Conditions Générales de Vente : 6 juin 2023 Cour d’appel de Dijon RG n° 21/00112

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Conditions Générales de Vente : 6 juin 2023 Cour d’appel de Dijon RG n° 21/00112

SD/IC

S.A.R.L. ROOFMART CENTRE EST

C/

ETUDES ET CONSTRUCTIONS BONNETAIN MARINGUE

SPA [I]

LA FERME D’AUBIGNY

Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le

COUR D’APPEL DE DIJON

1ère chambre civile

ARRÊT DU 06 JUIN 2023

N° RG 21/00112 – N° Portalis DBVF-V-B7F-FTVV

MINUTE N°

Décision déférée à la Cour : jugement du 12 janvier 2021,

rendu par le tribunal judiciaire de Chalon sur Saône – RG : 16/00428

APPELANTE :

S.A.R.L. ROOFMART CENTRE EST agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice domicilié es-qualité au siège social :

[Adresse 9]

[Localité 5]

Autre qualité : Intimé dans 21/00329 (Fond)

assistée de Me Thomas DUBREIL, avocat au barreau de ROUEN, plaidant, et représentée par Me Clémence TEILLAUD, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 91

INTIMÉES :

S.A.S. ETUDES ET CONSTRUCTIONS BONNETAIN MARINGUE (E.C.B.M.) représentée par ses dirigeants légaux domiciliés es qualités au siège:

[Adresse 8]

[Localité 4]

assistée de Me Alban POUSSET-BOUGERE, membre de la SELARL CORNET VINCENT SEGUREL, avocat au barreau de LYON, plaidant, et représentée par Me Claire GERBAY, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 126, postulant

SPA [I] prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualiés au siège :

[Adresse 10]

[Localité 3] – ITALIE

assistée de Me N. BOUHET, avocat au barreau de BORDEAUX, plaidant, et représentée par Me Jean-Vianney GUIGUE, membre de la SELAS ADIDA ET ASSOCIES, avocat au barreau de CHALON SUR SAONE, postulant, vestiaire : 38

E.A.R.L. LA FERME D’AUBIGNY prise en la personne de son représentant légal domicilié es-qualité au siège :

[Adresse 2]

[Localité 1]

assistée de Me Anne-RICHEZ-PONS, avocat au barreau de CHALONS EN CHAMPAGNE, plaidant, et représentée par Me Cécile RENEVEY – LAISSUS, membre de la SELARL ANDRE RENEVEY, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 2, postulant

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 28 mars 2023 en audience publique devant la cour composée de :

Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre,

Sophie DUMURGIER, Conseiller, qui a fait le rapport sur désigant du Président,

Leslie CHARBONNIER, Conseiller,

qui en ont délibéré.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT, Greffier

DÉBATS : l’affaire a été mise en délibéré au 30 Mai 2023 pour être prorogée au 06 Juin 2023,

ARRÊT : rendu contradictoirement,

PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, et par Sylvie RANGEARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*****

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Dans le cadre de la construction d’une ferme écologique à [Localité 6], comprise dans un projet de réhabilitation d’un site historique comprenant la création d’un hôtel quatre étoiles et d’un restaurant gastronomique, l’EARL la Ferme d’Aubigny a confié à la société Etudes et Constructions Bonnetain-Maringue (ci-après ECBM) les lots charpente (n°2), couverture (n°3), bardage (n°4) et serrurerie (n°8) pour un prix total de 593 636 euros HT.

La société Architecte studio a assuré la maîtrise d’oeuvre de l’opération.

Les travaux ont débuté le 30 juillet 2011 et, à compter du mois de novembre 2011, la société ECBM a déploré des impayés sur ses factures.

Les travaux relatifs aux lots bardage et couverture ont fait l’objet d’un procès-verbal des opérations préalables à la réception le 3 novembre 2011 avec réserves.

Par courrier du 16 mars 2012, la société Architecte studio a justifié l’absence de règlement des factures par la retenue de garantie, en raison de la présence de traces blanches sur l’ensembIe de la toiture, à laquelle s’est opposée la société ECBM qui a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Chalon sur Saône d’une demande de provision à hauteur des impayés.

Par ordonnance du 12 mars 2013, confirmée par un arrêt de la présente cour du 4 février 2014, le juge des référés a rejeté la demande de provision de la société ECBM et a ordonné une expertise confiée à M. [P].

Par ordonnances des 1er octobre 2013 et 15 avril 2014, les opérations d’expertise ont été rendues communes et opposables à la société [V], en sa qualité de vendeur des plaques fibrociment installées en toiture, et à la société [I], fabricant desdites plaques.

L’expert judiciaire a déposé son rapport le 12 novembre 2014.

Par acte du 12 février 2016, la société ECBM a assigné l’EARL la Ferme d’Aubigny devant le tribunal de grande instance de Chalon sur Saône aux fins de condamnation au paiement d’une somme de 78 237,74 euros TTC, outre intérêts, au titre de ses factures impayées, et d’une indemnité de procédure de 3 000 euros.

Elle demandait également au tribunal d’ordonner à la défenderesse de donner son accord pour libérer la caution de la Compagnie européenne de garantie et de cautions, d’un montant de 41 848, 86 euros, sous astreinte de 500 euros par jour à compter de la décision à intervenir, le tout sous le bénéfice de l’exécution provisoire.

