Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 9
ORDONNANCE DU 09 JUIN 2023
Contestations d’Honoraires d’Avocat
(N° /2023, 2 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00511 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CENJR
NOUS, Michel RISPE, Président de chambre à la Cour d’Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Eléa DESPRETZ, Greffière présente lors des débats ainsi que lors du prononcé de l’ordonnance.
Vu le recours formé par :
Madame [G] [E]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Comparante en personne,
Demandeur au recours,
contre une décision du Bâtonnier de l’ordre des avocats de PARIS dans un litige l’opposant à :
La SELARL ADR AVOCATS
Maître [B] [V]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Vanessa RICHARD, avocat au barreau de PARIS, toque : E1940
Défendeur au recours,
Par décision contradictoire, statuant par mise à disposition au Greffe, après avoir entendu les parties présentes à notre audience publique du 10 Mai 2023 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,
L’affaire a été mise en délibéré au 09 Juin 2023 :
Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;
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RÉSUMÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception postée le 04 octobre 2021, Mme [G] [E] a formé un recours à l’encontre d’une décision en date du 06 septembre 2021, lui ayant été notifiée le 09 septembre 2021, assortie de l’exécution provisoire, par laquelle le bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris a fixé à 16.351,12 euros toutes taxes comprises le montant des honoraires dus par celle-ci à la Selarl ADR Avocats, et cette somme étant entièrement réglée, a rejeté la demande de restitution de la cliente et mis à sa charge les frais éventuels de signification de la décision,
L’affaire a été évoquée à l’audience du 10 mai 2023, date à laquelle les parties avaient été convoquées par le greffe le 12 janvier 2023.
Mme [G] [E], comparant en personne, a expliqué qu’elle avait confié la défense de ses intérêts dans une procédure de divorce à la Selarl ADR Avocats, les honoraires faisant l’objet d’une convention signée entre eux le 21 décembre 2018. Elle a précisé que reprochant à son avocat son manque de diligences, elle l’avait dessaisi après l’ordonnance de non-conciliation, en juillet 2020, après lui avoir réglé les factures adressées, dont elle demandait le remboursement partiel à hauteur de 6.353,92 euros. Elle faisait état d’une surfacturation du temps passé, totalisé de façon erroné pour un excédent de plusieurs heures.
En réponse, la Selarl ADR Avocats a soutenu ses conclusions écrites remises au greffe à l’audience aux termes desquelles elle demandait à cette juridiction de déclarer Mme [G] [E] irrecevable et infondée dans son appel, de confirmer la décision entreprise et de condamner Mme [G] [E] aux dépens.
Puis, l’affaire a été mise en délibéré pour que la décision soit rendue le 09 juin 2023.
SUR CE
La présente décision sera rendue contradictoirement entre les parties.
»’
En matière de contestation d’honoraires d’avocats, l’article 53, 6° de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques a renvoyé au pouvoir exécutif le soin de prévoir la procédure applicable, dans le respect de l’indépendance de l’avocat, de l’autonomie des conseils de l’ordre et du caractère libéral de la profession, au moyen de décrets en Conseil d’Etat.
Cette procédure est actuellement régie par le décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat, dont la section V est intitulée ‘Contestations en matière d’honoraires et débours’.
En ce domaine, regroupées dans la section V dudit décret, les dispositions des articles 174 à 179 doivent dès lors recevoir application, alors qu’elles sont d’ordre public et instituent une procédure obligatoire et exclusive (cf. Cass. 2ème Civ., 1er juin 2011, pourvoi n° 10-16.381, Bull. n 124 ; 2 Civ. , 13 septembre 2012, P. pourvoi n° 10-21.144). L’article 277 de ce décret prévoit en outre qu’ ‘Il est procédé comme en matière civile pour tout ce qui n’est pas réglé par le présent décret.’.
Dans ce cadre, il appartient au bâtonnier de l’ordre des avocats et, en appel, au premier président, à qui une contestation d’honoraires est soumise d’apprécier, d’après les conventions des parties et les circonstances de la cause, le montant de l’honoraire dû à l’avocat.
Toutefois, il ne leur appartient pas de réduire l’honoraire dès lors que le principe et le montant en ont été acceptés par le client après service rendu, que celui-ci ait ou non été précédé d’une convention. Cette solution procède de l’idée que le pouvoir modérateur du juge ne se justifie plus lorsque le client est en mesure d’apprécier le travail effectué et dès lors que le paiement est intervenu librement et en toute connaissance de cause.
