ARRÊT N°304
N° RG 21/02839
N° Portalis DBV5-V-B7F-GL6L
S.A.S. EUROVIA POITOU CHARENTES LIMOUSIN
C/
S.A.S. CALMINIA
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 27 JUIN 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 septembre 2021 rendu par le Tribunal de Commerce de POITIERS
APPELANTE :
S.A.S. EUROVIA POITOU CHARENTES LIMOUSIN
N° SIRET : 412 395 709
[Adresse 1]
ayant pour avocat postulant Me Isabelle LOUBEYRE de la SCP EQUITALIA, avocat au barreau de POITIERS
ayant pour avocat plaidant Me Bertrand KARPINSKI, avocat au barreau de POITIERS
INTIMÉE :
S.A.S. CALMINIA
N° SIRET : 348 366 691
[Adresse 3]
[Localité 2]
ayant pour avocat postulant Me Alexandre BRUGIERE de la SCP TEN FRANCE, avocat au barreau de POITIERS
ayant pour avocat plaidant Me Baptiste LEFORT, avocat au barreau de POITIERS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 24 Avril 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant :
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre
Madame Anne VERRIER, Conseiller
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les sociétés EUROVIA et CALMINIA ont passé un accord dans le cadre d’un marché de travaux ‘Aménagement TC2″ dans la commune de [Localité 4] en Charente Maritime.
La société EUROVIA intervient sur le marché des travaux d’infrastructures routières, ferroviaires et d’aménagement urbain.
La société CALMINIA a pour activité la taille, le façonnage et l’extraction de pierres de carrières et a fourni des pavés et bordures pour le chantier de la société EUROV1A.
Le planning de livraison initialement établi entre les deux parties n’ayant pas été respecté. EUROVIA a retenu la somme de 20 532 € T.T.C. sur la facture n° 0000390 du 30 novembre 2018 de CALMINIA.
La société CALMINIA a alors adressé à la société EUROVIA ie 12 avril 2019 une mise en demeure de régler, ce que EUROVIA a refusé par courrier du 2 mai 2019 en invoquant que les retards de livraison seraient imputables à CALMINIA, tout en reconnaissant des retards liés au mouvement des « Gilets Jaunes » dont elle évaluait l’impact financier à la somme de 771.60 € T.T.C.
Cette somme n’étant pas réglée, la société CALMINIA, par acte d’huissier de justice délivré le 13 novembre 2019 a fait assigner à la SAS EUROVIA devant le tribunal de commerce de POITIERS, demandant par ses dernières écritures au tribunal de :
– dire et juger que la compensation opérée par EUROVIA n’est pas licite eu égard au caractère incertain de la créance ;
– débouter la société EUROVIA de l’intégralité de ses demandes reconventionnelles
– dire et juger que la responsabilité contractuelle d’EUROVIA est engagée
– condamner EUROVIA à lui verser la somme de 20 532 € T.T.C. au titre de la prestation de livraison de pierres dans un délai de 8 jours à compter de la décision à intervenir et sous astreinte de 50 € par jour de retard, une fois ce délai passé
– condamner EUROVIA à lui verser la somme de 3 000 au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
En défense, la société EUROVIA sollicitait dans ses dernières écritures du tribunal de :
– dire et juger que les retards de livraisons sont imputables à la société CALMINIA, hormis les retards imputables au mouvement dit des « gilets jaunes »
– dire et juger que la créance de la société EUROVIA PCL est certaine liquide et exigible
– fixer le préjudice subi par la société EUROVIA PCL à la somme de 19 760,40 € T.T.C. augmentée des intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2018, capitalisés à chaque échéance de la demande ;
En conséquence :
– rejeter purement et simplement les demandes de la société CALMINIA tendant à la condamnation de la société EUROVIA PCL à lui verser une somme de 20 532 € T.T.C.