Par acte du 2 novembre 2016, la société ECBM a fait assigner la société Roofmart Centre Est devant le tribunal de grande instance de Chalon sur Saône afin de la voir condamner à la garantir des condamnations qui pourraient être mises à sa charge à la demande de l’EARL la Ferme d’Aubigny, au titre de la reprise des peintures des plaques de couverture ou de tout autre préjudice.

Par acte du 10 novembre 2016, la société Roofmart Centre Est a fait assigner en intervention forcée la société [I] devant le tribunal de grande instance de Chalon sur Saône afin de la voir condamner à la garantir de toutes éventuelles condamnations mises à sa charge à la demande de l’EARL la Ferme d’Aubigny, de la société ECBM ou de toute autre partie à l’instance.

Ces appels en garantie ont été joints à la procédure principale par ordonnances du juge de la mise en état des 6 décembre 2016 et 9 janvier 2017.

Entre temps, le juge de la mise en état a, par ordonnance du 28 novembre 2016, à la demande de la société ECBM, ordonné à l’EARL la Ferme d’Aubigny qu’elle fournisse la garantie de paiement prévue par l’article 1799-1 du code civil pour un montant de 90 659,36 euros dans les 15 jours de la signification de l’ordonnance sous peine d’une astreinte de 300 euros par jour de retard.

L’EARL la Ferme d’Aubigny a demandé au tribunal de déclarer la société ECBM responsable de tous les désordres constatés par l’expert et de la condamner à lui payer une somme de 292 623,68 euros au titre des travaux de reprise et de la gêne occasionnée par ceux-ci ainsi qu’une indemnité de procédure de 7 000 euros.

La société [V] a conclu au rejet des demandes formées par la société ECBM, considérant, d’une part, que le désordre invoqué ne constitue pas un vice caché, et, d’autre part, qu’il ne constitue pas davantage un défaut de conformité qui s’apprécie au jour de la vente.

Subsidiairement, elle a sollicité la garantie du fabricant des plaques, [I].

La société [I] a conclu à la forclusion de l’action de la société ECBM, au visa de l’article L 110-4 du code de commerce, et au rejet de l’appel en garantie de la société [V], sans objet.

Subsidiairement, elle a conclu à la limitation de sa garantie à 10 %, au visa de l’article 40 de la convention de Vienne et de l’article 1646 du code civil, et, à titre infiniment subsidiaire, elle a demandé qu’un nouveau chiffrage des travaux de reprise soit ordonné au contradictoire de l’ensemble des parties.

Le paiement par l’EARL la Ferme d’Aubigny des factures établies par la société ECBM est intervenu en cours de procédure.

Par jugement rendu le 12 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Chalon sur Saône a :

– condamné la société Etude et Constructions Bonnetain Maringue (ECBM) à payer à l’EARL la Ferme d’Aubigny la somme de 277 623,68 euros TTC au titre des travaux réparatoires,

– débouté l’EARL la Ferme d’Aubigny de sa demande au titre de la gène occasionnée,

– déclaré recevable l’action de la société ECBM à l’encontre de la société [V],

– condamné in solidum la société Roofmart Centre Est et la société [I] à relever et garantir la société Etude et Constructions Bonnetain Maringue (ECBM) de l’intégraIité des condamnations mises à sa charge (y compris les dépens et l’article 700),

– condamné la société [I] à relever et garantir la société Roofmart Centre Est de l’intégralité des condamnations mises à sa charge, y compris les dépens et l’article 700,

– rejeté la demande de partage de responsabilité formée par la société [I],

– condamné la société Etude et Constructions Bonnetain Maringue (ECBM) à payer à l’EARL la Ferme d’Aubigny la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné in solidum la société Roofmart Centre Est et la société [I] à payer à la société Etude et Constructions Bonnetain Maringue (ECBM) la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société [I] à payer à la société Roofmart Centre Est la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné in solidum la société Etude et Constructions Bonnetain Maringue (ECBM), la société Roofmart Centre Est et la société [I] aux entiers dépens comprenant les frais d’expertise, dont distraction au profit de Me Anne Richez-Pons dans les termes de l’article 699 du code de procédure civile,

– ordonné l’exécution provisoire du jugement.

La SARL Roofmart Centre Est a relevé appel de cette décision par déclaration reçue au greffe le 28 janvier 2021, limité aux chefs de jugement ayant condamné la société Etude et Constructions Bonnetain Maringue (ECBM) à payer à l’EARL la Ferme d’Aubigny la somme de 277 623,68 euros TTC au titre des travaux réparatoires, ayant déclaré recevable l’action de la société ECBM à son encontre, l’ayant condamnée in solidum avec la société [I] à relever et garantir la société Etude et Constructions Bonnetain Maringue (ECBM) de l’intégraIité des condamnations mises à sa charge et à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et l’ayant condamnée in solidum avec la société Etude et Constructions Bonnetain Maringue (ECBM) et la société [I] aux entiers dépens.

La société SPA [I] a relevé appel de cette décision par déclaration reçue au greffe le 12 mars 2021, limité aux chefs de jugement l’ayant condamnée in solidum avec la société Roofmart Centre Est à relever et garantir la société Etude et Constructions Bonnetain Maringue (ECBM) de l’intégraIité des condamnations mises à sa charge, l’ayant condamnée à relever et garantir la société Roofmart Centre Est de l’intégralité des condamnations mises à sa charge, ayant rejeté ses demandes tant principales que subsidiaires, l’ayant condamnée in solidum avec la société Roofmart Centre Est à payer à la société Etude et Constructions Bonnetain Maringue (ECBM) la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, l’ayant condamnée à payer à la société Roofmart Centre Est la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et l’ayant condamnée in solidum avec la société Etude et Constructions Bonnetain Maringue (ECBM) et la société Roofmart Centre Est aux entiers dépens

Les deux procédures d’appel ont été jointes par ordonnance du magistrat chargé de la mise en état du 1er juin 2021.

