Conditions Générales de Vente : 25 avril 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 21/03125

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Conditions Générales de Vente : 25 avril 2023 Cour d’appel de Montpellier RG n° 21/03125

Grosse + copie

délivrées le

à

COUR D’APPEL DE MONTPELLIER

Chambre commerciale

ARRET DU 25 AVRIL 2023

Numéro d’inscription au répertoire général :

N° RG 21/03125 – N° Portalis DBVK-V-B7F-O75O

Décision déférée à la Cour :

Jugement du 29 MARS 2021

TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER

N° RG 2018005904

APPELANTE :

S.A. C.S.N.S.P 431, société anonyme de droit portugais prise en la personne de son représentant légal en exercice

[Adresse 8],

[Adresse 8]

[Localité 4] (PORTUGAL)

Représentée par Me Céline THAI THONG de la SCP CASANOVA – MAINGOURD – THAI THONG, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représentée par Me Olivier LAUDE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

INTIMEES :

S.A.S. GENSUN prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Aurélia PUECH-DAUMAS, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Gilles LASRY de la SCP SCP D’AVOCATS BRUGUES – LASRY, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représentée par Me Catherine ROBIN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

Société AVANCIS GMBH, société de droit allemand représentée par son Directeur, domicilié ès qualités au siège social

[Adresse 5]

[Localité 1] (ALLEMAGNE)

Représentée par Me Christine AUCHE HEDOU, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Jacques Henri AUCHE de la SCP AUCHE HEDOU, AUCHE – AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant

Représentée par Me Camille MONCANY, avocat au barreau de PARIS substituant Me LEBLANC Pierre-Olivier, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

Ordonnance de clôture du 07 Février 2023

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 FEVRIER 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :

M. Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre

Mme Anne-Claire BOURDON, Conseillère

M. Thibault GRAFFIN, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Audrey VALERO

ARRET :

– Contradictoire

– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;

– signé par M. Jean-Luc PROUZAT, Président de chambre, et par Mme Audrey VALERO, Greffière.

*

* *

FAITS et PROCEDURE – MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES:

Par contrat du 19 avril 2013, dit contrat EPC (Engineering Procurement and Construction), la société Neoen Service International a confié à la société GenSun la conception et la construction d’une centrale photovoltaïque à [Localité 4] au Portugal, la centrale étant définie comme « une série d’équipements destinés à produire de l’énergie électrique au moyen de la technologie solaire photovoltaïque, et comprenant entre autres, (‘) un champ de panneaux photovoltaïques à couche mince » désignés sous le terme « modules » ; ce contrat EPC a été cédé, le 31 mai 2013, par la société Neoen Services International à sa filiale portugaise, la société CSNSP 431.

Par un second contrat du 16 juillet 2013, la société CSNSP 431 a également chargé la société GenSun de la maintenance et de l’exploitation de la centrale à compter de sa mise en service.

Pour la construction de la centrale photovoltaïque, la société GenSun a acheté à la société de droit allemand Avancis Gmbh 18 360 panneaux photovoltaïques de type « Powermax Smart 120 » pour un montant de 1 257 192 euros hors-taxes sur la base d’un devis en date du 5 mars 2013 ; les panneaux ou modules ainsi achetés ont été livrés sur le chantier en juillet et août 2013, mais dés les premières livraisons, la société GenSun s’est plainte d’un nombre important de modules endommagés durant le transport et de défauts de fabrication, certains modules changeant en effet de couleur après quelques heures seulement d’exposition au soleil.

La société Avancis a fait valoir que le phénomène d’auréoles affectant certains modules constituait un défaut purement esthétique, sans impact sur leur performance, mais a accepté de procéder au remplacement de 3340 modules, qui ont été livrés en novembre 2013 ; un avenant au contrat formalisant ce remplacement a été signé le 25 octobre 2013.

La centrale photovoltaïque a été mise en fonctionnement le 27 janvier 2014 et a fait l’objet d’une réception provisoire le 1er mars 2014, l’ensemble des tests prévus au contrat EPC ayant été réalisé avec succès.

Le 16 octobre 2014, soit neuf mois après la mise en service de la centrale, la société GenSun a alerté la société Avancis sur la performance de la centrale, inférieure à celle qui était attendue, et mettant en cause des problèmes de délamination des modules affectant les flux électriques des panneaux photovoltaïques et provoquant ainsi une perte de puissance de la centrale.

Après divers échanges sur cette problématique de la délamination des modules, la société Avancis a proposé, en août 2015, de procéder au remplacement des modules atteints de délamination par des modules de nouvelle génération ou de rembourser 6,05 % du prix d’achat des modules.

Le 1er mars 2016, la réception définitive de l’installation a été prononcée sans réserve entre la société CSNSP et la société GenSun, le certificat de réception mentionnant toutefois que la société GenSun « déploiera ses meilleurs efforts pour aider CSNSP à faire aboutir la réclamation en cours auprès du fabricant de modules (Avancis) ».

Après une mise en demeure du 1er juillet 2017 restée sans effet, la société CSNSP a, par exploits du 22 février 2018, fait assigner la société GenSun et la société Avancis devant le tribunal de commerce de Montpellier en vue d’obtenir la résolution de la vente des 18 380 panneaux photovoltaïques intervenue entre les sociétés Avancis et GenSun suivant devis du 5 mars 2013 ainsi que la résolution de la vente des 18 380 panneaux photovoltaïques intervenue entre la société GenSun et elle dans le cadre du contrat EPC du 19 avril 2013, outre la condamnation de la société Avancis à payer à la société GenSun la somme de 1 257 192 euros hors-taxes en restitution du prix des 18 380 panneaux et la condamnation de la société GenSun à lui payer cette somme de 1 257 192 euros ; elle invoquait, à titre subsidiaire, la garantie contractuelle consentie par la société Avancis aux acquéreurs et propriétaires de ses modules, qu’elle avait mise en jeu par lettre adressée le 10 juillet 2017 au fabricant ; elle sollicitait également la condamnation de la société Avancis à lui payer la somme de 1 239 550 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi lié à la sous-performance des modules.