– limiter la condamnation de la société EUROVIA PCL au versement de la somme de 771.60 € correspondant aux retards imputables au mouvement des « gilets jaunes » diminuée des intérêts au taux légal ayant couru à compter du 20 décembre 2018 capitalises à chaque échéance de la demande
– condamner la société CALMINIA à verser à la société EUROVIA PCL une somme de 4 000 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de la procédure
A titre subsidiaire .
– condamner la société CALMINIA à verser à la société EUROVIA PCL une somme de 19 760.40 € T.T.C. au titre des préjudices subis, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2018, capitalisés conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil a chaque échéance de la demande.
– ordonner la compensation de cette somme avec la somme de 20 532 € due par la société EUROVIA PCL à la société CALMINIA au titre du solde de la facture émise par la société CALMINIA.
– condamner la société CALMINIA à verser à la société EUROVIA PCL une somme de 4 000 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de la procédure.
Par jugement contradictoire en date du 13/09/2021, le tribunal de commerce de POITIERS a statué comme suit :
‘Condamne la société EUROVIA à régler à la société CALMINIA la somme de 20 532 € T.T.C. au titre du solde de la facture n°0000390 du 30 novembre 2018.
Condamne la société EUROVIA à verser à la société CALMINIA la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne la société EUROVIA qui succombe aux entiers dépens, dont les frais de greffe liquidés à la somme de 73,24 € T.T.C.’.
Le premier juge a notamment retenu que :
– il ressort des pièces produites que des retards de livraison ont eu lieu.
– la responsabilité des retards de livraison ne ressort pas clairement des pièces produites et au surplus les modalités de calcul par EUROVIA de l’indemnité de retard ne sont pas justifiées par des éléments probants.
– les pièces commandées ont bien été livrées et en conséquence elles sont dues en totalité.
LA COUR
Vu l’appel en date du 30/09/2020 interjeté par la société SAS EUROVIA POITOU CHARENTES LIMOUSIN
Vu l’article 954 du code de procédure civile
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 23/02/2023, la société SAS EUROVIA POITOU CHARENTES LIMOUSIN a présenté les demandes suivantes :
‘Réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de POITIERS du 13 septembre 2021 en ce qu’il a :
– Condamné la société EUROVIA PCL à régler à la société CALMINIA la somme de 20 532 € T.T.C. au titre du solde de la facture n°0000390 du 30 novembre 2018.
– Rejeté la demande présentée par la société EUROVIA PCL tendant à :
* La condamnation de la société CALMINIA à lui verser une somme de 19 760,40 €, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2018, correspondant aux retards de livraisons imputables à la société CALMINIA.
* Ce que les condamnations prononcées à son encontre soient limitées à la somme de 771,60 € correspondant aux retards de livraison imputables au mouvement des « gilets jaunes ».
– Rejeté la demande de la société EUROVIA PCL tendant à la compensation entre les sommes de 19 760,40 € (due par la société CALMINIA) et 20 532 € (correspondant au solde de la facture n°0000390).
– Condamné la société EUROVIA PCL à verser à la société CALMINIA la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– Condamné la société EUROVIA PCL aux entiers dépens, dont les frais de greffe liquidés à la somme de 73,24 € T.T.C.
– Rejeté en conséquence les demandes présentées par la société EUROVIA PCL au titre des frais irrépétibles et des dépens.
Statuant à nouveau :
À titre principal :
– Débouter purement et simplement la société CALMINIA de ses toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées à l’encontre de la société EUROVIA PCL.
– Limiter la somme due par la société EUROVIA PCL à la société CALMINIA à 771,60 € correspondant aux retards imputables au mouvement des gilets jaunes.
– Condamner la société CALMINIA à verser à la société EUROVIA PCL une somme de 4 000 par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de la procédure.
À titre subsidiaire :
– Fixer à la somme de 19 760,40 €, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2018, capitalisés en application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil à chaque échéance de la demande, le montant des préjudices subis par la société EUROVIA PCL en raison des manquements de la société CALMINIA à ses obligations.