Au terme de conclusions récapitulatives notifiées le 22 juin 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens au soutien de ses prétentions, la société Roofmart Centre Est demande à la cour de :

Vu les articles 1134, 1147, 1149, 1604 et suivants, 1641 et suivants du code civil,

– la recevoir en son appel et l’en déclarer bien fondée,

– infirmer en conséquence le jugement du tribunal judiciaire de Chalon sur Saône du 12 janvier 2021 (RG 16/00428) en ce qu’il :

‘ a condamné la société Etude et Constructions Bonnetain Maringue (ECBM) à payer à l’EARL la Ferme d’Aubigny la somme de 277 623,68 euros TTC au titre des travaux réparatoires,

‘ a déclaré recevable l’action de la société ECBM à son encontre,

‘ l’a condamnée in solidum avec la société [I] à relever et garantir la société Etude et Constructions Bonnetain Maringue (ECBM) de l’intégraIité des condamnations mises à sa charge, y compris les dépens et l’article 700,

‘ a condamné la société Etude et Constructions Bonnetain Maringue (ECBM) à payer à l’EARL la Ferme d’Aubigny la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ l’a condamnée in solidum avec la société [I] à payer à la société Etude et Constructions Bonnetain Maringue (ECBM) la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ l’a condamnée in solidum avec la société Etude et Constructions Bonnetain Maringue (ECBM) et la société [I] aux entiers dépens,

Le confirmant pour le surplus et statuant de nouveau :

– débouter la société ECBM de son appel incident tendant à obtenir sa condamnation au titre de la garantie des vices cachés,

– débouter en tout état de cause la société ECBM de ses demandes principales et subsidiaires en ce qu’elles sont dirigées à son encontre,

A titre subsidiaire,

– réduire à la somme de 70 504,40 euros les prétentions indemnitaires de l’EARL la Ferme d’Aubigny,

– débouter la société [I] de son appel incident tendant à la réformation du jugement en ce qu’il a :

‘ condamné la société [I] à la relever et garantir de l’intégralité des condamnations mises à sa charge y compris les dépens et l’article 700,

‘ rejeté la demande de partage de responsabilité formée par la société [I],

‘ condamné la société [I] à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

En tout état de cause,

– condamner la Ferme d’Aubigny, ECBM et [I] à lui payer la somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la ou les mêmes aux entiers dépens de 1ère instance et d’appel.

Au terme de conclusions n°4 responsives notifiées le 24 mai 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens au soutien de ses prétentions, la société SPA [I] demande à la cour de :

– juger fondé l’appel principal et l’appel incident qu’elle a relevé et dans les limites de celui-ci y faisant droit,

– réformer le jugement rendu le 12 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Chalon sur Saône,

En préalable,

– dire et juger que l’action de la société ECBM quant aux vices apparents/cachés, non conformités ou obligations de délivrance liés à la couleur des matériaux élaborés par ses soins est prescrite ou forclose au visa de l’article L 110-4 du code de commerce, toute action contre le négociant étant éteinte dans les 5 années qui ont suivi la livraison des matériaux, et alors qu’aucune interruption ou suspension de prescription à l’initiative de la société ECBM n’est intervenue dans les 5 ans de la livraison desdits matériaux,

– dire et juger qu’il en est de même au visa de l’article 1641/1648 du code civil, le délai d’action en garantie des vices cachés étant un délai de forclusion insusceptible de suspension,

En conséquence de quoi,

– dire et juger l’appel en garantie de la société ECBM à l’égard de la société [V] sans objet et, partant, l’action récursoire de ce négociant également sans objet à son égard, laquelle n’a pas pu transférer la garantie commerciale à la société ECBM de par l’effet relatif de la garantie tel que prévu par le contrat et par l’article 1999 du code civil,

– débouter Roofmart Centre Est de ses demandes à son encontre,

– condamner telle partie qui succombera aux entiers dépens outre une somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Très subsidiairement, au-delà de la garantie légale, par application des articles 1102, 1103, 1104, 1112-1 du code civil et de ses conditions contractuelles relativement à la garantie commerciale de ses matériaux,

– constater que le sous acquéreur actuellement propriétaire des matériaux, l’EARL Ferme d’Aubigny, ne revendique pas le bénéfice de cette garantie,

En tout état de cause pour le cas où l’EARL Ferme d’Aubigny revendiquerait sa garantie commerciale,

– limiter sa garantie à la reprise prévue aux conditions de vente soit par l’intervention d’une entreprise expressément mandatée et agréée par elle, hors poste peinture qu’elle fournira pour le maintien de sa garantie,

– dire et juger en ce cas que sur la base du devis [L], il y a lieu à partage de responsabilités entre la société ECBM, le cabinet d’architecte, la société [V] pour 90 % et à 10 % pour elle quant au chiffrage des reprises en peinture, les co-assignés ayant eu leur part de responsabilité dans la disparité de la couleur des matériaux vilipendée en :

‘ ne procédant pas à une commande unique et en stockant lesdits matériaux dans des conditions totalement inconnues sur le chantier avant de les poser, 4 à 9 mois après leur livraison,

‘ n’informant pas le fabricant de la nécessité impérieuse d’avoir une couleur homogène sur l’ensemble des livraisons, ce qu’elle ignorait, sa ‘garantie contractuelle, les conditions de stockage et de pose ne permettent pas de respecter pareille exigence en situation de commandes étalées dans le temps’,

‘ ne rapportant pas la preuve que les matériaux ont été stockés selon les préconisations du fabricant ce qui a vraisemblablement suscité une dégradation de la peinture, aggravant encore la disparité des couleurs,

– dire et juger que le partage de responsabilités est identique dans les cas d’application des articles 1103, 1104 (ex 1134), 1231-1 (ex 1147 du code civil), 1231-2 (ex 1149), 1604, 1641 et suivants du code civil visés par les sociétés ECBM et [V],

– dire et juger en tout état de cause que sa garantie ne peut porter que sur la peinture des plaques à l’exclusion des désordres affectant les bardages, gouttières et peinture antirouille, fixations et autres lesquels relèvent de la seule responsabilité de la société ECBM,

– dire et juger que la condamnation quelle qu’elle soit, doit être stipulée HT, la société ECBM récupérant la TVA sur sa propre condamnation,

– débouter la SARL Roofmart Centre Est, ECMB et la Ferme d’Aubigny de toutes demandes contraires,

– dans son subsidiaire, dire et juger n’y avoir lieu à la condamner à quelque dépens que ce soit ni même à de quelconques frais irrépétibles, ayant toujours offert, à titre commercial, de reprendre à son compte les peintures vilipendées.

Au terme de conclusions récapitulatives notifiées le 18 mai 2022, la SAS ECBM demande à la cour de :

– la déclarer recevable et fondée en son appel incident et la Ferme d'[Localité 7], [V] et [I] irrecevables et mal fondées,

– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté la Ferme d’Aubigny de sa demande au titre de la gêne occasionnée,

– infirmer le jugement du tribunal de Chalon sur Saône en ce qu’il l’a condamnée à payer à l’EARL la Ferme d’Aubigny la somme de 277 623,68 euros au titre des travaux réparatoires, celle de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et l’a condamnée in solidum avec la société Roofmart Centre Est et la société [I] aux dépens en ce inclus les frais d’expertise,

Et statuant à nouveau,

– débouter l’EARL la Ferme d’Aubigny, [V] et [I] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où sa condamnation serait confirmée,

– confirmer le jugement en ce qu’il a déclaré recevable son action contre [V] et [I],

– réformer le jugement en ce qu’il a rejeté sa demande sur le fondement de la garantie des vices cachés,

Et statuant à nouveau,

– juger que les désordres relatifs à la couverture caractérisent un vice caché,

– à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où le vice caché ne serait pas retenu, juger que les désordres relatifs à la couverture caractérisent un défaut de conformité,

En conséquence,

– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné les sociétés Roofmart Centre Est et [I] à la relever et garantir de l’intégralité des condamnations mises à sa charge, y compris l’article 700,

– confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de partage de responsabilité formée par la société [I],

Concernant le quantum de sa condamnation,

– réformer le jugement en ce qu’il a évalué le coût de la remise en état des désordres de la société EARL la Ferme d’Aubigny à la somme de 277 623, 38 euros,

Et, statuant à nouveau,

– réduire le montant du coût de la remise en état des désordres tel que retenu par le tribunal de Chalon-Sur-Saône à la somme de 77 504,40 euros conformément au devis produit par la société [I],

Concernant les frais irrépétibles,

– réformer le jugement en ce qu’il l’a condamnée à payer à l’EARL la Ferme d’Aubigny une somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– réformer le jugement en ce qu’il a condamné in solidum la société ECBM, la société Roofmart Centre Est et la société [I] aux entiers dépens comprenant les frais d’expertise,

Et, statuant à nouveau,

– rejeter toute demande dirigée contre elle au titre des frais irrépétibles,

– condamner in solidum la société Roofmart Centre Est et la société [I] aux entiers dépens comprenant les frais d’expertise,

En tout état de cause,

– débouter les sociétés EARL la Ferme d’Aubigny, Roofmart Centre Est et la société [I] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

En conséquence,

– condamner Roofmart Centre Est et [I] à lui payer la somme de 12 000 euros de frais irrépétibles au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Au terme de conclusions n°2 notifiées le 8 octobre 2021, auxquelles il est référé pour l’exposé des moyens au soutien de ses prétentions, l’EARL la Ferme d’Aubigny demande à la cour de :

Vu le rapport d’expertise judiciaire de M. [P] du 12 novembre 2014,

Vu l’article 1147 du code civil,

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 12 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Chalon-sur-Saône,

Et notamment en ce qu’il a :

– condamné la SAS Etudes et Constructions Bonnetain Maringue (ECBM) à lui payer la somme de 277 623, 68 € TTC,

– condamné la SAS Etudes et Constructions Bonnetain Maringue (ECBM) à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné in solidum la société Etudes et Constructions Bonnetain Maringue (ECBM), la société Roofmart Centre Est et la société [I] aux entiers dépens de première instance comprenant les frais d’expertise dont distraction au profit de Me Anne Richez-Pons dans les termes de l’article 699 du code de procédure civile,

Y ajoutant,

– condamner in solidum la société Etudes et Constructions Bonnetain Maringue (ECBM), la société Roofmart Centre Est et la société [I] à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 pour ses frais irrépétibles d’appel,

– condamner in solidum la société Etudes et Constructions Bonnetain Maringue (ECBM), la société Roofmart Centre Est et la société [I] aux dépens d’appel,

– débouter la société Etudes et Constructions Bonnetain Maringue (ECBM), la société Roofmart Centre Est et la société [I] de toutes leurs demandes, fins et conclusions contraires.