Le paiement librement effectué en toute connaissance de cause doit s’entendre de celui intervenu sur présentation de factures répondant aux exigences de l’article L. 441-9 du code de commerce, dans sa version en vigueur depuis le 26 avril 2019 en ce qu’il prévoit :
‘I.-Tout achat de produits ou toute prestation de service pour une activité professionnelle fait l’objet d’une facturation.
Le vendeur est tenu de délivrer la facture dès la réalisation de la livraison ou de la prestation de services au sens du 3 du I de l’article 289 du code général des impôts. L’acheteur est tenu de la réclamer.
Le vendeur et l’acheteur conservent chacun un exemplaire de toute facture émise dans la limite de durée prévue par les dispositions applicables du code général des impôts. La facture émise sous forme papier est rédigée en double exemplaire.
Sous réserve du c du II de l’article 242 nonies A de l’annexe II au code général des impôts, dans sa version en vigueur au 26 avril 2013, la facture mentionne le nom des parties ainsi que leur adresse et leur adresse de facturation si elle est différente, la date de la vente ou de la prestation de service, la quantité, la dénomination précise, et le prix unitaire hors TVA des produits vendus et des services rendus ainsi que toute réduction de prix acquise à la date de la vente ou de la prestation de services et directement liée à cette opération de vente ou de prestation de services, à l’exclusion des escomptes non prévus sur la facture.
La facture mentionne la date à laquelle le règlement doit intervenir. Elle précise les conditions d’escompte applicables en cas de paiement à une date antérieure à celle résultant de l’application des conditions générales de vente, le taux des pénalités exigibles le jour suivant la date de règlement inscrite sur la facture ainsi que le montant de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement due au créancier en cas de retard de paiement. Le règlement est réputé réalisé à la date à laquelle les fonds sont mis, par le client, à la disposition du bénéficiaire ou de son subrogé.
La facture mentionne le numéro du bon de commande lorsqu’il a été préalablement établi par l’acheteur. […]’.
En outre, dans ce même cadre procédural, ni le bâtonnier ni, en appel, le premier président n’ont le pouvoir de connaître, fût-ce à titre incident, de la responsabilité de l’avocat au titre d’un éventuel manquement imputé à ce dernier. Ils ne peuvent donc pas être amenés à sanctionner un avocat à qui une faute est reprochée. Ils ne peuvent pas dès lors réparer le préjudice allégué par le client à raison du comportement de l’avocat, en diminuant les honoraires de celui-ci.
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Il n’est pas discuté que le recours formé par Mme [G] [E] est recevable, pour avoir été intenté dans le délai requis, soit celui d’un mois à compter de la notification de la décision du bâtonnier attaquée, conformément aux prévisions de l’article 176 du décret du 27 novembre 1991 précité.
»’
Saisi par Mme [G] [E] d’une demande de contestation des honoraires réglés à la Selarl ADR Avocats, dont elle demandait la restitution à hauteur de 8.605 euros, le bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris a rendu sa décision, à l’encontre de laquelle le présent recours a été formé, en retenant en particulier :
‘A titre préliminaire, sur les critiques relatives à la qualité des prestations de l’avocat, le Bâtonnier rappelle que la procédure de contestation des honoraires d’un avocat prévue par les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 présente un caractère spécifique et n’a vocation qu’à fixer les honoraires éventuellement dus par un client à son avocat en exécution de la mission qui lui a été confiée, à l’exclusion de tout autre contentieux, notamment celui de la responsabilité éventuellement encourue par ledit avocat et qui relève de la compétence exclusive du juge de droit commun.
En conséquence, les reproches de Madame [G] [E] tenant à la qualité des prestations de Maître [B] [V], un manquement à ses obligations professionnelles ne pourront pas être examinés et ne sauraient donc aboutir à priver l’avocat de sa rémunération ou même à réduire les honoraires réclamés.
Les parties ont signé une convention d’honoraires le 3 décembre 2018 portant sur la procédure de divorce et de liquidation du régime matrimonial de Madame [G] [E] et prévoit une facturation au temps passé de 300 euros HT pour Maître [B] [V] et un taux inférieur pour ses collaborateurs en fonction de leur ancienneté ainsi qu’un forfait de 1400 euros HT pour chaque audience (Pièce en défense).