– Ordonner la compensation entre les sommes de 19 760,40 €, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 20 décembre 2018, capitalisés en application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil à chaque échéance de la demande et le solde de la facture émise par la société CALMINIA.
– Après compensation, donner acte à la société EUROVIA PCL de son accord de régler la somme de 771,60 € correspondant au solde la facture émise par la société CALMINIA.
– Déclarer cette offre satisfaisante.
– Condamner la société CALMINIA à verser à la société EUROVIA PCL une somme de 4 000 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de la procédure de première instance et d’appel, y compris les sommes retenues par l’huissier instrumentaire en application de l’article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1966 en cas d’exécution forcée de la décision à
intervenir.
A l’appui de ses prétentions, la société SAS EUROVIA POITOU CHARENTES LIMOUSIN soutient notamment que :
– les travaux étaient programmés en trois tranches.
La société CALMINIA n’ayant pas respecté le planning contractuel de livraison, la société EUROVIA PCL a procédé à une retenue d’un montant de 20 532 € T.T.C. au titre de l’indemnisation des préjudices consécutifs à ces retards.
– le 24 septembre 2018 (semaine 39), la société EUROVIA PCL a confirmé la commande pour la tranche conditionnelle n°2, la livraison étant prévue lors des semaines 43 et 44
– Les conditions générales de vente ont été modifiées de manière manuscrite, comme suit :
« Les conditions de la confirmation de commande sont prioritaires : …
– Respect du planning de livraison du 24/09/2018 »
– le 2 octobre 2018, la société CALMINIA a refusé la commande au motif que les prix devaient être actualisés de 7,5% à 10 %.
Le 3 octobre 2018, la société EUROVIA PCL a adressé à la société CALMINIA la confirmation de la commande avec les prix négociés pour le chantier
– par un courriel du 11 octobre 2018 (semaine 42), la société EUROVIA PCL a confirmé la commande du 24 septembre 2018 avec les prix actualisés et transmis le planning de livraison
– la société CALMINIA n’a pas respecté le planning de livraison.
Les livraisons 4, 5 et 6 ont été effectuées avec retard par rapport au planning accepté par la société CALMINIA.
– c’est au vendeur de prouver qu’il a mis la chose vendue à la disposition de l’acheteur dans le délai convenu.
Le vendeur doit indemniser l’acquéreur des préjudices subis par les retards de livraison. Il ne peut s’en exonérer que s’il rapporte la preuve d’un cas de force majeure.
– Celle-ci n’existe pas en l’espèce. Il n’y a pas eu de confirmation tardive de la société EUROVIA PCL. Un accord contractuel avait été conclu. La société EUROVIA PCL n’avait pas à confirmer un accord déjà conclu et suffisamment précis.
– les échantillons de matériaux ayant été approuvés par le maître d’oeuvre et le maître de l’ouvrage, la société EUROVIA PCL n’avait d’autre choix que d’accepter le nouveau prix imposé de manière déloyale par la société CALMINIA.
– les retards sont établis par la lecture des comptes rendus de chantier des 26 novembre et 3 décembre 2018.
– la société CALMINIA ne démontre pas que les livraisons aient été rendues impossibles du fait des manifestations des gilets jaunes. Elle se contente de procéder par voie d’affirmation.
– la société CALMINIA a systématiquement livré en retard. Elle n’a jamais respecté le calendrier qu’elle avait elle-même mis en place en dehors de toute incidence du mouvement des gilets jaunes et le retard préexistait.
– il ne peut être imputé à EUROVIA aucune demande de modification de la commande initialement prévue. La société CALMINIA ne peut donc se prévaloir d’éventuelles modifications de la commande, antérieures à la confirmation de la commande et à l’établissement du planning de livraison du 11 octobre 2018.
– les seules modifications qui sont intervenues concernent uniquement la remise en cause, par la société CALMINIA, des conditions tarifaires initialement convenues en 2016.