La société Avancis a soulevé l’incompétence de la juridiction saisie pour se prononcer sur les demandes d’indemnisation formées par la société GenSun à son encontre relevant, selon elle, de la compétence des juges allemands (tribunal de Leipzig) et sur les demandes formées par la société CSNSP à l’encontre de la société GenSun en application du principe de compétence-compétence ; sur le fond du litige, elle s’est opposée aux demandes présentées à son encontre, les estimant irrecevables ou mal fondées, et a sollicité, à titre subsidiaire, la réduction des montants demandés par la société CSNSP au titre de ses préjudices, les évaluant à la somme maximale de 180 737 euros.

Le tribunal, par jugement du 29 mars 2021 :

– s’est déclaré compétent pour connaître des demandes de la société CSNSP à l’encontre de la société Avancis,

– s’est déclaré compétent pour connaître des demandes de la société CSNSP à l’encontre de la société GenSun,

– s’est déclaré incompétent pour connaître des demandes de la société GenSun à l’égard de la société Avancis,

– a jugé irrecevable l’action de la société CSNSP à l’encontre de la société Avancis,

– a jugé recevable l’action de la société CSNSP à l’encontre de la société GenSun,

– a donné acte à la société GenSun qu’elle ne s’oppose pas aux demandes de la société CSNSP,

– a prononcé, en conséquence, la résolution du contrat de vente « Engineering Procurement and Construction of a 2MVA Photovoltaic Power Plant in [Localité 4] (Portugal) » conclu le 19 avril 2013 entre les sociétés CSNSP et GenSun,

– a condamné la société GenSun à verser à la société CSNSP la somme de 1 257 192 euros hors-taxes correspondant au prix d’achat des modules en litige,

– a rejeté les demandes des parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile (‘).

La société CSNSP a régulièrement relevé appel, le 12 mai 2021, de ce jugement.

En cours d’instruction, la société Avancis a saisi le conseiller de la mise en état d’un incident tendant à voir déclarer irrecevables la demande de la société CSNSP visant à obtenir sa condamnation à lui régler la somme de 1 257 192 euros au titre de la restitution du prix de vente des modules photovoltaïques et la demande de la société CSNSP visant à obtenir sa condamnation à payer à la société GenSun la somme de 1 257 192 euros correspondant au prix d’acquisition des modules ; ces demandes ont été rejetées par une ordonnance du conseiller de la mise en état rendue le 16 novembre 2022, qui n’a pas été déférée à la cour.

La société CSNSP demande à la cour, dans ses dernières conclusions déposées le 10 août 2022 via le RPVA, de :

Vu le règlement (CE) n° 864/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (dit «Rome II »),

Vu l’article 122 du code de procédure civile,

Vu les articles 1134 ancien, 1603, 1604, 1610, 1147 ancien et 1184 ancien du code civil,

Sur les fins de non-recevoir soulevées « in limine litis » et pour la première fois en cause d’appel par la société Avancis à l’encontre des demandes dirigées à son encontre par la société CSNSP :

– se déclarer incompétente pour statuer sur les fins de non-recevoir soulevées, pour la première fois en cause d’appel, par la société Avancis à l’encontre des demandes dirigées à son encontre par la société CSNSP,

– constater que le conseiller de la mise en état est d’ores et déjà saisi desdites fins de non-recevoir,

– en conséquence, écarter et déclarer irrecevables les fins de non-recevoir soulevées pour la première fois en cause d’appel par la société Avancis (‘),

Sur l’exception d’incompétence soulevée par la société Avancis devant la cour dans l’hypothèse où celle-ci ne ferait pas droit aux fins de non-recevoir présentées « in limine litis » par la société Avancis à l’encontre des demandes de la société CSNSP :

– prononcer l’irrecevabilité de l’exception d’incompétence soulevée par la société Avancis à l’encontre des demandes dirigées à son encontre par la société CSNSP en ce que cette exception n’est pas présentée in limine litis c’est-à-dire avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir,

– à défaut, écarter l’exception d’incompétence soulevée par la société Avancis (‘) en ce que cette exception est mal fondée,

– en tout état de cause, se déclarer compétente pour connaître des demandes dirigées par la société CSNSP à l’encontre de la société Avancis,

Sur l’appel du jugement entrepris interjeté par la société CSNSP :

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé irrecevable l’action de la société CSNSP à l’encontre de la société Avancis, rejeté la demande de la société CSNSP au titre de l’article 700 du code de procédure civile et débouté implicitement la société CSNSP de sa demande tendant à la désignation d’un expert,

– confirmer le jugement entrepris en ses autres dispositions,

– statuant à nouveau,

‘ déclarer recevable l’action directe exercée par la société CSNSP à l’encontre de la société Avancis,

‘ déclarer recevable, en tout état de cause, l’action exercée par la société CSNSP à l’encontre de la société Avancis au titre de la garantie contractuelle annexée aux conditions générales de vente de la société Avancis ainsi qu’au contrat de construction conclu le 19 avril 2013 entre les sociétés CSNSP et GenSun,

‘ prononcer la résolution du contrat de vente des panneaux photovoltaïques conclu entre les sociétés Avancis et GenSun et formalisé par le devis du 5 mars 2013 et ses annexes dès lors que lesdits panneaux ne sont pas conformes aux contrats de vente successifs desdits panneaux et, plus largement, aux attentes légitimes des sociétés CSNSP et GenSun,

En tout état de cause, qu’il soit ou non fait droit à la demande de résolution du contrat de vente des panneaux photovoltaïques conclus entre les sociétés Avancis et Gensun,