La clôture de la procédure a été prononcée le 11 juillet 2022.

SUR CE

Sur la responsabilité contractuelle de la société ECBM

Les travaux relatifs aux lots bardage et couverture n’ont pas été réceptionnés : ils ont seulement donné lieu, le 3 novembre 2011, à un procès-verbal des opérations préalables à la réception, avec des ‘réserves’ qui n’ont en outre pas été levées.

Le tribunal a retenu, d’une part, que le rapport d’expertise démontre que la société ECBM a commis une faute dans la réalisation des travaux de bardage de nature à engager sa responsabilié contractuelle, et, d’autre part, après avoir relevé que l’expert a constaté des tâches blanchâtres sur environ 40 % des plaques de fibrociment, que ce désordre, bien qu’esthétique, engage la responsabilité du couvreur, tenu d’une obligation de délivrer un ouvrage exempt de vice, peu important que l’origine du désordre puisse résider dans la fabrication des plaques.

La société ECBM, constructeur, conteste avoir engagé sa responsabilité en faisant valoir qu’il n’existe pas de lien de causalité entre le désordre constaté par l’expert et la prestation qu’elle a réalisée, considérant que, si elle est tenue d’une obligation de résultat, sa responsabilité ne peut pas être retenue si le désordre n’est pas imputable aux travaux qu’elle a réalisés, ce qui est le cas en l’espèce puisqu’il ressort de l’expertise que le blanchissement des plaques est imputable à un défaut de fabrication de celles-ci.

L’EARL la Ferme d’Aubigny conclut à la confirmation du jugement, considérant que la preuve de la faute du constructeur est établie dès lors que les travaux réalisés au titre du lot bardage ne sont pas conformes aux règles de l’art.

Elle soutient, en ce qui concerne les plaques de couverture, que l’existence du désordre affectant les plaques n’a jamais été contestée par les parties et, qu’au regard des exigences très précises qu’elle avait formulées pour ces matériaux, qui devaient être de teinte gris ombre, la société ECBM, qui ne conteste pas que la couleur des plaques constituait une caractéristique entrée dans le champ contractuel, a manqué à son obligation de résultat.

Il ressort du rapport d’expertise que le bardage bois extérieur ne comporte pas de pièce d’angle ni de goutte d’eau en pied et que les trames de fixation sont variables de 0,63 m à 1,65 m, ce qui n’est pas conforme aux règles de l’art, le DTU 41.2 imposant que les lames se recouvrent en tenant compte du sens de la pluie, qu’elles comportent une goutte d’eau en partie basse et que les trames de fixation ne soient pas supérieures à 0,65 m.

Le tribunal a donc pu retenir à bon droit qu’en réalisant des travaux non conformes aux règles de l’art, la société ECBM a engagé sa responsabilité contractuelle.

S’agissant de la réalisation de la couverture, l’expert a constaté la présence de taches blanchâtres sur 40 % des plaques de fibrociment et il a conclu que ces taches n’étaient pas imputables à un problème de mise en oeuvre des plaques mais à une mauvaise mise en oeuvre de la peinture les recouvrant et à une mauvaise qualité de cette peinture, en qualifiant le désordre d’esthétique et de non conformité aux exigences contractuelles du maître de l’ouvrage.

Tenu d’édifier un ouvrage exempt de vice, l’entrepreneur est débiteur, envers le maître de l’ouvrage, d’une obligation de résultat.

La responsabilité contractuelle n’est donc pas subordonnée à la preuve d’une faute de l’entrepreneur, mais à la démonstration que le résultat promis par le constructeur n’est pas conforme à la prestation qu’il s’est engagé à accomplir, ce dernier ne pouvant s’exonérer de sa responsabilité en invoquant un vice des matériaux mis en oeuvre.

En l’espèce, la société ECBM, chargée du lot n° 3 couverture, s’est engagée à réaliser les travaux de couverture en plaques de fibrociment renforcée sans amiante, de teinte gris ombre, aux termes du devis établi le 4 juin 2010, accepté par le maître de l’ouvrage.

Contrairement à ce que soutient l’appelante, le désordre constaté par l’expert est bien imputable aux travaux qu’elle a réalisés, dont le résultat n’est pas conforme aux objectifs contractuellement définis.

C’est donc à bon droit que le premier juge a considéré que la responsabilité contractuelle de la société ECBM était engagée.

Pour évaluer le coût des travaux de reprise à la charge du constructeur, le tribunal a relevé que le coût des travaux de reprise du bardage, évalué à 20 455 euros HT par l’expert, n’était pas contesté.

S’agissant des travaux de reprise de peinture des plaques, chiffrés à 210 898,07 euros HT par M. [P], sur la base du devis de la société NTT Toiture, le premier juge a considéré qu’il n’était pas établi que les travaux préconisés n’étaient pas adaptés et que le devis de

la société [L] avait été écarté à juste titre par l’expert, en écartant le nouveau devis établi par cette société produit en cours de procédure, au motif qu’il n’avait pas été soumis à l’appréciation de l’expert.

La société ECBM conteste le coût des travaux de remise en état mis à sa charge, considérant que le maître de l’ouvrage ne subit aucun préjudice et que la reprise de peinture, évaluée à 210 898 euros, est disproportionnée.

Elle fait valoir que le maître de l’ouvrage ne justifie pas avoir procédé à la reprise des peintures et rappelle que le lot couverture lui a été confié pour un montant total de 127 265 euros HT, incluant la livraison des plaques et leur installation.

Elle en déduit que le coût de la remise en peinture est deux fois plus cher qu’une couverture neuve et invoque le devis établi par la société [L], pour un montant de 77 504,40 euros.

Le vendeur des plaques de fibrociment et leur fabricant font leur les contestations du constructeur.

Pour évaluer à 210 898,07 euros TTC le coût de la reprise des peintures, l’expert s’est fondé sur le devis de la société NTT Toiture établi le 5 novembre 2014 qui porte sur :

– l’installation d’une tour d’escalier, d’un échafaudage tubulaire fixe et l’équipement de sécurité du personnel, pour une superficie de 5 160 m² : 81 525,24 euros,

– le nettoyage de la toiture par un décapage à haute pression avec buse à jet rotatif pour enlever mousses, lichens et toutes les végétations bactériennes sur l’ensemble de la surface de 5 160 m², avec filtration des eaux de rejet et traitement anti mousse curatif et préventif : 43 240,80 euros,

– la mise en peinture avec pochonnage des fixations au noxyde, application de noxyde 200 grs/m² en primaire d’accrochage sur Natura au pistolet airless, sur l’ensemble de la surface de 5 160 m², et application de Dakfill 400 grs/m² en finition sur Natura, au pistolet airless sur l’ensemble de la surface : 86 132,03 euros.

Le devis dont se prévalent les appelantes et la société ECBM, établi le 14 mars 2016 par la société [L], prévoit les prestations suivantes :

– sécurité : pose d’un filet sous toiture, d’une superficie de 4 137 m², d’une nacelle ciseau qui longera le bord des toitures et d’un stop chute pour l’intervenant se trouvant sur le toit, avec équipement de sécurité : 26 107,60 euros,

– nettoyage des toitures : décapage, démoussage au laveur haute pression 180 à 210 bars avec buses à jet rotatif pour enlever mousses, lichens et salissures, rinçage de l’ensemble des surfaces, filtration des eaux de rejet avec système Daklin et traitement antimousse préventif, sur l’ensemble de la surface de 5 160 m² : 21 775,20 euros,

– mise en peinture de l’ensemble des toitures en fibrociment : fourniture et mise en oeuvre d’une peinture spéciale micro ciment micro poreuse et traitée contre les UV en deux couches croisées recommandée par le fabricant [I] : 29 721,60 euros,

Soit un total HT de 77 604,40 euros, 93 125,28 TTC.

Si les différents postes de ce devis correspondent à ceux prévus par le devis retenu par l’expert, force est de constater que les mesures de sécurité ont été minimisées, aucun échafaudage n’étant prévu pour la réalisation des travaux et le filet sous toiture ne couvrant pas l’ensemble de la surface à traiter.

Le traitement anti mousse prévu n’est pas aussi complet que dans le premier devis : son prix unitaire n’est que de 0,92 euros le m² contre 2,72 euros le m², en l’absence de traitement curatif.

Enfin, aucun pochonnage des fixations n’est prévu pour la mise en peinture des plaques, et le coût de la peinture au mètre carré ne semble pas réaliste, 5,76 euros le m² contre 14,04 euros dans le devis de la société NTT, étant observé qu’aucune précision sur le grammage et la qualité de la peinture n’est donnée par la société [L], qui, lors d’un premier devis établi le 29 octobre 2014, avait chiffré à 4 464 euros le coût de la rénovation de la toiture, sur une surface de 1 200 m², sans fourniture de la peinture.

Au vu des disparités ainsi relevées, l’évaluation faite par l’expert n’est pas valablement remise en cause et le jugement mérite confirmation en ce qu’il a condamné la société ECBM à payer à l’EARL la Ferme d’Aubigny la somme de (20 455 euros HT + 210 898,07 euros HT) = 231 253,07 euro HT, au titre des travaux de reprise du bardage et de la couverture, soit une somme de 277 623,68 euros TTC.

Sur l’appel en garantie formé contre le vendeur et le fabricant des plaques de fibrociment

Sur l’appel en garantie fondé sur la garantie des vices cachés

La société Roofmart Centre Est conclut à l’infirmation du jugement qui a écarté la forclusion de l’action en garantie des vices cachés formée par la société ECBM, en faisant valoir qu’il est désormais de jurisprudence constante que cette action est enfermée dans un double délai, le délai biennal de l’article 1648 du code civil et le délai quinquennal de l’article L 110-4 du code de commerce, qui commence à courir à compter de la vente initiale.

Elle relève, qu’en l’espèce, le vice a été découvert dès la réception intervenue le 5 octobre 2011, qui faisait état de réserves sur le blanchiment des plaques, que la société ECBM l’a attraite aux opérations d’expertise le 30 juillet 2013, ce qui a interrompu les délais de prescription biennal et quinquennal, de sorte que le délai biennal, qui est un délai de forclusion insusceptible de suspension, était expiré lorsque la société ECBM l’a assignée en garantie le 2 novembre 2016.