– les trois confirmations de commandes étaient accompagnées de plannings de livraison, qui n’ont fait l’objet d’aucun commentaire de la part de la société CALMINIA. En l’absence de commentaires, comme elle a pu le faire sur les conditions tarifaires, le planning annexé à la confirmation de commande du 11 octobre 2018 doit être considéré comme ayant été accepté par la société CALMINIA.
– la commande a été validée le lendemain suivant l’établissement du planning de livraison.
Tout au plus, ce délai d’une journée aurait pour effet de décaler la livraison d’une journée. Or, les retards de livraison sont largement supérieurs.
– les prétendues modifications, non établies, n’ont pas empêché la société CALMINIA de respecter les délais fixés pour les trois premières livraisons.
– le paiement était prévu après et non avant la livraison, et plus précisément dans un délai de 45 jours à compter de la livraison effective.
Les mentions manuscrites modifiant les conditions générales de vente n’ont jamais fait l’objet d’une contestation de CALMINIA et ont donc été acceptées. Elle a ainsi procédé à la livraison des matériaux alors que le paiement n’était pas intervenu.
– s’agissant des préjudices, société EUROVIA PCL a donc retenu une somme de 17 110 € HT (20 532 € T.T.C.) sur la facture émise par la société CALMINIA d’un montant de 32 587,93 € T.T.C.
– par une lettre recommandée du 30 avril 2019, la société EUROVIA PCL a actualisé ses demandes afin de prendre en considération le retard dû aux mouvements sociaux des gilets jaunes évalués à la somme de 771,60 €.
– elle a notamment expliqué que la somme quotidienne de 540 € correspondant au coût d’un responsable de chantier et justifie son calcul sur 12,5 jours au lieu de 13 jours de retard, en tenant compte de l’impact du mouvement des gilets jaunes dont les manifestations se sont tenues majoritairement le week-end.
– le préjudice subi par la société EUROVIA PCL est sans rapport avec l’application de pénalités de retard par le maître de l’ouvrage. Le fait que le maître d’oeuvre ait relevé que les travaux ne pouvaient avancer en l’absence d’approvisionnement du pavage démontre l’impact des retards imputables à la société CALMINIA.
– même s’il est soutenu que le chantier était en retard dans sa globalité, les engagements contractuels de livraison n’ont pas été tenus.
– les livraisons 5 et 6 ont été effectuées respectivement en début et en fin de semaine 50 alors qu’elles étaient prévues semaines 48 et 49.
L’équipe dédiée à la pose du pavage n’a pas été en mesure d’avancer les travaux selon le planning établi. Il a été nécessaire de mobiliser cette équipe plus longtemps que prévu.
– la cour ordonnera la compensation de la somme de 19 760,40 € T.T.C. due par la société CALMINIA avec la somme de 20 532 € T.T.C. due par la société EUROVIA PCL au titre du solde de la facture.
– la compensation était justifiée, et la somme de 19 760,40 € T.T.C. sera augmentée des intérêts au taux légal, ayant commencé à courir le 20 décembre 2018, capitalisés à chaque échéance de la demande.
Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 22/02/2023, la société SAS CALMINIA a présenté les demandes suivantes:
‘Vu les dispositions des articles 1103, 1218, 1347-1 et 1353 du code civil
Dire et juger par conséquent la société EUROVIA mal fondée en son appel et l’en débouter
En conséquence,
Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de POITIERS en ce qu’il a :
– Condamné la société EUROVIA à régler la société CALMINIA la somme de 20 532 € T.T.C. au titre du solde de son marché ;
– Condamné la société EUROVIA à verser à la société CALMINIA la somme de 1 500 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;
– Condamné la société EUROVIA aux entiers dépens.
Y ajoutant
Condamner la société EUROVIA aux entiers dépens de la présente procédure d’appel
Condamner la société EUROVIA à verser à la société CALMINIA la somme de 4000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile’.
A l’appui de ses prétentions, la société SAS CALMINIA soutient notamment que :
– le planning de livraisons convenu entre les parties s’étalait de la semaine 44 à la semaine 51 de l’année 2018, soit six livraisons à effectuer du 29 octobre 2018 au 10 décembre 2018.
– CALMINIA n’a pas pu respecter ce planning en raison de la survenance de plusieurs événements, totalement étrangers à cette dernière, tels que des demandes « à la dernière minute » de modification des livraisons de la part d’EUROVIA et un contexte social tendu lié au mouvement des « Gilets Jaunes »
Les trois dernières livraisons n’ont ainsi pas pu être réalisées dans les délais convenus.
– la SAS EUROVIA a décidé de retenir la somme de 20 532 € T.T.C. sur le montant de la facture n°0000390, en date du 30 novembre 2018, à titre de pénalités de retard.
– Puis, de manière unilatérale, la société EUROVIA chiffrait l’impact financier du mouvement des gilets jaunes à hauteur de 771, 60 € T.T.C. et réactualisait le montant de son prétendu préjudice à hauteur de 19 760, 40 € T.T.C.
– Or, aucun retard de livraison ne peut utilement être reproché à la société CALMINIA.
– les conditions générales du contrat prévoient à l’article 6.2 : ‘Les produits sont livrés à la date ou dans le délai indiqué sur la confirmation de commande, une fois le règlement de cette commande effectué’.
– la modification manuscrite des conditions générales, ajoutée postérieurement n’est pas opposable à la société CALMINIA qui ne l’a pas acceptée et signée.
– l’article 6.2 des conditions générales du contrat demeure applicable.
Faute d’avoir réglé les sommes dues à la SAS CALMINIA au titre des marchandises livrées, l’appelante ne peut se prévaloir d’aucun délai de livraison et, en conséquence, d’aucun retard.
– la société EUROVIA est responsable du décalage de livraison.
Elle a tardé à retourner à la société CALMINIA la confirmation définitive de ses bons de commandes. Le planning de livraison a été établi le 02 octobre 2018 mais EUROVIA a attendu le 11 octobre 2018 pour confirmer définitivement sa commande ce qui a nécessairement décalé le planning de livraison prévu.
– cette confirmation tardive de la commande est intervenue en parallèle d’une modification des commandes initialement prévues et le planning ne pouvait donc pas tenir compte de ladite modification de commande, compte tenu des délais du processus d’extraction.
– les retards de livraison allégués sont intervenus concomitamment au mouvement des « gilets jaunes » qui doit inévitablement être assimilé à un événement de force majeure.
La remise d’un montant de 771, 60 € T.T.C. unilatéralement consentie est totalement déconnectée de la réalité.
– sur le caractère injustifié du préjudice allégué et l’absence de lien de causalité avec un quelconque manquement de la SOCIÉTÉ SAS CALMINIA, la SAS EUROVIA s’est inventé un préjudice financier en exposant qu’elle aurait été contrainte de maintenir inutilement une équipe et du matériel sur le chantier du fait des retards de livraison.
– EUROVIA ne s’est vue opposer aucune pénalité de retard par le maître de l’ouvrage.
– le calcul effectué ne repose sur aucun justificatif recevable mais exclusivement sur des données figurant dans des tableaux qu’elle a elle-même produits.
Il n’est au demeurant pas objectivement établi qu’un responsable de chantier et deux salariés aient effectivement été bloqués.
– la quatrième livraison est intervenue le 03 décembre 2018, soit un retard de cinq jours ouvrables par rapport au planning, ce retard étant imputable au mouvement des gilets jaunes.
– les cinquième et sixième phases de livraisons sont quant à elles intervenues respectivement le 06 décembre 2018 et le 14 décembre 2018 (pièce n°6 de la société EUROVIA) soit trois jours de retard chacune par rapport au planning.
– la défenderesse aurait tout au plus pu se prévaloir d’une indemnité calculée sur une base de six jours maximums et le calcul sur 12,5 jours est injustifié.