‘ constater la mise en jeu de la garantie contractuelle des panneaux photovoltaïques consentie par la société Avancis à la société CSNSP,

En conséquence, que ce soit au titre de la mise en jeu de la garantie contractuelle des panneaux photovoltaïques consentie par la société Avancis à la société CSNSP ou de la résolution des contrats de vente successifs desdits panneaux,

‘ condamner la société Avancis à payer soit à la société GenSun soit directement à la société CSNSP la somme de 1 257 192 euros hors-taxes, correspondant au montant perçu par la société Avancis au titre de l’achat des panneaux photovoltaïques, et assortir cette somme de l’intérêt légal à compter de la mise en service de la centrale solaire en date du 1er mars 2014, avec capitalisation des intérêts par application de l’article 1343-2 du code civil,

‘ condamner la société Avancis à payer à la société CSNSP la somme de 1 239 550 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi (…) du fait des défaillance de la société Avancis,

‘ condamner in solidum les sociétés GenSun et Avancis à payer à la société CSNSP la somme de 40 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ condamner la société Avancis aux entiers dépens,

‘ débouter la société Avancis de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

En cas de restitution des panneaux photovoltaïques,

‘ ordonner que le remboursement du prix des panneaux photovoltaïques à la société CSNSP devra nécessairement précéder la restitution desdits panneaux pour que soit assurée la continuité de l’exploitation de la centrale solaire,

‘ condamner la société Avancis à supporter les frais de reprise des panneaux photovoltaïques,

‘ à défaut, condamner la société Avancis à payer à la société CSNSP la somme de 300 000 euros à titre de dommages et intérêts afin de couvrir le coût de reprise des panneaux photovoltaïques,

‘ en tant que de besoin, désigner tel expert qu’il plaira la cour avec pour mission de :

‘ se rendre sur le site de la centrale solaire exploitée par la société CSNSP située à [Adresse 7] à [Localité 4] (Portugal) et visiter les lieux,

‘ se faire communiquer tous documents et pièces qu’il estimera utiles à l’accomplissement de sa mission,

‘ entendre les parties et tous sachants,

‘ s’adjoindre les services de tout sapiteur et s’adresser à tout laboratoire d’analyses dont l’intervention serait rendue nécessaire par la technicité ou la particularité de l’expertise,

‘ déterminer et décrire l’ensemble des dysfonctionnements, non-conformités et défauts, visibles non visibles, des panneaux photovoltaïques installés sur le site de la centrale solaire (‘),

‘ apprécier si la conception et la fabrication des panneaux photovoltaïques effectués par la société Avancis sont conformes aux règles de l’art, ainsi qu’aux prévisions des parties,

‘ examiner en particulier, à la lumière des rapports établis par le laboratoire Certisolis les 20 novembre 2015 et 10 mai 2016, si les panneaux photovoltaïques fournis par la société Avancis ont une valeur NOCT (Normal Operating Cell Temperature) conforme à la valeur NOCT de 40 °C indiquée par la société Avancis dans sa notice contractuelle, et en tirer toutes conclusions utiles,

‘ si la conception et la fabrication des panneaux photovoltaïques effectuées par la société Avancis ne sont pas conformes, exposer en quoi et les raisons techniques et matérielles qui sont, le cas échéant, à l’origine de cette non-conformité,

‘ donner tous les éléments techniques et de fait, permettant de déterminer les responsabilités encourues et les préjudices de toute nature résultant des insuffisances et manquements constatés dans la conception et la fabrication des panneaux photovoltaïques fournis par la société Avancis,

‘ fournir tous éléments chiffrés pour permettre à la juridiction ultérieurement saisie de fixer les différents chefs de préjudice subi par la société CSNSP,

(…)

‘ en tout état de cause, débouter la société Avancis de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

Au soutien de son appel, la société CSNSP fait valoir pour l’essentiel que :

– l’exception d’incompétence de la société Avancis est irrecevable puisqu’elle a été présentée devant la cour une fois soulevées diverses fins de non-recevoir,

– le tribunal de commerce de Montpellier était bien compétent, en application de l’article 8, 1) du règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012 (règlement Bruxelles I bis) pour connaître de ses demandes l’encontre des sociétés GenSun et Avancis,

– la preuve du caractère fictif de la mise en cause de la société GenSun afin de rendre compétente la juridiction française ne se trouve pas établie,

– son action directe exercée à l’encontre de la société Avancis est soumise à la loi française en application de l’article 5.1 du règlement européen n° 864/2007 du 11 juillet 2007 (règlement Rome II), les modules ayant été en effet commercialisés en France,

– la « garantie produits » consentie par la société Avancis à l’ensemble des acquéreurs de modules ainsi qu’à tout propriétaire de l’endroit où les modules ont été installés lui confère d’ailleurs la qualité de cocontractant,

– elle est fondée à solliciter le remboursement de la somme de 1 257 192 euros hors-taxes correspondant au prix des modules au titre de l’action contractuelle directe, dont elle bénéficie en vue de la résolution du contrat de vente initial fondée sur l’article 1610 du code civil,

– les modules présentent ainsi une série de défauts de conformité à savoir, d’une part, une NOCT (Normal Operating Cell Temperature) non conforme à celle indiquée dans la notice annexée aux conditions générales de vente de la société Avancis, aux spécifications contractuelles du contrat EPC et à ses attentes légitimes et, d’autre part, un état de dégradation précoce (un phénomène de délamination consistant en un décollement des couches de dépôts chimiques situés à la surface des modules), non conforme à celui qu’un acheteur est en droit d’attendre s’agissant de modules neufs,

– le remboursement du prix des modules s’impose également au titre de la garantie contractuelle intitulée « garantie produits » prévue à l’article 1 d’une annexe au contrat de vente liant la société Avancis à la société GenSun, couvrant les défauts matériels et de fabrication des modules pendant une durée de 10 ans à compter de leur vente,

– la non-conformité des modules affecte la performance de la centrale, ce qui lui cause un préjudice notamment en termes de manque-à-gagner.