Une demande de provision pour les diligences à accomplir, représentant 1500 euros HT soit 1800 euros TTC, a été réglée par Madame [G] [E].
Quatre factures ont été adressées à Madame [G] [E] à intervalle régulier et détaillant précisément le temps passé :
– Facture n°20193408 en date du 10 mai 2019 d’un montant de 3782.78 euros TTC
– Facture n°20193474 en date du 5 juillet 2019 d’un montant de 4117,25 euros TTC
– Facture n°20193572 en date du 2 novembre 2019 d’un montant de 5403,45 euros TTC
– Facture n°20203636 en date du 5 février 2020 d’un montant de 1247,64 euros (Pièces en défense)
Madame [G] [E] a réglé, sans contestation, un total d’honoraires de 16.351.12 euros TTC.
Ces factures reproduisaient les diligences, le temps passé et le taux horaire de chacun des avocats intervenu sur le dossier. Dès lors, le principe et le montant de l’honoraire ont été acceptés par la cliente après service rendu, et demeure incontestable.
Le juge de l’honoraire n’a pas le pouvoir de réduire les honoraires lorsqu’ils ont été acceptés en toute connaissance de cause après services rendus (Civ2, 5 juin 2003).
En conclusion,
Il convient de fixer le montant total des honoraires à la somme de 16.351, 12 euros TTC et de constater que cette somme a été réglée intégralement par Madame [G] [E] à Maître [B] [V].
Il n’existe pas de solde d’honoraires restant dû, eu égard aux éléments précédemment constatés.
Il y aura lieu de prononcer l’exécution provisoire de la présente décision.’.
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A hauteur d’appel, Mme [G] [E] a réitéré les critiques formées devant le bâtonnier de l’ordre des avocats contre la Selarl ADR Avocats à qui elle reproche une surfacturation de ses diligences et sa lenteur dans leur accomplissement.
Mais, comme cela a été précédemment rappelé supra et comme le bâtonnier de l’ordre des avocats l’a retenu à juste titre, les griefs ainsi nourris contre l’avocat n’ont pas à être pris en compte dans le cadre de la présente procédure, dès lors que leur appréciation ne peut incomber qu’au juge de droit commun, devant qui serait introduite une action en recherche de responsabilité civile professionnelle.
S’agissant de la réclamation portant sur les sommes acquittées en conformité aux factures émises, il sera observé que Mme [G] [E] a réglé ces sommes au vu de ces factures lorsqu’elles lui ont été présentées, sans les avoir aucunement contestées.
Elle ne conteste d’ailleurs pas aujourd’hui la réalité de l’accomplissement de ces diligences mais la valorisation du temps passé pour celles-ci.
Il apparaît encore que ces factures comportent la description très claire et précise des diligences à raison desquelles elles ont été émises et en détaillent la date et la durée du temps qui y a été consacrée ainsi que les taux horaires appliqués.
Alors que ces factures acquittées précisent de la sorte les diligences effectuées par l’avocat, elles ne pouvaient plus être valablement contestées par le client qui les a réglées après service rendu.
De plus, c’est à tort que Mme [G] [E] a prétendu que ces factures seraient entachées d’erreurs de calcul. En effet, l’examen des factures n’a pas permis d’identifier ces prétendues erreurs.
Dès lors, de ce qui précède, il apparaît que le montant des honoraires ainsi facturé et acquitté ne pouvait plus être contesté devant le bâtonnier de l’ordre des avocats ni devant le Premier président de la cour d’appel.
Aussi, la décision entreprise sera confirmée.
Sur les demandes accessoires :
Les dépens seront mis à la charge de Mme [G] [E], qui a échoué dans son recours.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, en dernier ressort, par ordonnance contradictoire, prononcée par mise à disposition au greffe,
Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Dit que pour l’ensemble des condamnations prononcées, les intérêts des capitaux dus pour au moins une année entière, seront eux-mêmes capitalisés et porteurs d’intérêts dans les conditions prévues par l’article 1343-2 du code civil;
Condamne Mme [G] [E] aux dépens ;
Dit qu’en application de l’article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, la décision sera notifiée aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec accusé de réception;
Rejette toute demande plus ample ou contraire des parties.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE