République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 1
ARRÊT DU 08/06/2023
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N° de MINUTE :
N° RG 21/03926 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TX3R
Jugement n° 2019024331 rendu le 02 juin 2021 par le tribunal de commerce de Lille Métropole
APPELANTE
SAS The Innovation Loop prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
ayant son siège social [Adresse 1]
représentée par Me Guilhem d’Humières, avocat au barreau de Lille
INTIMÉE
SAS Ascent Wai agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
ayant son siège social [Adresse 1]
représentée par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistée de Me Julie Moreau, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant
DÉBATS à l’audience publique du 29 mars 2023 tenue par Clotilde Vanhove magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Valérie Roelofs
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Dominique Gilles, président de chambre
Pauline Mimiague, conseiller
Clotilde Vanhove, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 08 juin 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Dominique Gilles, président et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 8 mars 2023
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EXPOSE DU LITIGE
La société The Innovation loop et la société Ascent wai, alors en cours de formation, sont entrées en contact au cours de l’année 2017 au sein de l’incubateur d’Euratechnologies qu’elles ont intégré début 2017, la société The Innovation loop sollicitant la société Ascent wai pour ses compétences en matière d’intelligence artificielle dans le cadre de son projet de plate-forme informatique visant à détecter et diagnostiquer les sources de financement pour l’innovation.
Aucun contrat écrit n’a été établi entre les parties.
La société Ascent wai a facturé en mai 2018 à la société The Innovation loop la somme de 20 720 euros HT pour ses prestations, ainsi qu’un forfait mensuel de maintenance d’un montant de 175 euros HT à compter de mai 2018.
Après avoir réglé un montant de 10 000 euros HT et une mensualité de 175 HT pour les frais d’exploitation, la société The Innovation loop a cessé tout paiement.
Après vaine mise en demeure adressée le 17 mai 2019 à la société The Innovation loop par la société Ascent wai, cette dernière a saisi le président du tribunal de commerce de Lille Métropole pour obtenir une ordonnance d’injonction de payer.
Par ordonnance du 21 août 2019, le président de ce tribunal a enjoint à la société The Innovation loop de payer à la société Ascent wai la somme en principal de 12 995 euros HT, avec intérêts au taux conventionnel à compter du 17 mai 2019 ainsi que les dépens.
La société The Innovation loop a formé opposition à cette ordonnance.
Par jugement contradictoire du 15 juillet 2021, le tribunal de commerce de Lille Métropole a :
reçu la société The Innovation loop en son opposition,
mis à néant l’ordonnance d’injonction de payer, le présent jugement s’y substituant,
condamné la société The Innovation loop à payer à la société Ascent wai la somme de 12 995 euros en principal, majorée des intérêts au taux conventionnel à compter du 17 mai 2019, date de la mise en demeure,
débouté la société Ascent wai du surplus de ses demandes,
débouté la société The Innovation loop de l’ensemble de ses demandes,
condamné la société The Innovation loop à payer à la société Ascent wai la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
condamné la société The Innovation loop aux dépens.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le 15 juillet 2021, la société The Innovation loop a relevé appel du jugement en ce qu’il l’a condamnée à payer à la société Ascent wai le solde des factures, l’a déboutée de ses demandes et condamnée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par conclusions remises au greffe et notifiées par la voie électronique le 28 mars 2022, la société The Innovation loop demande à la cour de :
réformer le jugement « des chefs du jugement critiqués » et en conséquence,
à titre principal
prononcer la nullité du contrat de prestations de services dont se prévaut de la société Ascent wai ont raison de l’absence d’accord sur l’objet de la prestation,
débouter la société Ascent wai de l’intégralité de ses demandes, et conclusions, en ce compris au titre de son appel incident,
condamner la société Ascent wai au paiement de la somme de 10 000 euros au titre du remboursement des factures acquittées par elle,
à titre subsidiaire
prononcer la nullité du contrat de prestation de services dont se prévaut la société Ascent wai en raison de l’erreur sur les qualités essentielles de la prestation,
débouter la société Ascent wai de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions, en ce compris au titre de son appel incident,
condamner la société Ascent wai au paiement de la somme de 10 000 euros au titre du remboursement des factures acquittées par elle,
à titre reconventionnel
condamner la société Ascent wai à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la perte de chance,
condamner la société Ascent wai à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts du fait des conséquences de la mauvaise foi de la société Ascent wai lors de la formation du contrat,
condamner la société Ascent wai à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile de première instance et d’appel,
condamner la société Ascent wai aux entiers frais et dépens de première instance et d’appel.