La société [I] conclut également à la forclusion de l’action de la société ECBM et prétend qu’en application des dispositions de l’article L 110-4 du code de commerce, l’action en garantie des vices cachés devait être introduite dans les cinq ans de la livraison des plaques, soit avant le 10 mars 2016.

La société ECBM conteste la forclusion que lui oppose le vendeur en faisant valoir que la Cour de cassation juge désormais que le délai biennal de l’article 1648 du code civil est un délai de prescription qui peut faire l’objet d’une suspension lorsque le juge fait droit à une mesure d’instruction présentée avant tout procès.

Elle ajoute, que même à considérer qu’il s’agit d’un délai de forclusion, le délai ne court qu’à compter de la découverte du vice qui est la date à laquelle elle a eu connaissance de la nature exacte du vice et de son degré de gravité, c’est à dire la date du rapport d’expertise.

Elle en déduit que l’assignation en référé délivrée au vendeur le 30 juillet 2013 a interrompu le délai de prescription qui a ensuite été suspendu en application de l’article 2239 du code civil jusqu’au dépôt du rapport d’expertise le 12 novembre 2014, de sorte que son action en garantie des vices cachés n’était pas prescrite le 2 novembre 2016.

Elle ajoute que, si la cour considère que le délai biennal est un délai de forclusion, ce délai n’a commencé à courir qu’à compter du rapport d’expertise et qu’il n’était donc pas expiré à la date de son appel en garantie dirigé contre le vendeur.

Enfin, elle se prévaut de la jurisprudence de la Cour de cassation, applicable en matière d’action récursoire, selon laquelle le bref délai de l’article 1648 du code civil ne court qu’à compter de l’assignation de l’entrepreneur par le maître de l’ouvrage, et fait valoir, qu’en l’espèce, ce n’est que par conclusions du 22 juin 2016 que l’EARL la Ferme d’Aubigny a demandé qu’elle soit déclarée contractuellement responsable de tous les désordres décrits par l’expert.

En matière d’action récursoire en garantie des vices cachés, le point de départ du délai de deux ans de l’article 1648 alinéa 1er du code civil n’est pas la découverte du vice par le constructeur mais l’action exercée contre lui par le maître de l’ouvrage, c’est à dire en l’espèce le 22 juin 2016, date des conclusions notifiées par l’EARL la Ferme d’Aubigny aux fins de voir déclarer la société ECBM responsable des désordres constatés par l’expert.

S’agissant d’une vente conclue postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 réformant la prescription, l’action récursoire en garantie des vices cachés doit s’exercer dans le délai biennal de deux ans à compter de l’action exercée par le maître de l’ouvrage, dans la limite de vingt ans à compter de la vente en application de l’article 2232 du code civil, laquelle est intervenue en l’espèce entre le 9 novembre 2010 et le 10 mars 2011.

C’est donc à bon droit que le tribunal a retenu, qu’en agissant en garantie des vices cachés contre la société Roofmart Centre Est et la société [I] les 2 et 10 novembre 2016, la société ECBM n’était pas forclose.

La société ECBM, appelante incidente, conclut à l’infirmation du jugement qui l’a déboutée de sa demande fondée sur la garantie des vices cachés, en faisant valoir que le désordre affectant la couverture qu’elle a réalisée provient d’un défaut inhérent aux produits vendus par la société Roofmart Centre Est.

Elle affirme que le caractère esthétique des désordres constatés n’est pas exclusif de la qualification de vice caché, en précisant, qu’en l’espèce, le désordre esthétique résultant du blanchissement des tuiles est important et anormal.

Ainsi que l’objectent à bon droit les sociétés appelantes et que l’a exactement retenu le premier juge, le phénomène de blanchissement des plaques constaté par l’expert ne rend pas ces dernières impropres à leur usage au sens de l’article 1641 du code civil, et ne peut donc pas être qualifié de vice caché.

Sur l’appel en garantie fondé sur le défaut de conformité

A titre subsidiaire, la société ECBM conclut à la confirmation du jugement qui a fait droit à son appel en garantie fondé sur le défaut de conformité du bien vendu, lequel ne s’apprécie pas exclusivement au regard de sa destination mais également de l’ensemble des caractéristiques spécifiées par la convention des parties, et fait valoir, qu’en l’espèce, la couleur était une caractéristique spécifiée par le contrat puisque le bon de commande mentionnait une teinte gris ombre.

Elle ajoute que le défaut de conformité ne s’apprécie pas exclusivement au jour de la vente.

La société Roofmart Centre Est objecte que l’action récursoire en garantie des vices cachés est exclusive de l’action fondée sur le défaut de conformité du bien vendu, lequel s’apprécie au jour de la vente.

Elle reproche ensuite au tribunal d’avoir dénaturé l’obligation de délivrance conforme du vendeur, qui impose à celui-ci de mettre la chose vendue entre les mains de l’acheteur dans les délais convenus, en estimant avoir satisfait à cette obligation, ayant remis les plaques de fibrociment commandées, de couleur gris ombre, à la société ECBM.

Elle prétend que le défaut de conformité s’apprécie au jour de la vente, en considération des données connues ou prévisibles du vendeur, et que la décoloration des plaques, qui résulte d’une mauvaise application de la peinture par le fabricant, n’était pas une donnée connue ou prévisible pour elle lors de la livraison des matériaux, de sorte qu’il s’agit bien d’un vice et non d’un défaut de conformité.

La société [I] conclut à la prescription de l’action en garantie fondée sur le défaut de délivrance conforme en application de l’article L 110-4 du code de commerce, aucune interruption ou suspension de la prescription à l’initiative du constructeur n’étant intervenue dans les cinq ans de la livraison des matériaux.

En matière d’action récursoire en responsabilité contractuelle pour manquement du vendeur à son obligation de délivrance conforme, le point de départ du délai de cinq ans de l’article L 110-4 du code de commerce n’est pas la date de livraison de la chose vendue mais celle de l’action exercée contre le constructeur par le maître de l’ouvrage, soit en l’espèce le 22 juin 2016, date des conclusions notifiées par l’EARL la Ferme d’Aubigny aux fins de voir déclarer la société ECBM responsable des désordres constatés par l’expert.

L’action de la société ECBM contre le vendeur et le fabricant n’était donc pas prescrite à la date des 2 et 10 novembre 2016.

Ce n’est qu’à titre subsidiaire que l’appel en garantie formé par la société ECBM est fondé sur le défaut de délivrance conforme prévu par les articles 1604 et suivants du code civil et ce n’est que lorsque les conditions posées par l’article 1641 du code civil sont réunies que cette action est exclusive de l’action fondée sur le défaut de délivrance conforme.

Le sous-acquéreur, ici la société ECBM, jouit de tous les droits et actions attachés à la chose qui appartenait à son auteur et dispose à cet effet, contre le vendeur initial, d’une action contractuelle directe fondée sur la non conformité de la chose livrée.

La conformité du bien vendu aux spécifications contractuelles s’apprécie au moment de la délivrance du bien, au regard des données techniques connues ou prévisibles au jour de la vente.

Or il résulte des conditions générales de vente de la société [I] que cette dernière garantit, pendant dix ans à compter de la livraison, une évolution globalement homogène de l’aspect de la face supérieure des plaques ondulées avec le maintien de leur teinte de base, compte tenu de la patine du temps propre aux matériaux exposés à l’extérieur.

La commande de la société ECBM portait sur des plaques en fibro ciment de teinte gris ombre et il n’est pas contesté que le blanchissement des plaques, apparu moins d’un an après la livraison de celles-ci, ne relève pas de la patine du temps.

C’est donc à bon droit que le tribunal a considéré que les plaques de fibro ciment ne présentaient pas les qualités normalement attendues et que les défauts esthétiques de coloration de celles-ci constituaient un défaut de conformité engageant la responsabilité de la société Roofmart Centre Est et de la société [I] sur le fondement des articles 1603 et suivants du code civil.

Le jugement mérite ainsi confirmation en ce qu’il les a condamnées in solidum à garantir la société ECBM des condamnations mises à sa charge à la demande de l’EARL la Ferme d’Aubigny, sauf à dire que la garantie du vendeur et du fabricant est limitée au coût de la remise en état de la couverture s’élevant à 210 898,07 HT.

Sur l’appel en garantie formé par la société Roofmart Centre Est contre la société [I]

La société [I] conclut à l’infirmation du jugement entrepris en ce qu’il l’a condamnée à garantir la société Roofmart Centre Est de l’intégralité des condamnations mises à sa charge et sollicite un partage de responsabilité au motif que rien dans le rapport d’expertise n’indique comment les plaques ont été stockées alors que la fiche de conservation du matériau filmée avec chaque palette mentionne la nécessité de stocker les plaques à l’abri dans un lieu aéré ou de les conserver sous housse, ce stockage ayant pour but d’éviter les efflorescences qui peuvent altérer le revêtement du matériau.

Elle rappelle que l’ensemble des plaques a été fabriqué et livré entre les mois d’octobre 2010 et mars 2011 et qu’elle sont donc restées entreposées pendant au moins quatre mois avant d’être mises en oeuvre.

Elle en déduit que sa responsabilité ne peut pas être entière alors que ses conditions contractuelles de vente prévoient une variation inéluctable des teintes.

La société Roofmart Centre Est objecte à juste titre qu’elle n’est ni responsable des dates de commande du constructeur ni des conditions de stockage des matériaux directement livrés sur site, en faisant valoir que le fabricant connaissait les exigences particulières de couleur.

Le fabricant s’étant contractuellement engagé à garantir pendant dix ans la teinte des matériaux vendus, c’est à bon droit que le tribunal a fait droit à l’appel en garantie de la société Roofmart Centre Est, aucune faute imputable à cette dernière n’étant démontrée.

Sur les demandes accessoires

Les sociétés appelantes qui succombent principalement supporteront la charge des dépens d’appel.

Il est par ailleurs équitable de mettre à leur charge une partie des frais de procédure exposés en appel par les intimées et non compris dans les dépens.

Elles seront ainsi condamnées in solidum à payer à la SAS ECBM et à l’EARL la Ferme d’Aubigny chacune la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement rendu le 12 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Chalon sur Saône en toutes ses dispositions, sauf à préciser que la condamnation in solidum de la société Roofmart Centre Est et de la société [I] à relever et garantir la société ECBM des condamnations mises à sa charge, en ce compris celles prononcées au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens, sera limitée, pour ce qui concerne le coût des travaux de reprise, à la somme de 210 898,07 HT,

Y ajoutant,

Condamne in solidum la société Roofmart Centre Est et la société [I] à payer à la SAS ECBM et à l’EARL la Ferme d’Aubigny chacune la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,en cause d’appel,

Condamne in solidum la société Roofmart Centre Est et la société [I] aux dépens de la procédure d’appel.

Le Greffier, Le Président,

 


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