La société GenSun, dans ses conclusions déposées par le RPVA le 11 janvier 2022, sollicite de voir :

Vu les articles 1134, 1604, 1610, 1147 et 1184 anciens du code civil,

Vu le règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (dit « Bruxelles I bis »),

(…)

– déclarer la société GenSun bien fondée en son appel incident et juger ses demandes recevables,

– en conséquence, infirmer le jugement du tribunal de commerce de Montpellier du 29 mars 2021 en ce que le tribunal s’est déclaré incompétent pour connaître des demandes de la société GenSun à l’égard de la société Avancis,

– infirmer le jugement du tribunal de commerce de Montpellier du 29 mars 2021 en ce que le tribunal a seulement prononcé la résolution du contrat de vente « Engineering Procurement and Construction of a 2MVA Photovoltaic Power Plant in [Localité 4] (Portugal) » conclu le 19 avril 2013 entre les sociétés CSNSP et GenSun,

– infirmer le jugement du tribunal de commerce de Montpellier du 29 mars 2021 en ce que le tribunal a rejeté les demandes de la société GenSun au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– infirmer le jugement du tribunal de commerce de Montpellier du 29 mars 2021 en ce que le tribunal a condamné la société GenSun aux entiers dépens,

– confirmer le jugement du tribunal de commerce de Montpellier du 29 mars 2021 en ce que le tribunal a donné acte à la société GenSun qu’elle ne s’oppose pas aux demandes de la société CSNSP,

Et statuant à nouveau,

– se déclarer compétent pour connaître des demandes de la société GenSun à l’égard de la société Avancis,

– donner acte que la société GenSun ne s’oppose pas aux demandes de la société CSNSP formées dans le cadre de son appel principal,

– prononcer la résolution du contrat de vente des panneaux photovoltaïques conclu selon devis du 5 mars 2013 entre les sociétés GenSun et Avancis,

– condamner la société Avancis, en sa qualité de vendeur originaire des produits défectueux, à relever et garantir la société GenSun de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre,

En tout état de cause,

– condamner la société Avancis à payer à la société GenSun la somme de 1 257 192 euros hors-taxes correspondant au prix d’achat des modules en litige,

– condamner la société Avancis à relever et garantir la société GenSun de toutes condamnations prononcées à titre de dommages et intérêts,

– condamner la société Avancis à réparer le préjudice subi par la société GenSun et à lui rembourser la somme de 82 101,42 euros,

– condamner la société Avancis à payer à la société GenSun la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient en substance que :

– la clause attributive de compétence au profit des tribunaux civils ordinaires de Leipzig en Allemagne n’a pas été rappelée dans l’offre finale de la société Avancis et se trouve rédigée en des termes généraux,

– les compétences dérivées prévues par les dispositions de l’article 8 du règlement Bruxelles I bis priment d’ailleurs sur une telle clause attributive,

– en tant que vendeur intermédiaire, elle est fondée, du fait de la non-conformité des modules aux caractéristiques techniques convenues, d’obtenir la résolution du contrat de vente qu’elle a conclu avec la société Avancis et la restitution du prix des modules, qu’elle a payé à celle-ci,

– elle a, par ailleurs, été contrainte de dédommager la société CSNSP pour la sous-performance de la centrale à hauteur de 82 005,42 euros hors-taxes au titre de la garantie de rendement prévue à l’article 12. 2 du contrat EPC.

La société Avancis, dans les conclusions qu’elle a déposées le 24 janvier 2023 par le RPVA, demande, pour sa part, à la cour de :

In limine litis,

– infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Montpellier le 29 mars 2021 en ce qu’il s’est déclaré compétent pour statuer sur l’ensemble des demandes formées par la société CSNSP à l’encontre de la société Avancis,

– et statuant à nouveau, se déclarer incompétent pour statuer sur les demandes de la société CSNSP qui relèvent soit de la compétence des juges allemands (tribunal de Leipzig) soit de la compétence des juges portugais,

À titre principal,

– confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Montpellier le 29 mars 2021 en ce qu’il a déclaré l’action de la société CSNSP à l’encontre de la société Avancis irrecevable,

– confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Montpellier le 29 mars 2021 en ce qu’il s’est déclaré incompétent pour statuer sur les demandes formées par la société GenSun à l’encontre de la société Avancis et a renvoyé cette dernière à mieux se pourvoir devant les juridictions allemandes (tribunal de Leipzig),

– rejeter l’ensemble des demandes formées par les sociétés CSNSP et GenSun à l’encontre de la société Avancis,

A titre subsidiaire, sur les demandes formées par la société CSNSP à l’encontre de la société Avancis,

– déclarer la société CSNSP irrecevable et mal fondée en ses demandes formées à l’encontre de la société Avancis,

– débouter la société CSNSP de l’ensemble de ses demandes formées à l’encontre de la société Avancis,

– à défaut, constater que les préjudices allégués par la société Avancis sont manifestement surévalués et les ramener à de plus justes proportions, et en tout état de cause à une somme qui ne saurait excéder 207 310 euros (de) laquelle il convient de déduire la somme de 82 005,42 euros d’ores et déjà perçue,

À titre subsidiaire, sur les demandes formées par la société GenSun à l’encontre de la société Avancis,

– déclarer les demandes de la société GenSun à l’encontre de la société Avancis mal fondées,

– débouter la société GenSun de l’ensemble de ses demandes formées à l’encontre de la société Avancis,

En tout état de cause,

– condamner les sociétés CSNSP et GenSun à payer à la société Avancis la somme de 40 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile (‘).

