’ouverture de compte le 12 janvier 2001, et qu’elles ont entretenu des relations d’affaires pendant plus de 18 ans, les produits Nike assurant la plus grande partie de son chiffre d’affaires.
Elle indique que les conditions générales de vente (CGV) ont changé en cours de contrat sans son accord, pour devenir celles de la société Nike Netherlands, alors que son cocontractant était initialement la société Nike France. Elle souligne que c’est la société Nike France qui a ouvert son compte en 2001, et non la société Neon.
La société Nrbv indique que la société Neon / Nrbv est responsable en Europe de la distribution des produits de marque Nike, et que la société Nike France a pour activité la promotion et la prise en charge de certains aspects marketing de la commercialisation des produits Nike en France mais ne s’occupe pas de la vente des produits de la marque Nike. Elle indique que la société Nike France est l’agent en France de la société Neon / Nrbv, laquelle est le seul cocontractant des distributeurs agréés par Nike.
Elle explique que la société Sport Boutiq est devenue distributeur agréé par la société Neon des produits Nike, cet agrément se traduisant par l’ouverture d’un compte distributeur à son nom lui permettant de passer commande sur une plate-forme internet de commandes, que la relation commerciale était encadrée par les conditions générales de vente -qui identifiaient la société Neon- comme la politique de distribution de la société Neon.
Elle soutient que la société Nike France n’était pas le cocontractant de la société Sport Boutiq, qui entretenait des relations commerciales avec la société Neon ainsi que le précisent les CGV acceptées par l’appelante. Elle écarte les pièces produites par la société Sport Boutiq comme non probantes, relève que la société Sport Boutiq ne conteste pas avoir accepté les CGV, et que la société Nike France est seulement l’agent en France de la société Neon, laquelle a mis fin aux relations commerciales. Elle ajoute qu’en agissant contre la société Nike France, la société Sport Boutiq a essayé de contourner la clause attributive de compétence aux juridictions néerlandaises figurant aux conditions générales de vente.
*****
Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
La société Sport Boutiq produit au soutien de sa demande
– un courrier du 12 janvier 2001 portant sur l’ouverture d’un compte, dressé sur papier à en-tête de la société Nike France,
– des conditions commerciales textiles, et conditions commerciales chaussures/équipements, sur papier à en-tête de la société Nike France,
– un courriel informatif relatif à de nouvelles disponibilités de produits Nike et invitant à passer commande, courriel adressé depuis une adresse mail ‘…[Courriel 3]’.
Pour autant, comme l’a relevé le jugement, le courrier du 12 janvier 2001 ne porte pas mention du nom et de l’adresse du destinataire, de sorte qu’il n’est pas établi que ce document a été adressé à la société Sport Boutiq, la cour relevant de plus qu’aucune signature n’y apparaît.
Les documents ‘conditions commerciales’ ne sont pas non plus datés ni signés, et si en pied-de-page figurent les coordonnées de la société Nike France, figurent en en-tête celles de la société Neon.
La société Nrbv produit les CGV qui indiquent bien que la société Neon propose à la vente certains produits de la marque Nike, que les commandes sont soumises aux CGV, qui apparaissent bien comme les Conditions Générales de Vente de la société Neon.
Ces CGV indiquent expressément que ‘chaque commande acceptée par NIKE constituera, avec l’Accusé de Réception de la Commande, les présentes Conditions Générales de Vente et, le cas échéant, le contrat client et la demande de crédit du client, un contrat unique et distinct entre NIKE et le Client…’.
La société Nrbv produit trois accusés de commandes passées par la société Sport Boutiq auxquels sont annexées les conditions générales de vente de la société Neon précisant encore ‘chaque commande acceptée par NIKE constituera, avec l’Accusé de Réception de la Commande approprié, les présentes Conditions Générales de Vente et, le cas échéant, le contrat client et la demande de crédit du client, un contrat unique et distinct entre NIKE et le Client…’.
Aussi, il apparaît que les commandes étaient bien passées par la société Sport Boutiq auprès de la société Neon.
La société Nike France était l’agent en France de la société Neon, son activité était de promouvoir et d’inciter les achats des clients, ce qui explique que sur les documents relatifs aux conditions commerciales figuraient en pied-de-page les coordonnées de la société Nike France, et en tête-de-page et en plus gros caractères, celles de la société Neon.
Il sera relevé qu’alors que le jugement a mentionné que la société Sport Boutiq ne produisait pas d’élément comptable ou d’autre document établissant que la société Neon n’était pas son fournisseur, elle ne verse pas en cause d’appel plus d’éléments justifiant de sa relation avec la société Nike France.
La lettre du 14 mai 2019, annonçant la fin des relations commerciales à la société Sport Boutiq, est bien adressée par la société Neon, et vise bien la relation commerciale existant entre les sociétés Sport Boutiq et Neon.
Il résulte de ce qui précède que c’est bien la société Neon, et non la société Nike France, qui était le cocontractant de la société Sport Boutiq, ce que confirme le fait que celle-ci sollicite, dans le dispositif de ses conclusions devant la cour, de pouvoir ‘continuer d’acheter des produits de la marque Nike auprès de la société Nike European Operations Netherlands B.V (Neon) afin de les distribuer dans son magasin’.
Aussi, la société Nike France n’était pas le cocontractant de la société Sport Boutiq, et le jugement sera confirmé en ce qu’il a fait droit à la fin de non-recevoir soulevée.
Sur la demande reconventionnelle
La société Nrbv sollicite, dans le corps de ses conclusions seulement, que la société Sport Boutiq soit condamnée au paiement d’une amende civile, demande qui ne sera pas accueillie par la cour.
L’exercice d’un droit ne dégénère en abus qu’en cas de faute équipollente au dol qui n’est pas caractérisée en l’espèce à l’égard de la société Nrbv. Aussi, la société Nrbv sera déboutée de sa demande au titre de la procédure abusive.
Sur les autres demandes
Le jugement sera confirmé s’agissant des dépens, mais infirmé s’agissant des frais irrépétibles.
Succombant en son appel, la société Sport Boutiq sera condamnée au paiement des dépens d’appel. Il ne sera pas fait droit aux demandes présentées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf s’agissant des frais irrépétibles,
L’infirme de ce seul chef,
Déboute la société Nrbv de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de leurs autres demandes,
Condamne la société Sport Boutiq aux entiers dépens.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur François THOMAS, Président et par M. BELLANCOURT, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,