– le préjudice allégué n’est pas imputable à la société CALMINIA, dès lors qu’il n’est pas établi que du personnel et du matériel auraient été maintenus sur le chantier uniquement du fait du retard de livraison des pierres. La SAS EUROVIA se devait en tout état de cause de maintenir ses équipes et équipements sur place jusqu’à achèvement des travaux, outre la pose des pierres.
Il n’existe strictement aucun lien de causalité entre les retards de livraisons allégués et les préjudices, au demeurant injustifiés, invoqués par la SAS EUROVIA.
– la compensation opérée est irrégulière, dès lors la somme retenue au titre des indemnités de retard, sans caractère contractuel, ne présente pas un caractère certain. Il lui appartenait de régler immédiatement l’intégralité des factures de la société CALMINIA, et le jugement doit être confirmé.
Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.
Vu l’ordonnance de clôture en date du 23/02/2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
L’article 1134 ancien du code civil dispose que :
« Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi. »
Le principe de ces dispositions est repris désormais aux articles 1103 du code civil : ‘ les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits,’ et 1104 du code civil ‘les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi’.
L’engagement de la responsabilité contractuelle trouve son fondement dans l’article 1231-1 du code civil (1147 ancien) qui dispose que ‘le débiteur est condamné, s’il y a lieu, à paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure’.
L’article 1353 du même code dispose que ‘celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation’.
L’article 1217 du code civil dispose que ‘la partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut :
– refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation ;
– poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation ;
– obtenir une réduction du prix ;
– provoquer la résolution du contrat ;
– demander réparation des conséquences de l’inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter’.
L’article 1611 du même code précise : ‘dans tous les cas, le vendeur doit être condamné aux dommages et intérêts, s’il résulte un préjudice pour l’acquéreur, du défaut de délivrance au terme convenu’.
Sur la demande en paiement de la société SAS CALMINIA :
Dans le cadre de travaux d’aménagement confiés à la société EUROVIA PCL par la commune de [Localité 4], la société EUROVIA a pris attache auprès de la
société CALMINIA pour la fourniture de pavés et de bordures.
Le 1 er juillet 2016, la société CALMINIA a établi un devis d’un montant de 253 243,26 € T.T.C.
La société SAS EUROVIA a retenu la somme de 20 532 € T.T.C. sur le montant de la facture n°0000390 éditée par CALMINIA, en date du 30 novembre 2018, à titre de pénalités de retard.
Il est néanmoins établi et non contesté que les matériaux commandés ont été effectivement livrés et employés, de sorte que la somme de 20 532 € T.T.C. reste due à la société CALMINIA, la société SAS EUROVIA POITOU CHARENTES LIMOUSIN devant être condamnée à son paiement, par confirmation du jugement entrepris sur ce point, avec intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 2019, date de l’assignation.
Sur le retard de livraison :
Les conditions générales du contrat prévoient à l’article 6.2 : ‘Les produits sont livrés à la date ou dans le délai indiqué sur la confirmation de commande, une fois le règlement de cette commande effectué’.
Toutefois, une modification manuscrite de ces conditions générales a été ajoutée postérieurement à la confirmation de la commande, intervenue après accord sur la modification du prix sollicité par la société CALMINIA.
Sur ce point, la société EUROVIA indique par ses écritures que le 3 octobre 2018, elle a accepté la majoration de prix imposée par la société CALMINIA et adressé à cette dernière une confirmation de la commande avec les nouveaux prix négociés.
La modification des conditions générales de vente est ainsi libellée :
‘- les conditions de la confirmation de commandes sont prioritaires.
– paiement du prix à 45 jours par virement.
– transport pris en charge par vos soins (prix France)
– réception de la livraison à la signature du BL au déchargement réalisé par nos soins.
– respect du planning de livraison du 24/09/2018″.
Si la société CALMINIA soutient que ces modifications ne lui seraient pas opposables, dès lors qu’elle ne les aurait ni signées ni acceptées et que l’article 6.2 des conditions générales demeurerait applicable, elle n’en a pas moins exécuté la commande après avoir reçu la confirmation de commande assortie de ces ajouts, et elle ne fait état ni ne justifie d’aucunes réserves ni opposition faites à leur endroit. En outre, elle a effectivement procédé à l’ensemble des livraisons prévues sans paiement préalable, dont il convient de déduire son acceptation de ces dispositions.
S’agissant des retards de livraison et de leur imputabilité, les matériaux commandés devaient être acheminés en six livraisons réparties comme suit :
– Livraison n°01 prévue pour la 44 ème semaine de 2018, soit du 29 octobre 2018 au 04 novembre 2018 ;
– Livraison n°02 prévue pour la 45ème semaine de 2018, soit du 05 novembre 2018 au 11 novembre 2018 ;
– Livraison n°03 prévue pour la 46ème semaine de 2018, soit du 12 novembre 2018 au 18 novembre 2018 ;
– Livraison n°04 prévue pour la 47ème semaine de 2018, soit du 19 novembre au 25 novembre 2018 ;
– Livraison n°05 prévue pour la 48ème semaine de 2018, soit du 26 novembre 2018 au 02 décembre 2018 ;
– Livraison n°06 prévue pour la 49ème semaine de 2018, soit du 03 décembre au 10 décembre 2018.
Si les 3 premières livraisons n’ont pas donné lieu à difficulté, la quatrième livraison est intervenue le 03 décembre 2018, soit un retard de cinq jours ouvrables par rapport au planning du 11 octobre 2018.
Les cinquième et sixième phases de livraisons sont intervenues respectivement le 06 décembre 2018 et le 14 décembre soit quatre jours de retard chacune par rapport au planning, soit un retard cumulé de 13 jours, tel que retenu par la société EUROVIA.
Sur l’imputabilité de ces retards effectifs, il résulte des comptes rendus de chantiers des 26 novembre et 3 décembre 2018 versés aux débats :
‘ Pose du pavage suspendu au droit du N°3 en l’absence d’approvisionnement’.
Contact « CALMINIA » pour délais de livraison des pavés (fait)
L’architecte a appelé CALMINIA pour le relancer .
Pose du pavage « CALMINIA » suspendu sur l’ensemble du chantier en l’absence d’approvisionnement
Aucun avancement en termes de pavage car l’entreprise n’a à ce jour toujours pas été livrée’.
Il résulte de ces observations non contredites utilement que le retard de livraison des pierres de la part de la société CALMINIA a, faute de leur présence, perturbé l’avancement prévisible du chantier.
Le fait que le maître de l’ouvrage n’ait pas lui- même appliqué à la société EUROVIA de pénalité de retard n’influe pas sur le préjudice économique qu’invoque cette société.
Celle-ci procède au calcul suivant, au titre du coût de l’emploi de ses personnels et matériels
– Responsable de chantier : 12,5 jours X 540 €/jour = 6750 €
– 2 manoeuvres : 12,5 jours X 302 € /jour = 7550 €
– chargeuse + fourches : 12,5 jours X 96 €/jour = 1200 €
– petit matériel : 12,5 jours X 46 €/jour = 575 €
– Régie équipe manoeuvre pose, 2 X 2 h X 98 € = 392 €
soit un total de 19 760,40 € T.T.C.
La société CALMINIA soutient l’existence de conditions de force majeure exonérant sa responsabilité, soit la perturbation liée à des commandes de dernière minute, la tardiveté de l’accord quant à la commande, et l’impact du mouvement des gilets jaunes sur ses livraisons.
Sur ce dernier point, la société EUROVIA a retenu l’influence de ce mouvement dans son calcul, à hauteur d’une demi-journée sur 13 jours, et la société CALMINIA ne verse à l’appui de sa critique de ce calcul aucune pièce ni éléments précis lui permettant de démontrer que le blocage de ses livraisons aurait été lié effectivement au mouvement des gilets jaunes.
De même, si elle fait état de modifications des commandes initialement prévues de la part de la société EUROVIA, elle ne justifie nullement de telles modifications, le mail de M. [L] pour EUROVIA en date du 11 octobre 2018 indiquant seulement ‘ci-joint confirmation de la commande du 24 septembre, avec prix ‘augmentés’ de 5% et planning livraison. Cordialement’.
Il s’avère que la seule modification évoquée était l’augmentation du prix, tel que sollicité par CALMINIA.
Enfin, il ne peut être reproché à la société appelante la tardiveté de son accord, après négociation sur le prix demandé, dès lors que le planning était accepté par la société CALMINIA.
Ainsi, cette société ne justifie d’aucune circonstance relevant de la force majeure et pouvant l’exonérer de sa responsabilité.
Par contre, il appartient à la société SAS EUROVIA de démontrer que le préjudice qu’elle invoque à hauteur de la somme de 19 760,40 € TTC serait entièrement imputable au défaut de livraison des pierres par la société CALMINIA.
Or, il résulte du procès verbal de chantier en date du 3 décembre 2018 que la SAS EUROVIA poursuivait différents travaux, soit
– le terrassement d’un bassin et des ouvrages amont et aval,
– réalisation d’un réseau d’eau pluviale, pour la pose de buse et pour la création d’un fossé,
– fabrication et la pose de « dessus d’ouvrages,
– réalisation d’un mur de soutènement,
– réalisation de travaux sur des murets au niveau de l’église,
– préparation de fosses d’arbres,
– création d’un fossé de collecte entre le bas de la place de Verdun et le cheminement depuis les douves.
S’agissant de ces travaux, la SAS EUROVIA ne verse pas aux débats d’éléments permettant de déterminer si ces travaux restant à exécuter étaient en relation effective avec la pose des pierres manquantes du fait du retard de livraison de la société CALMINIA.
Faute d’établir ce lien, et dès lors que des travaux restaient à exécuter en tout état de cause, l’indemnité due par la société CALMINIA sera évaluée à la somme T.T.C. de 9 880,20 €, soit 50 % de ses frais calculés.
Cette somme indemnitaire portera intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt.
Il y a lieu d’ordonner la compensation des sommes objets de condamnation, telle que sollicitée, et leur capitalisation sera ordonnée par année entière.
Sur les dépens et l’application de l’article 699 du code de procédure civile:
Il résulte de l’article 696 du code de procédure civile que ‘ La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. (…).’
Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens d’appel seront fixés à la charge de la société SAS EUROVIA POITOU CHARENTES LIMOUSIN qui demeure condamnée à paiement au principal, sans qu’il y ait lieu à autres précisions quant aux frais d’exécution.
Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile :
Il est équitable de dire que chaque partie conservera la charge de ses propres frais non répétibles sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a :
– condamné la société EUROVIA à verser à la société CALMINIA la somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Statuant à nouveau et y ajoutant,
CONDAMNE la société SAS CALMINIA à verser à la société SAS EUROVIA POITOU CHARENTES LIMOUSIN la somme de 9 880,20 € au titre de l’indemnisation de son préjudice lié aux retards de livraison, avec intérêt au taux légal à compter de la signification du présent arrêt.
DIT que la somme de 20 532 € due par la société SAS EUROVIA POITOU CHARENTES LIMOUSIN à la société SAS CALMINIA portera intérêt au taux légal à compter du 13 novembre 2019, date de l’assignation.
DIT que ces intérêts seront capitalisés par années entières.
ORDONNE la compensation de ces sommes.
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires.
DIT que chaque partie conservera la charge de ses propres frais et dépens sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause de première instance et d’appel.
CONDAMNE la société SAS EUROVIA POITOU CHARENTES LIMOUSIN aux dépens d’appel, étant rappelé que les dépens de première instance restent répartis ainsi que décidé par le premier juge.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,