Elle développe l’argumentation suivante :

– la règle spéciale de compétence prévue à l’article 8, 1) du règlement de Bruxelles I bis n’a pas, en l’occurrence, vocation à s’appliquer, dès lors que la mise en cause de la société GenSun par la société CSNSP apparaît purement fictive,

– l’action de la société CSNSP à son encontre ne peut donc être portée que devant les tribunaux dans le ressort duquel elle a son siège social, en l’occurrence les tribunaux de Leipzig (article 4 du règlement) ou devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s’est produit, en l’occurrence devant les juridictions portugaises puisque la centrale est située au Portugal et qu’elle est exploitée par une société portugaise (article 7.2 du règlement),

– le contrat, qu’elle a conclu avec la société GenSun, prévoit l’application du droit allemand lequel n’admet pas l’action directe du sous-acquéreur à l’encontre du vendeur initial, ce dont il résulte que l’action de la société CSNSP à son encontre est irrecevable,

– au surplus, une telle action est prescrite puisqu’en droit allemand, les actions relatives à un défaut du bien vendu se prescrivent par deux ans à compter de la livraison de la chose à l’acquéreur selon l’article 438 du BGB (Bürgerliches Gesetzbuch),

– la preuve de la prétendue sous-performance de l’installation photovoltaïque n’est pas rapportée, non plus que celle d’un défaut de conformité affectant les panneaux, la société CSNSP se prévalant seulement de deux rapports du laboratoire Certisolis établis de manière non contradictoire,

– sa responsabilité ne peut être recherchée sur la base des dispositions du code civil français, alors que la loi applicable au contrat conclu entre elle et la société GenSun est la loi allemande en tant que loi choisie par les parties,

– la « garantie produits » n’est pas non plus applicable, qui n’est mobilisable que dans le cadre d’une vente directe à un client final, ce qui n’est pas le cas en l’espèce,

– la société CSNSP est d’ailleurs incapable de démontrer un lien entre le prétendu phénomène de délamination et une éventuelle sous performance des panneaux, la performance des modules étant, en outre, conforme à celle contractuellement convenue dans le contrat EPC.

Il est renvoyé, pour l’exposé complet des moyens et prétentions des parties, aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

Le 6 février 2023, la société GenSun a déposé par le RPVA de nouvelles conclusions comportant des développements supplémentaires (24 ‘ 26 pages), conclusions dont la société Avancis a sollicité le rejet.

C’est en l’état que l’instruction a été clôturée par ordonnance du 7 février 2023.

MOTIFS de la DÉCISION :

1- la demande de rejet des conclusions de la société Gensun déposées le 6 février 2023 :

Le fait pour la société GenSun de déposer, le 6 février 223, soit la veille du prononcé de l’ordonnance de clôture de nouvelles conclusions comportant des développements supplémentaires d’ailleurs non clairement identifiés, mettant ainsi la société Avancis dans l’impossibilité d’en prendre connaissance et, éventuellement, d’y répondre avant la clôture de l’instruction, caractérise une violation du principe du contradictoire et du droit au procès équitable, énoncés aux articles 16 du code de procédure civile et 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales; il y a donc lieu de déclarer irrecevables ces conclusions déposées le 6 février 2023.

2- la compétence des juridictions françaises pour connaître des demandes de la société CSNSP à l’encontre de la société Avancis :

Dans les conclusions, qu’elle a déposées le 10 mars 2022 devant la cour, la société Avancis a demandé, dans le dispositif des dites conclusions et in limine litis, de déclarer irrecevables la demande de la société CSNSP visant à obtenir sa condamnation à lui payer la somme de 1 257 192 euros correspondant au prix d’acquisition des modules et la demande de la société CSNSP visant à obtenir sa condamnation à payer à la société GenSun la même somme de 1 257 192 euros correspondant au prix d’acquisition des modules, d’infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce en ce qu’il s’est déclaré compétent pour statuer sur l’ensemble des demandes formées par la société CSNSP à son encontre et, statuant à nouveau, de se déclarer incompétent pour statuer sur de telles demandes relevant soit de la compétence des juges allemands (tribunal de Leipzig) soit de la compétence des juges polonais.

Les fins de non-recevoir soulevées par la société Avancis visent les demandes telles qu’elles ont été formulées devant la cour par la société CSNSP, alors qu’en première instance celle-ci avait demandé la condamnation de la société Avancis à payer à la société GenSun la somme de 1 257 192 euros et la condamnation de la société GenSun à lui payer la somme de 1 257 192 euros à percevoir de la société Avancis et que dans son jugement du 29 mars 2021, le tribunal de commerce a condamné directement la société GenSun à lui payer ladite somme de 1 257 192 euros ; dans son ordonnance du 16 novembre 2022, le conseiller de la mise en état, ultérieurement saisi de demandes tendant à déclarer irrecevables les demandes ainsi formulées, les a rejetées en considérant que si la société CSNSP ne justifiait pas avoir qualité pour agir au nom et pour le compte de la société GenSun, sa demande tendant à la condamnation de la société Avancis au remboursement du prix des modules tant à son profit qu’à celui de la société GenSun ne faisait que traduire, dans le cadre d’une rédaction maladroite, l’exercice de l’action directe du sous-acquéreur à l’encontre du vendeur originaire.

Les demandes d’irrecevabilité sont seulement relatives à la procédure d’appel et ont été soumises au conseiller de la mise en état, seul compétent pour en connaître, et si la société Avancis a sollicité en suivant, dans ses conclusions du 10 mars 2022, l’infirmation du jugement s’étant déclaré incompétent pour statuer sur les demandes formées à son encontre et a demandé à la cour de déclarer le tribunal incompétent pour statuer sur les demandes de la société CSNSP au profit des juges allemands ou des juges portugais, cette exception d’incompétence avait bien été soulevée, en première instance, avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir au sens de l’article 74 du code de procédure civile ; il ne peut donc être soutenu qu’elle serait désormais irrecevable devant la cour.