Par conclusions remises au greffe et notifiées par la voie électronique le 1er juin 2022, la société Ascent wai demande à la cour de :
confirmer le jugement, sauf en ce qu’il l’a déboutée du surplus de ses demandes,
statuant à nouveau,
condamner la société The Innovation loop au paiement de la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
en toute hypothèse,
débouter la société The Innovation loop de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
condamner la société The Innovation loop au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
condamner la société The Innovation loop aux entiers frais et dépens d’instance et d’appel.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour l’exposé de leurs moyens.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 8 mars 2023. Plaidé à l’audience du 29 mars 2023, le dossier a été mis en délibéré au 8 juin 2023.
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MOTIVATION
Sur les demandes de nullité du contrat de prestation de service formées par la société la société The Innovation loop
a) Sur la nullité en raison de l’absence d’accord sur l’objet de la prestation
Au soutien de cette demande de nullité, la société The Innovation loop fait d’abord valoir qu’aucun accord n’est intervenu entre les parties sur le périmètre de la prestation, dans la mesure où la propriété des droits de propriété intellectuelle attachés au développement était pour elle incluse dans l’objet du contrat. Elle précise que le contenu du contrat de prestations de services ne présentait pas de caractère certain, du fait d’une prestation dont l’objet n’était ni déterminé ni déterminable.
Elle invoque également les dispositions des articles L.441-6 III du code de commerce renvoyant aux dispositions de l’article L.111-2 du code de la consommation et soutient que la société Ascent wai a manqué à ses obligations pré-contractuelles d’information à son égard en omettant de lui communiquer les caractéristiques essentielles du service fourni et son prix.
La société Ascent wai soutient que la prestation intellectuelle et technique avait un objet et un prix clairement fixés et entendus entre les parties et que les droits d’auteur n’étaient pas inclus dans le prix convenu. La société The Innovation loop s’est engagée sur le montant convenu pour les prestations convenues, sans les droits d’auteur.
Elle ajoute que le contrat conclu entre les parties était en rapport direct avec les activités commerciales de la société The Innovation loop, et qu’elle est donc malvenue de se placer dans la posture du consommateur profane et de prétendre qu’elle a manqué d’informations pour éviter de payer ce qu’elle lui doit.
Aux termes de l’article 1128 du code civil, sont nécessaires à la validité d’un contrat : 1° le consentement des parties : 2° leur capacité à contracter : 3° un contenu licite et certain. L’article 1163 du même code concernant le contenu du contrat prévoit que l’obligation a pour objet une prestation présente ou future. Celle-ci droit être possible et déterminée ou déterminable. La prestation est déterminable lorsqu’elle peut être déduite du contrat ou par référence aux usages ou aux relations antérieures des parties, sans qu’un nouvel accord des parties soit nécessaire.
L’article 1178 du même code dispose qu’un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul. La nullité doit être prononcée par le juge, à moins que les parties ne la constatent d’un commun accord.
En l’espèce, les parties s’accordent sur le fait qu’aucun contrat écrit n’a été conclu entre elles concernant la prestation de services fournie par la société Ascent wai à la société The Innovation loop, évoquant le contexte de l’incubateur d’Euratchnologies et les échanges informels qui y sont facilités.
Elles produisent les pièces suivantes pour démontrer la teneur de leur accord :
un courriel adressé le 19 décembre 2017 par M. [F] (fondateur de la société Ascent wai, identifié dans le courriel comme CEO et Co-founder de « Eatsy ») à M. [J] (l’un des fondateurs de la société The Innovation loop avec M. [V] et son directeur général jusqu’à sa démission du 19 décembre 2018) qui lui indique « tu peux trouver en PJ l’état des lieux des heures réalisées sur votre projet. A dispo pour échanger » auquel est joint un tableau comptabilisant 28 jours pour un total de 20 719 euros HT ;
un courriel adressé le 1er mai 2018 par M. [F] à M. [V] qui évoque la facturation des prestations : « il y aura une facture relative pour le développement et une facture différente pour la maintenance chaque mois. Le forfait de maintenance fait l’objet d’un paiement mensuel [‘] Le premier versement pour les frais de développement sera effectué en cette fin de mois d’avril [‘] Nous nous sommes donnés 6 mois afin de passer la totalité des factures relatives aux développements réalisés en 2017 (20 720€ HT) » ;
un courriel adressé le 3 mai 2018 par M. [V] à M. [F] en réponse, qui indique « OK sur la facture et le plan de paiement. Concernant la prestation : qui est propriétaire du développement (question soulevée par des financeurs dont BPI) ‘ »
S’agissant du courriel du 19 décembre 2017, si la société The Innovation loop constate qu’il a été émis par M. [F] identifié par rapport à l’entreprise Eatsy, la cour relève qu’à cette époque les sociétés The Innovation loop et Ascent wai n’avaient pas encore été immatriculées mais que leurs fondateurs collaboraient au sein de l’incubateur Euratechnologies, ce qu’expliquent les parties. La société The Innovation loop ne conteste d’ailleurs pas que cet échange correspond aux prestations discutées en l’espèce. Ce courriel démontre que la prestation dont il est discuté avait déjà été effectuée, évoquant « l’état des lieux des heures réalisées sur votre projet ». S’il est exact, ainsi que le relève la société The Innovation loop, que le cumul des heures détaillées est de 29 heures alors qu’est indiqué un total de 28 heures et que le montant total hors-taxes indiqué de 20 719 euros ne correspond pas au prix par jour multiplié par le nombre de jours, ce prix journalier n’est pas précisé comme étant hors-taxes, pouvant expliquer la différence de total obtenue, et en tout état de cause, il résulte clairement de ce document que la facturation totale proposée est de 20 719 euros et porte sur le coût des heures de travail passées pour réaliser le projet.
Il résulte de l’analyse de ces pièces que la prestation convenue ne comprenait pas la cession des droits d’auteurs, le premier tableau reprenant l’état des lieux des heures réalisées sur le projet et en chiffrant le coût à 20 719 euros HT et ne mentionnant aucunement d’autres prestations que ces heures de travail réalisées incluses dans le prix et aucune cession des droits d’auteurs attachés à l’algorithme d’intelligence artificielle développé comprise dans le prix.
La société The Innovation loop ne démontre pas avoir répondu au courriel de décembre 2017 en contestant la facturation des heures de développement de la plate-forme, seule prestation évoquée, ou en évoquant la nécessité d’y inclure la cession des droits d’auteur. Le fait que M. [V] pose la question dans son courriel du 3 mai 2018 de la propriété du développement ne peut aucunement être considéré comme démontrant que cette prestation était incluse dans les heures facturées, mais démontre en revanche que ce questionnement de M. [V] sur la propriété des droits d’auteur sur la plate-forme développée est intervenu postérieurement au contrat conclu tacitement entre les parties, sur questionnement de ses financeurs et qu’il a cherché par la suite à régler ce point particulier avec la société Ascent wai. La société The Innovation loop ne peut valablement soutenir que ce n’est qu’au moment où la société Ascent wai a voulu contractualiser sa contribution en la facturant que s’est posée la question de l’objet de la facturation et du périmètre de la prestation réalisée, alors même que la prestation avait été réalisée dès 2017, soit bien antérieurement à sa facturation et qu’un accord, fut-il non écrit, était dès lors nécessairement intervenu entre les parties, accord qui est démontré par l’absence de contestation de la société The Innovation loop lors de l’établissement de la proposition de facturation par la société Ascent wai en décembre 2017 et par le fait qu’à réception des factures, la société The Innovation loop a indiqué accepter la facturation et a commencé à payer les factures produites.
L’attestation établie par M. [J], que produit la société Ascent wai, confirme en outre que l’objet du contrat tacitement convenu entre les parties ne comprenait pas la cession des droits d’auteur. M. [J] indique qu’il est co-fondateur de la société The Innovation loop avec M. [V] et qu’il a été son associé jusqu’en janvier 2019. Il précise « en charge de l’aspect technique de la solution The Innovation loop, j’ai été directement en contact avec la société Ascent wai entre 2017 et 2018 pour le développement de la solution et de la plate-forme. J’atteste que les conditions financières proposées par la société Ascent wai étaient très claires et que la société The Innovation loop y a consenti en toute connaissance de cause. Je confirme également qu’aucune cession de droits n’était initialement prévue, ce dont mon ancien associé et moi-même avions parfaitement conscience ».
Si la société The Innovation loop remet en cause le contenu de cette attestation, au motif que M. [J] a quitté la société dans un contexte de mésentente entre les associés et compte tenu du fait que son profil sur le réseau social Linkedin démontrerait qu’il est en contact avec la société Ascent wai, ces éléments ne sont pas de nature à remettre en cause les propos contenus dans son attestation, qui corroborent le contenu des échanges de courriels précités et confirment que la cession des droits d’auteurs n’était pas comprise dans l’objet du contrat. Le fait que M. [J] ait pris la décision de quitter la société The Innovation loop dès le mois d’avril 2018 n’est pas non plus de nature à remettre en cause la validité de son attestation, dès lors qu’il résulte des différentes pièces précitées que les relations entre la société The Innovation loop et la société Ascent wai étaient bien antérieures à cette date et que les prestations ont été réalisées en 2017, de même que la proposition de facturation, période au cours de laquelle M. [J] intervenait pour la société The Innovation loop.
En outre, les factures établies par la société Ascent wai désignent ainsi leur objet « conception et développement d’un service de machine learning visant à détecter et diagnostiquer un projet d’innovation » ou pour les factures mensuelles « frais d’utilisation du système (serveurs + services) coûts d’exploitation mensuel ». Leur objet est donc clair en ce qui concerne leur contenu et le fait qu’il n’y ait pas de cession des droits d’auteur sur la plate-forme inclus, la société The Innovation loop ne pouvant valablement soutenir qu’il s’agit d’intitulés « généraux et littéraires sans détail ni précision ».
La société The Innovation loop a commencé à payer ces factures et a toujours indiqué à la société Ascent wai qu’il n’y avait pas de difficultés concernant la facturation, évoquant seulement la nécessité de délais de paiement :
courriel du 12 novembre 2018 de M. [V] à M. [F] : « je te confirme que je serai en mesure de procéder au paiement de ces factures dans le courant de novembre » ;
courriel du 4 décembre 2018 de M. [V] à M. [F] : « BPI m’a promis un paiement pour cette semaine… sans garantie avec eux… mais il n’y a pas de problème sur le principe même du paiement, seulement des délais. Désolé » ;
un courriel du 14 décembre 2018 de M. [V] à M. [F] : « je fais le max pour vous faire les virements. Vraiment désolé pour cet énième contretemps » ;
La société The Innovation loop ne peut donc valablement soutenir que l’objet du contrat de prestation de services n’était pas déterminé ou déterminable.
Les nombreux échanges de courriels postérieurs à ceux précités dans lesquels la société The Innovation loop évoque la question de la cession des droits d’auteur ne sont pas de nature à remettre en cause cette analyse, une discussion étant manifestement intervenue sur ce point postérieurement aux premières prestations, la société The Innovation loop souhaitant obtenir la cession des droits d’auteur sur l’algorithme développé et la société Ascent wai s’y refusant.
Le fait que la société The Innovation loop ait proposé à la société Ascent wai en février 2019 la régularisation de « conditions générales de vente » qui, selon elle, permettaient de « ne transférer que les droits d’auteur relatifs à ce qui a été précisément développé pour Til et rien d’autre. Plus besoin donc de système compliqué de licence. C’est donc une approche qui préserve nos intérêts respectifs » ne signifie aucunement qu’au moment de la conclusion du contrat, les parties étaient convenues d’inclure la cession des droits d’auteur dans les prestations facturées, puisque manifestement un système de licence était appliqué. Cela démontre qu’après l’exécution des prestations, et avant même d’avoir réglé l’intégralité des factures établies conformément aux échanges des parties, la société The Innovation loop a souhaité discuter de la question des droits d’auteur, évoquant principalement les exigences de ses financeurs sur ce point.
L’objet du contrat était donc déterminé et déterminable dès le départ entre les parties et aucune nullité ne peut être pertinemment invoquée sur ce fondement par la société The Innovation loop.
Aux termes de l’article L.441-6 III du code de commerce, dans sa version applicable au litige, tout prestataire de service est également tenu à l’égard de tout destinataire de prestations de services des obligations d’information définies à l’article L.111-2 du code de la consommation.
La cour relève cependant que ce texte ne sanctionne pas l’absence d’information par la nullité du contrat et la société The Innovation loop ne peut donc valablement solliciter le prononcé de la nullité du contrat sur ce fondement.
La demande de nullité du contrat formée à titre principal par la société The Innovation loop sera donc rejetée, la cour constatant que les premiers juges avaient omis de statuer sur cette prétention.
b) Sur la nullité en raison de l’erreur sur les qualités essentielles de la prestation
Au soutien de cette demande subsidiaire de prononcé de la nullité du contrat, la société The Innovation loop soutient qu’ainsi qu’il est d’usage dans le domaine de la sous-traitance informatique, l’algorithme développé aux termes de la contribution entre les parties devait être transmis dans tous ses éléments, surtout en considération du niveau élevé de la facturation et que ses attentes intégraient, depuis l’initiation de la relation de travail entre les parties, la transmission des droits d’auteur liés aux livrables.
La société Ascent wai fait valoir que les pièces échangées par les parties et la chronologie démontrent que les droits d’auteur n’ont pas été cédés à la société Ascent wai par elle et n’étaient pas inclus dans le prix convenu, ce dont les parties avaient parfaitement conscience au moment de leur échange de consentement.
Aux termes de l’article 1132 du code civil, l’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant. L’article 1133 du même code ajoute que les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté.
Dès lors qu’il a été précédemment démontré que la question de la cession des droits d’auteur n’a été posée par la société The Innovation loop que bien après la réalisation de la prestation et les discussions initiales et qu’elle n’a jamais indiqué à la société Ascent wai qu’elle s’opposait aux montants réclamés s’ils ne comprenaient pas la cession des droits d’auteur sur l’algorithme développé, il ne peut être soutenu par la société The Innovation loop qu’elle a commis une erreur sur les qualités essentielles de la prestation, n’étant aucunement démontré par elle que dans le cadre de ce type de contrats, la cession des droits d’auteur est jugée essentielle par un contractant placé dans la même situation qu’elle, ni qu’elle ait porté à la connaissance de la société Ascent wai en 2017 lors des discussions sur la prestation et sa facturation, qu’elle estimait ce point essentiel.
La société The Innovation loop ne démontre aucune méprise sur les prestations objets du contrat mais bien un questionnement de sa part, intervenu postérieurement, sur la question de la cession des droits d’auteur, qui n’avait jamais été discutée initialement entre les parties.
Aucune erreur sur les qualités essentielles des prestations n’étant démontrée, la demande de nullité du contrat formée par la société The Innovation loop sur ce fondement sera également rejetée.
Sur la demande en paiement formée par la société Ascent wai
Dès lors que les nullités du contrat soulevées par la société The Innovation loop ont été écartées, celle-ci doit être condamnée à payer le solde des factures produites par la société The Innovation loop, qui correspondent à la prestation convenue entre les parties, pour un montant de 12 995 euros HT.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné la société The Innovation loop au paiement de cette somme avec intérêts au conventionnel à compter du 17 mai 2019, date de la mise en demeure, cela ne faisant l’objet d’aucune contestation par les parties.
Sur les demandes de dommages et intérêts
a) Sur la demande de dommages et intérêts formée par la société Ascent wai
Aux termes de l’article 1231-6 alinéa 3 du code civil, le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l’intérêt moratoire.
Il n’est démontré par la société Ascent wai aucun préjudice indépendant du retard de paiement réparé par les intérêts de retard, de sorte qu’elle ne saurait prétendre, quand bien même elle a subi un défaut de paiement des factures correspondant aux prestations effectuées, à des dommages et intérêts pour résistance abusive. Le jugement sera confirmé de ce chef.
b) Sur les demandes de dommages et intérêts formées par la société The Innovation loop
La société The Innovation loop sollicite la condamnation de la société Ascent wai à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance, faisant valoir que la mauvaise foi caractérisée de la société Ascent wai et les multiples délais qu’elle a imposés unilatéralement ont provoqué le refus de financement par son financeur alors que les discussions étaient abouties et que la conclusion d’un accord ne dépendait plus que de la finalisation de la cession des droits.
Cependant, en l’absence de toute mauvaise foi caractérisée de la part de la société Ascent wai, le jugement doit être confirmé en ce qu’il a débouté la société The Innovation loop de cette demande.
La société The Innovation loop sollicite également la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts du fait des conséquences de la mauvaise foi de la société Ascent wai lors de la formation du contrat, faisant valoir que suite à la décevante collaboration avec la société Ascent wai, l’algorithme de cette dernière n’étant pas exploitable du fait de l’absence de transmission de toute documentation technique et des droits afférents, elle a dû redévelopper entièrement une solution, qui a nécessité dix jours de travail. Elle estime que le temps consacré au développement de cette nouvelle solution ainsi que le coût en interne de cette programmation a constituent un préjudice financier qui doit être indemnisé et qui en lien direct avec la mauvaise foi de la société Ascent wai et sa volonté d’entretenir le flou sur le périmètre exact de sa prestation.
Cependant, là encore, la cour relève qu’aucune faute ne peut être reprochée à la société Ascent wai et que si celle-ci a effectivement arrêté le serveur en juin 2019, c’est en raison du défaut de paiement des factures.
Le jugement sera également confirmé en ce qu’il a débouté la société Ascent wai de sa demande de ce chef.
Sur les prétentions annexes
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a statué sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile.
La société The Innovation loop, qui succombe, sera condamné aux dépens de la procédure d’appel et, en équité, à payer à la société Ascent wai la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant dans les limites de l’appel,
Rejette les demandes de nullité du contrat formées par la société The Innovation loop ;
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la société The Innovation loop aux dépens de la procédure d’appel ;
Condamne la société The Innovation loop à payer à la société Ascent wai la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel.
Le greffier
Valérie Roelofs
Le président
Dominique Gilles