Le litige porté devant le tribunal de commerce de Montpellier oppose la société CSNSP 431, société de droit portugais, à la société GenSun, société par actions simplifiée ayant son siège à [Localité 6] ([Adresse 3]) en France, et à la société de droit allemand Avancis Gmbh.

Il résulte de l’article 8 du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 (concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale) qu’une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut aussi être attraite : 1) s’il y a plusieurs défendeurs, devant la juridiction du domicile de l’un d’eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu’il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d’éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément (‘).

C’est vainement que la société Avancis prétend que ce texte n’a pas vocation à s’appliquer dès lors que la mise en cause de la société GenSun par la société CSNSP apparaît purement fictive et dans le seul but d’éluder la compétence des tribunaux allemands dans le ressort duquel elle a son siège ou la juridiction du lieu où le fait dommageable s’est produit, en l’occurrence les juridictions portugaises, la centrale photovoltaïque étant située au Portugal et exploitée par une société portugaise.

En effet, la société CSNSP poursuit la résolution du contrat EPC la liant à la société GenSun, qui est son cocontractant direct, et sollicite la condamnation de celle-ci à lui payer la somme de 1 257 192 euros au titre de la restitution du prix de vente des panneaux photovoltaïques, peu important qu’elle ait sollicité parallèlement, dans le cadre de l’action directe exercée contre la société Avancis en sa qualité de vendeur originaire, la condamnation de celle-ci à lui régler la même somme ; comme le relève le premier juge, la demande formée à l’encontre de la société GenSun en restitution du prix des modules comme conséquence de la résolution du contrat EPC également sollicitée est de nature à garantir la société CSNSP du risque d’insolvabilité de la société Avancis, le montant important de la somme à restituer en cas de condamnation ne permettant pas de considérer la société GenSun comme un défendeur fictif ; l’existence d’une collusion entre les sociétés CSNSP et GenSun ne peut davantage être déduite du fait que dans le procès-verbal de réception du 1er mars 2016, la société GenSun s’est engagée à «  déployer ses meilleurs efforts pour aider CSNSP à faire aboutir la réclamation en cours auprès du fabricant de modules », alors que l’exploitant de la centrale s’était plaint d’un phénomène de délamination des modules et d’une perte de puissance ; de même, la rédaction maladroite de la demande de la société CSNSP tendant à la condamnation de la société GenSun à lui payer la somme de 1 257 192 euros qu’elle percevra de la part d’Avancis au titre de la restitution du prix de la totalité des panneaux photovoltaïques (sic), ne permet pas de déduire que la société GenSun n’est qu’un défendeur fictif ou complaisant, sachant que cette société a été condamnée, par le jugement dont appel, au paiement de ladite somme de 1 257 192 euros et que cette disposition du jugement n’est pas critiquée devant la cour.

C’est donc à juste titre que le tribunal s’est déclaré compétent pour connaître des demandes de la société CSNSP à l’encontre de la société Avancis.

3- la compétence des juridictions françaises pour connaître des demandes de la société GenSun à l’encontre de la société Avancis :

Le devis du 5 mars 2013 portant sur la vente par la société Avancis à la société GenSun des 18 380 modules de type « Powermax Smart » destinés à équiper la centrale de [Localité 4] au Portugal se réfère expressément aux conditions générales de vente annexées au devis, dont l’article 11.2 dispose que « tous les litiges découlant du contrat seront exclusivement soumis aux tribunaux civils ordinaires de Leipzig, en Allemagne » ; la société GenSun n’est pas fondée à contester l’application de cette clause attributive de juridiction, qu’elle a acceptée en signant le devis, au motif qu’il s’agit d’une clause standard, n’ayant pas fait l’objet de négociation et ne prenant pas en considération le fait que les modules vendus allaient être nécessairement cédés à sa cliente, la société CSNSP.

Il est constant que les demandes que forme la société GenSun à l’encontre de la société Avancis tendant à sa condamnation à lui payer la somme de 1 257 192 euros correspondant au prix d’achat des modules litigieux et au paiement de la somme de 82 101,42 euros qu’elle a versée à la société CSNSP au titre de la garantie de rendement prévue à l’article 12.2 du contrat EPC, sont connexes, conformément à l’article 8.1 du règlement (UE) du 12 décembre 2012, aux prétentions émises par la société CSNSP dans le cadre de l’action en résolution des contrats de vente successifs que celle-ci a engagé ; la société GenSun sollicite également que la société Avancis soit condamnée à la relever et garantir des condamnations susceptibles d’être mises à sa charge, formant ainsi une demande en garantie au sens de l’article 8.2 du règlement.

Pour autant, la compétence de la juridiction du domicile de l’un des défendeurs établis sur le territoire d’Etats membres distincts ne confère pas nécessairement à cette juridiction la connaissance de la demande incidente ou de la demande en garantie qu’un défendeur peut être amené à formuler contre un autre défendeur à l’instance quand bien même ces demandes seraient liées aux demandes principales ; tel est le cas en présence d’une convention attributive de juridiction conforme aux dispositions de l’article 25 du règlement (UE) du 12 décembre 2012, comme l’a justement retenu le premier juge pour considérer qu’en l’espèce, en vertu de la clause prévue à l’article 11.2 des conditions générales de vente de la société Avancis, il n’était pas compétent pour connaître des demandes formées à l’encontre de celle-ci par la société GenSun ; il convient d’ajouter que les dispositions de l’article 333 du code de procédure civile selon lesquelles le tiers mis en cause ne peut décliner la compétence territoriale de la juridiction saisie même en invoquant une clause attributive de compétence, ne sont pas applicables dans les relations entre membres de l’Union européenne soumis au règlement (UE) du 12 décembre 2012.

4- la recevabilité de l’action de la société CSNSP à l’encontre de la société Avancis :

Se prévalant de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (notamment l’arrêt Jakob Handte & Co. GmbH de la Cour de justice du 17 juin 1992, qui a dit pour droit que l’article 5, point 1, de la Convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale doit être interprété en ce sens qu’il ne s’applique pas à un litige opposant le sous-acquéreur d’une chose au fabricant, qui n’est pas le vendeur, en raison des défauts de la chose ou de l’impropriété de celle-ci à l’usage auquel elle est destinée) selon laquelle l’action du sous-acquéreur contre le vendeur initial relève de la matière délictuelle, la société CSNSP soutient qu’en l’occurrence, la détermination de la loi applicable à son action contre la société Avancis doit être réglée par référence au règlement (CE) n° 864/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (Rome II) ; après avoir relevé que les modules litigieux ont été commercialisés en France, elle en déduit que la loi française est applicable en vertu de l’article 5.1 a) dudit règlement selon lequel la loi applicable à une obligation non contractuelle découlant d’un dommage causé par un produit est la loi du pays dans lequel le produit a été acheté, si le produit a été commercialisé dans ce pays.

Ayant ainsi appliqué au règlement du conflit de loi la jurisprudence de la Cour de justice de l’union européenne relative à la compétence juridictionnelle, qualifiant l’action directe du sous-acquéreur d’action de nature délictuelle, elle prétend curieusement pouvoir exercer à l’encontre de la société Avancis, sur le fondement de la loi française, une action contractuelle reposant, à titre principal, sur l’obligation légale de délivrance conforme pesant sur le vendeur et, subsidiairement, sur la « garantie produits », garantie contractuelle insérée dans le contrat liant la société Avancis à la société GenSun, et ce au visa des articles 1134, 1603, 1604, 1610, 1147 et 1184 (anciens) du code civil.

Cependant, lorsque le sous-acquéreur prétend exercer une action directe contre le vendeur originaire, le régime juridique de cette action, qu’il s’agisse de sa recevabilité ou de son bien-fondé, est nécessairement déterminé par référence à la loi applicable au contrat initial conclu entre le vendeur originaire et le vendeur intermédiaire, le principe étant que dans une chaîne de contrats translatifs de propriété, le sous-acquéreur ne fait qu’exercer l’action dont dispose le vendeur intermédiaire à l’encontre de son propre cocontractant.

Or, en l’espèce, l’article 11.1 des conditions générales de vente de la société Avancis énonce que le contrat sera exclusivement régi par la loi allemande à l’exclusion de ses règles de conflit de lois et à l’exclusion de la Convention des Nations unies sur les traités pour la vente internationale de marchandises (sic), étant d’ailleurs rappelé qu’en vertu de l’article 3 du règlement (CEE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I), le contrat est régi par la loi choisie par les parties ; il est communiqué à cet égard une consultation (Legal opinion) du cabinet d’avocats Taylor Wessing, dont il résulte qu’en droit allemand, dans une chaîne de contrats, l’acheteur final ne peut revendiquer aucun droit contractuel à l’encontre du vendeur initial et que les droits contractuels, tels que la résiliation, ne peuvent être exercés que dans le cadre des relations contractuelles respectives, mais qu’il existe des exceptions à cette règle générale, comme la possibilité de transférer un contrat par un accord exprès des parties initiales à cet accord et de la nouvelle partie potentielle ou de transférer des droits uniques en vertu d’un contrat sans que le tiers ne soit tenu de signer ou de reprendre le contrat (sic).

La société CSNSP n’est donc pas recevable à agir directement à l’encontre de la société Avancis du moins en vue d’obtenir, sur le fondement de l’article 433 du code civil allemand (Bügerliches Gesetzbuch ‘ BGB), la résolution du contrat initial en raison des défauts matériels ou des défauts juridiques affectant les modules litigieux vendus à la société GenSun.

S’agissant, en revanche, de la mise en ‘uvre de la « garantie produits », il est spécifié, dans les conditions de cette garantie, à l’article 1, que pour toute vente effectuée directement par Avancis (‘) au client final d’origine qui a acheté le(s) module(s) PV (‘) Avancis garantit que ses modules(s) photovoltaïques(s) (‘), tels que décrits dans la notice d’information applicable aux produits, sont exempts de défauts matériels et de fabrication dans des conditions normales d’application, d’installation, d’utilisation et de services et que si le(s) module (s) PV n’est pas conforme à cette garantie, alors pendant une période de dix ans à compter de la date de la vente au client, Avancis devra, à sa seule discrétion, réparer ou remplacer ou rembourser le prix d’achat payé par le client, étant précisé que les anomalies uniquement visuelles telles qu’une décoloration, des tâches, des rayures ou une usure, qui ne nuisent pas au fonctionnement du module PV, ne doivent pas être considérées comme des défauts ; l’article 5 des même conditions prévoit que les droits découlant de ces garanties (« garantie produits » et « garantie de puissance nominale limitée ») sont cessibles au nouveau propriétaire de l’endroit où le(s) module (s) PV a (ont) été installé (s) pour la première fois, à condition que le ou les modules restent installés à cet endroit.

Selon ces dispositions, la « garantie produits » profite à l’acheteur direct des modules photovoltaïques, à savoir la société GenSun, mais aussi au nouveau propriétaire de l’endroit où les modules ont été installés par l’effet d’une cession des droits découlant de la garantie, cession qui s’opère de plein droit quand bien même le contrat originaire n’a pas été transféré au nouveau propriétaire des modules, en l’occurrence la société CSNSP ; celle-ci est donc recevable à agir à l’encontre de la société Avancis sur le fondement de la « garantie produits », garantie contractuelle lui profitant en tant que propriétaire des modules ; la société Avancis ne peut prétendre que cette garantie ne peut bénéficier à la société CSNSP au motif qu’en vertu de l’article 12.6 du contrat EPC, la société GenSun devait s’assurer que toutes les garanties constructeurs sont émises directement au bénéfice du client.

5- le fond du litige :

Dans ses rapports avec la société Neoen Service International, aux droits de laquelle se trouve aujourd’hui la société CSNSP, la société GenSun s’est engagée, à l’article 12 du contrat EPC, à fournir à son cocontractant une garantie contre les défauts de fabrication pour les onduleurs, les structures, les clôtures, les travaux de génie civil et les modules, une garantie du ratio de performance de l’usine égal à 82 % à compter de la réception définitive de l’installation ensuite réduit de 0,6 % par an et ouvrant droit, en cas de non-respect de ce ratio de performance, à une indemnisation du client et une garantie de puissance des modules, ne devant pas être inférieure à celle indiquée dans la fiche technique des modules avec une tolérance comprise entre 0 et + 5 watt-crête ; ces garanties ne sont pas opposables à la société Avancis laquelle n’a pris notamment aucun engagement vis-à-vis de la société GenSun, son cocontractant, relativement à la performance ou au rendement de l’installation photovoltaïque.

Le jugement entrepris n’est pas critiqué en ce qu’il a prononcé la résolution du contrat EPC conclu le 19 avril 2013 entre la société Neoen Service International, aux droits de laquelle vient la société CSNSP, et la société GenSun relativement aux panneaux photovoltaïques livrés sur le chantier de la centrale et condamné la société GenSun à verser à la société CSNSP la somme de 1 257 192 euros correspondant au prix d’achat des modules, l’exploitant de la centrale se plaignant d’un phénomène de délamination des modules apparu dès le mois d’octobre 2014 et de l’inadéquation des caractéristiques techniques de ces modules, plus particulièrement de la NOCT (Normal Operative Cell Temperature) s’étant avérée plus élevée que celle annoncée par le fabricant, à l’origine d’une sous-performance de la centrale.

La société CSNSP communique deux rapports du laboratoire Certisolis des 20 novembre 2015 et 10 mai 2016 selon lesquels la NOCT des modules examinés est supérieure à celle de 40° C indiquée sur la notice technique annexée aux conditions générales de vente de la société Avancis (50,7 °C et 56 °C) ; toutefois, ces rapports d’essais portent seulement sur deux modules Powermax Smart et deux modules Powermax Smart 3,5 et ne sauraient dès lors rendre compte d’un défaut de conformité généralisé des modules installés sur le chantier, au nombre de 18 360, sachant que les modules Powermax Smart 3,5, objet du second rapport d’essai, ne sont pas ceux ayant été livrés sur le chantier de la centrale de [Localité 4] ; en toute hypothèse, le prétendu défaut de conformité de la NOCT des modules par rapport à celle indiquée sur la notice technique du fabricant ne peut être regardé comme un défaut matériel et de fabrication au sens de la « garantie produits », alors que la société Avancis a consenti parallèlement une garantie de puissance nominale limitée (garantie du fabricant), consistant à garantir une puissance inférieure à 90 % de la puissance nominale minimale spécifiée dans la notice d’information, pendant 25 ans à compter de la date de la vente pour les modules Powermax Smart ; cette garantie de puissance nominale limitée n’est pas invoquée en l’espèce et rien d’ailleurs ne permet d’affirmer qu’elle serait mobilisable au regard de la fiche technique du produit mentionnant pour les modules Powermax Smart vendus une puissance nominale de 120 W.

L’appelante invoque également un phénomène de délamination des modules, consistant en un décollement des couches de dépôts chimiques situés à la surface des modules et prétend que ce phénomène évolutif altère nécessairement la performance électrique des modules ; elle se borne toutefois à produire aux débats un constat établi le 9 avril 2018 par un notaire (cartório notaria) de [Localité 4] relevant l’existence de tâches blanches qui se développent à partir des angles inférieurs et supérieurs des panneaux solaires (‘), un tel fléau pouvant être observé dans tout le parc (sic) ; il n’est pas établi en effet que le changement d’aspect des panneaux photovoltaïques affecte leur rendement, alors que la « garantie produits » est précisément exclue relativement à des anomalies visuelles telles qu’une décoloration, des tâches, des rayures ou une usure qui ne nuisent pas au fonctionnement des modules.

Il convient en conséquence de débouter la société CSNSP de ses demandes à l’encontre de la société Avancis en ce qu’elles sont fondées sur la « garantie produits », garantie contractuelle insérée dans le contrat liant celle-ci à la société GenSun, sans qu’il y ait lieu d’ordonner la mesure d’expertise sollicitée.

6- les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile :

Succombant pour l’essentiel sur son appel, la société CSNSP doit être condamnée aux dépens avec la société GenSun dont l’appel incident est rejeté ; il convient également de condamner ces deux sociétés à payer à la société Avancis la somme de 8000 euros en remboursement des frais non taxables que cette dernière a dû exposer, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Déclare irrecevables les conclusions de la société GenSun déposées le 6 février 2023,

Au fond, réforme le jugement du tribunal de commerce de Montpellier en date du 29 mars 2021, mais seulement en ce qu’il a jugé irrecevable l’action de la société CSNSP 431 à l’encontre de la société Avancis Gmbh et statuant à nouveau,

Déclare irrecevable l’action directe de la société de droit portugais CSNSP 431 à l’encontre de la société de droit allemand Avancis Gmbh sauf au titre de la mise en ‘uvre de la « garantie produits », garantie contractuelle insérée dans le contrat liant la société Avancis Gmbh à la société GenSun,

Déboute cependant la société CSNSP 431 de ses demandes à l’encontre de la société Avancis Gmbh en ce qu’elles sont fondées sur cette « garantie produits »,

Confirme le jugement entrepris dans le surplus de ses dispositions,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne les sociétés CSNSP 431 et GenSun aux dépens d’appel, ainsi qu’à payer à la société Avancis Gmbh la somme de 8000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

le greffier, le président,

 


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